Mme la présidente. L'amendement n° 617 rectifié, présenté par Mme Gourault et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Lorsqu'un centre intercommunal d'action sociale est substitué à un centre communal, le conseil municipal de la commune peut former une commission, visée à l'article L. 2121-22 du code général des collectivités territoriales, chargée d'étudier les questions entrant dans le champ de l'action sociale et soumises au conseil.
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Permettez-moi au préalable, madame la présidente, de répondre à notre collègue. Monsieur Favier, je peux souvent vous entendre, car vous êtes raisonnable, mais, là, vous avez tenu des propos qui, je l’espère, dépassent votre pensée.
Tout d’abord, je tiens à souligner qu’il est toujours possible de créer des CCAS dans les communes de moins de 1 500 habitants. Tout ce qu’a fait la commission des lois, c’est rendre cette possibilité facultative.
Comme l’a rappelé le président de la commission des lois, cette décision s’appuie sur une réalité : de nombreuses petites communes de moins de 1 500 habitants – je n’ai plus les chiffres en tête ! – ne sont pas en conformité avec la loi parce qu’elles n’ont pas créé de CCAS, alors que la loi les y oblige.
Par ailleurs, certains CCAS sont des coquilles vides. Certes, ces communes sont en conformité avec la loi, mais le budget qu’elles y consacrent s’élève à moins de 500 euros par an. Faire de la politique sociale, est-ce distribuer des boîtes de chocolats à Noël ? Pour ma part, ce n’est pas ainsi que je conçois la politique sociale.
Aussi, pour adapter le droit aux réalités de la vie des petites communes, nous avons rendu la création des CCAS facultative.
Si nous donnons aux petites communes la possibilité de ne pas créer de CCAS, ce n’est nullement pour les raisons que vous avez exposées, monsieur Favier. Je m’élève en faux contre votre assertion selon laquelle nous voudrions mener une politique antisociale.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. En outre, même si la compétence de l’action sociale est transférée à un établissement public de coopération intercommunale, rien n’empêche la commune de former une commission des affaires sociales – tel est d’ailleurs l’objet de mon amendement n° 617 rectifié –, afin que l’action sociale menée par l’intercommunalité se fasse au plus près du terrain.
Sur ce sujet, je défendrai ultérieurement un amendement visant à rendre l’action sociale la plus efficace possible, que ce soit au niveau communal ou au niveau intercommunal.
Lorsqu’un centre intercommunal d’action sociale se substitue à un centre communal, le conseil municipal de la commune peut former une commission. Certes, on le sait, le code général des collectivités territoriales le permet, mais nous précisons que cette commission est chargée d’étudier les questions entrant dans le champ de l’action sociale et soumises au conseil.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. La commission est défavorable à l’amendement n° 893 présenté par M. Favier, pour des raisons identiques à celles qu’elle a avancées pour ce qui concerne l’amendement n° 892.
Je tiens à souligner qu’il ne s’agit en rien de faire reculer l’action sociale de nos communes. Selon une étude de la direction générale des finances publiques, que nous avons mentionnée dans le rapport de la commission et que personne n’a contestée, quelque 98 % des centres communaux d’action sociale seraient inactifs ou très peu actifs dans les communes de moins de 1 500 habitants.
Mme Jacqueline Gourault. Tout à fait !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Comme l’a excellemment indiqué Mme Gourault, qui est à l’origine de l’article 22 ter, il arrive que les sommes modiques attribuées à un CCAS d’une toute petite commune servent à offrir des boîtes de chocolats à Noël. Ces centres ne sont donc que des coquilles vides. Ce n’est pas l’idée que nous nous faisons de l’action sociale.
Il s’agit donc ici non pas de faire reculer l’action sociale, mais de l’organiser différemment et plus librement. Le formalisme du code général des collectivités territoriales n’a actuellement aucun impact positif sur le traitement de la situation des personnes en difficulté.
Concernant l’amendement n° 617 rectifié, présenté par Mme Gourault – chacun a pu mesurer qu’elle était orfèvre en la matière ! –, la commission a émis un avis défavorable. En réalité, ce n’est pas que nous nous opposons à la création des commissions d’affaires sociales dans les communes : nous considérons que cet amendement est déjà satisfait par le code général des collectivités territoriales, puisque le conseil municipal peut créer des commissions dans tout domaine qui lui semble justifié.
Madame Gourault, si vous ne retiriez pas votre amendement – j’ai tendance à privilégier cette solution, sans vouloir naturellement vous forcer la main ! (Sourires.) –, je transformerais mon avis défavorable en avis de sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur Favier, faisons confiance aux élus locaux !
Certaines communes, petites ou grandes, n’ont plus les moyens de faire vivre un CCAS. En revanche, les élus sont très proches des populations et font appel au CIAS et, parfois même, dans d’autres cas, au conseil général. D’ailleurs, ce sont sans doute dans ces communes que les élus ont la chance de connaître le mieux les habitants et d’alerter les services compétents lorsque les personnes sont en situation de détresse ou souffrent de solitude.
Sur d’autres points, vous demandiez une subsidiarité parfaite. Je ne vais pas employer de mots durs – je veux rester modérée sur ces sujets délicats –, mais, lorsque les CCAS n’ont pas de moyens, il vaut mieux avoir un centre intercommunal d’action sociale disposant d’un peu de moyens. Les élus pourront lui présenter les dossiers d’une, de deux personnes en difficulté ou d’une dizaine d’entre elles. L’efficacité et la simplification l’exigent à la fois.
Obliger les élus de ces communes à créer un CCAS, c’est les mettre dans une position inconfortable, car ils savent bien que ces centres n’auront pas les moyens de fonctionner. Si la responsabilité de l’action sociale est confiée à un centre intercommunal, les élus feront tout de même, j’en suis persuadée, leur travail.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 893, qui vise en quelque sorte à apporter une explication au texte du projet de loi.
S'agissant de l'amendement n° 617 rectifié, monsieur le président de la commission des lois, j’entends ce que vous dites, mais je crains effectivement une interprétation complexe.
Au fond, cet amendement nous permet d’apporter une explication ; d'ailleurs, les propos de Mme Gourault figureront au compte rendu intégral des débats. Personnellement, il ne me choque pas de voir figurer une telle précision dans le texte. Nous y avons déjà introduit quelques dispositions de même nature. En réalité, nous faisons passer des messages aux communes…
Il appartient à la Haute Assemblée de prendre une décision sage. Pour ma part, je fais confiance à Mme Gourault depuis tellement longtemps que je suis certaine qu’elle fera le bon choix.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. L’amendement de nos collègues communistes est intéressant. En fait, on pourrait retenir de cette discussion que l’ensemble du territoire national est couvert par des CCAS.
Les propos de Mme Gourault sont justes et nourris de son expérience : les petites communes doivent-elles transférer leur compétence en matière d’action sociale à l’intercommunalité ?
À l’instar du débat que nous avons eu précédemment au sujet de la mutualisation, on pourrait tout aussi bien imaginer le regroupement d’un certain nombre de communes – on ne parle pas là d’un transfert à l’EPCI –, qui constitueraient un CCAS unique.
Dans tous les cas, envoyons un signal politique fort : il y aura un CCAS de référence partout sur tout le territoire. Voilà ce qui est important.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je tiens à attirer l’attention de nos collègues et du Gouvernement sur un point ; il leur reviendra de décider de la suite qu’ils donneront à ces amendements relatifs aux CCAS.
Une fois de plus, on détermine qu’une commune est petite eu égard au nombre de ses habitants, sans prendre en considération la situation de celle-ci !
Permettez-moi d’évoquer, une fois encore, la problématique des communes touristiques, singulièrement des communes de montagne. Certaines communes, dont la population permanente s’élève à moins de 200 habitants, doivent gérer 10 000 lits touristiques, avec des saisonniers. Or qui dit saisonnier dit action du CCAS ; c’est une quasi-obligation, car il faut conduire les politiques d’accueil des saisonniers.
Souvent, ce sont les CCAS qui gèrent les hébergements des saisonniers, qui ont été, en général, construits par des OPAC, des offices publics d’aménagement et de construction, ou par des OPHLM, des offices publics d’habitations à loyer modéré, car ceux-ci ne veulent pas s’occuper de quelque chose de saisonnier. C’est donc le seul moyen d’obtenir des constructions !
Dès lors, comment voulez-vous que des communes, qui ne sont pas concernées par la station touristique, prennent à leur charge, dans un élan de générosité, la gestion des hébergements des saisonniers, avec les risques que cela comporte ?
En effet, il faut traiter toute la politique d’accueil des saisonniers, des familles, et lutter – il faut dire les choses telles qu’elles sont – contre un certain nombre de trafics, notamment de drogue. Un certain nombre de filières essaient évidemment d’embrigader des saisonniers dans leur réseau. C’est pourquoi il faut faire un travail d’information. En la matière, les CCAS ont donc un rôle important à jouer dans les petites communes, au sens actuellement employé.
Je veux poser ce problème pour qu’on en tire toutes les conclusions s’agissant de l’évolution des textes : ce qui est possible aujourd'hui ne doit pas devenir impossible demain, en termes de gestion de l’action sociale pour les saisonniers et de fonctionnement des communes touristiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur Bouvard, vous avez raison, il est important de rappeler que des communes touristiques rencontrent des problèmes majeurs. Certaines d’entre elles, célèbres, mais que je ne citerai pas, sont confrontées à de grandes difficultés, car 80 % de leurs salariés sont à temps partiel et gagnent, en moyenne annuelle, moins de 600 euros par mois. Néanmoins, ces communes sont souvent dotées d’un centre communal d’action sociale.
Vous avez satisfaction, monsieur le sénateur : l’article 22 ter indique qu’un centre communal d’action social peut être créé dans toute commune de moins de 1 500 habitants.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. J’interviens contre l’amendement n° 893 de M. Favier et en faveur de l’amendement n° 617 rectifié de Mme Gourault.
Aujourd'hui, que se passe-t-il sur le terrain ? Le travail réalisé par la commission est remarquable dans la mesure où l’action sociale conduite par les territoires sera plus efficace. Car c’est bel et bien l’efficacité qui est ici en jeu. Il vaut mieux avoir un centre intercommunal d’action sociale efficace qu’une dizaine ou une quinzaine de petits centres communaux d’action sociale, qui sont malheureusement souvent inopérants ou inactifs, comme cela a été souligné.
Compte tenu des difficultés actuelles, les personnes ou les jeunes en difficulté dans les communes rurales s’adressent aux communes-centres pour leur demander de les aider. Mais nous ne pouvons malheureusement pas répondre à leur demande, par manque de structures intercommunales en matière de solidarité.
L’article 22 ter, qui permet de faciliter la mise en place des centres intercommunaux d’action sociale, va dans le bon sens.
Notre collègue Michel Bouvard a parlé des zones de montagne. Il n’est pas question de supprimer les CCAS dans les petites communes, puisqu’il est bien indiqué que les centres communaux existants demeurent. Par contre, il n’est pas nécessaire de les créer là où il n’en existe pas dans les communes de moins de 1 500 habitants. Cela règle le problème des communes touristiques.
Enfin, monsieur le président de la commission, vous arguez du fait que l’on peut créer des commissions dans tout domaine. Mais si l’on transfère la compétence à l’intercommunalité, on pourra alors nous objecter qu’on ne peut pas créer de commission.
Inscrire dans le texte que l’on peut tout de même créer une commission d’action sociale ne me semble pas inutile. Cela aurait un autre avantage : si l’on veut maintenir une certaine proximité, tout en menant une action efficace à une échelle pertinente, la création d’une commission permettra aux élus, d’une part, de se concerter, et, d’autre part, d’être plus proches des préoccupations des personnes en difficulté ; Dieu sait si cela est nécessaire aujourd’hui !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je vous avoue ne pas comprendre les raisons de ce débat.
Les communes de moins de 15 000 habitants peuvent créer un CCAS, si elles en ont la nécessité ou l’envie, ou bien se grouper pour instituer un CCAS intercommunal. Si elles n’ont pas de CCAS, c’est le conseil municipal qui exercera la compétence. Enfin, les communes ont la possibilité de créer toutes les commissions qu’elles veulent, qu’il s’agisse d’une commission sociale, d’une commission sur les routes, d’une commission culturelle, etc., pour faire remonter à l’intercommunalité leurs desiderata, d’autant plus qu’elles ont maintenant des délégués municipaux au sein de l’intercommunalité.
L’article nouveau donne un peu plus de liberté, en évitant de créer des structures vides, voilà tout.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous sommes attachés à la libre administration des collectivités territoriales, mais nous avons l’obligation de protéger chacune et chacun. C’est le sens de notre amendement, même si nous voyons que ses dispositions ne rassemblent pas.
La rédaction, telle que nous l’avons formulée, autorise à faire ou à ne pas faire, comme le rappelait notre collègue Ronan Dantec ; effectivement, elle n’oblige pas. Si bien que des gens risquent de se trouver hors CCAS : le problème que pose notre collègue Pierre Jarlier demeure.
Je crois que nous savons tous que la composition d’un conseil municipal ou d’une commission municipale est différente de celle d’un CCAS, quant à la participation, au personnel, aux représentants associatifs ou aux représentants des différentes structures, qui peuvent en être membres ou y participer, y compris dans une logique de maîtrise de l’ensemble d’un territoire donné.
La question de l’intercommunalité n’est pas absente du débat que nous avons ces derniers jours. Le travail de proximité d’un CCAS intercommunal n’est pas de qualité égale, si celui-ci se situe dans une intercommunalité à taille humaine ou au sein d’une grande intercommunalité, voire d’une communauté d’agglomération.
Pour terminer, je souhaiterais revenir sur les propos tenus par Mme Jacqueline Gourault s'agissant de la distribution de chocolats – mais peut-être n’était-ce de sa part qu’un écart de langage. Je ne suis pas une fervente du chocolat et je ne possède aucune action dans les sociétés qui en produisent. Toutefois, malheureusement, c’est aussi, parfois, grâce à la distribution de chocolats qu’un certain nombre de personnes reçoivent la visite d’élus.
De même, cette pratique permet aux élus d’aller chez les uns et les autres, comme ils le font lors de la visite aux doyens. Il s’agit non pas seulement d’une distribution, mais d’un échange qui, dans un certain nombre de lieux, maintient un contact avec des populations qui sont fragiles ou habitent dans des endroits reculés.
Je ne balayerai donc pas d’un revers de manche le fait d’offrir des chocolats, comme s’il s’agissait de distribuer des récompenses. Ce geste peut aussi, quand il est fait avec intelligence, participer au maintien du lien social et du vivre ensemble, dont chacun vante l’importance pour la France de demain.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Mes observations rejoignent totalement celles de M. Pierre-Yves Collombat. J’ai du mal à comprendre pourquoi l’on veut inscrire dans la loi que le conseil municipal peut former une commission. Nous n’avons pas besoin de la loi pour cela ! Faut-il paralyser les conseils municipaux en examinant à chaque fois si le code général des collectivités territoriales nous permet ou non de faire une commission dès que nous aurons une question à régler ? Et s’il ne dit rien, nous ne ferons rien ?
C’est ainsi que nous élaborons des réglementations touffues, qui font que le préfet bloque certaines initiatives dans un département, alors qu’elles sont autorisées dans le département voisin. Il faut laisser une marge de manœuvre aux élus. Il n’est pas nécessaire de tout inscrire dans la loi.
C’est une réaction d’ambiance que je veux exprimer. Nous avons là une illustration, parmi d’autres, d’un phénomène bien connu : quand nous discutons des collectivités territoriales – ce texte n’est pas le premier pour lequel nous voyons ce mécanisme opérer –, nous partons de dispositions qui semblent claires, puis, au fur et à mesure du débat – sans doute parce que, tous, nous sommes ou avons été des élus territoriaux – nous voulons régler des cas particuliers, ou préciser certains points, en pensant sans doute que nos successeurs à la mairie n’ont pas la même imagination que nous, et donc qu’il faut inscrire dans la loi ce qu’ils peuvent ou ne peuvent pas faire. Ainsi, nous compliquons les affaires et nous ne réglons aucun problème.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. Il me semble que l’on enfonce des portes ouvertes.
M. Philippe Dallier. Refermons-les, alors ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Genest. Nous parlons des petites communes non touristiques, de moins de 1 500 habitants.
Pour ma part, j’ai une expérience à la fois de receveur municipal et d’élu. Tous les budgets des CCAS que j’ai réalisés dans les petites communes consistaient, non pas en distributions de boîtes de chocolats, mais en repas et colis aux personnes âgées, et la seule recette était la subvention de la commune.
Les seuls CCAS qui avaient un budget plus important sont ceux qui géraient des établissements sociaux, tels que des maisons de retraite ou des foyers. Il faut donc laisser la liberté aux maires, s’ils le souhaitent, de supprimer ces CCAS qui ont un budget inutile, ce qui bien entendu n’empêchera pas l’action sociale.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je prends le débat en cours de route. Je n’ai pas suivi la totalité des échanges, mais ce débat sur les CCAS me fait réagir.
En effet, la seule préoccupation qui devrait être la nôtre, c’est de savoir, au cas où le conseil intercommunautaire décide de prendre la compétence en matière d’action sociale, si cette décision s’impose à toutes les collectivités membres de l’intercommunalité. Si c’est le cas, des communes qui veulent garder la compétence en matière d’action sociale se verraient imposer le transfert de cette compétence à l’intercommunalité, ce à quoi je ne suis pas favorable.
En revanche, si l’on permet à certaines collectivités de transférer à un niveau intercommunal la gestion de l’action sociale, tout en offrant à d’autres la possibilité de continuer à la gérer, le système devient pragmatique et souple : c’est une construction intelligente.
Or je ne doute pas un seul instant que le Sénat fait preuve de bon sens et d’intelligence. Et il en sera ainsi sur ce point, sauf si, bien entendu, les textes ne le permettent pas, c’est-à-dire si les textes de base de l’intercommunalité prévoient que, à partir du moment où l’intercommunalité a pris la compétence par la majorité qualifiée, cette décision s’impose de droit à toutes les collectivités.
Auquel cas, la gestion sera moins proche, alors que ceux qui sont les mieux placés pour apprécier si une aide sociale doit être apportée à une famille ou à une commune, ce sont le maire et le CCAS, et non pas l’intercommunalité, plus éloignée et qui n’a pas la même connaissance. (M. Jackie Pierre applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. On ne peut pas comparer toutes les communes en fonction de leur taille et des habitants. Que certaines communes aient un CCAS, cela n’a pas de sens ; que d’autres en aient un, du fait de leur activité touristique ou autre, c’est utile.
De plus, mes chers collègues, vous êtes tous ici les enfants de la décentralisation. Donnez donc un peu de souplesse, ne laissez pas totalement encadrer les choses par la loi.
M. Jackie Pierre. Exact !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. J’ai été très sensible aux préoccupations exprimées par notre collègue Alain Vasselle, dont chacun connaît ici la compétence dans le domaine social. Mais je veux le rassurer, et j’espère que j’y parviendrai.
L’article 22 ter, tel qu’il a été adopté par la commission, sur l’initiative de Mme Jacqueline Gourault, ne supprime pas la compétence sociale de la petite commune. Elle supprime l’obligation d’exercer cette compétence sociale dans le cadre d’un centre communal d’action sociale.
Si demain, comme je l’espère, l’article 22 ter entre en vigueur, toutes les communes de France continueront donc à exercer leur compétence sociale, sans qu’il y ait besoin de s’interroger sur l’éventualité du transfert de cette compétence à l’intercommunalité. C’est la modalité de l’exercice de la compétence sociale qui change : il n’est plus obligatoire d’avoir le centre communal d’action sociale.
Néanmoins, à la question de savoir si la compétence sociale ne risque pas d’être en quelque sorte aspirée, malgré la volonté de la commune, au niveau intercommunal, je réponds non ! Ce risque n’existe pas, car, pour transférer une compétence à une intercommunalité, il faut l’accord des communes concernées. Il n’y a donc aucun risque.
Je tenais à apporter cette précision, et à remercier notre collègue d’avoir formulé la question ; cela permettra de répondre à la préoccupation de nombreux maires, quand ils prendront connaissance de cet article, s’il est adopté.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Delebarre. Passons au vote !
M. Daniel Chasseing. Ma commune compte moins de 1 500 habitants, et le budget du CCAS est beaucoup plus important que le sien, car il gère des établissements sociaux.
L’alinéa 12 m’inquiète : lorsqu’un centre intercommunal d’action sociale est créé, les compétences des centres d’action sociale des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre lui sont-elles transférées de plein droit ? Je demande une explication : pour les communes de moins de 1 500 habitants, va-t-on pouvoir conserver les centres d’action sociale s’il y a un centre d’action sociale intercommunal ?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il faut parfois rassurer, car l’interprétation des textes peut susciter des craintes.
La décision de créer un CCAS relève de la seule responsabilité des communes membres de l’intercommunalité. Un point c’est tout ! Évidemment, la conséquence est que, quand toutes les communes sont d’accord, il faut prévoir que les compétences des centres communaux sont transférées au centre intercommunal.
M. Daniel Chasseing. Mais nous lisons dans l’article : « Lui sont transférées de plein droit » !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il fallait bien rédiger ainsi le texte, mon cher collègue !
Je vous garantis qu’il n’y a aucun risque de voir les communes perdre la compétence sociale au profit de l’intercommunalité, à moins qu’elles n’y aient consenti à l’unanimité.
Dans le cas que vous avez présenté, la commune gère des établissements d’action sociale. Pourquoi donc voudriez-vous que la communauté de communes prenne la compétence de gérer ces établissements ?
M. Daniel Chasseing. Monsieur le rapporteur, je lis bien, à l’alinéa 12 du présent article : « lui sont transférées de plein droit ». « De plein droit ! »
M. Michel Canevet. En effet !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mon cher collègue, je vous répète que cette disposition concerne seulement les actions d’intérêt communautaire, et qu’il appartiendra aux communes de décider quelles actions elles entendent mener en commun.
Du reste, c’est ainsi que les choses se passent dans d’autres domaines. Par exemple, je connais des communautés de communes compétentes en matière de développement économique, mais seulement pour les zones d’activité de plus de cinq hectares, les zones plus petites restant de la compétence des communes.
Soyez rassuré : les communes conserveront la plénitude de leurs compétences, et celles-ci ne seront mises en commun que si les communes le décident.
Je suppose que, dans la situation dont vous avez parlé, le CCAS dispose de ressources importantes ; de fait, il n’est pas rare que ces centres possèdent des terres et des biens parfois considérables. En tout cas, je vous répète que votre crainte est tout à fait infondée : le transfert de l’action sociale à l’intercommunalité n’est pas obligatoire.
M. Michel Delebarre. En effet !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dans certaines intercommunalités, l’action sociale est transférée au niveau communautaire, dans d’autres non ; c’est la liberté des communes d’en décider, car la coopération intercommunale repose sur la volonté des communes.
Si le transfert avait été rendu obligatoire, monsieur Chasseing, je comprendrais vos réticences ; mais, puisqu’il n’en est rien, je pense que vous êtes rassuré.
M. Michel Delebarre. On vote !
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault. Nous allons voter, monsieur Delebarre, et je regrette que ce débat ait duré si longtemps. Je veux seulement faire observer à Mme Cukierman que, lorsqu’on habite Blois, qui est la ville du chocolat Poulain, on parle beaucoup de chocolat. Ce que j’ai dit tout à l’heure n’était donc pas du tout désobligeant.
En vérité, ma chère collègue, j’ai visité les gens de ma commune pendant vingt-cinq ans, et j’ai même porté des colis alimentaires dans les mairies. Vous voyez que, la politique sociale, chacun la fait à sa manière : il n’y a pas, d’un côté, ceux qui font de la politique sociale et, de l’autre, ceux qui n’en font pas !
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit !
Mme Jacqueline Gourault. Je tenais à apporter cette précision.
Par ailleurs, je vous rappelle que le texte de la commission prévoit la possibilité pour les communes de moins de 1 500 habitants, si elles le souhaitent, de ne pas créer un CCAS.
Lorsque j’ai présenté l’amendement n° 617 rectifié, j’ai expliqué que la possibilité de former une commission au niveau communal était un peu superfétatoire, mais que cette mesure visait à envoyer un signal de proximité. C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement. Si vous ne le votez pas, mes chers collègues, je n’en ferai pas un drame ; nous ne sommes qu’en première lecture et, du reste, je suppose que la question sera débattue aussi à l’Assemblée nationale. Pour ma part, en tout cas, je pense qu’il faut toujours allier efficacité et proximité !