compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Serge Larcher,
M. Jean-Pierre Leleux.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Débat sur le bilan annuel de l'application des lois
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan annuel de l’application des lois (rapport d’information n° 495).
Mes chers collègues, dans le cadre des travaux du groupe de réflexion sur nos méthodes de travail, j’avais réaffirmé l’importance que nous attachions au contrôle parlementaire, qui est, pour nous, je pense, une priorité de même rang que la fonction législative. À nous de concilier, dans notre agenda, cette double fonction !
Je vous rappelle les termes du premier alinéa de l’article 24 de la Constitution, tel qu’il est rédigé depuis 2008 : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. »
La notion de contrôle recouvre une grande diversité : on dénombre au Sénat, en moyenne, 5 000 questions écrites par an – à cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je vous rappelle de nouveau notre attachement aux délais de réponse du Gouvernement, notamment sur des questions qui sont importantes par rapport à l’actualité, qu’elle soit législative ou simplement événementielle –, auxquelles s’ajoutent les questions orales du mardi matin et les questions d’actualité au Gouvernement.
Le contrôle est l’une des marques du Sénat : la Haute Assemblée a en effet, selon moi, une place particulière pour contrôler avec détermination et efficacité, au-delà de la confrontation politique, qui est naturelle dans une démocratie.
La parole à M. le président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études.
M. Claude Bérit-Débat, président de la délégation du bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les présidents des commissions permanentes, mes chers collègues, comme tous les ans depuis 2012, nous voici réunis en séance publique pour faire le point sur l’application des lois, en présence de M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Cette année, vous aurez cependant noté deux différences importantes de procédure : tout d’abord, nous siégeons en salle Clemenceau, qui est sans doute plus appropriée que l’hémicycle pour un débat de contrôle de ce type ; ensuite, comme l’a décidé le bureau du Sénat, la synthèse des observations des commissions permanentes m’a été confiée, en ma qualité de président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études.
Les années précédentes, ce travail était effectué par une instance ad hoc présidée par notre collègue David Assouline, dont je tiens à saluer l’excellence du travail. Tirant les conséquences de la révision constitutionnelle de 2008, il a beaucoup contribué à diffuser la nouvelle culture du contrôle et de l’évaluation.
Au-delà des différences formelles, l’essentiel est la vigilance inlassable que le Sénat exerce depuis plus de quarante ans sur une bonne mise en application des lois votées par le Parlement.
Vous trouverez dans mon rapport écrit tous les chiffres et toutes les données qualitatives de la dernière session, en l’occurrence l’année parlementaire 2013-2014.
Ce matin, je me contenterai donc d’en récapituler les points essentiels, tels que j’ai pu les présenter en conférence des présidents le 27 mai dernier.
Les données ont été élaborées à partir des bilans détaillés des commissions permanentes et des statistiques de la direction de la législation et du contrôle du Sénat, après recoupement avec les chiffres quasi concordants du Secrétariat général du Gouvernement.
Nous avons également eu l’honneur et le plaisir de recevoir le nouveau Secrétaire général du Gouvernement, M. Marc Guillaume, le 19 mai dernier, quelques semaines seulement après son entrée en fonctions, en présence des présidentes et présidents des commissions permanentes ou de leur représentant.
Je retiendrai sept points de ce bilan.
Premièrement, la production législative a été soutenue. Sur l’année, 66 lois ont été promulguées, hors conventions internationales, contre 50 l’année précédente, soit une augmentation de plus de 30 %. Sur l’ensemble, 40 % des lois ont été d’initiative parlementaire, et le Sénat, avec 9 propositions de loi, a été à lui seul à l’origine de presque une loi sur sept.
Deuxièmement, en nombre de lois, le pourcentage d’application totale ou partielle a atteint 94 % ; mais, comme je l’explique dans mon rapport écrit, ce chiffre impressionnant n’a qu’une signification relative. En effet, 27 des 66 lois de l’année n’appelaient aucune mesure réglementaire et étaient donc « d’application directe ».
Troisièmement, le décompte par mesure sur l’ensemble de la législature, donc depuis le 20 juin 2012, me semble plus révélateur. Le Secrétaire général du Gouvernement annonce à ce jour un taux de 65 %, qui rejoint nos propres estimations.
Nous avons également établi le pourcentage de parution des textes nécessaires à la mise en œuvre des mesures législatives de la précédente session, qui s’élève à ce jour à 55 %. Là encore, il s’agit d’un simple indicateur tendanciel, qui ne prend pas en compte tous les textes déjà parus ou encore à paraître après le 31 mars 2015.
Au total, on peut considérer que le taux réel d’application des lois tourne aujourd’hui autour de 65 %.
Ce taux appelle deux observations de ma part.
De prime abord, on pourrait le juger insuffisant, ou regretter qu’il stagne depuis cinq ans. Certes, il y a encore des progrès à attendre, mais le taux actuel est tout de même très supérieur aux pourcentages calamiteux observés avant 2010, lesquels tournaient entre 15 % et 30 %.
Ensuite, ce pourcentage global masque de gros écarts entre les différentes commissions, avec, par exemple, seulement 30 % pour les lois relevant de la commission des affaires économiques, contre 95 % pour les textes relevant de la commission de la culture. De son côté, le Secrétaire général du Gouvernement a reconnu que des écarts sensibles existaient entre les ministères.
Quatrièmement – et c’est une autre tendance dans la durée –, sur 54 lois votées au début de la XIVe législature, du 20 juin 2012 au 30 septembre 2013, seules 2 lois n’ont encore connu aucun début de mise en application. Autrement dit, le stock de lois durablement inappliquées n’augmente pas, même s’il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives.
Cinquièmement, s’agissant des délais de publication, une circulaire de février 2008 donne aux ministères six mois à compter de la promulgation d’une loi pour faire paraître leurs textes. En pratique, ce délai est rarement respecté en raison de la complexité du processus de rédaction des décrets.
Là encore, la charge de travail est très inégale selon les ministères : certains sont submergés de décrets quand d’autres n’en rédigent presque jamais. L’an dernier, seulement 30 % des textes d’application sont sortis dans les six mois ; mais ce pourcentage n’a rien d’alarmant, car, en général, les dépassements restent dans la limite du raisonnable : sur 491 décrets d’application de la précédente session, 86 % sont sortis en moins d’un an.
Au total, le délai moyen de parution des décrets d’application tourne autour de huit mois et cinq jours.
Sixièmement, cette année encore, monsieur le secrétaire d’État, le seul vrai point noir réside dans le dépôt – je devrais plutôt évoquer « l’absence de dépôt » – des rapports demandés par le Parlement.
Sur la moyenne des dix dernières sessions, seulement 60 % des lois demandant un rapport ont été suivies d’effet. Cette lacune est certes dénoncée depuis des années, mais la situation ne s’améliore pas au fil des sessions. Ce constat devrait nous conduire à nous interroger sur les raisons de ce phénomène. Peut-être demandons-nous trop de rapports ? Force est de constater qu’un rapport est aussi, assez souvent, une concession du Gouvernement en échange du retrait d’un amendement. Aussi, il est permis de s’interroger sur ce type de pratique…
Cependant, le constat est là, et quelles qu’en soient les raisons, bonnes ou mauvaises, le défaut de remise des rapports est une atteinte regrettable à l’exercice par le Sénat de sa fonction constitutionnelle de contrôle.
Enfin, septièmement, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur un point d’ordre plus qualitatif : la pratique montre que, assez souvent, les textes d’application ne sont pas pleinement fidèles aux lois qu’ils sont censés appliquer.
On assiste même parfois à un phénomène de distorsion cumulative : le décret s’écarte un peu de la loi, puis la circulaire s’écarte à son tour du décret, et, d’interprétation en interprétation, le droit appliqué sur le terrain n’est plus conforme à l’intention initiale du législateur. Les élus locaux ont trop souvent l’occasion d’observer des situations de ce genre.
J’ai fait état de ce phénomène lors de l’audition du Secrétaire général du Gouvernement et il conviendra d’y réfléchir. D’autres pistes de réflexion ont été évoquées lors de cette audition, en particulier sur les retards dans les réponses ministérielles aux questions des sénateurs, mais le temps me manque pour les développer.
En conclusion, je crois légitime de dire que les chiffres de 2013-2014, sans être exceptionnels, vont dans le bon sens. Il faut en donner acte au Gouvernement, car il a pris cette question à bras le corps, la coordination étant effectuée par vos soins, monsieur le secrétaire d’État. Une communication mensuelle en conseil des ministres est désormais réalisée à cet égard, innovation dont on ne peut que se réjouir.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les procédures et les techniques du contrôle évoluent d’une année sur l’autre, mais l’application des lois reste un combat de tous les jours. Le Sénat et ses commissions permanentes s’y impliquent activement, et y déploient une grande expertise. Ce travail constitue, à mes yeux, une activité de contrôle parlementaire au meilleur sens du terme : non pas un combat contre le Gouvernement, mais un effort aux côtés du Gouvernement et au service de nos concitoyens. Cette démarche démocratique est essentielle, car la loi votée par le Parlement exprime la volonté générale, et il importe d’en faire, à tous les niveaux, l’application la plus fidèle et la plus rapide possible.
M. le président. Monsieur le président de la délégation du Bureau, je vous remercie de cette synthèse, ainsi que du rapport d’information qui est à la disposition de chacune et de chacun de nos collègues.
Je vais maintenant donner la parole aux présidents des commissions ou à leurs représentants.
La parole est à M. Michel Houel, au nom de la commission des affaires économiques.
M. Michel Houel, au nom de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le président de la commission des affaires économiques, M. Jean Claude Lenoir, qui ne peut être présent ce matin au Sénat vous prie de l’excuser. Il m’a demandé de présenter le bilan d’application des lois relevant du champ de compétences de la commission des affaires économiques pour la session parlementaire 2013-2014.
Sur les 34 lois dont l’application est suivie cette année par la commission des affaires économiques, 14 sont totalement applicables. Comme l’année dernière, il est à noter qu’aucune loi figurant dans le bilan n’apparaît comme totalement inappliquée.
L’activité législative de la commission a été soutenue durant la session parlementaire 2013-2014, avec l’adoption de cinq projets de loi importants, tant par leur contenu que du fait de la longueur de certains d’entre eux, prévoyant un nombre impressionnant de mesures réglementaires d’application. Trois propositions de loi ont également été votées au cours de la période de référence : deux sont d’origine sénatoriale et directement applicables.
L’étude des vingt lois qui ne sont que partiellement applicables aboutit à un bilan plus contrasté.
L’exemple le plus emblématique en est la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », qui comporte 210 renvois vers des décrets ou arrêtés.
Je pense, à titre personnel, que cette loi doit être retravaillée et scindée en deux parties. Autant on peut considérer que la partie relative aux rapports entre locataires et propriétaires est relativement bien ajustée, autant on peut estimer que la mise en œuvre des dispositions relatives à l’urbanisme de la loi ALUR se révèle catastrophique dans de nombreuses communes, entraînant de la part des élus une véritable levée de boucliers. Élu d’un secteur sensible du nord de la Seine-et-Marne, je peux vous certifier que l’application de cette loi dans ma commune laisse à désirer : quand la commune dispose de 1 000 mètres carrés de terrain constructible et que 1 000 autres mètres carrés se libèrent à côté, on est obligé de faire trois lots et, du coup, les véhicules sont garés dans la rue ! Il faudrait vraiment revoir les choses.
À ce jour, la loi ALUR affiche un taux de parution des textes réglementaires très bas qui s’établit à 16 %, puisque 33 mesures seulement ont été prises jusqu’à présent.
Il est à noter que la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives et le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques en cours d’examen, modifient plusieurs dispositions de la loi ALUR. Les conséquences de ces modifications sur les mesures réglementaires à prendre sont, à ce stade, encore difficiles à évaluer, mais l’abandon de certains dispositifs est probable.
Deux autres lois votées durant l’année parlementaire 2013-2014 affichent un taux d’application peu satisfaisant, avec un peu plus d’un quart des mesures réglementaires attendues déjà publiées. Il s’agit, respectivement, de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, avec 28 % des mesures prises, et de la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, avec un taux d’application de 26 % seulement.
Lorsque l’on examine plus en arrière le stock des lois suivies par la commission, force est de constater que très peu de mesures réglementaires – moins d’une dizaine – ont été prises concernant les lois antérieures à 2013, à quelques rares exceptions.
Sur les 34 lois dont l’application est suivie cette année par la commission des affaires économiques, une seule a fait l’objet de la remise d’un rapport en vertu de l’article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit depuis le bilan établi en 2013. Le rapport relatif à la mise en application de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a été remis au Parlement le 26 décembre 2014, soit plus de neuf mois après la promulgation du texte au lieu des six mois fixés par la loi de 2004.
Comme l’année dernière, il faut enfin déplorer la grave défaillance dont fait parfois preuve l’administration en ce qui concerne la remise des rapports au Parlement. Les chiffres sont éloquents : trois rapports seulement ont été rendus au cours de la période étudiée cette année sur les textes que nous avons suivis. Pour mémoire, les lois votées sur la période allant du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 prévoyaient au total la remise de 27 rapports. La loi ALUR, à elle seule, devait faire l’objet de neuf rapports, dont aucun n’a pour l’instant vu le jour.
L’inefficacité de la mesure étant depuis longtemps démontrée, je crois, mes chers collègues, qu’il nous faut absolument combattre cette solution de facilité qui consiste à prévoir la remise d’un rapport sur un dispositif dont on ne peut obtenir l’adoption dans la loi, car ces rapports nous coûtent très cher.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, la commission des affaires économiques a dû traiter un volume législatif très important ces dernières années. Plusieurs centaines de textes d’application sont attendus et le rythme s’accélère. Dans ces conditions, il ne faut guère s’étonner que l’application des lois ne puisse être satisfaisante. La commission des affaires économiques a une solution à vous proposer : il suffirait de moins légiférer !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères.
M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme chacun le sait, l’essentiel de l’activité législative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées consiste en l’examen de projets de loi autorisant la ratification ou l’approbation de traités ou d’accords internationaux.
Ainsi, au cours de la session parlementaire 2013-2014, le Sénat a adopté 22 accords internationaux relevant de la compétence de la commission. Certains de ces accords n’ont pas encore été examinés par l’Assemblée nationale et toutes les lois n’ont donc pas été promulguées. Toutefois, les conventions n’entrent pas dans le champ du bilan que nous dressons aujourd’hui.
En dehors des conventions, deux lois relevant du domaine de compétence de la commission des affaires étrangères ont été promulguées au cours de la session 2013-2014 : la loi du 18 décembre 2013 de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 – c’est une loi que le Sénat souhaite pouvoir actualiser prochainement – et la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Ces deux lois de programmation ont constitué deux rendez-vous législatifs importants. La commission des affaires étrangères s’est également saisie pour avis de la loi du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires.
À la date du 31 mars 2015, la commission suit l’application de cinq lois adoptées jusqu’au 30 septembre 2014 et applicables à des degrés divers.
Le bilan fait apparaître plusieurs motifs de satisfaction.
En premier lieu, la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale a été rendue totalement applicable moins de six mois après sa promulgation.
En deuxième lieu, et contrairement au précédent bilan de l’application des lois, parmi les textes suivis par la commission ne figure plus une seule loi qui soit « totalement inapplicable ». Une des mesures réglementaires que nous attendions depuis trois ans pour permettre l’application au moins partielle de la loi du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure vient d’être prise sous la forme d’un décret en Conseil d’État du 16 mars 2015 portant amélioration et simplification des règles de gestion de la réserve militaire.
Le rapport d’information publié par la commission pour le contrôle de l’application des lois, en juillet 2014, avait considéré que « l’absence des décrets d’application d’une loi censée garantir la continuité de la vie nationale trois ans après sa promulgation » était « une situation tout à fait anormale » et préconisait que les décrets d’application soient publiés dans les plus brefs délais. Cette analyse prend toute sa dimension dans le contexte des attentats de janvier 2012 et de la mobilisation de nos forces armées sur le territoire national dans le cadre de l’opération « Sentinelle ». Le projet de loi d’actualisation de la loi de programmation militaire, que nous examinerons en juillet, prévoit que le nombre de réservistes soit augmenté de manière significative. Ce contexte de particulière gravité nous a conduits, monsieur le président, à l’accélération du calendrier que nous appelions de nos vœux.
En troisième lieu, la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019, dont nous examinerons prochainement l’actualisation, a reçu 94 % des mesures réglementaires attendues, avec vingt mesures réglementaires prises au 31 mars 2015. J’attire votre attention sur les trois derniers décrets en Conseil d’État publiés le 29 mars 2015 relatifs à la lutte contre la cybercriminalité. La récente attaque dont a été victime TV5 Monde en souligne toute la nécessité.
J’ajoute que la commission a bien reçu, en juin 2014, le rapport sur l’exécution de la loi de programmation militaire préalablement au débat d’orientation budgétaire, rapport qui est prévu par l’article 10 de la loi, ainsi que les deux bilans semestriels détaillés demandés par l’article 8, qui ont été reçus respectivement en juin et en octobre 2014. Le ministre de la défense est venu lui-même nous présenter ces rapports devant la commission.
En quatrième lieu, un rapport global sur la mise en application de cette loi a été déposé au Parlement le 28 juillet 2014, soit sept mois après sa promulgation, en application de l’article 67 de la loi de 2004 de simplification du droit. En dépit de ce mois de retard, la commission en a pris acte avec satisfaction, d’autant qu’il a été précédé par l’envoi à la commission, en juin 2014, d’un rapport du ministère de la défense présentant son analyse de la mise en œuvre de cette programmation. Ce document très complet faisait l’objet d’une diffusion restreinte.
La commission exprime néanmoins un regret, celui de ne pas avoir reçu, en temps et en heure, le rapport d’application pour la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, qui aurait dû être transmis au Sénat au plus tard le 7 janvier 2015. Ce rapport vient de nous être transmis au début du mois de mai. Ce retard est d’autant plus regrettable que tous les textes d’application attendus ont bien été pris moins de six mois après la promulgation de cette loi.
En conclusion, monsieur le président, nous vous présentons ce bilan assorti d’une appréciation plutôt positive.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au vu du bilan établi par la commission des affaires sociales, je ne peux qu’appuyer les principaux constats dressés par le président Claude Bérit-Débat.
Tout d’abord, le niveau de mise en application des lois relevant de notre commission paraît nettement plus satisfaisant que par le passé. Au 31 mars dernier, 78 % des mesures attendues pour les textes de l’année 2013-2014 étaient adoptées.
Ce taux est quasiment identique à celui qui avait été constaté l’année précédente à la même période, alors même que le nombre de dispositions à appliquer a doublé d’une année sur l’autre, passant de 132 à 265, et que nous nous situons à un niveau historiquement élevé de production législative dans le champ social.
Il faut saluer ce réel progrès, tout en souhaitant, bien entendu, que les efforts de mise en application rapide soient poursuivis.
Ce satisfecit doit cependant être nuancé par un deuxième constat, qui est d’ailleurs récurrent : celui de fortes disparités selon les textes.
Ainsi, les textes qui traduisent les priorités de la politique gouvernementale sont, en général, rapidement mis en œuvre. Tel est le cas des lois de financement de la sécurité sociale, de la loi sur les retraites ou de la loi sur la formation professionnelle.
Nous avons le sentiment que l’exécutif est parfois moins empressé de mettre en œuvre certains textes d’origine parlementaire.
Nous avons évoqué en commission l’application à la fonction publique de la loi permettant le don de jours de repos à un parent d’enfant gravement malade. Les décrets ont finalement été publiés au Journal officiel voilà quelques jours, le 29 mai.
Nous nous sommes également inquiétés de l’absence de parution, à ce jour, du décret nécessaire à l’expérimentation des maisons de naissance, alors que le cahier des charges de cette expérimentation a été défini en septembre 2014 par la Haute Autorité de santé. Je rappelle que cette loi a été initiée au Sénat par notre ancienne collègue Muguette Dini et que le décret est nécessaire pour sécuriser le cadre juridique ainsi que le financement des maisons de naissance qui n’existent aujourd’hui que sous la forme de projets pilotes.
Nous constatons aussi, pour certaines dispositions, des délais d’application anormalement longs. Il s’est écoulé cinq ans entre la parution de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST » de 2009 et celle, en août 2014, du décret d’application de son article 8, lequel ouvre la possibilité de créer des fondations hospitalières associant des acteurs publics ou privés de la recherche clinique. Et c’est il y a un mois à peine qu’est paru le décret approuvant les statuts de la fondation hospitalière « Assistance publique-Hôpitaux de Paris pour la recherche ».
À l’inverse, il faut reconnaître qu’une parution très rapide des textes réglementaires n’est pas toujours non plus gage d’efficacité. Nous le voyons avec les difficultés liées à l’application des décrets relatifs au compte personnel de prévention de la pénibilité, qui ont contraint le Gouvernement à revenir en partie sur le dispositif dans le projet de loi sur le dialogue social.
M. Claude Bérit-Débat a également évoqué, dans son rapport, la question essentielle de la conformité des textes d’application avec l’intention du législateur.
Les cas de divergence existent. Par exemple, l’arrêté de février 2015, relatif à l’article 28 de la loi de bioéthique de juillet 2011 sur les conditions de formation et d’expérience des praticiens exerçant les activités d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, n’a que très partiellement satisfait, à nos yeux, l’amendement du Sénat qui visait à établir des règles de bonnes pratiques en la matière. En effet, cet arrêté ne fixe pas les critères que nous attendions pour définir de manière objective la marge d’appréciation laissée aux praticiens s’agissant de l’adéquation entre les caractéristiques physiques des parents et celles du donneur.
Enfin, je confirme le faible taux de remise de rapports au Parlement, qui invite, me semble-t-il, à davantage de discernement dans les demandes formulées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, ce bilan contrasté s’inscrit dans une tendance qui nous paraît néanmoins plutôt positive. Je suis convaincu qu’elle pourra l’être davantage encore avec une meilleure préparation et évaluation préalables des textes et une attention renforcée de l’exécutif aux dispositions issues de l’initiative parlementaire.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture.