M. Daniel Gremillet. Cet amendement vise à instaurer un plan programmant les installations de notaires sur une période triennale. Il est nécessaire d’avoir d’une vision dans le temps.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. L’instauration d’un plan triennal de programmation des installations de notaires ne serait pas cohérente avec ce qui a été décidé à l’article 13 bis, c’est-à-dire un plan de liberté d’installation, certes encadré. On pourrait évidemment prévoir que le garde des sceaux s’engage sur une augmentation progressive du nombre de notaires en exercice. Mais, d’une part, c’est précisément l’objectif du projet de loi – la précision n’est donc pas nécessaire – et, d’autre part, l’adoption de cet amendement obligerait à prévoir une coordination entre les deux. Cela rendrait le mécanisme complexe et contraire à la position de la commission spéciale.

Je vous suggère de retirer cet amendement, monsieur Gremillet. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Gremillet, l'amendement n° 1486 est-il maintenu ?

M. Daniel Gremillet. Oui, monsieur le président.

Il est absolument nécessaire de disposer de projections claires quant aux possibilités d’installations dans les territoires. Il est tout de même intéressant de pouvoir visualiser les évolutions à venir et de s’organiser en conséquence, notamment pour les jeunes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1486.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 544 rectifié quater est présenté par Mme Deromedi, M. Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, MM. Calvet, Charon, Commeinhes et Magras, Mme Mélot et M. Milon.

L'amendement n° 691 est présenté par M. P. Dominati.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Des honoraires peuvent être perçus pour les prestations qui ne sont pas couvertes par le tarif déterminé par le décret en Conseil d’État mentionné au I quinquies de l'article 12. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, des services rendus dans l’exercice des activités compatibles avec la fonction notariale, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par le notaire et des diligences de celui-ci.

Sont notamment rémunérées, conformément à l’alinéa précédent, les consultations données par les notaires. Dans ce cas, le client doit être préalablement averti par écrit du caractère onéreux de la prestation de services et du montant estimé ou du mode de calcul de la rémunération à prévoir. Une convention d’honoraires est alors établie entre le notaire et son client.

La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 544 rectifié quater.

Mme Jacky Deromedi. Actuellement, la rémunération des notaires est régie par décret.

Elle porte soit sur les activités traditionnelles des notaires, faisant l’objet d’un tarif réglementé, soit sur les prestations de conseil, hors tarif réglementé, compatibles avec la fonction notariale. Ces prestations sont rémunérées, selon les termes du décret, « par des honoraires fixés d'un commun accord avec les parties, ou, à défaut, par le juge chargé de la taxation. Sont notamment rémunérées […] les consultations données par les notaires. Dans tous les cas, le client doit être préalablement averti par écrit du caractère onéreux de la prestation de services et du montant estimé ou du mode de calcul de la rémunération à prévoir. »

L'article 12 du présent projet de loi porte exclusivement sur l'exercice des prestations soumises au tarif réglementé des notaires.

En revanche, rien n'est prévu dans le texte sur les honoraires de conseil. Or le conseil est bien un élément inhérent à la fonction de notaire. Il est donc étonnant que les dispositions régissant les honoraires versés au titre des prestations de conseil ne soient pas abordées.

Dans un souci de cohérence, cet amendement tend à faire remonter au niveau de la loi les dispositions concernant les prestations de conseil au même titre que celles qui sont couvertes par le tarif réglementé. Jusqu'à présent, toutes étaient régies par le décret du 8 mars 1978.

M. le président. L’amendement n° 691 n’est pas soutenu.

M. François Pillet, corapporteur. Je souhaite le reprendre au nom de la commission, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Il s’agit d’apporter deux précisions : d’une part, en dehors des actes tarifés, les prestations des notaires sont en honoraires libres ; d’autre part, la fixation de ces honoraires répond aux mêmes exigences que pour les avocats : services rendus, difficulté de l’affaire, frais exposés, diligence du notaire et convention d’honoraires préalable.

La première de ces deux précisions n’est sans doute pas nécessaire. Mais elle peut rassurer. En outre, encadrer la fixation des honoraires en prenant pour modèle la profession d’avocat est tout à fait pertinent.

Toutefois, il semble nécessaire d’apporter plusieurs rectifications, afin de reprendre les principaux éléments du régime de fixation des honoraires d’avocats.

C’est la raison pour laquelle la commission reprend l’amendement n° 691, mais dans une nouvelle rédaction.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1754, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article 1er quater de l'ordonnance n°45-2590 du 2 novembre 1945, il est inséré un article 1er quinquies ainsi rédigé :

« Art. 1er quinquies. - Le notaire perçoit, pour les prestations qu'il accomplit, selon le cas, des droits et émoluments fixés conformément à l'article 12 de la loi n° … du … pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, ou des honoraires.

« Lesdits honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, des services rendus dans l'exercice des activités compatibles avec la fonction notariale, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par le notaire et des diligences de celui-ci.

« Sauf en cas d'urgence ou de force majeure, le notaire conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. »

Veuillez poursuivre, monsieur le corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. J’émettrai évidemment un avis favorable sur l’amendement n° 544 rectifié quater sous réserve qu’il soit rectifié dans le sens proposé par la commission.

M. le président. Madame Deromedi, acceptez-vous de modifier votre amendement n° 544 rectifié quater dans ce sens ?

Mme Jacky Deromedi. Oui, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 544 rectifié quinquies, dont le libellé est identique à celui de l’amendement n° 1754.

Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je comprends bien l’objet de ces amendements. Néanmoins, je ne vois pas pourquoi l’on apporterait dans la loi des précisions sur des prestations qui ne sont pas réglementées par le décret de 1978 ; le présent projet de loi traite uniquement des tarifs réglementés.

Il me semblerait inutilement verbeux de repréciser des dispositions qui existent déjà. La rédaction proposée dans le texte devrait satisfaire les auteurs de ces amendements, dans la mesure où les seules activités faisant l’objet d’un tarif réglementé sont affectées. Or, et nous en avons débattu samedi dernier, les prestations de conseil ne donnent lieu à application d’un tarif réglementé pour aucune des professions traitées dans le cadre de ce texte.

Pour toutes ces raisons, je sollicite le retrait des amendements nos 544 rectifié quinquies et 1754. Les évolutions proposées n’apportent rien, et l’introduction de dispositions concernant les tarifs libres dans la loi pourrait marquer une forme de réglementation.

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je le précise, la rectification que j’ai proposée vise à supprimer la référence à la consultation, qui introduit une difficulté ; une telle mesure pourrait être interprétée comme ouvrant aux notaires la possibilité de faire payer à leurs clients, par le biais d’honoraires, la consultation juridique qui est fournie dans le cadre de la rédaction d’un acte pour lequel ils sont déjà soumis à un tarif. Or seules les consultations détachées de tout acte tarifé sont susceptibles de donner lieu à la perception d’honoraires.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. À quoi ça sert que Ducros se décarcasse ? (Sourires.)

Nous avons adopté samedi dernier un dispositif – c’est l’un de mes rares amendements que M. le ministre, dans sa grandeur d’âme, a bien voulu soutenir – prévoyant une liberté tarifaire sur l’ensemble des opérations des notaires. Ainsi les amendements en discussion aujourd’hui sont-ils déjà satisfaits.

Je préfère en rester à la rédaction adoptée samedi ; elle laisse une liberté pleine et entière. Les amendements visent à prévoir une liberté tarifaire hors des tarifs réglementés pour les opérations classiques, mais tout en fixant un cadre, ce qui va probablement d’ailleurs à l’encontre de la volonté de leurs auteurs.

Dans les secteurs où il n’y a pas de concurrence, par définition, les tarifs sont réglementés et encadrés par la loi ; pour le reste, puisqu’il s’agit d’un secteur ouvert à la concurrence, laissons la concurrence agir ! Je ne comprends pas très bien l’objectif des auteurs de ces amendements. Pourquoi remettre dans un cadre ce que nous avons libéré samedi ? Je préfère me ranger à l’avis de M. le ministre ; pour une fois qu’il est libéral ! (Exclamations.)

Restons-en à la libération, hors tarifs réglementés. Ne prévoyons pas de normes nouvelles ! Ce n’est pas à la loi de préciser ce que doivent être les tarifs libres dans des secteurs concurrentiels. Si l’on commence ainsi, on ne s’en sortira jamais !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Je partage l’analyse de mon collègue Roger Karoutchi.

Effectivement, dans la mesure où les tarifs sont réglementés dans des champs bien précis, je ne vois pas l’intérêt d’ajouter des conventions. Pourquoi légiférer à outrance sur des aspects qui relèvent du libre exercice des professionnels ? (M. Roger Karoutchi acquiesce.)

L’adoption de ces amendements, qui ne me paraissent pas avoir de réelle utilité, ajouterait de l’incertitude juridique.

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Monsieur Karoutchi, les amendements dont nous débattons avaient été déposés avant le vote qui est intervenu la semaine dernière.

M. François Pillet, corapporteur. Toutefois, compte tenu des explications qui viennent d’être apportées, je veux bien retirer l’amendement que j’ai déposé au nom de la commission spéciale, et je suggère à Mme Deromedi d’en faire autant.

Vous le voyez, nous sommes sur la voie d’un consensus ; j’espère que cela durera ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. le président. L’amendement n° 1754 est retiré.

Qu’en est-il de l'amendement n° 544 rectifié quinquies, madame Deromedi ?

Mme Jacky Deromedi. Je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 544 rectifié quinquies est retiré.

Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 14
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 16

Article 15

I. – L’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers est ainsi modifiée :

1° L’article 3 est ainsi rédigé :

« Art. 3. – La compétence territoriale des huissiers de justice, pour l’exercice des activités mentionnées aux deuxième et dernier alinéas de l’article 1er, est nationale. Sous cette réserve, la compétence territoriale des huissiers de justice s’exerce dans le ressort de cour d’appel au sein duquel ils ont établi leur résidence professionnelle.

« Un décret en Conseil d’État définit :

« 1° Les conditions d’aptitude à leurs fonctions, parmi lesquelles les conditions de reconnaissance de l’expérience professionnelle des clercs salariés ;

« 2° Le ressort territorial au sein duquel ils sont tenus de prêter leur ministère ou leur concours ;

« 3° Les règles applicables à leur résidence professionnelle ;

« 4° Les modalités suivant lesquelles ils peuvent être admis à constituer des groupements ou des associations ;

« 5° Leurs obligations professionnelles. » ;

2° Après le chapitre Ier, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE Ier BIS

« De la nomination par le ministre de la justice

« Art. 4. – La nomination d’un huissier de justice, la création, le transfert ou la suppression d’un office d’huissier de justice sont faits par arrêté du ministre de la justice.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommé en cette qualité.

« Les conditions dans lesquelles le ministre de la justice fait droit ou refuse la création d’un nouvel office sont fixées à l’article 13 bis de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

« Art4 bis. – Les huissiers de justice cessent leurs fonctions lorsqu’ils atteignent l’âge de soixante-dix ans. Sur autorisation du ministre de la justice, ils peuvent continuer d’exercer leurs fonctions jusqu’au jour où leur successeur prête serment. »

bis. – L’article 3 de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, dans sa rédaction résultant du présent article, entre en vigueur le 1er janvier 2017.

II. – Le chapitre Ier bis de la même ordonnance entre en vigueur le premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi.

M. le président. L'amendement n° 342, présenté par M. Joyandet, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour formuler une remarque générale : ce projet de loi, comme beaucoup d’autres textes dont nous sommes saisis depuis un certain temps – je pense notamment au projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou projet de loi NOTRe –, s’adresse aux Parisiens ou, disons, aux habitants des zones urbaines ! Tel est du moins mon ressenti d’élu rural.

Je pense notamment à la déréglementation des professions réglementées. Nous n’avons déjà pas grand-chose dans nos petits départements ruraux. Avec cette déréglementation, il y aura encore moins de péréquation et d’aménagement du territoire.

Par exemple, si les avocats ou les huissiers sont reliés non plus à leur tribunal de grande instance, mais à leur cour d’appel, chez nous, il y a, à terme, un risque de disparition pure et simple des TGI. Nous n’avons pas la même densité pour les professions réglementées et juridiques que dans les grandes zones urbaines. Une crainte est ressentie aussi bien par les élus que par les professionnels : l’ouverture générale risque de permettre à des avocats et à des huissiers venus d’ailleurs de prendre le peu d’affaires que nous avons encore chez nous.

Dans les territoires comme le mien, le pouvoir d’achat par tête d’habitant est très bas. Ces professions concernées rehaussent un peu la moyenne générale. J’ai donc tendance à penser qu’il convient de faire montre de davantage de prudence, en termes de déréglementation, dans les départements à faible densité que dans les zones urbaines.

Nous l’avons bien vu avec le projet de loi NOTRe. Au début, il était envisagé de supprimer les départements. Si cela ne posait sans doute pas de problème dans les grandes zones urbaines, cela en posait beaucoup dans les départements ruraux. Finalement, le Gouvernement a reculé devant la très forte contestation de l’ensemble des élus.

La contestation est moins importante sur le sujet dont nous débattons aujourd'hui : certains ne sont pas tellement contre parce qu’ils sont dans des zones urbaines… Il y a assez peu de monde pour parler au nom des professions concernées dans les départements ruraux. Le danger est néanmoins réel pour ces départements, dont le seuil d’équipement est déjà très faible, y compris en ce qui concerne les voies de communication.

Aujourd'hui, le système marche. Pourquoi vouloir encore casser quelque chose qui fonctionne à peu près correctement ? Après les difficultés que rencontrent dans ces territoires le commerce indépendant, l’artisanat, les PME et des PMI, pourquoi vouloir mettre par terre le peu qui reste encore debout ?

Je tenais à vous faire part de mon sentiment et des inquiétudes que nous ressentons pour nos territoires. Par cet amendement, je ne plaide pas pour que l’on ne fasse rien ; nous voulons simplement envoyer un message.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Mon cher collègue, j’ai parfaitement compris votre position. Par certains aspects, elle se rapproche partiellement de celle que nous avions soutenue en matière de postulation.

L’adoption de cet amendement supprimerait non seulement l’extension du ressort de compétence des huissiers, mais aussi la limite d’âge. C’est pour cette raison que je n’y suis pas favorable.

Néanmoins, je ne veux pas fuir le débat sur l’extension du ressort de compétences. Il est vrai que, pour les huissiers, cela a beaucoup évolué en peu de temps. Le ressort est passé du tribunal d’instance au tribunal de grande instance, puis au département voilà moins d’un an. L’article 15 prévoit de l’étendre à tout le territoire pour la plupart des prestations, à l’exception des significations, qui seraient limitées au ressort de la cour d’appel.

Les huissiers de justice que j’ai interrogés sont d’accord avec cette extension, à la condition de disposer d’un temps suffisant pour s’y préparer. C’est ce que la commission spéciale a prévu en déposant un amendement, qui sera examiné tout à l’heure, tendant à différer l’entrée en vigueur au 1er janvier 2017.

Tout cela n’élargit pas beaucoup la palette des compétences des huissiers sur un territoire plus vaste. Pour la plupart de leurs prestations, en particulier pour toutes celles qui sont hors monopole, les huissiers ont déjà un ressort de compétences plus large que le département.

C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement de principe. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’interpellation de M. Joyandet m’offre l’occasion de présenter notre amendement n° 1621, dont nous discuterons dans quelques instants.

J’entends votre crainte, monsieur le sénateur ; toutes les discussions que nous avons pu avoir ces jours derniers montrent qu’elle est prise en compte. La réforme des professions réglementées ne va pas dans le sens que vous redoutez. Elle ne déséquilibre pas les zones pourvues de manière satisfaisante en professionnels. Je vous renvoie à la cartographie que nous avons présentée et que la Haute Assemblée a votée : la liberté relative d’installation vaudra pour les zones où le manque est réel. Les zones rurales auront la chance de voir arriver, si elles étaient carencées, de nouveaux professionnels.

Nous avons même créé un fonds de péréquation qui n’existait pas jusqu’alors, contrairement à tout ce qui a pu être dit. C’est un apport initial du texte, qui prenait en compte les intérêts des territoires. Ce projet de loi sera donc un mieux-disant pour les territoires ruraux. Dans les territoires où il y a suffisamment de professionnels, la liberté d’installation ne s’appliquera pas, et le statu quo sera préservé.

L’article que vous souhaitez supprimer prévoit l’extension à la cour d’appel. J’ai noté qu’il y avait un petit décalage. La date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2017 me convient. Voilà pourquoi le Gouvernement ne propose pas de revenir sur cette date. Comme l’a souligné M. le corapporteur, au 1er janvier 2015, la compétence a été étendue aux départements. Il faut donner de la visibilité et du temps ; cette montée en charge progressive me convient.

L’amendement n° 1621 prévoit de fixer la limite d’âge à soixante-dix ans tout en retenant le principe d’un délai de six mois. Nous sommes en désaccord sur ce point, mais l’opposition n’est pas substantielle.

Il serait dommage de supprimer l’article 15, qui permet aussi à certains offices d’huissiers d’aller chercher la « matière », comme ils le disent, sur d’autres territoires. Il y a déjà eu, en raison du numerus clausus, une raréfaction dans certaines zones de ces offices.

Le dispositif permettra non seulement à des jeunes de s’installer, mais également d’étendre leur ressort, ce qui ne sera pas forcément un avantage pour le fait métropolitain. Les territoires ruraux verront des occasions nouvelles s’offrir à eux à travers l’ensemble de la réforme – nous en avons parlé samedi.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Monsieur Joyandet, l'amendement n° 342 est-il maintenu ?

M. Alain Joyandet. Non, je le retire, monsieur le président.

Je maintiens les craintes que j’ai exprimées pour les secteurs ruraux. Cela concerne non pas spécifiquement les huissiers, dont j’ai compris qu’ils étaient d’accord – nous n’allons pas faire leur bonheur malgré eux ! –, mais les autres professionnels, comme les avocats et les notaires, qui ressentent encore aujourd'hui beaucoup d’inquiétudes dans nos territoires. Je tenais à me faire l’écho de leurs préoccupations ici, au sein de la représentation nationale, car je n’ai pas l’impression que la situation soit vécue de manière aussi positive sur le terrain !

M. le président. L'amendement n° 342 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1621, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 13 à 16

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Art. 4. – Toute personne remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance est nommée par le ministre de la justice en qualité d’huissier de justice dans les zones où l’implantation d’offices d’huissier de justice apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services.

« La nomination peut toutefois être refusée dans les cas prévus au III de l’article 13 bis de la loi n° du pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

« Un appel à manifestation d’intérêt est organisé dans les zones identifiées en application du II du même article 13 bis.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Il précise également les conditions d’honorabilité, d’expérience, de garantie financière et d’assurance prévues au premier alinéa.

« Art. 4 bis. – Les huissiers de justice cessent leurs fonctions lorsqu’ils atteignent l’âge de soixante-dix ans. Sur autorisation du ministre de la justice, ils peuvent continuer d’exercer leurs fonctions jusqu’au jour où leur successeur prête serment, pour une durée qui ne peut excéder six mois. »

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 224 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Il s’agit simplement d’appliquer aux huissiers de justice la proposition, déjà formulée avec le succès que l’on sait pour les notaires, de supprimer la limitation d'âge. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Par cohérence, la commission ne peut qu’être défavorable à l’amendement n° 1621, dont l’adoption introduirait une incohérence totale dans le texte.

La commission sollicite le retrait de cet amendement, d’autant que vous pourrez y revenir à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre…

De même, compte tenu du vote qui est intervenu tout à l'heure, je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 224 rectifié. Les huissiers de justice étant des officiers publics ou ministériels, nous ne saurions leur appliquer des règles de limite d’âge différentes de celles qui prévalent pour les notaires.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Je soutiens l'amendement n° 224 rectifié, que notre collègue Jean-Claude Requier a excellemment défendu. Les limites d’âge sont absurdes ; nous en sommes le témoignage vivant dans cette Haute Assemblée ! (Exclamations amusées.)

Mme Éliane Assassi. Parlez pour vous !

M. Gérard Longuet. Il s’agit de professions fondamentalement libérales. Certes, elles sont, pour partie, investies de missions de service public, mais la décision appartient au client ! Une personne cacochyme, inapte, n’aura plus de client, et son affaire s’éteindra d’elle-même !

Monsieur le ministre, l’âge de soixante-dix ans vient beaucoup plus vite qu’on ne le croit ! (Sourires.) Il arrive même que l’on puisse exercer des responsabilités à cet âge avancé. Les exemples en sont nombreux, à commencer par Clemenceau. Je ne vois pas pourquoi la loi viendrait au secours de cette guillotine.

Mme Nicole Bricq. Ils deviendront avocats !

M. Gérard Longuet. Je regrette que mon collègue et ami Alain Joyandet ait retiré son amendement. Je lui aurais apporté mon soutien non pas pour défaire le projet de la commission, qui est pertinent, mais parce que l’ouverture territoriale va, je le pense profondément, vider les départements des meilleurs libéraux, qui iront chercher les lieux où se trouve la meilleure clientèle. Car le propre de la profession libérale, et les notaires comme les huissiers sont des professions libérales, c’est de chercher le client là où il est solvable, exigeant et capable de vous faire progresser, parce que ses attentes sont importantes.

Ce que je crains, ce n’est pas tellement que les grandes villes aillent vers le monde rural ; le risque est que les meilleurs du monde rural en profitent pour s’installer dans une grande ville, où ils trouveront de meilleurs clients.

La raréfaction des professions libérales, y compris d’ailleurs les médecins, s’explique par l’éloignement des centres de décision et de formation auxquels celles-ci sont naturellement liées.

Il faut accepter l’idée d’examiner les textes qui nous sont soumis à la lumière des mouvements des prestataires de services libéraux qui, comme l’ont fait avant eux les banques privées, coopératives et mutualistes, les caisses d’épargne, les directions administratives de l’État, se regroupent non pas vers les métropoles départementales, si on peut parler de « métropoles » pour la plupart de nos préfectures, mais vers les métropoles régionales. Cela aboutit inéluctablement à ce que des territoires ne puissent plus accéder aux prestataires dont ils ont besoin pour se développer.

Toutefois, je n’ai ni l’outrecuidance ni la naïveté de penser que l’on puisse, par la loi, empêcher les évolutions de fond de la société : la tertiarisation, c’est le monde urbain, et le monde urbain, c’est le contraire du monde rural.