Mme Nicole Bricq. Oui !
Mme Catherine Morin-Desailly. L’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdit « le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante ».
Le droit européen de la concurrence ne sanctionne pas les positions dominantes en tant que telles, il s’attaque seulement aux abus. Or c’est bien de cela qu’il s’agit ! Une position est « dominante » lorsqu’une entreprise peut mener la politique qu’elle désire sans se préoccuper de celle de ses concurrents sur le marché. Là encore, c’est bien cette logique qui nous anime.
Rien ne nous empêche de faire pression à l’échelon européen pour que des décisions soient prises et d’inscrire ce type de disposition dans notre droit positif pour agir au plan national.
Les acteurs de l’économie numérique ont besoin d’un signe fort. La situation a trop duré et sera bientôt irréversible si nous ne sommes pas capables de prendre très rapidement des mesures pour inverser la tendance et faire de nous des acteurs et des bénéficiaires sur le marché numérique et pas seulement des consommateurs. Or, pour l’instant, c’est vers cela que l’on veut nous entraîner.
Les procédures sont tellement lentes et prennent tellement de temps que, en attendant, ce sont des emplois et des entreprises qui disparaissent. Il est urgent d’agir !
J’aurais encore beaucoup à dire pour répondre aux arguments des uns et des autres, mais ce débat n’a que trop duré. Le travail n’est pas terminé.
Le sous-amendement n° 1792…
M. Jean Bizet. Il n’est pas communautaire !
Mme Catherine Morin-Desailly. Exactement ! Et c’est le président de la commission des affaires européennes qui le dit !
Je comprends l’état d’esprit qui anime David Assouline. Il s’agit de montrer que nous apportons un soutien fort à l’entreprise. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe CRC. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Ma chère collègue, vous dites être d’accord avec ce sous-amendement, mais déplorez qu’il ne soit pas conforme au droit européen. Or, pour défendre votre propre amendement, quand le ministre vous fait le même reproche, vous répondez qu’il faut manifester une volonté politique.
Je vous demande de faire montre de la même volonté politique pour que, parmi les trois opérateurs, figure au moins un moteur de recherche français. Si ce n’est pas le cas, pour la France, rien ne sera vraiment différent. Voilà le paradoxe ! Nous verrons ensuite ce qui se passera.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1792.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte le sous-amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 995 rectifié bis, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33 nonies. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe CRC.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur France 3.
Je rappelle également que l'auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse, à l’exception de M. le Premier ministre, qui bénéficie toujours d’un traitement de faveur au Sénat ! (Sourires.)
réforme des collèges
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour le groupe CRC.
M. Patrick Abate. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Quarante ans après la loi Haby, le collège est le maillon faible de notre système éducatif. Parce qu’il aggrave les difficultés, il n’est pas le lieu de l’égalité des chances et de l’émancipation. Alors que les collégiens sont à l’âge de la construction individuelle, de la quête d’autonomie, le collège, moment charnière entre l’école et le lycée, est un lieu de sélection, d’échec et de relégation pour un trop grand nombre de nos jeunes.
Nous sommes, comme la ministre, attachés au collège unique, qui ne peut être un collège uniforme. À cet égard, la réforme des collèges soulève un certain nombre de questions.
Le resserrement des programmes autour du socle commun de connaissances et de compétences et la suppression de trois à quatre heures au profit des enseignements pratiques interdisciplinaires, les EPI, sont justifiés par le caractère prétendument austère des enseignements fondamentaux, par opposition au caractère supposé ludique, et donc attractif, des enseignements pratiques. De telles mesures sont-elles véritablement de nature à permettre de lutter contre le décrochage scolaire ?
Le rééquilibrage entre les enseignements fondamentaux et les EPI permettra-t-il d’assurer avec le même niveau d’exigence l’égalité entre ceux qui peuvent bénéficier de l’entrée dans les apprentissages en dehors du système scolaire et ceux qui n’ont que l’école pour apprendre ?
L’organisation des EPI en toute autonomie dans chaque établissement ne risque-t-elle pas de mettre en concurrence les matières entre elles, tout comme les établissements entre eux, et de creuser de fait les inégalités sociales et territoriales ?
Pour ceux qui, comme nous, considèrent avec un grand intérêt l’apprentissage des langues vivantes et anciennes, et qui regrettent que celui-ci soit un moyen de sélection, l’objectif est de rendre cet apprentissage accessible à tous.
La suppression des classes européennes et internationales au profit de l’enseignement de la deuxième langue en cinquième, tout comme la suppression de l’enseignement à titre d’option du latin et du grec au profit d’une sensibilisation dans les EPI ne dissimulent-elles pas en réalité un manque de moyens incompatible avec l’objectif recherché ?
La question des moyens ne peut en effet être écartée : le nombre de 4 000 équivalents temps plein pour 7 100 collèges publics et privés nous paraît insuffisant au regard des défis qui doivent être relevés.
Enfin, nous déplorons l’absence de moyens prévus pour la formation des enseignants, en particulier pour la formation continue, comme le montre un récent rapport de la Cour des comptes.
Eu égard à ces constats, comment sera-t-il possible d’assurer le développement d’un collège de haut niveau, adapté à tous sur l’ensemble du territoire et permettant de lutter contre les inégalités et l’échec scolaire, conditions pourtant sine qua none pour que le collège devienne le terreau du développement des valeurs de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche qui est actuellement en déplacement en Suisse avec le Président de la République.
Vous le savez, le collège d’aujourd’hui aggrave les inégalités. Najat Vallaud-Belkacem a donc lancé une réforme du collège pour 2016, afin que tous les élèves réussissent et apprennent mieux. Cette réforme consolide les apprentissages fondamentaux, dont le français, les mathématiques et l’histoire. Aucune matière ne perd d’heures. Parallèlement, les programmes sont entièrement revus afin d’être cohérents de la maternelle jusqu’à la troisième.
Il a effectivement été décidé d’intégrer, à l’instar de ce qui se passe dans de très nombreux pays dont les élèves réussissent mieux, des enseignements pratiques interdisciplinaires : il s’agit d’ouvrir les perspectives, de croiser les sujets, de faire travailler les élèves en équipe. Dans la mesure où ce sont les enseignants qui connaissent le mieux les besoins des élèves, la réforme octroie 20 % du temps aux conseils d’administration de chaque collège afin de leur permettre d’organiser ces enseignements interdisciplinaires. Grâce à ces marges de manœuvre, les enseignants pourront répondre au mieux aux besoins des élèves, au plus près de leurs besoins.
La liberté pédagogique donnée aux enseignants est régulée. Les inquiétudes sont compréhensibles, mais il n’est nullement question de fragiliser le cadre national. Cette liberté est encadrée par les horaires nationaux, par les programmes et par les huit nouveaux thèmes de travail définis dans les programmes.
Afin que tous les élèves réussissent, un accompagnement personnalisé sera également mis en place. C’est pour vous comme pour nous une priorité, monsieur le sénateur. Ces temps d’apprentissage en petits effectifs représenteront trois heures en sixième et au moins une heure en cinquième, en quatrième et en troisième.
Pour concrétiser ces engagements, les collèges bénéficieront de nouveaux moyens d’enseignement afin de faciliter les démarches. Ainsi, 4 000 équivalents temps plein travaillé accompagneront la réforme du collège.
Je tiens maintenant à vous répondre précisément sur l’apprentissage des langues, monsieur le sénateur : non, la réforme du collège ne remet pas en cause l’enseignement du latin ; non, les sections internationales ne seront pas supprimées ; non, la réforme ne pénalise pas l’enseignement, par exemple, de l’allemand, auquel, je le sais, vous êtes attaché, ce bien au contraire. Demain, les 13 % d’élèves qui étudient l’allemand comme deuxième langue vivante pourront en commencer l’apprentissage un an plus tôt.
Vous le constatez, la réforme permettra aux élèves des collèges de mieux apprendre et de mieux réussir, en maîtrisant davantage les savoirs fondamentaux et les compétences du monde actuel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
programme budgétaire
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour le groupe socialiste.
M. François Marc. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement vient de faire connaître la teneur du programme de stabilité 2015-2018. Celui-ci repose sur un déficit public de seulement 4 % en 2014, alors qu’un taux probable de 4,4 % était annoncé. Ce taux est donc encourageant. Chacun sait en effet dans cette enceinte d’où nous venons : le déficit public avait atteint des niveaux abyssaux en 2009 et en 2010. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. François Marc. Il s’élevait encore à 103 milliards d’euros en 2011. La stratégie du Gouvernement visant à la fois au redressement de l’économie française et à la poursuite de l’assainissement des comptes publics commence donc à produire des résultats (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.), en ce qui concerne tant les investissements et l’exportation que la confiance des ménages et la consommation.
Ce qui est d’ores et déjà démontré, c’est la capacité de la France à assainir ses comptes publics par une maîtrise accrue de ses dépenses, ce sans augmentation des prélèvements obligatoires, il faut le souligner. (Très vives protestations sur les mêmes travées.)
M. Didier Guillaume. Réjouissez-vous !
M. François Marc. Je note d’ailleurs, s’agissant des prélèvements, que ceux qui, à droite, réclament du Gouvernement une maîtrise fiscale accrue ont été les premiers à augmenter fortement les impôts dans les villes qu’ils gouvernent depuis un an ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations outrées sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Guillaume. Contrairement à leurs promesses électorales !
M. François Marc. J’en viens maintenant à un sujet essentiel : le rythme de la réduction des déficits structurels de la France durant les trois années à venir.
Le Conseil de l’Union européenne a donné à la France jusqu’à 2017 pour repasser sous la barre des 3 % de déficit public. Il lui recommande par ailleurs une réduction soutenue de son déficit structurel.
M. Francis Delattre. Tout va très bien, madame la marquise !
M. François Marc. Faut-il suivre ce conseil jusqu'au bout et prendre le risque de freiner la croissance frémissante ? La réponse du Gouvernement est, j’en suis convaincu, la bonne : il faut à la fois réduire le déficit et préserver les perspectives de croissance – jugées d’ailleurs prudentes par le Haut Conseil des finances publiques – de 1 % en 2015 et de 1,5 % en 2016 et 2017.
M. Francis Delattre. Avec 100 000 chômeurs supplémentaires cette année ?
M. François Marc. Ma question est la suivante, monsieur le Premier ministre : pouvez-vous nous préciser quels arguments vous allez utiliser pour convaincre nos partenaires européens que, dès lors qu’une trajectoire est bonne pour la croissance et l’emploi en France, elle l’est aussi pour la croissance et l’emploi en Europe ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Guillaume. Excellente question !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, mon gouvernement a un cap, et il s’y tient fermement. Il fallait redresser le pays, rétablir nos comptes publics et restaurer la compétitivité de nos entreprises. Progressivement, en faisant preuve à la fois de lucidité, de modestie bien sûr, et de détermination, nous sommes en train d’y parvenir.
Oui, vous l’avez dit fort justement, il fallait redresser le pays après dix ans d’échec de la politique économique menée par la majorité précédente. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mon gouvernement a en effet présenté hier matin son programme de stabilité. Christian Eckert l’a soumis, avec talent je suppose, à la commission des finances du Sénat. Ce programme dessine la stratégie des finances publiques de la France pour les trois prochaines années et fixe des objectifs clairs, que vous avez rappelés : le redressement de l’économie française et la poursuite de l’assainissement de nos comptes publics. (M. Alain Vasselle s’exclame.)
Oui, les comptes publics étaient dégradés. Nous les remettons à flot en réalisant des économies sur les dépenses publiques, comme aucun gouvernement ne l’a fait par le passé : ces économies atteindront 50 milliards d’euros sur la période 2015-2017. Depuis 2012, nous avons fait preuve de sérieux budgétaire.
M. François Grosdidier. Sur le dos des communes !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le déficit public pour 2014 s’établit à 4 %. C’est mieux que prévu et, dans un contexte difficile, c’est mieux que les années précédentes ! En outre, pour la première fois depuis 2009, les prélèvements obligatoires se sont stabilisés.
M. Didier Guillaume. Voilà !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces résultats sont à mettre au crédit de notre politique et de cette majorité. (M. François Grosdidier s’exclame.)
Quant à ceux qui expliquent qu’ils augmentent les impôts locaux pour compenser la baisse des dotations (Vives protestations sur les travées de l'UMP.), qu’ils songent à l’exemple de Toulouse. Quand on se présente devant les électeurs en leur promettant de ne pas augmenter les impôts…
M. François Grosdidier. À dotations constantes !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … afin d’obtenir leurs suffrages et que l’on fait le contraire un an plus tard, on ment ! Assumez donc vos responsabilités dans vos communes et devant vos électeurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Guillaume. Voilà ! Assumez devant vos électeurs !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette dynamique de redressement des comptes publics va se poursuivre, à un rythme ne remettant pas en cause la reprise de la croissance, car nos priorités sont de préparer l’avenir, de lutter contre les inégalités et de tout faire pour la croissance et pour l’emploi. C’est pour cela que nous avons décidé de conforter le pouvoir d’achat des ménages. Ainsi la baisse de l’impôt sur le revenu que nous avons décidée l’année dernière concernera-t-elle 9 millions de ménages à la rentrée.
Ne faites donc pas croire que les impôts augmentent à cause de nous quand ils sont aujourd'hui en hausse à cause de l’opposition (Très vives protestations sur les travées de l'UMP) et alors que nous allons les diminuer à l’échelon national. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Un sénateur du groupe UMP. Ce n’est pas vrai !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons mis en œuvre des politiques de soutien aux entreprises, qu’il s’agisse du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou du pacte de responsabilité et de solidarité, pour un montant de 40 milliards d’euros sur quatre ans.
M. Francis Delattre. Et vous tuez le secteur du bâtiment !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces politiques ont permis de diminuer le coût du travail, certes dans un contexte européen et international qui s’améliore, du fait, bien sûr, de la baisse du prix du carburant et du pétrole. Si ce dernier coût avait augmenté, on nous aurait demandé de prendre un certain nombre de mesures, mais tel n’est pas le cas, et c’est tant mieux pour nos entreprises et pour les ménages.
La France a obtenu une baisse des taux d’intérêt et de l’euro, comme elle le réclamait depuis trois ans et comme je l’avais appelé de mes vœux dans mon discours de politique générale. Je me réjouis que, sur cette question comme sur celle des investissements prévus dans le plan Juncker, la parole du Président de la République ait été entendue par nos partenaires européens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Par ailleurs, vous le savez, j’ai présenté la semaine dernière des mesures fortes visant à dynamiser l’investissement, privé comme public.
En outre, conscient des difficultés des collectivités territoriales, je présenterai à la mi-mai un certain nombre de mesures, qui sont actuellement en cours de discussion avec les associations d’élus, notamment l’AMF, l’Association des maires de France.
En tout cas, le message est clair : nous menons une politique de sérieux, une politique de redressement !
Néanmoins, dans un contexte où les indicateurs de croissance évoluent dans le bon sens, rien ne sera fait – je l’ai d’ailleurs indiqué devant la Commission européenne – qui pourrait mettre en cause la croissance.
Telle est la politique de la France, celle qu’a présentée hier le secrétaire d’État chargé du budget, et tel est le cap que nous maintiendrons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)
programme de stabilité
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe UDI-UC.
M. Vincent Delahaye. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez décidé de ne pas débattre des nouvelles orientations pluriannuelles de nos finances publiques avec la représentation nationale. De ce fait, vous bafouez la démocratie et les droits du Parlement !
Faut-il rappeler au Président de la République que les parlementaires ont eux-aussi été élus pour représenter le peuple français et que, dans une démocratie parlementaire, ce sont eux qui ont le dernier mot ?
En réalité, chacun y voit très clair : vous refusez tout débat en raison de l’absence de consensus dans votre majorité à l’Assemblée nationale et des divisions au sein de votre parti politique. Pris dans un étau entre vos orientations politiques et l’aile gauche du parti socialiste qui ne vous soutient plus, vous pratiquez l’esquive !
La France, compte tenu de son bilan économique et de ses 5,9 millions de chômeurs, mériterait pourtant un examen du pacte de stabilité et de croissance au Parlement.
Faut-il également rappeler que le nombre de chômeurs a augmenté en l’espace d’une année de 160 000, alors qu’il diminuait sur la même période d’environ 900 000 dans la zone euro ?
Faut-il enfin rappeler que le nombre de défaillances d’entreprises a atteint le triste record de 62 500 en 2014 ?
Nous aurions aimé vous entendre confirmer l’abandon de la promesse du Président de la République de rétablir l’équilibre des comptes publics en 2017.
Nous aurions aussi aimé comprendre comment vous pouvez continuer à présenter des déficits colossaux comme étant de nature conjoncturelle, alors que ceux-ci existent depuis des années, voire des décennies !
Nous aurions aimé vous convaincre, à tout le moins tenter une nouvelle fois, que seule une poursuite de la baisse des dépenses publiques qui s’appuierait sur de véritables réformes de structure conduirait, enfin, à la sortie de déficits que vous estimez conjoncturels.
Nous aurions aimé expliquer à nos concitoyens, une fois encore, que votre stratégie de réduction du déficit se fonde en réalité sur la réduction des dotations budgétaires aux collectivités locales et s’effectue donc, si je puis dire, sur le dos des contribuables locaux qui vont voir leurs impôts augmenter !
Nous aurions en outre aimé que vous ayez le courage d’affronter le Parlement et surtout les divisions internes de votre parti.
Je déplore la légèreté avec laquelle le Président de la République se dispense de la représentation nationale au bénéfice de son parti politique.
M. Jean-Louis Carrère. Quelle est la question ?
M. Vincent Delahaye. En définitive, nous aimerions que vous changiez d’avis. Il est encore temps de le faire ! La démocratie en sortirait grandie car, dans une démocratie parlementaire, les prévisions budgétaires du Gouvernement, lorsqu’elles n’ont pas reçu l’aval de la représentation nationale, ne peuvent engager le pays.
M. Simon Sutour. C’est minable !
M. Vincent Delahaye. Il s’agit du point de vue défendu par le groupe UDI-UC. Est-ce le vôtre, monsieur le secrétaire d’État ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur plusieurs sujets, dont celui des relations qu’entretient le Gouvernement avec le Parlement, ainsi que de la transparence et de la disponibilité dont il fait preuve pour informer le Parlement et pour débattre avec lui.
En la matière, je dispose d’innombrables exemples de débats qui ont eu lieu, parfois pendant de très longues durées, jour et nuit, samedi et parfois dimanche compris. (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) Nous avons eu l’occasion – je crois que vous pouvez m’en donner acte – de passer ensemble des dizaines, voire des centaines d’heures, pour débattre de tous les textes budgétaires.
Si vous n’en étiez pas informé, je vous indique que tous les décrets, je pense notamment aux décrets d’avance, ont été transmis à la Haute Assemblée. Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat a ainsi pu en disposer et la commission des finances dans son ensemble a pu les examiner. Hier, Michel Sapin et moi-même avons d’ailleurs passé plus de deux heures avec les membres de cette commission.
Monsieur le sénateur, nous sommes donc à votre disposition, y compris pendant les vacances ! Nous serons par exemple présents lors de la réunion de la commission des finances de l’Assemblée nationale prévue mercredi prochain. Nous assisterons également au débat de politique générale que l’Assemblée nationale a décidé d’organiser la semaine suivante.
Au-delà de la forme, vous appelez de vos vœux davantage d’économies en faveur du pays.
Tout d’abord, les résultats de l’exécution budgétaire de 2014 ont été particulièrement positifs, puisque l’État a réduit ses dépenses entre 2013 et 2014, vous le savez, de 3,3 milliards d’euros ! (Protestations sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Francis Delattre. C’est faux !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, examinez avec nous la loi de règlement ! Ce sont 3,3 milliards d’euros de moins ! Les chiffres sont têtus !
Ensuite, vous affirmez certes vouloir aller plus loin, mais nous attendons vos propositions !
J’aurai l’occasion, au cours de cette séance, de revenir sur cette question, car je suis attaché à respecter autant mon temps de parole que le Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
programme de stabilité
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour le groupe de l’UMP.
M. Jean Bizet. Ma question s'adressait à M. le ministre des finances et des comptes publics que je n’aperçois pas dans l’hémicycle.
Alors même que nous examinons et modifions le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dit « projet de loi Macron », afin d’en faire un véritable texte en faveur de la croissance, alors même que la France, si j’en juge par l’absence de réformes prévues avant 2017, s’enfonce lentement mais sûrement dans l’immobilisme, je veux me faire le relais du profond mécontentement que le refus du Gouvernement d’organiser au Sénat un débat sur le programme de stabilité européen avant l’envoi de son projet aux instances communautaires suscite.
La Commission européenne invite le Gouvernement à des efforts budgétaires structurels bien précis ? Il en propose d’autres ! Elle réclame des réformes ? Le Gouvernement refuse pourtant tout débat avec le Parlement !
Il s’agit d’une curieuse attitude : l’irrespect à l’égard du processus démocratique le dispute aux imprécisions entretenues sur la trajectoire de nos finances publiques. Ces imprécisions ont d’ailleurs été soulignées par le Haut conseil des finances publiques, même s’il accorde au Gouvernement, c’est sa seule concession, sa prudence en matière d’estimation sur la croissance.
Lors de la réunion de la conférence des présidents, le Gouvernement s’était cependant engagé à satisfaire la demande du Sénat d’organiser un débat sur le programme de stabilité. La Haute Assemblée l’avait programmé aujourd’hui même !
Il s’agit pourtant, vous en conviendrez, d’un débat primordial avant la transmission du projet du Gouvernement aux instances communautaires, au regard du semestre européen ou plus précisément de l’esprit du traité de Lisbonne.
J’avoue être inquiet et soucieux de cette attitude, qui consiste à refuser de débattre au Sénat comme à l’Assemblée nationale.
Je me permettrai de reprendre les propos que M. Sapin a tenus dans le journal Le Monde publié hier dans lesquels il précisait que la transmission du programme de stabilité « permet à la Commission européenne d’exercer un droit de regard, et éventuellement un droit de critique sur la stratégie budgétaire. »
Le Gouvernement accepte un débat sur ses orientations devant la Commission européenne qui, d’après mes informations, aura bien lieu. En revanche, il vient d’en priver la représentation nationale !
Je ne poserai qu’une seule question : pourquoi cette attitude et ce silence ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)