M. Philippe Kaltenbach. Quoi qu’il en soit, je le répète, le groupe socialiste souhaite vraiment que la gestion des collèges reste du ressort de l’échelon départemental. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous faire part de trois réflexions qui me paraissent importantes.
Premièrement, pour avoir connu les collèges avant la décentralisation – je suis élu depuis 1980 –, je peux témoigner du changement qui est intervenu à la suite du transfert de leur gestion aux départements.
En effet, je me souviens de l’époque où il fallait en référer à la rue de Grenelle pour rénover une cage d’escalier ou pour transformer un local de cuisine : cela prenait des années ! La proximité qui a résulté du transfert de la gestion aux départements a été absolument décisive. Il en a d'ailleurs été de même pour les lycées après que leur gestion a été confiée aux régions.
Dans ces conditions, je pense que le transfert de la gestion des collèges aux régions aboutirait à une recentralisation pénalisante, ayant pour effet d’éloigner les collèges du centre de décision. C’est d’autant plus vrai que, avec la carte régionale, certaines régions verront leur chef-lieu régional s’éloigner encore ! Ainsi, le siège de la future grande région englobant la Picardie, où je suis élu, sera Lille, qui, pour nous, est plus loin que Paris.
Deuxièmement, je veux revenir sur la dimension sociale, qui semble faire l’objet d’un consensus parmi les intervenants. On consacre le département comme acteur principal du social. Or le collège est un lieu où l’on voit émerger un certain nombre de difficultés sociales. On ne les perçoit pas d’ailleurs toujours suffisamment, comme viennent de le montrer certains événements… Les services sociaux du département sont, la plupart du temps, installés dans les chefs-lieux de canton, où sont aussi implantés les collèges, avec lesquels ils travaillent en symbiose, que ce soit sur les bourses, sur la malnutrition, sur les violences ou sur la santé.
Ce n’est pas à Lille que l’on résoudra les problèmes du collège d’Oisemont ! À moins que l’on ne maintienne, au nom de la proximité, un établissement régional au chef-lieu du département… Mais à quoi sert-il, alors, de confier cette compétence aux régions ?
Troisièmement, enfin, comme certains de mes collègues l’ont très bien dit, le transfert de la gestion des collèges aux régions conduira à un déficit démocratique.
Le fait qu'il n'y ait plus d’élu qui soit à l’écoute des difficultés de tel établissement, qui les relaie, qui prenne contact avec le rectorat, le directeur académique des services de l'éducation nationale ou avec le conseil général, constituera une perte pour l’établissement. Ce sera aussi une perte pour les élus : si l’on nous confie le soin de voter des budgets sans jamais nous permettre d’aller sur le terrain pour discuter de la façon dont l’argent est utilisé, comment pourrons-nous soutenir que nous sommes responsables, que nous ne sommes pas des élus hors-sol ?
Ce déficit démocratique est un vrai problème et me conforte dans l’idée que, compte tenu du maintien des départements, les collèges doivent rester aux départements, en privilégiant, bien évidemment, toutes les mutualisations, toutes les économies, tout le travail en commun qu’il est possible de réaliser.
Pour cette raison, je suivrai le très sage avis de la commission.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, faut-il transférer les collèges aux régions ? (Non ! sur plusieurs travées.) Pourquoi pas ? D’expérience, je peux vous dire que les cités scolaires permettent à un même professeur d’enseigner à la fois en sixième et en première.
Permettez-moi, toutefois, une petite réflexion.
Je suis élu dans le nord de la région Midi-Pyrénées, à la limite du Limousin. Comme vous le savez, Midi-Pyrénées va fusionner avec Languedoc-Roussillon. Imaginons que la direction des collèges de la future grande région soit établie à Montpellier – Toulouse sera sûrement la capitale, mais Montpellier ne sera probablement pas déshabillée de tout service. Malheureusement, pour aller de Martel, où je suis élu, à Montpellier, il faut quatre heures de route. Qu’ils passent par Toulouse ou le Larzac, par l’autoroute ou le viaduc de Millau, la route sera longue pour les agents qui s’occuperont des collèges du nord de la région Midi-Pyrénées ! Ces agents devront donc diriger ces collèges à 400 kilomètres de distance. À moins qu’ils ne réclament la création d’une nouvelle antenne locale de la région pour s’occuper des collèges…
Mes chers collègues, vous voyez les nombreuses complications qui découleraient du transfert des collèges aux régions. Pour ma part, je n’y suis pas favorable. Je serai même plutôt, à l’instar de ma collègue de Haute-Vienne, pour que la gestion des lycées soit, un jour, transférée aux départements.
Je ne voterai donc pas cet amendement.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, et M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault. Je veux, à ce stade de la discussion, exprimer un regret : en écoutant tous mes collègues – je n’en ai pas entendu beaucoup défendre le transfert des collèges aux régions –, je me suis dit que nous n’avions peut-être pas assez exactement défini quelles étaient les missions actuelles des départements et des régions.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On les connaît !
Mme Jacqueline Gourault. Pour certains, le collège, c’est la continuité de l’école primaire. Pour d’autres, le lycée ne saurait être détaché de l’enseignement supérieur, qui relève de la région.
Au fond, il aurait peut-être été nécessaire de préciser ce que l’on entendait exactement par « transfert des lycées et des collèges ».
Mme Jacqueline Gourault. Je pense, plus précisément, à la construction des bâtiments. C’est une mission essentielle, et chacun a rappelé ici l’évolution qu’avaient permise les lois de décentralisation en confiant la construction des collèges aux départements. Jérôme Bignon l’a répété à l’instant, et je l’en remercie. Rappelons-nous l’état des CES Pailleron ! Au reste, le même constat vaut pour la construction des lycées par les régions, même si on le dit moins souvent.
Franchement, on n’a pas besoin de deux administrations, employant chacune des architectes et des ingénieurs-béton, pour construire les collèges et les lycées ! En la matière, un seul niveau de collectivité territoriale peut faire tout le travail. Comme le secrétaire d'État l’a dit tout à l'heure, il faudra bien, sur ces sujets, engager des mutualisations. Je suis sûre qu’il pourrait en résulter des économies.
Cela dit, la construction de bâtiments est une chose, la pédagogie, qui relève de l’éducation nationale, en est une autre. À cet égard, j’ai été sensible à l’intervention de M. Favier, qui a expliqué tout à l'heure comment le département, qui est en charge d’un certain nombre de politiques sociales, pouvait intervenir dans l’accompagnement des jeunes au collège.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
Mme Jacqueline Gourault. Nous n’avons pas assez défini les métiers des uns et des autres.
Je reconnais que ma vision est influencée par les caractéristiques de ma région, qui compte six départements, présente une assez grande cohérence et n’est pas concernée par la réforme de la carte. Si je puis dire, la région n’est pas, pour nous, quelque chose de très éloigné, contrairement à celle que vient d’évoquer M. Requier ou, par exemple, à l’Aquitaine, où les distances sont considérables.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il en va de même en Île-de-France !
Mme Éliane Assassi. Oui !
Mme Jacqueline Gourault. Bien sûr !
Cependant, je le répète, nous n’avons pas assez réfléchi à « qui fait quoi ». (Mme la ministre applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. J’avoue que je ne comprends pas la position du Gouvernement.
Monsieur Vallini, vous nous avez dit qu’il fallait, au nom de la cohérence et de la mutualisation, mettre les lycées et les collèges sous la responsabilité du même niveau de collectivité territoriale. Jusque-là, je vous suis.
Madame la ministre, j’ai eu le plaisir de siéger à vos côtés pendant de nombreuses années au conseil régional de Bretagne. Vous souvenez-vous des propos que vous avez tenus au moment du transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service aux régions ? (Mme la ministre opine.) Vous vous y étiez alors absolument opposée, en nous expliquant que les régions avaient une fonction stratégique, et non une fonction de gestion.
M. Dominique de Legge. Et voilà qu’aujourd'hui vous nous dites que les régions doivent aussi gérer les collèges ! J’avoue que je n’arrive pas à comprendre votre logique.
Par ailleurs, vous nous assurez vouloir être à l’écoute du Sénat. Mais, dans le même temps, vous essayez de réintroduire, par voie d’amendement, les dispositions que la commission du Sénat a supprimées.
Après avoir entendu mes collègues, je me pose une question : après tout, pourquoi le Gouvernement ne dépose-t-il pas un amendement pour transférer les lycées aux départements ? (Sourires sur les travées de l'UMP.) Monsieur le secrétaire d'État, je crois que l’on atteindrait ainsi l’objectif que vous avez fixé tout à l'heure. En effet, comme quelques-uns de nos collègues l’ont rappelé, le lien entre l’enseignement et le département est très direct. Les assistantes sociales des services sociaux départementaux travaillent en parallèle avec celles des lycées et des collèges.
Autre exemple : la lutte contre l’absentéisme scolaire. Que fait un responsable d’établissement scolaire lorsqu’il constate un cas d’absentéisme ? Il le signale au département et ce sont les services de l’aide sociale à l’enfance qui interviennent !
On le voit bien, il existe un lien direct entre le département et les établissements scolaires. Par conséquent, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, la logique de votre discours aurait dû vous conduire à déposer un amendement exactement inverse à cet amendement n° 767, dont l’objet aurait été de confier la responsabilité des lycées aux départements, d’autant que vous semblez enfin vous rallier à l’idée que les départements n’ont pas vocation à disparaître !
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je crois me souvenir qu’au moment où la décentralisation a été engagée, au début des années quatre-vingt, notre pays comptait encore vingt et un collèges de type Pailleron, dont sept dans le département de la Haute-Marne. Les effets positifs de la décentralisation sont donc indéniables puisque, aujourd'hui, ces sept collèges ont disparu, grâce à un « Plan collèges » destiné à « revisiter » et, éventuellement, reconstruire tous nos collèges.
La régionalisation envisagée de la gestion de ces établissements m’apparaît comme une sorte de « mini-recentralisation ». Confier cette gestion à un échelon supérieur, et beaucoup plus éloigné du terrain, nous fera retomber dans la même ornière !
Si encore on n’avait pas prévu, dans une précédente loi, de créer des « méga-régions »… Une telle organisation avait peut-être un sens dans une région comptant quatre départements, comme Champagne-Ardenne, voire six, comme la région Centre. Mais dans un ensemble comme la future région Grand Est – je ne sais pas comment on l’appellera –, les collèges ne s’y retrouveront pas, pas plus, d’ailleurs, que les lycées ! Cela a été largement souligné, les régions ont vocation à intervenir sur le plan stratégique, non à gérer, mission dévolue aux départements.
Mais, au-delà de cette remarque, madame la ministre, je souhaiterais savoir si vous avez interrogé les inspecteurs d’académie…
M. Bruno Sido. Eh bien, ceux que j’ai rencontrés m’ont dit : « Monsieur le président du conseil général, si vous pouvez non seulement conserver les collèges, mais également prendre les lycées, faites-le ! » Cela m’a conduit à déposer un amendement sur les lycées.
En définitive, les départements offrent beaucoup de souplesse et savent intervenir très promptement. Du reste, l’éducation nationale est très heureuse d’obtenir des réponses dans des délais très courts. Les départements sont à l’écoute. En revanche, comme Christian Favier l’expliquait à juste titre, compte tenu du nombre de collèges et de lycées dans la région d’Île-de-France, lorsqu’il s’agira d’assister à tous les conseils d’administration, les conseillers régionaux n’y suffiront évidemment pas.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Déjà maintenant, on ne les voit jamais !
M. Bruno Sido. C’est pourquoi j’ai proposé le transfert de la gestion des lycées aux départements. Les nouvelles grandes régions seront éloignées du terrain, ce qui, j’y insiste, entraînera une sorte de « mini-recentralisation ».
De même, j’avais demandé le transfert des gestionnaires des collèges aux départements. Cette proposition, importante pour la vie quotidienne des établissements, a été repoussée au titre de l’article 40. Il faudra d’ailleurs revenir sur l’utilisation de cet article de la Constitution, qui, selon moi, en l’occurrence, a été poussée un peu loin…
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Ce débat fait remonter certains souvenirs. Dans les années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, nous avions, à Narbonne, un collège particulièrement vétuste et dangereux. C’était une véritable boîte d’allumettes ! Depuis des années, nous demandions à l’État la construction d’un établissement neuf et, depuis des années, l’État faisait la sourde oreille. Il a suffi de l’entrée en vigueur des lois de décentralisation, que j’avais votées ici-même – à la différence de nos collègues de droite -, pour que, quinze jours plus tard, le conseil général de l’Aude décide la construction d’un collège neuf !
Voilà l’un des mérites de la décentralisation : elle rapproche les élus des citoyens et les citoyens des élus. La proximité a payé !
Dès lors, mes chers collègues, n’enlevons pas cette compétence « collèges » aux départements ! Ne cassons pas ce qui fonctionne ! Conservons cette proximité !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je partage les arguments de mes collègues, qui se sont déjà largement exprimés sur le sujet, mais je tiens à insister sur un point : quand j’étais maire-adjoint en charge de l’enseignement, je siégeais dans les conseils d’administration des collèges et des lycées ; autant, dans les collèges, je voyais les conseillers généraux, autant, dans les lycées, je ne voyais jamais les conseillers régionaux ! Je doute que cela change à l’avenir si la région a en charge les collèges plus les lycées, et je me demande si, dans des régions aussi gigantesques que la région Île-de-France, cela ne traduit pas une volonté d’exclure les représentants élus.
Par ailleurs, je suis étonnée, madame la ministre, car je vous ai toujours entendue, ici, soutenir et défendre les fonctionnaires. Or les fonctionnaires qui ont été transférés il n’y a pas très longtemps aux départements ont rencontré beaucoup de difficultés d’adaptation. Les avez-vous écoutés ? Pour ma part – je représente le même département que M. Christian Favier -, je n’ai pas entendu qu’ils souhaitaient une nouvelle fois changer de statut et dépendre d’une administration complètement différente.
Enfin, jeudi dernier, lors de la séance des questions d’actualité au Gouvernement, une question très précise a été posée par un de nos collègues au Premier ministre. En réponse, M. Valls a dit souhaiter que, sur ce sujet, l’Assemblée nationale et le Sénat parviennent à un consensus. Ce n’est pas en procédant comme vous le faites, c'est-à-dire en cherchant à rétablir votre texte initial, que vous témoignez de votre volonté de vous conformer à ce souhait du Premier ministre.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Ce qui inspire le Gouvernement depuis le début de cette réforme territoriale - avec, d’abord, la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, la loi MAPTAM, portée par Marylise Lebranchu, puis la nouvelle carte des régions et, aujourd'hui, ce projet de loi NOTRe, traitant des compétences -, c’est de faire des régions de grandes collectivités. Et elles ne le seront pas seulement par la taille - certaines ne subiront d’ailleurs aucune modification à cet égard. C’est surtout par leurs compétences qu’il s’agira d’en faire de grandes collectivités, moteurs du développement économique.
À ce premier fil directeur, s’en ajoute un deuxième : le maintien de la proximité dans la gestion territoriale, avec les départements pour l’action sociale et les intercommunalités et le bloc communal pour les services publics de la vie quotidienne.
Dès lors que nous entendons faire des régions les futures grandes collectivités en matière économique, la question se pose de savoir si les collèges s’inscrivent dans cette logique. À première vue, non. À deuxième vue, pas davantage… Les collèges n’ont pas vraiment à voir avec la compétitivité des territoires.
Si le Gouvernement a été conduit à proposer l’idée d’un transfert des collèges aux régions, c’était pour disposer d’un bloc de compétences homogène entre lycées et collèges et, comme je l’expliquais précédemment, pour rationaliser la dépense publique, la rendre plus efficiente, en réalisant des économies d’échelle. En effet, nonobstant le scepticisme de M. Collombat, nous sommes nombreux, ici, à penser que ce transfert engendrera des économies d’échelle.
Mme Catherine Morin-Desailly, président de la commission de la culture. Où sont les études ?
M. Pierre-Yves Collombat. Nous n’avons rien vu !
M. André Vallini, secrétaire d'État. On obtient déjà des économies d’échelle dans de nombreux domaines. Lorsqu’on rassemble ou fusionne des structures, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, on dégage, par un principe de mutualisation, des économies d’échelle. Or, comme de nombreux intervenants l’ont indiqué - M. Philippe Kaltenbach, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, entre autres -, la mutualisation est d’ores et déjà mise en pratique et nous partageons tous cet objectif de rationalisation de la dépense publique.
Mais alors, pourquoi n’avons-nous pas envisagé de transférer les lycées aux départements ? M. Sido a posé la question.
Je me souviens des débats que nous avions eus à l’occasion des travaux du comité pour la réforme des collectivités locales, le comité Balladur, en 2008. Cette option avait été longuement évoquée et donné lieu à de nombreuses auditions. Gérard Longuet a un jour expliqué que le collège, c’est la continuation de l’école primaire, ce qu’on appelait autrefois l’école communale, et cela paraît d’ailleurs assez évident. Autrement dit, le collège, c’est aujourd'hui le creuset de la République. Le lycée, lui, marque le temps des orientations différentes. Il ouvre sur le cursus universitaire et la vie professionnelle. C’est autre chose !
Collèges et lycées ne sont donc pas forcément à placer sur le même plan.
En revanche, j’y reviens, certains personnels techniques ou certaines activités, comme la restauration, peuvent être gérés conjointement. Cela se fait déjà dans des départements et des régions.
Ainsi, dans la mesure où cet objectif est en passe d’être atteint par différentes collectivités, l’attente du Gouvernement peut être considérée comme satisfaite.
J’ai déjà indiqué que les collèges n’étaient pas forcément des éléments clés pour faire des régions les futures grandes collectivités en matière économique.
S’ajoute à cela le fait que, comme Marylise Lebranchu l’a dit à de nombreuses reprises depuis le début de notre discussion, le Gouvernement se veut très à l’écoute des propos des sénateurs, et notamment des vôtres, monsieur le rapporteur.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Tant mieux !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez tous le sens de l’écoute de Marylise Lebranchu ! Elle en a notamment fait preuve lors de l’examen de la loi MAPTAM !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Elle ne se lasse pas d’écouter ! (Sourires.)
M. André Vallini, secrétaire d'État. Effectivement, elle ne se lasse pas de vous écouter, avec toute la patience qui la caractérise ! (Nouveaux sourires.)
Après en avoir discuté avec elle, et en accord avec le Premier ministre, je vous informe donc que le Gouvernement décide de retirer l’amendement n° 767. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est avec plaisir que nous faisons ce geste.
Je souhaite ajouter quelques mots, ayant été mise en cause personnellement, et de manière très sympathique, par M. Dominique de Legge.
L’idée est effectivement la même, monsieur de Legge ! Quand les personnels TOS ont été transférés aux régions, la nôtre a dû passer de 4 500 à 7 500 collaborateurs, c'est-à-dire évoluer d’une administration de projet à une administration de gestion. Cela a engendré de réelles difficultés dans de nombreuses régions de France et nous aurions dû, me semble-t-il, nous poser un certain nombre de questions à ce moment-là, notamment, et bien évidemment, celle des cités scolaires.
En tout cas, le transfert des personnels TOS a posé de nombreux problèmes et changé la nature de nos régions.
Mme Odette Herviaux. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 767 est retiré.
En conséquence, l’article 12 demeure supprimé.
Articles additionnels après l'article 12
M. le président. L'amendement n° 1102, présenté par MM. Hyest et Vandierendonck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Enseignement supérieur et recherche
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 214-2 est ainsi modifié :
a) La première phrase du troisième alinéa est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Dans le respect des stratégies nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche, la région élabore un schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Ce schéma définit les orientations de la région et les priorités de ses interventions. Il est pris en compte dans l’élaboration du contrat pluriannuel d’établissement mentionné aux articles L. 711-1 et L. 718-5, dans la définition de la coordination territoriale de l’offre de formations supérieures et de recherche mentionnée à l’article L. 718-2 et dans l’accréditation des établissements mentionnée à l’article L. 613-1. » ;
b) La dernière phrase du dernier alinéa est supprimée ;
2° L’article L. 614-3 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « après », la fin de la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « consultation des établissements et du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche et approbation par la région, pour ses aspects concernant le territoire régional. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Elle prend en compte le schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation mentionné à l’article L. 214-2. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission des lois, en lien avec la commission des affaires culturelles, a pensé que la région, ayant une vocation stratégique, devait bien entendu disposer de compétences dans le domaine économique – dans ce cadre, nous avons été aussi loin que nous le pouvions, et ce n’était pas si facile -, mais qu’elle devait aussi être associée à la politique d’accompagnement vers l’emploi. Personne ne nous a objecté que l’idée était mauvaise ! Seulement, dès que l’on envisage de prendre un peu de pouvoir à certains, c’est fini ! (Sourires. – M. Philippe Kaltenbach s’exclame.)
Même si l’on peut discuter ensuite pour trouver les meilleures formules législatives garantissant une cohérence des politiques, dès lors que l’on confie aux régions le champ de la formation professionnelle et la responsabilité de tout ce qui concerne l’économie, nous estimons logique d’y ajouter l’accompagnement vers l’emploi, mais également d’impliquer la collectivité régionale dans le secteur de l’enseignement supérieur.
C’est ce que, très modestement, nous proposons ici.
Nous n’avons pas totalement innové puisque, je le rappelle, le schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et la carte des formations supérieures et de la recherche existent déjà. Simplement, nous impliquons plus la région : jusqu’à présent, on lui demandait seulement un avis ; désormais, il faudra qu’elle participe !
Nous présenterons ensuite un autre amendement visant à préserver la possibilité, pour les régions et les départements, de contribuer au financement de l’enseignement supérieur. En effet, il nous a été dit que ce ne serait théoriquement plus possible après la suppression de la clause de compétence générale.
Notre objectif est que la région dispose d’un vrai bloc de compétences. Il me semble que cela correspond à la volonté de l’Association des régions de France. Il s’agit non pas de remettre en cause l’autonomie des universités ni la responsabilité de l’État en matière de politique universitaire, mais d’associer véritablement la région à la politique de l’enseignement supérieur, comme nous souhaitons qu’elle soit associée à la politique d’accompagnement vers l’emploi et comme elle l’est déjà à la politique économique et à la politique de formation professionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cet amendement vise à imposer la prise en compte du schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation à trois niveaux.
Tout d’abord, le quatrième alinéa de l’article L. 718-5 du code de l’éducation, qui a été créé par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, prévoit déjà l’association au contrat pluriannuel d’établissement de la région et des autres collectivités territoriales accueillant des sites universitaires ou des établissements de recherche, ainsi que la prise en compte des orientations fixées par les schémas régionaux. L’amendement est donc satisfait sur ce point.
Ensuite, la coordination territoriale de l’offre de formations supérieures et de recherche mentionnée à l’article L. 718-2 du même code peut revêtir trois formes différentes : la création d’un nouvel établissement par fusion, la création de communautés d’universités ou la conclusion d’une convention d’association entre les établissements. Le choix du type de coordination territoriale appartient aux seuls établissements d’enseignement supérieur, en vertu du principe d’autonomie des universités. Ce principe s’oppose à la proposition de la commission.
Toutefois, la coordination territoriale se faisant sur la base d’un projet partagé, qui peut être intégré dans le contrat pluriannuel d’établissement, prenant lui-même en compte le schéma régional de l’enseignement supérieur, l’amendement apparaît déjà satisfait sur ce point également, grâce au plan de coordination territoriale des établissements. Initialement, nous avions prévu que cette coordination territoriale soit une compétence complémentaire des régions. Cette question a elle aussi été examinée lors des débats sur le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Enfin, l’accréditation des établissements mentionnée à l’article L. 613-1 du code de l’éducation prend en compte la carte territoriale des formations et elle est délivrée pour la durée du contrat pluriannuel conclu avec l’État. Autrement dit, l’accréditation découle du contrat pluriannuel, lequel prévoit déjà la prise en compte du schéma régional.
L’amendement vise également, en ce qui concerne le processus d’élaboration de la carte des formations supérieures et de la recherche prévue à l’article L. 614-3 du code de l’éducation, à remplacer la consultation de la région par une approbation et une prise en compte du schéma régional de l’enseignement supérieur.
L’article L. 614-3 prévoit déjà la consultation des régions. Le Gouvernement souhaite que l’État conserve la compétence d’arrêter la carte des formations supérieures et de la recherche. Cette carte l’engage en effet au plus haut point, puisqu’il finance les postes. Lors de nos discussions avec les présidents d’université, nous parlons beaucoup de ces derniers, ainsi que des laboratoires de recherche, qui dépendent à la fois de l’État et d’un certain nombre d’opérateurs, dont, en particulier, le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, l’enseignement étant aussi assuré par les enseignants-chercheurs.
Il y a donc une vraie difficulté. S’il s’agit simplement de prendre en compte l’avis de la région, l’amendement est satisfait. En revanche, s’il s’agit d’aller au-delà, en instaurant une sorte d’opposabilité de l’avis de la région, c’est autre chose.
J’ai tenu à citer les articles du code de l’éducation concernés par notre débat afin que chacun puisse s’y référer et constater que le rôle des régions a été réaffirmé par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche. À l’époque, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait souhaité que l’on accélère la prise en compte de l’avis des régions via le schéma régional. Le Gouvernement s’en tient à cette prise en compte. Je pense donc que la commission des lois a déjà satisfaction. À la lecture de l’amendement, il ne me semble pas que celui-ci tende à instituer une forme d’opposabilité, mais, si tel est le cas, il faut l’expliciter davantage.
Je me trouvais à Grenoble quand le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche a été discuté. Les enseignants et enseignants-chercheurs exprimaient une certaine inquiétude quant à la prise en compte du schéma régional. Ils craignaient que, pour des raisons de concurrence avec la recherche privée ou d’autres formes d’enseignement, la région ne se désintéresse de leur laboratoire de recherche alors même qu’il dispense un enseignement de qualité. C'est pourquoi Mme Fioraso avait été extrêmement précise sur la prise en compte du schéma régional, qui s’arrête là où commence le droit de l’État : l’avis de la région n’est pas opposable.
J’aimerais que M. le rapporteur précise l’objectif visé au travers de l’amendement.