M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour la réplique.
M. Gilbert Barbier. Madame la ministre, je vous remercie de ces propos, qui nous rassurent un peu. Nous verrons bien lors de l’examen du projet de loi relatif à la santé…
Je voudrais aborder un point fondamental : la formation initiale pose un réel problème pour le patient.
Certes, l’art médical est un art de soin ; mais c’est aussi un art d’accompagnement. Cela me semble un peu en contradiction avec la politique de prime à la performance qui a été mise en place voilà quelques années. À mon sens, le nouveau mode de rémunération comporte un véritable risque de stérilisation de l’initiative, en raison de la tendance à récompenser le conformisme.
Je l’ai dit, la médecine est un art. Votre système a tendance à gommer l’excellence et à nier la notoriété acquise du fait de la qualité des praticiens.
Il en est de même de votre acharnement concernant les contraintes d’installation ou les dépassements d’honoraires ; en l’occurrence, il aurait fallu traiter seulement les dépassements manifestement abusifs. À mon avis, le nivellement par le bas vers lequel nous nous dirigeons ne s’effectuera pas au bénéfice des patients.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour le groupe écologiste.
Mme Aline Archimbaud. Ma question concerne la médiation sanitaire.
La médecine libérale se heurte aujourd’hui à une double difficulté.
D’un côté, les médecins se plaignent de tâches administratives de plus en plus lourdes. Beaucoup craignent d’ailleurs que la généralisation du tiers payant n’amplifie ce phénomène. Selon nous, pourtant, cette mesure est indispensable ; je salue d’ailleurs votre opiniâtreté sur ce sujet, madame la ministre. Il faut trouver une solution pour la mettre en œuvre sans pour autant complexifier les conditions d’exercice des médecins.
D’un autre côté, les patients, notamment les plus modestes, sont confrontés à des difficultés d’accès aux droits sociaux, aux soins et à la santé.
Une partie de la solution doit, me semble-t-il, reposer sur le développement de nouveaux métiers, notamment ceux de la médiation sanitaire, qui vise à améliorer l’accès aux droits, à la prévention et aux soins. Les professionnels de la médiation sanitaire travaillent à la fois avec les patients, les professionnels de santé, les administrations et les services publics. Ils jouent le rôle d’interface pour construire à terme un accès facilité au système de droit commun.
Madame la ministre, ma question est double.
Premièrement, comment inciter les médecins libéraux à s’appuyer davantage sur les professionnels de la médiation sanitaire ? Les nouveaux modes de rémunération ne pourraient-ils pas intégrer ce critère ?
Deuxièmement, avez-vous l’intention de permettre que ces métiers soient reconnus, de leur donner un vrai statut et de développer des filières de formation initiale et continue en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Alain Richard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, je salue – j’ai déjà eu l’occasion de le faire – votre opiniâtreté dans la lutte contre les inégalités de santé. C’était d’ailleurs l’enjeu du très remarquable rapport que vous avez remis à Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, voilà quelque temps. Vos réflexions inspirent certaines des dispositions du projet de loi relatif à la santé.
Ce matin même, j’étais aux côtés de Manuel Valls, Premier ministre, qui recevait les représentants du collectif ALERTE, composé d’associations de lutte contre la pauvreté. Nos interlocuteurs évoquaient, comme vous venez de le faire, la nécessité de mettre en avant des dispositifs permettant d’accompagner les personnes les plus éloignées du système de santé vers les soins, notamment en favorisant la médiation sanitaire, que vous appelez de vos vœux.
Aussi, dans le cadre du plan pauvreté, seront financées des mesures de médiation sanitaire, dispositif reconnu explicitement dans le projet de loi relatif à la santé, qui permettra des expérimentations en la matière.
Concrètement, il s’agit de permettre aux acteurs de terrain, quels qu’ils soient – collectivités locales, associations, professionnels de santé ou tout organisme intervenant dans le champ des soins ou de la prévention –, de s’engager pour accompagner des personnes éloignées des dispositifs de soins, des hôpitaux, des médecins et ayant besoin d’en être rapprochées.
En même temps, je vais confier à la Haute Autorité de santé une mission sur la formation de ces professionnels. Il faut établir un cadre de référence en matière de compétences qui précise également les modalités déontologiques de l’intervention.
Vous le constatez, madame la sénatrice, tout comme vous, je suis très attentive au développement de la médiation sanitaire.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour la réplique.
Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, je vous remercie des mesures concrètes et, si j’ai bien compris, bientôt opérationnelles que vous avez annoncées.
Dans certains endroits, cette pratique professionnelle existe depuis dix ans. Mais les métiers correspondants ne sont pas reconnus et les acteurs concernés doivent chercher des financements chaque année. C’est très compliqué pour eux. Des formations sont dispensées dans quelques universités, mais elles sont très rares.
Je vous remercie également de comprendre la préoccupation qui est la nôtre.
À nos yeux, il faut voir les mesures destinées à faciliter l’accès aux droits et à la santé non comme des dépenses supplémentaires, mais bien comme un investissement : moins de personnes malades, c’est aussi moins de dépenses ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe CRC.
Mme Laurence Cohen. La situation de la médecine libérale ne peut pas être déconnectée de l’organisation de notre système de santé, dans la complémentarité, la coopération, et non la concurrence.
Qui dit organisation dit notamment organisation territoriale. Cela me conduit à aborder une réalité connue de toutes et de tous dans cet hémicycle : les déserts médicaux. Le Sénat a d’ailleurs produit un rapport d’information sur le sujet au mois de février 2013.
Nous le savons, la répartition disparate sur le territoire des professionnels de santé rend l’accès aux soins plus difficile pour les citoyens et crée de véritables inégalités.
Force est de constater qu’il y a des déserts médicaux dans quasiment tous les départements, ruraux comme urbains. Ils concernent aussi bien les médecins généralistes que les spécialistes et, globalement, tous les professionnels de santé.
Je ne peux malheureusement pas m’exprimer longuement sur les travaux du géographe Emmanuel Vigneron qui mettent en évidence combien l’accès aux établissements de santé, aux urgences est très variable et a des répercussions évidentes sur la santé de nos concitoyens.
Tout cela pose la question de la nécessaire articulation, notamment entre la médecine libérale et les centres de santé.
Or les centres de santé ne sont pas soutenus. Pourtant, ils permettent une proximité de soins et ils ont le mérite d’offrir une solution complémentaire au système actuel, à la fois pour des professionnels de santé qui ne souhaitent pas exercer en libéral et pour des patients qui y trouvent une réponse satisfaisante, du point de vue tant de la qualité de prise en charge que de la possibilité de bénéficier du tiers payant intégral.
Dès lors, madame la ministre, je vous ferai part de deux interrogations complémentaires. La première concerne le nombre insuffisant de professionnels de santé et leur répartition ; la seconde porte sur la pratique médicale elle-même.
Envisagez-vous de changer le mode de calcul du numerus clausus, absent du pacte territoire-santé et du projet de loi relatif à la santé, en partant du principe non plus de plafond, qui limite, mais plutôt de plancher minimal, qui assurerait un nombre suffisant de professionnels médicaux et paramédicaux ? Quelles mesures incitatives proposez-vous pour favoriser l’installation dans les zones mal desservies ?
Quels moyens allez-vous mettre en œuvre pour conforter et développer les centres de santé au lieu de les placer en concurrence avec les maisons de santé, qui répondent à d’autres missions ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, les enjeux de désertification médicale renvoient à la mise en place de structures attractives pour les professionnels libéraux ou à l’implantation de centres de santé.
Je ne crois pas que le numerus clausus soit la réponse principale. Le problème réside plus dans la répartition des professionnels sur le territoire que dans leur nombre.
J’aurai l’occasion d’exprimer prochainement en effectuant une visite ma reconnaissance et l’importance que j’accorde aux centres de santé dans notre système de soins. Ils sont un partenaire indispensable dans certains territoires et, de manière plus générale, dans ce système.
J’ai souhaité qu’ils soient pris en compte au même titre que les maisons de santé pluri-professionnelles libérales, en considérant leurs spécificités dans leur financement.
Des négociations spécifiques sur la rémunération des équipes des centres de santé sont engagées avec l’assurance maladie. Le projet de loi relatif à la santé, qui sera examiné dans quelques semaines, reconnaîtra et facilitera leur financement.
J’ai annoncé récemment que je voulais valoriser les compétences de ces centres en leur permettant, par exemple, de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse instrumentales, à condition évidemment que les conditions de sécurité soient respectées.
J’ai demandé aux agences régionales de santé de favoriser la mise en place, en tant que de besoin, de centres de santé dans les territoires. Ainsi, il y a d’ores et déjà plus de 300 centres de santé en Île-de-France, et un programme de développement existe.
Vous le constatez, madame la sénatrice, les centres de santé ont un rôle majeur à jouer dans l’offre de soins en direction des patients, rôle que je souhaite reconnaître et conforter.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je n’épiloguerai pas sur le numerus clausus qui concerne tous les professionnels – je suis moi-même orthophoniste en exercice et je puis vous garantir que les membres de cette profession ne sont pas suffisamment nombreux en France, quels que soient les territoires !
Par ailleurs, étant signataire de l’appel Pacte d’avenir des centres de santé, je suis ravie de vous entendre soutenir dans cet hémicycle les centres de santé. Il est très important d’être appuyé par le ministère. J’espère que cet appui ne sera pas uniquement moral, mais qu’il se traduira en moyens financiers et humains. Je souhaite également que les vingt recommandations figurant dans le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales soient suivies et mises en application, afin d’impulser un mouvement en faveur du développement des centres de santé dans tous les territoires et pour toutes les populations qui en ont besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour le groupe socialiste.
Mme Anne Emery-Dumas. Madame la ministre, parmi toutes les mesures prises par le Gouvernement au mois de décembre 2012 pour lutter contre les déserts médicaux et favoriser l’implantation des médecins libéraux dans les territoires classés en zones prioritaires d’exercice, la création du contrat de praticien territorial de médecine générale devait permettre à de jeunes médecins de s’installer dans les zones sous-dotées en sécurisant financièrement et socialement leurs premiers mois d’installation.
Après deux années de fonctionnement du pacte territoire-santé, on constate sur le terrain que cette aide est d’autant plus efficace qu’elle se complète par la possibilité donnée au jeune médecin d’exercer au sein d’une maison de santé pluridisciplinaire, et que la combinaison de ces deux mesures a permis une amélioration sensible de la situation des zones défavorisées en matière d’offre médicale.
Par ailleurs, les difficultés constatées dans le domaine de la médecine générale existent également en matière d’accès aux consultations de spécialistes. Si la densité des généralistes varie de un à deux sur le territoire national, celle des spécialistes varie de un à sept. Certaines spécialités font face à une réelle pénurie dans les départements ruraux, notamment, ce qui a conduit les collectivités locales à s’engager dans des expérimentations de maisons des spécialistes, sur le modèle des maisons médicales.
Quelle amélioration attendez-vous, madame la ministre, de la création dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 du contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire ? Pouvez-vous nous dire quels sont les objectifs chiffrés de cette mesure pour l’année 2015 ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, vous mettez l’accent sur l’une des dispositions phares du pacte territoire-santé, qui comporte douze mesures pour faciliter l’implantation de professionnels de santé dans les zones déficitaires.
Parmi ces douze mesures, dont l’incitation à créer des maisons pluri-professionnelles et des centres de santé, figure la création des praticiens territoriaux de médecine générale. Il s’agit d’inciter de jeunes médecins, généralistes pour le moment, à s’installer dans des territoires sous-dotés, en leur proposant, notamment, une couverture sociale améliorée. Ce dispositif a rencontré un grand succès : notre pays comptera bientôt 400 praticiens territoriaux, dont dix-sept dans votre région, la Bourgogne. La réussite est telle que j’ai souhaité élargir la mesure, des élus m’ayant fait savoir qu’il était nécessaire d’encourager l’installation de spécialistes.
C’est pourquoi dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale a été prévue la création d’un praticien territorial de médecine ambulatoire. L’objectif pour l’année 2015 est de favoriser 200 installations de jeunes médecins spécialistes – pédiatres, ophtalmologistes, ou autres spécialistes – répondant à une demande locale. Là encore, ils seront incités à s’installer, en particulier grâce à la mise en place d’une couverture sociale améliorée qui sera particulièrement intéressante pour les jeunes femmes médecins.
Comme vous le constatez, madame la sénatrice, nous faisons le nécessaire pour donner envie aux jeunes professionnels de s’implanter dans les territoires où les patients attendent de nouveaux médecins.
M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour la réplique.
Mme Anne Emery-Dumas. Je vous remercie, madame la ministre, de ces précisions, qui vont dans le bon sens pour les zones rurales sous-dotées. Comme un certain nombre de mes collègues l’ont souligné, il est important que le patient puisse avoir le choix de son médecin, et les mesures que vous préconisez sont de nature à permettre une meilleure offre territoriale.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Deroche. Madame la ministre, depuis plusieurs mois, votre projet de loi relatif à la santé provoque colère et inquiétude des professionnels de santé. J’avais d’ailleurs eu l’occasion de vous alerter au mois de décembre dernier.
Devant une mobilisation sans précédent, vous avez dû reporter une première fois l’examen à la mi-février de ce texte décrié, qui sera finalement discuté à l’Assemblée nationale à la fin du mois de mars, après la grande manifestation des internes et des praticiens libéraux qui aura lieu le 15 mars prochain. Je souligne l’unité de l’ensemble des syndicats, fait suffisamment rare pour être noté !
Parmi les mesures qui provoquent les crispations se trouve la généralisation du tiers payant. Outre un risque de déresponsabilisation des patients, tous les syndicats de médecins, même ceux qui vous sont plutôt favorables, dénoncent la complexité du dispositif et la surcharge de travail qu’il entraînera pour les médecins.
À l’occasion de sa conférence de presse du 5 février dernier, le Président de la République avait annoncé que le tiers payant ne serait mis en place que si un mécanisme simple de paiement est trouvé pour les professionnels de santé.
Les problématiques sont connues : vérification des droits des assurés ; mise à jour des droits ; sans parler de la gestion des impayés auxquels les médecins devront faire face en cas de problèmes de droits, de changement de caisse ou de cartes Vitale qui ne sont plus à jour !
Les médecins seront désormais payés par l’assurance maladie et par les complémentaires santé, soit plus de 600 organismes qu’ils devront contacter en cas de difficultés de remboursement ! Le coût estimé du tiers payant est de l’ordre de 3,50 euros par acte. Qui assumera cette surcharge administrative ? Les médecins ! Vous allez me rétorquer que ce système fonctionne très bien dans les pharmacies, mais les médecins n’ont pas de secrétariat pour s’occuper du tiers payant. Où en est la négociation en cours à ce sujet ?
M. Alain Gournac. Ça va mal…
Mme Catherine Deroche. Et je n’insisterai pas sur les autres points qui fâchent tels que le service public hospitalier des cliniques et la recentralisation des pouvoirs autour des agences régionales de santé.
Votre projet de loi, madame la ministre, inquiète beaucoup les professionnels de santé. Certes, il faut s’attaquer aux enjeux stratégiques, aux déséquilibres de notre système de santé, mais ce texte fait douter certains de l’attachement réel du Gouvernement à la médecine libérale, qui pourtant fait, aux côtés des hôpitaux publics, la réputation d’excellence de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, le projet de loi relatif à la santé a pour ambition de réduire certaines inégalités, à défaut de pouvoir les faire disparaître. Cela passe, notamment, par un accès aux soins facilité, mais aussi par le développement de la prévention et par d’autres mesures de ce type.
Environ 30 % des actes des médecins – je ne parle pas des pharmaciens – sont déjà réalisés en tiers payant. Les bénéficiaires de la CMU y ont droit, ainsi que les anciens détendus pendant une période transitoire, les malades à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Il y a donc eu des étapes. Et je n’oublie pas les cabinets de radiologie et de biologie qui pratiquent souvent le tiers payant.
L’objectif est de réfléchir à l’élaboration d’un dispositif simple. Il n’est pas question de créer de la complexité administrative. Le système doit prévoir des garanties de paiement ; elles peuvent être inscrites dans la loi, madame la sénatrice, je n’y vois aucune difficulté. J’ai pris l’engagement, et le Gouvernement y travaille avec les financeurs et les professionnels de santé, de mettre en place un dispositif qui ne coûte ni argent ni temps aux professionnels. Des discussions en ce sens sont en cours. Je souhaite que les préoccupations de chacun soient satisfaites.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.
Mme Catherine Deroche. Certes, madame la ministre, le tiers payant existe déjà. Mais ce qui inquiète les professionnels, c’est la généralisation du dispositif, qui demandera beaucoup de temps aux professionnels.
Vous évoquez les laboratoires et les centres de radiologie. Mais le médecin généraliste n’a souvent pas de secrétaire. S’il doit en plus des consultations faire sa comptabilité le soir,…
Mme Catherine Deroche. … avec toute la complexité que cela représente, ses journées vont être très chargées ! Je le sais pour l’avoir vécu à titre personnel et familial…
Bref, les médecins auront-ils encore le temps de se concentrer sur leur véritable mission ? Vous réfléchissez à un dispositif simple ? C’est précisément ce que les médecins attendent depuis des mois : que vous leur indiquiez quelle sera cette procédure simple. Or ils n’ont toujours pas la réponse ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Tout à fait, et ils sont inquiets !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe UMP.
M. Daniel Chasseing. Madame la ministre, ma question se décompose en trois parties.
Premièrement, les médecins libéraux sont de moins en moins nombreux à vouloir s’installer en zone rurale ou hyper-rurale, pour différentes raisons, qui ne sont en rien exhaustives : l’impossibilité de travailler seulement trente-cinq heures ; les difficultés liées aux inévitables déplacements sur des distances longues ; une éventuelle rentabilité moindre des cabinets en zone rurale qu’en zone urbaine. Le risque est l’apparition de déserts médicaux.
Aussi je souhaiterais connaître votre sentiment sur un projet, plusieurs fois évoqué, ici ou ailleurs, et qui, à ce jour, n’a pas été concrétisé : attribuer aux étudiants en médecine une allocation annuelle d’État – elle pourrait être de 3 000, 4 000 ou 5 000 euros – à partir de la deuxième année jusqu’à la cinquième – cette mesure pourrait constituer une sorte d’ascenseur social – à la condition qu’ils s’engagent à s’installer en milieu rural pour un certain nombre d’années, dix ans par exemple.
En effet, la combinaison des maisons de santé pluridisciplinaires et de l’octroi de subventions après l’obtention du diplôme ne suffira pas à remédier à la désertification, même si ces mesures sont positives.
Deuxièmement, nous sommes nombreux à penser que le numerus clausus doit être élargi, si l’on veut faire face aux besoins sanitaires d’aujourd’hui et de demain. Actuellement, nombre de médecins, soit ressortissants de la Communauté européenne, soit tout bonnement étrangers, s’installent en France au détriment des étudiants en médecine français,…
Mme Isabelle Debré. Eh oui !
M. Daniel Chasseing. … qui restent aux portes de la faculté en raison d’un examen d’entrée hyper sélectif : la moyenne des notes exigée est supérieure à celle que demandent d’autres pays – 10 en Roumanie, en particulier, contre 13 ou 14 en France.
Cette situation est non seulement injuste, puisque la moitié des médecins des hôpitaux périphériques sont des étrangers, ce au détriment de nos compatriotes, mais encore problématique, car, le résultat est un manque de médecins en France.
Troisièmement, un récent rapport de la Cour des comptes prône la fermeture des maternités pratiquant moins de 300 accouchements par an.
M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue !
M. Daniel Chasseing. Or plusieurs de ces établissements sont situés en milieu rural ou hyper-rural, et offrent de ce fait un évident service de proximité, à la condition bien sûr de garantir un travail en équipe, avec des maternités de niveau III disposant d’une équipe de réanimation néo-natale.
M. le président. Il faut conclure !
M. Daniel Chasseing. Je termine, monsieur le président.
La maternité d’Ussel, dans mon département, est donc menacée.
Mme Annie David. Eh bien voilà !
Mme Nicole Bricq. C’était le plus important ! (Sourires.)
M. Daniel Chasseing. Or sa disparition créerait un vide du point de vue des services de proximité et mettrait en danger les parturientes domiciliées à plus d’une heure de voiture d’une autre structure.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Chasseing, vous avez soulevé plusieurs questions.
J’ai déjà abordé le numerus clausus. Mais la France ne manque pas de médecins : elle compte aujourd'hui, par millier d’habitants, plus de médecins qu’il y a vingt ans. La difficulté à laquelle nous sommes confrontés, c’est la concentration de ces derniers dans certains territoires au détriment d’autres territoires. C’est pourquoi j’ai pris des mesures de façon à inciter les jeunes professionnels à s’installer dans des territoires sous-dotés.
Parmi ces mesures figure la mise en place de bourses, d’un montant compris entre 800 à 1 500 euros par mois et qui permettent aux étudiants en médecine, et désormais en odontologie, de bénéficier d’un soutien pendant leurs études. En contrepartie, ils s’engagent à s’installer pendant un certain nombre d’années dans des territoires souffrant d’un nombre insuffisant de professionnels de santé.
Ce dispositif rencontre un grand succès, puisque 881 étudiants ou internes ont opté en 2014 pour le versement d’une bourse en contrepartie de cette installation et 76 contrats ont été signés avec des étudiants en odontologie, nouveauté que j’ai introduite en 2013. Dans votre région, le Limousin, vingt-deux contrats de ce type ont été signés.
Quant aux maternités, comme celle d’Ussel, qui pratiquent moins de 300 accouchements par an, la Cour des comptes a demandé non pas de les fermer, mais de veiller à la sécurité. De ce point de vue, à Ussel, les équipes de gynécologues-obstétriciens, pédiatres et anesthésistes ont été renforcées grâce à une coopération médicale avec les établissements voisins, laquelle constitue une réponse adaptée à la demande de nos territoires.
M. le président. Par bonté, monsieur Chasseing, bien que vous ayez dépassé votre temps de parole, je vous donne la parole pour la réplique, pour quelques secondes ! (Sourires.)
M. Daniel Chasseing. J’estime, et je ne suis pas le seul, que le non-élargissement du numerus clausus – il n’est pas récent, puisqu’il est constant depuis quinze ans – est une faute très préjudiciable pour nos territoires, nos hôpitaux, nos enfants, qui auraient sûrement été des praticiens motivés et se seraient installés en milieu rural. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur la situation de la médecine libérale.
Madame la ministre, je vous remercie de votre participation à ces échanges.
Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)