M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1314, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il s’agit d’un amendement de repli. Nous considérons qu’il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 540 rectifié quater, présenté par MM. Vincent, Antiste et D. Bailly, Mmes Cartron, Emery-Dumas et Monier, MM. Tourenne, Yung et Leconte, Mmes Conway-Mouret et Lepage et MM. Delebarre, Chiron et Vandierendonck, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
territoire national
insérer les mots :
ou en zone frontalière
La parole est à M. Maurice Vincent.
M. Maurice Vincent. Le présent amendement vise à faciliter le reclassement hors du territoire national des salariés travaillant en zone frontalière, pour lesquels il est plus aisé d’occuper un poste au-delà de la frontière, mais à une distance réduite, que de se rendre à l’autre bout du territoire français. Il s’agit donc d’élargir les possibilités d’offres de reclassement dans un esprit pragmatique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale est défavorable à l’amendement n° 1314, puisqu’elle soutient l’article 100 du projet de loi.
Elle est également défavorable à l’amendement n° 540 rectifié quater. En effet, le dispositif actuel est simple : l’article L. 1233-4 du code du travail instaure une obligation générale de reclassement sur le territoire national et l’article L. 1233-4-1 du même code fixe les règles relatives au reclassement à l’étranger. Il ne nous a pas paru utile de le compliquer en introduisant la notion de zone frontalière, d’autant que l’étendue de celle-ci est difficile à déterminer.
Quand l’article 100 du projet de loi sera entré en vigueur, rien n’empêchera un salarié désireux de bénéficier d’un reclassement dans un pays limitrophe de solliciter des offres en application de l’article L. 1233-4-1 du code du travail, en précisant ses critères et ses attentes. Je vous rappelle en effet que, aux termes de l’article 100, le salarié sera informé qu’il peut demander un reclassement à l’étranger et que son entreprise sera obligée de lui proposer des offres s’il en fait la demande.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1314.
Monsieur Vincent, je comprends votre préoccupation, car les territoires frontaliers sont par excellence des zones où la mobilité internationale a du sens. Simplement, ce type de reclassement est couvert par le dispositif actuel de l’article 100, que l’Assemblée nationale a complété sur l’initiative des députés socialistes, en instaurant l’obligation pour l’employeur de répondre au salarié ayant demandé un reclassement à l’étranger. Puisque tout salarié volontaire, qu’il soit en zone frontalière ou non, aura droit au reclassement international, la précision que vous proposez d’inscrire dans le projet de loi est superflue.
Je sollicite donc le retrait de l’amendement n° 540 rectifié quater.
M. Maurice Vincent. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 540 rectifié quater est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1314.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1778, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
dont il bénéficie
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1778 est retiré.
Je mets aux voix l'article 100.
(L'article 100 est adopté.)
Article 101
Le II de l’article L. 1233-58 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au 1° de l’article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l’administrateur, le liquidateur ou l’employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l’employeur appartient pour l’établissement du plan de sauvegarde de l’emploi, l’autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l’emploi après s’être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l’entreprise. » ;
2° Au quatrième alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’annulation d’une décision de validation mentionnée à l’article L. 1233-57-2 ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-3 en raison d’une insuffisance de motivation, les deux derniers alinéas de l’article L. 1235-16 s’appliquent. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Cet article concerne l’homologation des plans de sauvegarde de l’emploi par l’autorité administrative dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire.
Actuellement, l’autorité administrative évalue les moyens mis en œuvre par l’entreprise pour reclasser ses salariés au regard des moyens du groupe auquel elle appartient.
L’article 101 prévoit que les moyens consacrés au reclassement seront désormais évalués au niveau non plus du groupe, mais de la seule entreprise en difficulté. Cette disposition relève d’une profonde méconnaissance des relations au sein des groupes ou d’un profond mépris à l’égard des salariés. En effet, il est évident que les relations entre les maisons mères et leurs filiales permettent aux premières d’organiser la faillite des secondes ou de diminuer les moyens que celles-ci allouent à un plan de sauvegarde de l’emploi, c’est-à-dire au reclassement des salariés.
M. le corapporteur fait valoir qu’un groupe n’a pas intérêt, si sa filiale est en redressement ou en liquidation judiciaire, à participer financièrement au plan de sauvegarde de l’emploi, et qu’il n’y est pas légalement obligé. Soit : le groupe n’a effectivement aucun intérêt à « mettre au pot », comme l’on dit, sauf s’il est sous la menace d’un refus d’homologation, mais la commission spéciale propose justement de supprimer cette menace. Quant à prétendre que cette disposition serait favorable aux salariés, monsieur le corapporteur, cela confine au mépris !
Sans doute le salarié se retrouve-t-il, en cas de refus d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi, privé de ressources pendant un temps, mais cette situation n’est pas le fait de l’administration ou de la justice ; la responsabilité en incombe à l’entreprise qui a choisi de consacrer au plan de sauvegarde de l’emploi des moyens inférieurs à ses capacités financières.
Surtout, il est important de laisser le choix aux salariés : préfèrent-ils être indemnisés rapidement, mais a minima ou attendre que l’entreprise et son groupe soient mis en face de leurs responsabilités et qu’eux-mêmes obtiennent leur dû ?
En outre, cet article prévoit aussi que l’annulation de la validation d’un plan de sauvegarde de l’emploi pour défaut de motivation dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire sera neutralisée. En d’autres termes, les décisions des tribunaux administratifs, derniers remparts contre les plans de sauvegarde de l’emploi abusifs, seront presque sans portée dans ce cas précis.
Quant à l’instauration par l’Assemblée nationale d’une obligation morale pour l’entreprise de rechercher auprès de son groupe des moyens pour financer son plan de sauvegarde de l’emploi, elle a certainement pour objectif de faire passer la pilule ; elle n’a en effet aucune portée, dès lors que le défaut de recherche ne peut pas justifier l’invalidation du plan de sauvegarde de l’emploi.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé l’amendement n° 91 tendant à supprimer l’article 101.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 91 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 174 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Claireaux et MM. Durain et Cabanel.
L'amendement n° 490 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 91.
Mme Annie David. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 174 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 490.
M. Jean Desessard. Je considère que les articles 101 et 102 sont véritablement antisociaux et que cela pose problème.
Aujourd’hui, en cas de plan social accompagnant un redressement ou une liquidation judiciaire, l’entreprise a l’obligation de prendre des mesures suffisantes et proportionnées par rapport aux moyens du groupe auquel elle appartient.
Or l’article 101 prévoit que, par dérogation à cette règle, les mesures prises pourront désormais être appréciées au regard des moyens de la seule entreprise. Il est extrêmement étrange que, si le groupe dont fait partie l’entreprise en difficulté se porte bien, on ne fasse pas jouer la solidarité en son sein, alors que c’est la solidarité nationale qui jouera si des salariés sont licenciés !
Mme Annie David. Exactement !
M. Jean Desessard. Cela revient à privatiser les bénéfices, mais à nationaliser les difficultés, puisque cette mesure permet au groupe d’organiser le naufrage d’une filiale n’apportant plus satisfaction, afin de s’en défaire à moindres frais. Le principe de solidarité au sein du groupe est important et, par conséquent, nous estimons qu’il doit être conservé afin de protéger les emplois de notre pays.
L’article 102 prévoit que dès lors que l’autorité administrative a édicté une nouvelle décision, l’annulation de la première décision de l’autorité administrative pour le seul motif d'insuffisance de motivation ne donne lieu ni à la réintégration au sein de l’entreprise ni au versement d'une indemnité à la charge de l'employeur.
Une telle disposition n’existait pas dans la rédaction de l’article 101. Seulement, monsieur le ministre, vous avez déposé un amendement qui tend à rétablir le texte tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale.
Par conséquent, si un tribunal estime que la mesure n’est pas conforme à la loi, on ne tient pas compte alors de la décision du tribunal, et cela ne donne lieu ni au versement d’une indemnité ni à la réintégration du salarié au sein de l’entreprise. Il s’agit là d’un dispositif que je qualifierai de honteux, puisqu’il revient à ne pas appliquer la décision prise par le tribunal.
En l’état actuel, un tel dispositif n’est pas prévu dans l’article 101, mais uniquement dans l’article 102, même si l’amendement que vous avez déposé tend justement à le rétablir. Cet article, et par là même l’amendement du Gouvernement, est honteux !
Tout d’abord, il est nécessaire de faire appel à la solidarité du groupe. Ensuite, si le tribunal estime que la situation n’est pas correcte au niveau des procédures, la réintégration des salariés et le versement d’indemnités sont nécessaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’article 101 prévoit une solution, qui nous a semblé pragmatique, puisqu’elle défend les salariés en prévoyant que l’administration contrôle désormais la proportionnalité du PSE uniquement à la lumière des moyens de l’entreprise en redressement et en liquidation, et non plus du groupe.
En effet, le problème tient surtout au fait qu’il n’existe pas d'obligation légale pour un groupe de participer au financement du PSE d'une filiale, alors que la DIRECCTE doit contrôler le PSE à la lumière des moyens dont dispose l’entreprise et le groupe. Le code du commerce et le code du travail ne poursuivent pas la même logique sur ce point.
En outre, l’administration doit agir très rapidement, puisque l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, l’AGS, permet seulement la garantie des salaires pendant au maximum un mois. Par conséquent, obliger l’administration à contrôler le PSE d’une entreprise en faillite à la lumière des moyens du groupe allonge les délais et fragilise les salariés en pure perte, puisque l’administration n’a pas les moyens d’obliger le groupe à financer le PSE d’une filiale.
Nous devons donc trouver une solution à cet effet pervers de la loi, qui n’a été anticipé par personne. Monsieur le ministre, vous avez évoqué la possibilité d’engager dans les mois à venir une réflexion d’ensemble, qui associerait au moins le ministère du travail, de la justice et de l’économie, afin de responsabiliser les groupes vis-à-vis de leurs filiales lorsqu’elles mettent en place un PSE. Cette réflexion devrait s’inscrire dans le cadre européen et ne pas nuire à l’attractivité de notre territoire.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais tenter d’expliquer pourquoi nous avons, mon collègue François Rebsamen et moi-même, rédigé l’article 101, et pourquoi un amendement de rétablissement du texte de l’Assemblée nationale a ensuite été déposé, ce qui me permettra de répondre à M. le sénateur Desessard et de défendre, par là même, l’amendement n° 1803 du Gouvernement.
Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans une situation où un blocage peut se produire entre le code du travail et le code du commerce, avec pour conséquence d’empêcher l’homologation du PSE par l’autorité administrative, au détriment des droits des salariés.
Il s’agit ici non pas de déresponsabiliser les sociétés mères, mais de tirer les conséquences du fait que la notion de groupe existe uniquement dans le code de commerce, et non pas dans le code de travail.
L’homologation des plans sociaux de l’administration a été introduite en vertu du code de travail par le biais de la loi de sécurisation de l’emploi. On a pu alors constater qu’un blocage pouvait se produire. En effet, dès lors que l’homologation se fait en tenant compte des moyens dont dispose l’entreprise, si celle-ci ne dispose pas des moyens suffisants, l’homologation ne peut se faire. Sur ce point, le caractère « mieux-disant » du PSE n’est absolument pas un critère. En effet, quand le plan social n’est pas suffisamment disant, l’homologation n’est pas donnée, qu’il s’agisse ou non d’un groupe ; ce n’est pas un critère.
À l’inverse, comme vous l’avez souligné, et c’est un point important, si le groupe se porte bien, il doit verser sa contribution financière. L’objectif de l’article est donc de sécuriser l’homologation des PSE et d’éviter que celle-ci ne soit pas bloquée par la situation du groupe ou le contexte.
Le code du travail prévoit de rechercher les moyens du groupe au moment de la liquidation et de l’exécution du PSE. Ainsi, le code du travail ajoute l’obligation de solidarité financière pour le groupe.
Le cadre législatif place l’État dans un dilemme. Soit il peut refuser d’homologuer le PSE, au risque de priver les salariés d’une entreprise en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire de tout revenu, puisque, au-delà d’un certain délai, les salaires ne sont pas pris en charge par l’AGS et ne peuvent pas non plus être indemnisés par Pôle emploi. Soit il peut accepter d’homologuer le PSE, en sachant que cette disposition sera très probablement annulée par le juge administratif, annulation dont les conséquences sont assumées non pas par la société mère, mais par l’AGS.
Par conséquent, le présent article prévoit que l’appréciation du PSE ne se fasse plus, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, en fonction des moyens du groupe, mais en fonction de ceux de l’entreprise, afin de sécuriser l’homologation et l’indemnisation des salariés.
En revanche, le groupe peut, bien entendu, continuer à venir aider l’entreprise et à améliorer son PSE de manière volontaire. La rédaction de l’article 101 confirme l’obligation pour le représentant de l’entreprise en difficulté, par exemple pour un administrateur ou un mandataire judiciaire qui viendrait dans le cadre de la liquidation s’occuper de l’entreprise, d’aller chercher dans les moyens du groupe.
M. Jean Desessard. Où est-ce écrit ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Dans l’article 101 ! Celui-ci est rédigé comme suit : « Par dérogation au 1 de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63, au regard des moyens dont dispose l'entreprise ».
Nous avons ensuite ajouté un alinéa de façon à préciser la distinction prévue par cet article. Pour être parfaitement transparent, peut-être voulez-vous que je vous lise les articles qui s’appliquent en cascade ?
M. Jean Desessard. Vous jouez les cascadeurs, monsieur le ministre !
M. Emmanuel Macron, ministre. Non ! Tout cela est le fruit d’un travail, et je vous explique pas à pas les éléments qui en sont à l’origine.
M. Jean Desessard. Je vous en remercie !
M. Emmanuel Macron, ministre. Le début de l’alinéa 3 de l’article 101, tel qu’il est rédigé, correspond exactement à ce que je vous explique.
En effet, il s’agit d’aller chercher les moyens du groupe en cas de redressement ou de liquidation judiciaire et au moment de l’exécution du PSE, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur.
L’examen des moyens du groupe n’est donc pas un élément qui pourrait entraver l’homologation du PSE, compte tenu même des instabilités juridiques constatées, que j’ai rappelées tout à l'heure entre le code du travail et le code du commerce. Cette instabilité juridique a d’ailleurs donné lieu à des jurisprudences contradictoires depuis la loi de sécurisation de l’emploi, et c’est précisément face à cette situation que mon collègue François Rebsamen à proposer ce changement.
Nous avons donc voulu clarifier les règles de l’homologation du PSE, afin d’éviter de nous retrouver en situation de blocage ou d’impossible homologation, ce qui conduirait par là même à une absence d’indemnisation, comme cela a pu se produire.
En revanche, il est précisé que les moyens du groupe sont recherchés au moment de la liquidation et de l’exécution du PSE. Il n’est donc plus question de protéger la société mère, même s’il ne s’agit pas pour autant de prendre en compte uniquement l’entreprise. Cet élément de sécurisation juridique de l’homologation a été ajouté au moment de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, par l’un des rapporteurs, Denis Robillard, afin de lever toute ambiguïté.
La rédaction retenue par la commission en référence à l’article L. 1235-16 du code de travail est équivalente à celle de l’Assemblée nationale.
L’amendement n° 1803 vise justement à rétablir la rédaction du texte tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale. Au lieu de renvoyer simplement à L. 1235-16 du code de travail, et pour éviter tout malentendu, cet amendement du Gouvernement tend à rétablir les deux alinéas de la procédure d’information des salariés et à décrire le régime applicable à la motivation, ce qui est similaire à la modification apportée par la commission.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. L’amendement n° 91 du groupe CRC me semble important. Il est l’illustration d’une question qui est au départ uniquement technique et juridique qui se transforme, y compris à l’extérieur de nos hémicycles, en problème politique.
Nous avons tous lu ou entendu que les dispositions prévues par cet article constituaient une régression sociale. Mon collègue Desessard s’est, à l’instant, exprimé en ce sens, même s’il n’a pas utilisé tout à fait les mêmes termes. Il s’agit donc de savoir quels sont les moyens dont dispose le législateur face à cette situation juridique compliquée.
La Cour de cassation rappelle que tout PSE doit être établi en fonction des moyens du groupe auquel appartient l’entreprise, et elle précise aussi que l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur ne concerne pas le groupe. En revanche, ce dernier n’est pas tenu d’abonder le plan, sinon l’employeur ne peut pas se conformer à son obligation de reclassement.
Le problème se pose pour les entreprises qui sont en redressement ou en liquidation, puisqu’elles ne disposent pas des moyens financiers pour répondre aux obligations d’un PSE, notamment en matière de reclassement. En résumé, l’administrateur judiciaire est légalement tenu de construire un PSE qui prend en compte les moyens du groupe, mais il ne peut obliger le groupe à abonder le PSE. Par conséquent, l’obligation légale est difficilement applicable, voire impossible à appliquer.
Cette situation a des conséquences très graves pour les salariés. En effet, l’AGS doit prendre en charge les rémunérations, à condition d’avoir été saisie dans un délai d’un mois. Or, comme l’a souligné notre corapporteur, ce n’est jamais le cas et les salariés se retrouvent ainsi dans une situation difficile.
Au sein de cette question technique, un autre débat s’insère, qui est non moins négligeable. Pour être tout à fait honnête intellectuellement, je dois dire d'ailleurs que nous l’avons eu au sein du groupe socialiste.
La mise délibérée en liquidation d’entreprises qui ont été rachetées, notamment dans le cadre d’un leverage buy-out, ou LBO, à seule fin de les vider de leur substance, est une opération purement financière que nous condamnons. Certes, ces cas sont marginaux, mais ils ont un retentissement considérable, et c’est légitime.
La recherche de responsabilités devant les tribunaux est une procédure longue et coûteuse ; examiner les flux financiers, rechercher les actes anormaux de gestion dans d’autres pays prend des mois, voire des années.
La question technique principale – le ministre s’en est expliqué à l’instant – est celle des liens entre le groupe et l’entreprise, entre la mère et la fille. Évidemment, le juge appréciera la véritable intégration ; le cas échéant, les moyens du groupe peuvent être recherchés.
L’exemple qui me vient à l’esprit, que j’ai cité lors de la réunion de la commission spéciale, c’est l’exemple allemand. À la suite du crash de l’avion de Germanwings, la compagnie low cost de la Lufthansa, la direction de cette dernière a immédiatement assumé la responsabilité de ce drame. C’est là l’exemple parfait d’une intégration totale, ce que la théorie juridique – d’application restreinte en pratique – appelle le coemploi des salariés.
Il nous revient à nous, législateur, de préserver les droits des salariés et de sortir par le haut de cette situation. À cette fin, le groupe socialiste a déposé plusieurs amendements sur cet article.
Finalement, nous voulons parvenir à ce que l’administration n’homologue un PSE qu’après s’être assurée de la recherche des moyens du groupe pour financer les actions d’accompagnement, de reclassement et de formation auxquelles les salariés ont droit dans le cadre d’un plan de redressement.
C’est pour cette raison que nous ne voulons pas que soit supprimé l’article 101 ; nous souhaitons au contraire qu’une solution soit trouvée, afin que les salariés ne soient pas privés de leur droit et qu’il ne soit pas fait appel indûment aux finances de l’État pour régler les salaires en lieu et place de l’entreprise ou de l’AGS.
Je le répète, nous voulons vraiment pouvoir défendre les amendements que nous avons déposés sur cet important article.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. De quoi parle-t-on ? Il est question d’engager un plan social en fonction non pas de la situation financière de l’entreprise – celle-ci, à un moment donné, peut connaître des difficultés –, mais des moyens du groupe. C’est bien le moins !
J’apprécie – et même je m’en réjouis – que le groupe socialiste, comme nous l’a expliqué Mme Bricq, ait déposé des amendements en ce sens ; toutefois, je pense qu’on aurait pu se dispenser de cet article, et c’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement de suppression.
Monsieur le ministre, quand vous dites que la notion de groupe n’existe pas en droit, je vous pose la question : qui fait le droit, sinon le législateur ? Pourquoi ne définirions-nous pas la notion de groupe ? C’est trop difficile ? On a trouvé plus facile de ne pas tenir compte de la bonne santé du groupe auquel appartient une entreprise qui a engagé un plan social ? Je rappelle que c’est le plan social qui procède aux reclassements des salariés, fixe le montant de leurs indemnités ; c’est pourquoi il est quand même normal de tenir compte des moyens du groupe auquel appartient l’entreprise qui engage un tel plan.
Monsieur le ministre, vous le savez, j’ai plaisir à débattre avec vous, mais je considère que l’on aurait pu disjoindre cette partie-là de votre projet de loi et que votre collègue François Rebsamen aurait pu approfondir la question, afin de définir la notion de groupe, dont vous dites qu’elle n’existe pas aujourd’hui dans le code du travail.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 91 et 490.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je demande que l’amendement n° 1803 du Gouvernement, que j’ai déjà défendu, soit examiné en priorité, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1803 faisant l’objet d’une discussion commune avec l’amendement n° 1317, cette demande de priorité porte de facto également sur celui-ci.
Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Mes chers collègues, l’adoption, le cas échéant, de l’amendement n° 1803 ne rendrait pas sans objet les amendements déposés sur cet article, à l’exception bien sûr de l’amendement n° 1317.
La commission spéciale émet un avis favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
J’appelle donc par priorité les amendements nos 1317 et 1803, qui font l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 1317, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 5 et 6 de l’article 101, qui renvoient à l’article L. 1235-6 du code du travail, modifié par l’article 102 du présent projet de loi, ainsi qu’y a fait référence à l’instant Jean Desessard.
Dans l’état actuel du droit, l’article L. 1235-16 prévoit une réintégration des salariés licenciés en cas d’annulation du PSE. À défaut, ils ont droit à une indemnité à la charge de l’employeur, qui s’ajoute à l’indemnité de licenciement.
L’article 102 du présent projet de loi prévoit néanmoins de modifier cet article. Ainsi, en cas d’annulation d’une validation ou d’une homologation d’un PSE pour insuffisance de motivation, il est proposé que l’autorité administrative puisse prendre une nouvelle décision dans les quinze jours à compter de la notification du jugement à l’administration.
Dès lors que l’autorité a pris une nouvelle décision, l’annulation pour insuffisance de motivation n’a plus d’incidence sur la validité du licenciement. Ainsi, elle ne donne plus lieu à réintégration des salariés, ni même à indemnisation.
Les organisations syndicales, qui ont l’habitude de défendre les salariés licenciés, sont très inquiètes et nous ont donc alertés.
Les recours sur la validation ou l’homologation d’un PSE permettaient d’obtenir justice dans de nombreux cas. Or leur portée est de fait limitée dorénavant : une décision prise rapidement par l’autorité administrative supprimera toute possibilité d’annulation de l’homologation ou de la validation du PSE. Dès lors, les salariés ne pourront plus être réintégrés ni indemnisés.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de ces deux alinéas.