M. François Calvet. Quel toupet !
M. Philippe Kaltenbach. … le groupe socialiste, conscient par ailleurs des nombreux aspects positifs du présent projet de loi, s’abstiendra sur le texte proposé aujourd'hui au vote du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quelle conviction !
M. Philippe Kaltenbach. Cette abstention sera pleine d’attentes quant à la future commission mixte paritaire et dit aussi notre disponibilité pour faire aboutir celle-ci !
Le groupe socialiste souhaite vivement que sénateurs et députés parviennent à trouver un point d’équilibre sur les points demeurant en discussion. Nous attendons de l’Assemblée nationale qu’elle entende notre refus, clairement exprimé ici sur de nombreuses travées, de l’élection des conseillers communautaires au suffrage supra-communal. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous attendons, également, qu’elle ne crée pas ce Haut Conseil des territoires dont personne ici ne veut. (Mêmes mouvements.)
M. Hubert Falco. Bravo !
M. Philippe Kaltenbach. Par ailleurs, nous ne souhaitons pas la révision à la hausse de la minorité de blocage pour le transfert de la compétence relative aux plans locaux d’urbanisme, les PLU, à l’échelle intercommunale.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Kaltenbach. Selon nous, ces trois points ne sont pas négociables.
Toutefois, pour que l’Assemblée nationale nous entende, mes chers collègues, il faudra aussi que vous sachiez entendre ce qu’elle dit. Nous ne pouvons arriver en commission mixte paritaire en disant que notre texte est parfait et qu’il n’y faut rien changer.
M. le président. Il faut vraiment conclure, mon cher collègue !
M. Philippe Kaltenbach. Nous devons donc être vigilants et obtenir des ouvertures sur le seuil à 15 000 habitants.
Au vu de tous ces éléments, je le répète, le groupe socialiste s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe écologiste.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après une semaine de débats qui, je l’avoue, ne m’a pas toujours enthousiasmé, je suis rentré ce week-end en Loire-Atlantique, où j’ai déjeuné avec plusieurs élus locaux de petites communes et – j’insiste sur ce point – de sensibilités politiques diverses. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Vous avez bien fait !
M. Ronan Dantec. Ce n’était pas sans inquiétude, après qu’ici, au Sénat, nombre de mes éminents collègues avaient relayé avec force ce mal-être des élus de terrain, comptant les jours avant la disparition inéluctable des communes, se sentant délaissés, pour ne pas dire méprisés par les élus régionaux ou métropolitains. Je me voyais déjà voué aux gémonies pour le soutien que le groupe écologiste avait apporté au renforcement des conseils de développement et aux grands principes de cette réforme, autour du couple régions-intercommunalités.
M. Pierre-Yves Collombat. Mais non !
M. Ronan Dantec. J’aurais sans doute dû enregistrer nos échanges, tant ils furent éclairants et inattendus.
La plus forte critique porte sur la remise en cause du seuil des 20 000 habitants pour les intercommunalités. Je vous promets que je n’invente rien ! Je me trouvais en compagnie d’élus qui avaient anticipé la réforme et préparé la nouvelle carte et qui se trouvaient désorientés par le fait que le Sénat ait fait machine arrière toute. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
J’ai même dû les rassurer sur le fait que le rétablissement du seuil des 5 000 habitants ne survivrait probablement pas à la commission mixte paritaire.
M. Michel Bouvard. Chez nous, cela inquiète !
M. Ronan Dantec. Engagés dans une dynamique, conscients des enjeux d’évolution rapide des territoires, ces élus de terrain m’ont parlé renforcement des mutualisations et fusions des communes...
M. Pierre-Yves Collombat. Qu’ils le fassent !
M. Ronan Dantec. De nombreux projets existent en Loire-Atlantique aujourd'hui : ils sont à des années-lumière des débats qui nous occupent !
Ces élus ont défendu devant moi les conseils de développement dont ils ont déjà l’expérience et qui leur semblent une réponse intéressante pour remobiliser des habitants parfois plus consommateurs de services publics que véritables citoyens.
Mes chers collègues, ce que je vous raconte aujourd'hui, c’est aussi la réalité de la France des territoires du XXIe siècle, une France qui ne se résume pas au repli, au refus de toute réforme, à la méfiance vis-à-vis du territoire d’à côté. Je ne nie pas que des territoires souffrent. (M. Éric Doligé acquiesce.) J’en connais et j’interviens aussi en leur faveur. Toutefois, au lieu de leur apporter une réponse adéquate, le Sénat, en détricotant nombre d’aspects qui constituent l’essence même de ce texte, ne leur a pas rendu service.
Nous aurions dû ici discuter de la réforme fiscale, d’une dotation globale de fonctionnement plus lisible et solidaire. Nous aurions dû faire preuve d’audace pour une péréquation fiscale régionale qui distribue sur l’ensemble du territoire les richesses créées, notamment dans les métropoles.
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ah !
M. Ronan Dantec. Nous aurions dû discuter du renforcement de la prescriptivité des schémas régionaux pour imposer un aménagement du territoire plus équilibré.
Nous avons fait l’inverse, allant même jusqu’à parler parfois des régions comme d’une menace pour les territoires ! Il ne manque plus qu’une proposition de loi pour supprimer les régions, mais je compte sur Roger Karoutchi pour la déposer. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Roger Karoutchi. Peut-être… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Ronan Dantec. De nombreuses raisons nous invitent donc à voter contre ce texte, tel qu’il a été amendé, aux prescriptivités réduites et aux échéances toujours repoussées. Nous ne le ferons pas et choisirons l’abstention (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains),…
M. François Grosdidier. L’abstention positive ou l’abstention négative ?...
M. Ronan Dantec. … défendant ainsi les quelques rares avancées issues des travaux de la Haute Assemblée.
La création d’une collectivité territoriale unique pour la Corse a été confirmée. Il s’agit d’une avancée réelle, qui acte les différences entre territoires de la République. Un tel progrès aurait aussi pu concerner l’Alsace ; néanmoins, je ne rouvre pas ce débat douloureux, d’autant que vous connaissez mon soutien à la collectivité unique d’Alsace.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Ronan Dantec. Nous regrettons néanmoins la suppression de la faculté de créer une redevance de mouillage dans les aires marines protégées gérées par des collectivités locales, ce qui ne nous semble pas très cohérent. Il s’agissait pourtant d’une simple faculté, en aucun cas d’une obligation, qui ne concernait que deux aires marines. Cette disposition était historique – nous en avions discuté en première lecture – puisque, pour la première fois, on cherchait à faire entrer dans la loi une demande d’adaptation législative formulée par une collectivité locale, en l’occurrence la Corse.
Le refus de voter cette disposition a montré à quel point c’est l’idéologie qui a dominé dans ce débat. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hubert Falco. Ce n’est pas vrai !
M. Roger Karoutchi. Ben voyons !
M. Ronan Dantec. Or il s’agissait d’une démarche pragmatique des Corses, qui avait trait aux taxations en Sardaigne. Nous n’avons pas pu nous entendre sur ce problème très précis.
Néanmoins, le droit d’adaptation législative et réglementaire des régions – timide, très timide moyen d’aller vers une décentralisation différenciée – est rendu plus opérationnel, grâce à un amendement écologiste. Désormais, le refus de donner suite aux demandes des régions devra faire l’objet d’une décision motivée du Premier ministre.
Je tiens à remercier Jean-Jacques Hyest d’avoir repris, au nom de la commission des lois, un amendement écologiste : ainsi, le préfet ne pourra s’opposer aux schémas régionaux que pour des raisons juridiques, et en aucun cas pour des raisons politiques. Il ne devait absolument pas y avoir d’ambiguïté sur le fait que ces schémas s’inscrivaient bien dans une démarche de décentralisation et de régionalisation et ne devaient en aucun cas être l’occasion d’une recentralisation détournée. Cet éclaircissement est donc important.
Enfin, je partage sans réserve les propos que Jean-Jacques Hyest a tenus lors de l’examen de l'article 6, jeudi dernier. Oui, « nul n’est une île ». Les schémas régionaux, socles de ce texte, sont préservés, ce qui est pour nous essentiel. Il restera donc à l'Assemblée nationale en deuxième lecture et à la commission mixte paritaire à en renforcer la prescriptivité.
En conclusion, je formulerai deux remarques.
En premier lieu, le Sénat a laissé cette réforme territoriale au milieu du gué, sans la mener à son terme, mais sans la détricoter complètement. Les tentations étaient fortes, mais elles sont restées sans suite. Pourtant, une telle position n’est pas tenable. C’est pourquoi il est maintenant de la responsabilité du Gouvernement d’aller au bout de la logique de cette réforme – ce que nous soutenons –, qui est beaucoup mieux comprise et partagée dans les territoires que ce que certains ont tenté de faire croire ici.
En second lieu, la méfiance vis-à-vis des métropoles et des régions doit être entendue. Il incombera demain aux élus métropolitains et aux élus régionaux de répondre à cette crainte, qui est réelle. Si leur action n’en témoigne pas et ne permet pas plus d’égalité territoriale, grand est le risque que le dialogue entre les différents échelons soit bloqué, alors que les enjeux de demain appellent plus de coopération. Si ce message est entendu, les débats au Sénat n’auront pas été inutiles.
La France a bougé : l’organisation du XXIe siècle ne correspond pas aux enjeux du XIXe siècle, qu’il s’agisse de l’aménagement du territoire ou de la vie démocratique.
Dans ce débat, comme souvent, le groupe écologiste a été un peu en avance sur son temps. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) N’en déplaise à certains, c’est le sens de l’histoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour le groupe CRC.
M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au terme de ce débat, déterminant pour l’avenir de nos institutions locales et, plus largement, pour celui de l’organisation de notre République, chacun aura noté que, dorénavant, sur toutes les travées, ou presque, cette opinion est largement partagée : cette réforme conduira inéluctablement à la disparition, à plus ou moins long terme, des communes. (Exclamations.)
M. Philippe Kaltenbach. Arrêtons de faire peur dans les campagnes !
M. Christian Favier. En effet, la plupart des amendements qui ont été défendus ont posé la question de l’avenir de nos communes.
Sans remonter trop en arrière, lors de la discussion de la loi de 2010, le groupe CRC a été le seul à alerter sur ce danger, à dire sa crainte que, devenant obligatoires, les intercommunalités, avec des périmètres élargis et des compétences renforcées, soient transformées peu à peu en collectivités de plein exercice, en lieu et place des communes.
Depuis lors, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », et ce projet de loi ont confirmé ces menaces. Je l’ai souligné au cours de la discussion générale, l’Association des maires de France partage cette crainte avec de nombreuses autres associations d’élus.
Certes, madame la ministre, nous avons bien entendu vos dénégations, mais elles ne nous ont pas convaincus. Il faut dire que le texte que vous défendez et certaines dispositions que vous avez soutenues devant l'Assemblée nationale – par exemple l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires – montrent bien quel est votre objectif.
Les belles promesses d’une nouvelle étape de la décentralisation sont aujourd’hui enterrées. Certes, pendant quelques années encore, les communes continueront d’exister, mais elles seront devenues des coquilles vides, sans moyen financier et sans pouvoir. Il leur restera la démocratie, avez-vous précisé, monsieur le secrétaire d’État. Toutefois, de quelle démocratie parlez-vous ? D’une démocratie sans moyen d’agir ? Est-ce là votre conception de la démocratie ?
Les élus municipaux de proximité ne pourront plus agir sur la réalité ; ils pourront seulement intervenir auprès des élus communautaires. Ce faisant, ils deviendront de simples intermédiaires, au mieux des médiateurs locaux. Ils seront toujours au service de nos concitoyens, mais sans disposer des moyens de répondre à leurs demandes ou à leurs besoins.
Défendant nos communes, comme nous ne cessons de le faire depuis des années, nous ne soutenons pas pour autant une vision passéiste et archaïque de l’organisation locale de notre République, recroquevillée sur des structures dépassées.
Notre vison n’est pas celle d’une France du XIXe siècle. Elle est bien plutôt celle d’une France disposant de milliers de foyers démocratiques, d’une France républicaine, vivante, innovante, ancrée dans tous ses territoires, enracinée dans notre histoire et en prise directe avec la vie de nos concitoyens.
Oui, nous voulons une France décentralisée, s’appuyant sur des territoires d’action, au plus près des citoyens, leur permettant de s’engager dans la gestion locale, en milieu rural comme en milieu urbain, à l’écoute des attentes et des défis à relever, pour développer les services publics locaux, afin d’améliorer les conditions de vie de chacun, pour favoriser la mise en relation de tous et le vivre ensemble.
De grâce, cessez de considérer que ce plaidoyer en faveur des communes est archaïque ! Au contraire, défendre aujourd’hui les communes, c’est défendre l’ambition d’une République sociale, démocratique et solidaire,...
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Christian Favier. ... fondée, entre autres, sur le principe de subsidiarité constitutif du processus de décentralisation inscrit dans notre Constitution.
Oui, nous soutenons cette autre vision, ce renouveau de la décentralisation. Nous y voyons une solution de rechange aux politiques recentralisatrices, qui structurent ce texte et qui se traduisent par la concentration des pouvoirs locaux et la hiérarchisation de nos institutions locales, instituant de nouvelles tutelles, notamment régionales et métropolitaines.
Si, à l’occasion de cette explication de vote sur l’ensemble, nous insistons sur l’avenir de nos communes, c’est qu’il s’agit d’un point nodal pour l’avenir des autres collectivités territoriales. En effet, au travers de ces supracommunalités, ce sont aussi les départements qui sont visés. C’est particulièrement vrai avec les métropoles, à l’exemple de la métropole de Lyon, souvent citée en modèle, qui a absorbé une grande partie du département du Rhône.
Bientôt, la règle sera la suivante : là où la métropole passe, le département trépasse. (Exclamations.)
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. Christian Favier. Concrètement, ce bouleversement de nos institutions locales, par l’émergence de ces nouvelles collectivités, ne porte malheureusement aucune ambition d’amélioration de l’action publique au service des citoyens, alors que ce devrait être la visée de toute nouvelle organisation.
Finalement, ce chambardement institutionnel n’a pour seule vocation que de réduire l’action publique locale, de réduire les services à nos concitoyens, aux seules fins de faire des économies comptables, incertaines et dangereuses pour l’avenir de notre développement économique et social, ainsi que pour notre modèle social et démocratique.
Votre volonté en ce domaine est si puissante que vous la mettez en œuvre par le biais institutionnel, en louvoyant pour éviter l’écueil de l’anti-constitutionnalité de vos propositions.
Vous la conduisez également en utilisant l’arme budgétaire, en réduisant les dotations aux collectivités territoriales, pour les contraindre à limiter et réduire leurs actions au service de la population. C’est cette réalité que nos concitoyens et leurs élus locaux subissent aujourd’hui. Elle les plonge d’ores et déjà dans de grandes difficultés, en fragilisant les services publics locaux. Elle fait peser de très graves menaces sur l’activité et l’emploi, au travers de la diminution de l’investissement public que l’austérité budgétaire génère.
Ces difficultés deviendront très vite insupportables, alors que la dégradation des conditions de vie d’un grand nombre de nos compatriotes appelle, au contraire, à renforcer l’intervention locale.
Pour toutes ces raisons, malgré quelques évolutions positives, notamment sur la métropole du Grand Paris, malgré le travail tout à fait remarquable des deux rapporteurs, nous voterons contre ce projet de loi. Nous le ferons avec regret, car nous souhaitons ardemment une autre réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour le groupe du RDSE.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, balayant les dispositions de la loi MAPTAM votée voilà quelques mois, le projet de loi NOTRe, à défaut de pouvoir immédiatement supprimer les départements, est la première étape de leur disparition.
Étrangement, à l’issue de la première lecture du texte par les deux assemblées, ce n’est pas sur ce point que les positions du Sénat et de l’Assemblée nationale étaient les plus éloignées.
L’Assemblée nationale n’est pas revenue, par exemple, sur le maintien au département des compétences en matière de collèges et de routes voté par le Sénat. En revanche, elle a non seulement repris son offensive anti-Sénat en rétablissant le Haut Conseil des territoires, que le Gouvernement semblait pourtant avoir enterré, mais elle en a en plus lancé une nouvelle contre les communes, à notre plus grande surprise. Or une offensive sur des sujets aussi sensibles ne peut pas avoir été lancée « à l’insu du plein gré » des plus hauts sommets de l’État.
Aujourd’hui, le masque est tombé : les yeux grands fermés sur la réalité géographique, historique et politique de notre pays, le Président de la République et son gouvernement sont bien décidés, sinon à supprimer les communes – elles survivront en tant que quartiers sans pouvoirs ni moyens de l’intercommunalité qui les aura absorbées –, du moins à les lyophiliser.
Le Gouvernement peut bien crier au procès d’intention, jurer qu’il aime toutes les communes et leurs élus si dévoués (Sourires sur les travées du RDSE.), les faits sont là !
Relance de la suppression des syndicats et syndicats mixtes ; nouvelle révision des schémas départementaux de la coopération intercommunale et instauration de règles plus contraignantes ; fixation de la taille minimale des intercommunalités à 20 000 habitants, sauf aménagements réglementés ; transferts obligatoires d’un plus grand nombre de compétences essentielles aux intercommunalités ; suppression des garanties en matière de PLUi, ou plans locaux d’urbanisme intercommunal, issues de la loi ALUR ; réduction du champ d’application de l’ « intérêt communautaire » et définition de celui-ci à la majorité simple, et non plus qualifiée ; suppression de la minorité de blocage reconnue aux communes membres d’un EPCI faisant l’objet d’un projet de fusion ; possibilité pour un EPCI de décider à la majorité qualifiée de l’unification des impôts locaux ; extension de la règle de la représentation démographique des communes dans les intercommunalités aux syndicats ; enfin – c’est le bouquet final ! –, désignation des représentants des communes à l’intercommunalité lors d’un scrutin distinct de l’élection municipale, ce qui conduira à faire des intercommunalités autre chose qu’un outil au service des communes.
La prochaine étape est déjà programmée : mutualisation obligatoire des impôts locaux, DGF intercommunale, attribution de la clause de compétence générale aux communautés, transfert obligatoire des compétences résiduelles pouvant faire l’objet d’une délégation de service public.
Le Sénat, sur proposition de sa commission des lois et de ses rapporteurs, dont je salue la lucidité, le courage et l’opiniâtreté, a pour l’instant sauvé l’essentiel. C’est pour cela que la très grande majorité du groupe RDSE votera ce texte. Personnellement, même si je n’ai toujours pas fait mon deuil de la compétence générale des départements et des régions, même si je n’accepte toujours pas la mise sous tutelle des élus locaux par la Cour des comptes, je le voterai également.
Le Sénat, disais-je, a sauvé l’essentiel, mais pour combien de temps ?
M. Alain Fouché. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. Le Gouvernement, qui souhaite ignorer le degré de dévaluation de la parole publique et qui est si sûr des bienfaits de sa réforme territoriale qu’il en assure la promotion de Bruxelles à la City, pense qu’il suffit de nier l’évidence pour l’imposer au Français.
M. Gérard Cornu. C’est bien cela le problème !
M. Pierre-Yves Collombat. Au cours des débats, alors que j’interrogeais M. le secrétaire d’État sur les compétences qui resteraient aux communes après l’adoption par l’Assemblée nationale des dispositions anti-communes que j’évoquais à l’instant, M. Vallini a répondu : « Il leur reste la démocratie. » (Exclamations sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.) Mes chers collègues, cela ne s’invente pas !
Monsieur le secrétaire d’État, une démocratie sans pouvoirs et sans moyens, comme l’a rappelé notre collègue, une démocratie décorative en carton-pâte, une démocratie Potemkine n’est qu’un fantôme de démocratie, une démocratie d’avant la Révolution !
M. Alain Chatillon. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. Analysant comment l’Ancien Régime avait ôté à la population des villes le pouvoir de gérer ses affaires, Tocqueville fait cette observation : « Le peuple, qui ne se laisse pas prendre aussi aisément qu’on ne l’imagine aux vains semblants de la liberté, cesse alors partout de s’intéresser aux affaires de la commune et vit dans l’intérieur de ses propres murs comme un étranger. [...] Les plus grands intérêts de la ville semblent ne pas le toucher. On voudrait qu’il allât voter, là où on a cru devoir conserver la vaine image d’une élection libre : il s’entête à s’abstenir. » Les récentes élections locales le confirment : les mêmes causes produisent aujourd'hui les mêmes effets.
Lors du premier tour des élections municipales de mars 2014, le taux de participation moyen sur l’ensemble de la France était de 63 %. Ce taux masque toutefois des différences considérables selon la taille des communes : on constate ainsi 26,6 points de différence entre le taux de participation des communes de moins de 500 habitants, où il est de 78,6 %, et celui des communes de plus de 90 000 habitants, où il est de 52 % seulement. Globalement, le taux de participation des grosses communes est de plus en plus faible, jusqu’aux communes de 35 000 habitants, pour osciller autour de 53 %, soit 25 points de moins que dans les communes rurales.
C’est bien la preuve scientifique que le regroupement forcé des communes dans des intercommunalités de plus en plus grandes destinées à aspirer leur substance marque un progrès démocratique ! (Sourires sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Les résultats des dernières élections cantonales témoignent eux aussi de l’enthousiasme des Français pour la lyophilisation de leurs institutions de proximité. Au premier tour, alors que le taux d’abstention était de 49,8 % et que l’on a comptabilisé 2,45 % de bulletins blancs et nuls, les exprimés n’ont représenté que 47,9 % des inscrits. Cela signifie que moins d’un électeur sur deux s’est reconnu dans cette consultation.
Par charité, et par manque de temps, je passerai sur ce que ces élections disent du rapport de force politique entre la gauche, la droite et, désormais, l’extrême droite. Je passerai également sur les pertes plus que significatives du parti qui était majoritaire localement jusque-là. Visiblement, mes chers collègues, le bon peuple n’accepte pas les modernisations pour lesquelles on ne lui demande pas son consentement.
M. Alain Fouché. Voilà !
M. Pierre-Yves Collombat. Sachez qu’il en va de même des élus ruraux ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Alain Fouché. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous allons voter ce projet de loi. J’indique d’ailleurs qu’il s’agit du texte non pas du Gouvernement, mais du Sénat. Je le précise, car on entend trop souvent dire que telle loi du nom du ministre qui l’a portée, comme la loi Macron, a été adoptée. Or cette loi est aussi la nôtre. Elle n’est en tout cas pas la même.
Bien sûr, ce texte n’est pas parfait. Je regrette ainsi la suppression de la capacité d’initiative que constituait la clause de compétence générale. En conséquence, il a fallu prévoir par voie d’amendement les conditions de financement des départements aux lignes aériennes de transport de passagers, ce qui aboutit, c’est original, à une tutelle de la région sur les départements.
M. Bruno Sido. C’est exact !
M. Philippe Adnot. J’ai apprécié, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, les évolutions positives que vous avez acceptées, notamment sur les collèges et sur les routes. J’espère qu’il y en aura d’autres ; j’espère surtout que l’Assemblée nationale ne reviendra pas sur ces sujets.
En matière de transports scolaires, faites en sorte, madame la ministre, qu’ils relèvent entièrement, y compris le transport des personnes handicapées, d’une seule collectivité.
Par ailleurs, j’insiste pour que vous mesuriez précisément les problèmes économiques qui vont se poser. Ainsi, qu’adviendra-t-il des biens immobiliers appartenant à des entreprises en difficulté que l’État nous a demandé d’acquérir ? Qui les récupérera ?
Nous allons bien sûr, je le répète, voter ce texte, mais le pire est peut-être à venir. Aussi devrons-nous être vigilants, mes chers collègues, concernant les décrets d’application, mais également d’éventuelles autres décisions relevant d’autres textes. Nous devrons ainsi vérifier précisément les périmètres transférés. Or j’avoue ne pas avoir été rassuré par les méthodes utilisées pour procéder aux compensations de transferts entre collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE.)
Ouverture du scrutin public