M. Jacques Mézard. Cet amendement me semble dangereux. (M. Ronan Dantec s’exclame.) Monsieur Dantec, nous avons le droit de ne pas être d’accord avec vous. Nous savons bien que vous faites tout ce que vous voulez en matière d’écologie, mais laissez-nous nous exprimer !
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Charles Revet. La démocratie, c’est aussi laisser parler les autres !
M. Jacques Mézard. Cet amendement est dangereux, disais-je. Il est des règles du code civil qui ont un sens. Il ne s’agit d'ailleurs pas d’un amendement de civiliste, cela se voit. Cet amendement est sans aucun doute très administratif, très technique, ma chère collègue, mais vous permettriez à un propriétaire qui veut isoler par l’extérieur, dans tous les cas de figure, de coller une protection externe surplombant la propriété voisine de cinquante centimètres, dans des conditions qui sont effectivement une atteinte générale au droit de propriété.
De surcroît, vous indiquez, ce qui est tout de même assez original, que les éventuelles contestations sont soumises obligatoirement à une médiation préalable, à peine d’irrecevabilité d’une demande contentieuse. Et vous obligez le président du tribunal de grande instance, statuant en référé, à désigner un médiateur. Ce n’est pas rien !
Si l’on prévoit une telle procédure pour déborder de cinquante centimètres, il va falloir la généraliser dans bien d’autres cas. On ne peut pas toucher de cette manière à des principes figurant dans le code civil et le code de procédure civile qui me paraissent relativement importants, à moins de tout modifier.
Je crois donc que ce n’est pas une bonne chose. Je rappelle qu’il existe ce que l’on appelle la « servitude de tour d’échelle », qui permet d’imposer une installation temporaire en cas de travaux.
Il faut faire attention à des propositions qui semblent extrêmement simples et mesurées, mais qui en fait ne le sont pas du tout et sont la porte ouverte à la multiplication de véritables contentieux.
M. le président. Madame Jouanno, l'amendement n° 643 rectifié est-il maintenu ?
Mme Chantal Jouanno. Non, monsieur le président, mais je souhaitais vraiment soulever ce problème, qui m’a été signalé par les experts du plan Bâtiment comme l’un des freins à l’isolation par l’extérieur. Un surplomb est possible sur le domaine public, mais pas sur le domaine privé. Il faudra sans doute que vos services se penchent sur le sujet, madame la ministre, et y apportent des réponses concrètes.
M. le président. L’amendement n° 643 rectifié est retiré.
Article 4
I. – (Non modifié) Le 6° du III de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« 6° Définir des secteurs dans lesquels il impose aux constructions, travaux, installations et aménagements de respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées qu’il définit. À ce titre, il peut imposer une production minimale d’énergie renouvelable, le cas échéant, en fonction des caractéristiques du projet et de la consommation des sites concernés. Cette production peut être localisée dans le bâtiment, dans le même secteur ou à proximité de celui-ci. »
II. – Toutes les nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage de l’État, de ses établissements publics ou des collectivités territoriales font preuve d’exemplarité énergétique et environnementale et sont, chaque fois que possible, à énergie positive ou à haute performance environnementale.
Des actions de sensibilisation des utilisateurs de ces nouvelles constructions à la maîtrise de leur consommation d’énergie sont mises en place.
Les collectivités territoriales peuvent bonifier leurs aides financières ou octroyer prioritairement ces aides aux bâtiments à énergie positive ou qui font preuve d’exemplarité énergétique et environnementale.
II bis. – (Supprimé)
III. – L’article L. 128-1 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « satisfaisant à des critères de performance énergétique élevée ou alimentées à partir d’équipements performants de production d’énergie renouvelable ou de récupération » sont remplacés par les mots : « faisant preuve d’exemplarité énergétique ou environnementale ou qui sont à énergie positive » ;
1° bis À la première phrase du deuxième alinéa, la référence : « L. 621-30-1 » est remplacée par la référence : « L. 621-30 » ;
2° Au troisième alinéa, les mots : « critères de performance et les équipements pris en compte » sont remplacés par les mots : « conditions d’application du présent article ».
IV. – (Supprimé)
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment d’aborder l’examen de l’article 4, je souhaite intervenir brièvement, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Cet article traite des performances énergétiques et environnementales des nouvelles constructions. Dans le texte initial du projet de loi, il était centré sur trois dispositifs : d’une part, la possibilité pour le règlement du plan local d’urbanisme, le PLU, d’imposer aux constructions de respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées et une production minimale d’énergie renouvelable ; d’autre part, l’obligation imposée aux nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage de l’État, de ses établissements et des collectivités locales de faire preuve d’exemplarité énergétique et d’être si possible à énergie positive ; enfin, la possibilité d’appliquer le bonus de constructibilité aux constructions satisfaisant à des critères de performance environnementale.
L’Assemblée nationale a effectué un certain nombre d’ajouts, tel celui qui prévoit que les collectivités territoriales pourront bonifier leurs aides pour les bâtiments à énergie positive ou faisant preuve d’exemplarité environnementale.
Elle a également apporté quelques précisions. C’est ainsi que la disposition du règlement du PLU susceptible d’imposer une production minimale d’énergie renouvelable pourra être mise en œuvre « le cas échéant, en fonction des caractéristiques du projet et de la consommation des sites concernés », ce qui est très imprécis du point de vue juridique.
Le texte de la commission n’apporte pas de précisions supplémentaires ; il rationalise, principalement. L’article 4 se présente ainsi aujourd’hui comme une honnête tentative d’introduire la préoccupation de la performance énergétique et environnementale dans l’acte de construire, que cela passe par le droit des sols ou par le devoir d’exemplarité, par les incitations financières ou, enfin, par la sensibilisation des utilisateurs des bâtiments nouvellement construits.
Tout cela est incontestablement utile, car la performance énergétique et environnementale du bâti est un élément essentiel du projet de loi. Cependant, on perçoit bien, au simple énoncé des dispositions de l’article 4, le degré fléchissant de normativité de ce texte.
Là, nous abordons la problématique de la complexité, car ce qui est insuffisamment normatif dans un texte législatif crée à la fois des exigences et un vide. La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a reçu pour mission de se demander si ce vide ne risquait pas d’être comblé au détriment des finances, de la souplesse de gestion des collectivités ou de leur liberté d’administration.
De ce point de vue, la délégation s’est intéressée à la disposition de l’article 4 qui, d’une part, pose le principe selon lequel toute nouvelle construction réalisée sous la maîtrise d’ouvrage de l’État et de ses établissements publics ou des collectivités territoriales doit faire preuve d’exemplarité énergétique et environnementale, et, d’autre part, prévoit que la même construction doit, chaque fois que cela est possible, être à énergie positive ou à haute performance environnementale.
Cette disposition est pour nous comminatoire en ce qu’elle prévoit, sur le ton du commandement, que toutes les nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage public font preuve d’exemplarité énergétique et environnementale. Elle est incantatoire en ce que ce commandement n’est intégré dans aucun code : il s’agit d’une disposition pour ainsi dire « hors sol », mal intégrée à l’ordonnancement juridique.
La seconde obligation, celle qui impose aux constructions nouvelles d’être à énergie positive ou à haute performance environnementale semble tout aussi incantatoire dans la mesure où elle s’appliquera « chaque fois que possible ». Mais qui peut déterminer le sens de cette expression ? Le pouvoir réglementaire, le juge ? Nul ne le sait…
De plus, il faudra définir ce qu’est l’« exemplarité énergétique et environnementale » d’un point de vue juridique et ce que signifie « à haute performance environnementale ». En avons-nous connaissance au moment de voter la loi ? Pas véritablement.
C’est en fonction de cette analyse et de ces inquiétudes, sans remettre en cause le fond du présent projet de loi, que les rapporteurs de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont déposé un amendement visant à minimiser les risques financiers et juridiques. (M. Rémy Pointereau applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 78, présenté par MM. Genest et Darnaud, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième phrase
Remplacer le mot :
imposer
par les mots :
notamment recommander
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 202 rectifié ter, présenté par MM. Pointereau, Mouiller, Guené et Lefèvre, Mme Cayeux, MM. Perrin et Raison, Mme Lamure, MM. B. Fournier et Trillard, Mme Troendlé, MM. Vogel, Bockel et Houel, Mme Gatel et MM. Vaspart, Cornu, Doligé, Dallier et Reichardt, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Remplacer les mots :
font preuve d’
par les mots :
recherchent l’
2° Supprimer les mots :
et sont, chaque fois que possible, à énergie positive ou à haute performance environnementale
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Mon collègue Philippe Mouiller et moi-même travaillons en binôme au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je vous présente un amendement de simplification et de clarification.
L’article 4 pose le principe selon lequel toute nouvelle construction réalisée sous la maîtrise d’ouvrage de l’État et de ses établissements publics ou des collectivités territoriales devra faire preuve d’exemplarité énergétique et environnementale et sera, chaque fois que cela est possible, à énergie positive ou à haute performance environnementale.
Cette disposition manifestement incantatoire, Philippe Mouiller l’a dit, qui ne serait de surcroît intégrée dans aucun code, soulève de grandes interrogations juridiques. En effet, la notion d’ « exemplarité énergétique et environnementale », ou même les qualificatifs « à énergie positive » et « à haute performance environnementale » sont imprécis. Aussi pourraient-ils conduire à une réglementation d’application excessivement contraignante et coûteuse, et faire courir des risques de contentieux.
En outre, cette disposition semble superfétatoire puisqu’il existe d’ores et déjà des objectifs de performance énergétique incitatifs ou contraignants pour les bâtiments neufs. Ces derniers doivent tout d’abord satisfaire aux caractéristiques énergétiques fixées par la réglementation thermique 2012, dite « RT 2012 ». De plus, les collectivités territoriales qui souhaiteraient faire preuve d’exemplarité en matière de développement durable peuvent tout à fait s’engager dans une démarche de labellisation ou de certification.
Il faut préférer ces démarches souples à l’inscription dans la loi d’un principe général relevant du droit gazeux. Comme le rappelait le Conseil d’État dans son étude annuelle sur le droit souple de 2013, « il n’est pas souhaitable de voir se développer, dans les instruments de droit dur que sont les lois et les décrets, des énoncés qui relèvent en réalité du droit souple et ne sont pas normatifs ».
Enfin, l’étude d’impact est muette quant aux conséquences financières de cette obligation d’exemplarité. Dans la mesure où la RT 2012 renchérit déjà les coûts de construction de 5 % a minima selon le ministère chargé de l’écologie, un alourdissement des dépenses d’investissement des collectivités territoriales est fortement probable.
En fin de compte, les principes généraux de ce dispositif pourraient être maintenus à condition d’en retirer les éléments potentiellement les plus contraignants. Il s’agirait ainsi de remplacer ce qui ressemble à une obligation de résultat par une obligation de moyens.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 29 rectifié est présenté par MM. Revet et Mayet, Mme Procaccia, MM. D. Laurent, Bizet, Portelli, Trillard et Houel et Mme Hummel.
L'amendement n° 400 rectifié est présenté par M. César, Mme Des Esgaulx, M. Pintat et Mme Primas.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
à énergie positive ou à haute performance environnementale
par les mots :
à haute performance environnementale et à moindre émission de gaz carbonique
II. - Alinéa 5
Supprimer les mots :
à énergie positive ou
La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l'amendement n° 29 rectifié.
M. Charles Revet. Ces approches très techniques peuvent différer en fonction des éléments d’information que nous avons pu obtenir.
Madame la ministre, nous en avons longuement débattu hier, nous sommes tout à fait favorables à toutes les mesures qui peuvent contribuer au développement des locaux à énergie positive, sous réserve, bien sûr, qu’elles ne soient pas dissuasives financièrement.
Or les surcoûts constructifs des bâtiments à énergie positive sont élevés par rapport aux logements à basse consommation. En outre, le surcoût occasionné par l’obligation d’achat de l’énergie produite et non consommée pèse pendant toute la durée du contrat sur la collectivité nationale. Il vous est donc proposé de remplacer les termes « à énergie positive » par les mots « à moindre émission de gaz carbonique », ce qui aboutit au résultat que vous souhaitez, tout en étant un peu moins contraignant.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour présenter l'amendement n° 400 rectifié.
Mme Sophie Primas. Cet amendement vient d’être défendu brillamment par Charles Revet.
M. le président. L'amendement n° 721, présenté par MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
Positive ou
par les mots :
positive et
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Je me sens un peu seul…
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas grave !
M. Charles Revet. Vous devez y être habitué !
M. Ronan Dantec. L’amendement que je présente dénote, par sa philosophie, dans cette discussion commune. J’ai l’habitude, et puis il arrive malgré tout que nous nous retrouvions, portés par la sagesse collective. (Sourires.)
Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoyait que les nouvelles constructions de l’État, de ses établissements publics ou des collectivités territoriales fassent preuve d’exemplarité énergétique et environnementale et soient, chaque fois que possible, à énergie positive « et » à haute performance environnementale.
La commission des affaires économiques du Sénat a remplacé le mot « et » par le mot « ou ». Or l’énergie et l’environnement ne sont pas exactement les mêmes choses. Les bâtiments doivent être exemplaires sur le plan à la fois énergétique et environnemental. C’est pourquoi nous vous proposons de revenir à la rédaction retenue par l’Assemblée nationale.
Je profite de cette prise de parole – ainsi, je n’aurai pas à m’exprimer trop longuement sur ce point – pour relever qu’une partie tout à fait pertinente de notre débat porte sur la définition du bâtiment à énergie positive. Mme Jouanno et moi-même avons déposé des amendements identiques tendant à définir par décret cette notion, ce qui réglera le problème. Cette proposition améliorera la future loi.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 644 rectifié bis est présenté par Mme Jouanno, MM. Guerriau et Détraigne, Mme Billon et M. Marseille.
L'amendement n° 821 est présenté par MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Un décret en Conseil d’État définit les exigences auxquelles doit satisfaire un bâtiment à énergie positive.
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 644 rectifié bis.
Mme Chantal Jouanno. Nous sommes favorables à l’objectif de construction de bâtiments à énergie positive. C’était d’ailleurs l’un des engagements du Grenelle I, à l’horizon 2020, me semble-t-il.
Cela étant, il faut absolument que la notion de bâtiment à énergie positive soit définie très tôt, afin que les acteurs économiques puissent se préparer et s’adapter le plus vite possible.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de renvoyer à un décret la définition précise de ce type de bâtiment.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l'amendement n° 821.
M. Ronan Dantec. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Je commencerai par l'amendement n° 721, qui me paraît être le plus « sévère », puisqu’il tend à revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale aux termes de laquelle toutes les nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage public « sont, chaque fois que possible, à énergie positive et à haute performance environnementale. »
La commission des affaires économiques a atténué cette rédaction en prévoyant que, dans ce cas de figure, les constructions devaient être soit à énergie positive, soit à haute performance environnementale.
Quant à l’amendement n° 202 rectifié ter, il vise un alinéa qui n’est pas très « méchant », si je puis dire, selon lequel les constructions « sont, chaque fois que possible, à énergie positive ou à haute performance environnementale. » Les auteurs de cet amendement sont hostiles à l’expression « chaque fois que possible » et souhaiteraient qu’elle soit supprimée. Cela revient à ôter toute obligation, pour les bâtiments sous maîtrise d’ouvrage de l’État, des établissements publics ou des collectivités territoriales, de respect des contraintes en matière d’énergie positive. Il aurait été plus simple de demander la suppression de l’alinéa 3, ce qui serait revenu au même.
Les amendements identiques nos 29 rectifié et 400 rectifié tendent à une rédaction moins sévère que celle de l'amendement n° 202 rectifié ter et davantage que le texte de la commission.
La commission est défavorable à ces trois amendements, car elle préfère conserver la rédaction qu’elle a adoptée.
Sur les deux derniers amendements identiques, la commission a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat. L’article 4 de la loi Grenelle I définit les bâtiments à énergie positive comme ceux dont la consommation d’énergie primaire est inférieure à la quantité d’énergie renouvelable produite dans ces constructions. Cette définition date certes de 2009 ; les auteurs de ces amendements estiment qu’il serait logique de la faire évoluer et renvoient pour cela à un décret. Sur ce point, la commission souhaite entendre les explications du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Ce débat est, j’en conviens, très technique, mais aussi très important. Nous avons longuement débattu de cette question à l’Assemblée nationale. Je suis favorable aux amendements tendant à renvoyer à un décret la définition de ce qu’est un bâtiment globalement performant. Les interventions l’ont montré, il va falloir fusionner les deux concepts en cause pour parvenir à une seule définition, afin que les opérateurs puissent s’y retrouver.
Au départ, le texte cumulait les deux exigences pour tenir compte de la différence entre un bâtiment à énergie positive, qui, comme son nom l’indique, est essentiellement concentré sur une production d’énergie au moins égale à sa consommation et donc est un bâtiment à très grande efficacité énergétique – une notion effectivement définie dans le Grenelle de l’environnement –, et un bâtiment à haute performance environnementale. Ce dernier concept est beaucoup plus large, puisqu’il intègre l’empreinte carbone, la gestion de l’eau, des déchets, l’utilisation des matériaux, etc.
Le cumul de ces deux notions était justifié par le fait qu’un bâtiment peut être à énergie positive – imaginons un édifice avec une centrale photovoltaïque installée sur son toit : il va produire plus d’énergie qu’il n’en consomme et l’énergie supplémentaire produite sera revendue sur le réseau –, mais il peut en même temps être une véritable passoire thermique, avec notamment une empreinte carbone importante. C’est donc bien cette combinaison des deux critères, c’est-à-dire un bâtiment à la fois performant sur le plan environnemental et à énergie positive, que doit respecter la nouvelle génération des constructions.
Cela dit, il y a effectivement un problème d’interférences, puisqu’un bâtiment à haute performance environnementale a, par définition, de bonnes performances énergétiques. L’effet cumulatif soulève, il est vrai, quelque difficulté.
La solution serait sans doute d’accepter la rédaction proposée par la commission, tout en prévoyant qu’un décret fixe assez rapidement la définition de la notion de bâtiment à énergie positive. C'est la raison pour laquelle j’estime que les deux derniers amendements identiques sont utiles, d’autant plus que des bonus sont attachés à la qualité de bâtiment à énergie positive et à haute performance environnementale.
Ce décret ne sera pas très difficile à rédiger, puisque les critères de la haute performance environnementale et de l’énergie positive, qu’il faudra combiner, sont bien connus. La commission les décrit assez bien dans son rapport, et les opérateurs des filières du bâtiment les maîtrisent parfaitement, car ils proposent la construction de bâtiments les respectant.
Je citerai un exemple dans ma région : les nouveaux centres de formation des apprentis sont à énergie positive, construction bois et à haute qualité environnementale.
Je le répète, les professionnels du bâtiment les plus performantes déclinent parfaitement ces critères, qui passent par le choix des matériaux, l’énergie positive, le retraitement des déchets, la récupération des eaux de pluie, les toits végétalisés, etc. Ils proposent une palette de choix qui permet aux collectivités territoriales de se prononcer en toute connaissance de cause sur la construction de bâtiments étant tout à la fois à haute performance et, évidemment, à énergie positive. La vraie énergie positive est celle qui profite au bâtiment lui-même et non pas le surplus d’énergie remis sur le réseau, alors même que le bâtiment serait très faiblement efficace sur le plan énergétique.
Par conséquent, je suggère aux auteurs des quatre premiers amendements en discussion commune de les retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. En revanche, je suis favorable aux deux amendements identiques tendant à clarifier la situation et à définir la notion de bâtiment à énergie positive par un décret qui pourra être très rapidement rédigé. Mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrai même certainement vous communiquer un projet avant la fin de de nos débats.
M. le président. Monsieur Pointereau, l'amendement n° 202 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Rémy Pointereau. Oui, monsieur le président.
Mes chers collègues, nous sommes tous confrontés à nos élus locaux, à nos maires, qui ne cessent de se plaindre d’avoir trop de contraintes, à un moment où, par ailleurs, les dotations sont en baisse. Si vous votez l’instauration d’une contrainte supplémentaire, allez-vous leur dire que ce n’est pas de votre faute ? Que la faute a été commise par ceux qui vont rédiger le décret, parce que l’administration aura fait des ajouts ? Ou encore que c'est de la faute de l’Europe ? Vous ne pourrez pas vous cacher : à un moment donné, il vous faudra prendre vos responsabilités !
On ne peut pas dire, d’un côté, qu’il y a trop de normes et d’obligations et, de l’autre, en ajouter à chaque fois une couche. Il faut que nous cessions, car nos concitoyens en ont ras-le-bol de ces contraintes à la fois financières et normatives. Vous ne pouvez pas mener un double jeu : il faut indiquer à nos élus comment ils financeront ce qu’on est en train de leur préparer, à savoir exiger que les bâtiments soient à énergie positive et à haute performance environnementale.
Pour ma part, je n’ai pas envie de devoir informer mes élus que le Sénat a voté l’instauration de nouvelles contraintes. Je sais très bien que les élus de certaines communes, notamment les plus modestes d’entre elles, ne réussiront pas à financer toutes ces opérations. Je vous demande donc, mes chers collègues, de regarder de plus près les choses et de voter l’amendement n° 202 rectifié ter, car il participe d’une avancée que nous voulons promouvoir : faire du Sénat le moteur de la simplification.
On ne peut plus continuer à ajouter sans cesse de nouvelles réglementations. Nous légiférons trop, nos concitoyens nous l’indiquent en permanence. Nous devrions davantage travailler à la suppression d’un certain nombre de contraintes et de complexités administratives. C’est ce qu’attendent de nous nos concitoyens et les élus locaux. C'est aussi une volonté du président Larcher, qui a mis en place un groupe de travail au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, afin de proposer des mesures destinées à diminuer la pression normative. Le moment est venu d’accompagner cette politique !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote sur l’amendement n° 202 rectifié ter.