M. Jean-Louis Carrère. Et la défense, alors ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. … en particulier en zones rurales et périurbaines.
Ma collègue Valérie Létard a insisté à l’instant sur la nécessité de prendre en compte ces territoires en les associant fortement à l’élaboration des schémas régionaux et à leur mise en œuvre. C’est important. Nous sentons tous, en effet, que la montée en puissance des métropoles et des régions nourrit sur le terrain un sentiment d’abandon des espaces qui en sont, d’une manière ou d’une autre, exclus.
Aux yeux de nombre d’élus du monde rural ou péri-urbain, la culture, le sport, les activités périscolaires, c’est bon pour les villes ! Prenons garde à ne pas alimenter cette idée, source de déséquilibres toujours plus grands entre territoires urbains conquérants et territoires ruraux abandonnés, entre les pôles connectés gagnants et les autres espaces. Ce projet de loi doit être l’occasion de veiller à corriger les inégalités sociales et territoriales en approfondissant les liens entre démocratie et culture.
La commission de la culture a souhaité confier ce rôle à une instance créée par la loi MAPTAM : la conférence territoriale de l’action publique, la CTAP. Il nous paraissait en effet essentiel de ne pas ajouter une nouvelle structure.
La question de la gouvernance de cette instance mérite d’être discutée en profondeur, nous en avons débattu en commission, mais le sujet relève de la commission des lois. Il nous semble toutefois que la CTAP doit être l’outil pour un dialogue entre les collectivités territoriales et avec l’État, afin de penser au mieux, selon les territoires, l’exercice concerté des compétences partagées. Nous nous réjouissons à ce titre que la commission des lois ait intégré au texte examiné aujourd’hui les amendements que nous avions proposés.
Ces amendements tendent à préciser que les commissions thématiques de la CTAP comprennent une commission de la culture et une commission du sport. Ils visent également à confier à la CTAP la mission de veiller à la continuité des politiques publiques dans les domaines de la culture et du sport, ainsi qu’à la mise en œuvre équilibrée de ces politiques dans l’ensemble des territoires.
Nous espérons disposer, avec la CTAP culture et la CTAP sport, d’un outil précieux de coconstruction des actions territoriales.
Mes chers collègues, nous abordons l’examen d’un projet de loi important, mais nous ne devons pas en attendre plus qu’il n’a à offrir. Entre la discussion générale d’aujourd’hui et le début de l’examen des articles, les métropoles se seront mises en place, preuve de l’enchevêtrement entre structures et compétences. Je ne suis pas certaine que nos concitoyens y trouvent des raisons de reprendre confiance en l’action publique.
En tout cas, à travers ses amendements, votre commission de la culture, de l’éducation et de la communication espère y avoir contribué et je souhaite que nous puissions poursuivre collectivement dans cette direction au cours de nos débats. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis de onze articles de ce projet de loi, qui relèvent directement de son champ de compétences. Elle s’est ainsi intéressée à quatre sujets : les articles 5 à 7, qui renforcent la planification régionale ; les articles 8 à 11 sur les infrastructures et services de transports ; l’article 14 sur l’évolution de la carte intercommunale ; les articles 25 à 27 sur l’accessibilité des services au public et l’aménagement numérique.
Avant de vous présenter la position retenue par notre commission sur ces sujets, je souhaite formuler quelques remarques d’ordre général qui résument l’esprit du débat qui s’est tenu.
Sur la forme, tout d’abord, cette réforme territoriale est menée dans un désordre et une confusion absolus ! Les élus des zones rurales ne comprennent pas l’enchaînement des lois relatives à l’organisation de la République, mais celui-ci n’est pas plus clair pour les communes urbaines ! Il aurait sans doute été préférable de réfléchir à une loi-cadre, déclinée ensuite dans d’autres textes.
Or l’approche retenue est celle d’une fragmentation entre la loi du 27 janvier 2014 qui crée les métropoles, le projet de loi sur la délimitation des régions, dont l’adoption définitive est imminente, et le présent texte sur l’organisation territoriale de la République.
La première erreur, nous la connaissons, a été de redécouper avant de réfléchir à la répartition des compétences. Il ne suffit pas, en effet, de redessiner une carte sur le coin d’une table entre amis ! Cette réforme est faite non pas pour les élus, mais pour les citoyens, afin d’améliorer leur quotidien. Son objectif ultime est de faire en sorte que le service qui leur est rendu soit de meilleure qualité et coûte moins cher. Sur ce point, la question du regroupement des régions touche finalement peu les élus de terrain. En revanche, l’évolution des conseils généraux est pour eux un sujet central, car ceux-ci sont bien souvent les premiers partenaires de nos concitoyens.
S’agissant de leurs ressources financières, les conseillers généraux sont très inquiets. Il est vrai que les communes rurales sont habituées à la disette, compte tenu de la faiblesse de leur base fiscale et de l’absence de cotisation foncière des entreprises sur leurs territoires. (M. Alain Bertrand opine.) Il ne faut pas pour autant se satisfaire de l’absence d’une étude précise des impacts financiers de ce projet de loi, notamment pour les départements. Une telle évaluation faisait également défaut dans la loi du 27 janvier 2014, muette sur les coûts nouveaux supportés par les intercommunalités.
Il aurait donc fallu définir dès le départ les ressources et les compétences des régions, avant de les fusionner. Comment évoquer en effet leur puissance financière, si elles ne disposent pas de plus de ressources ? La fusion de deux régions n’augmentera pas leurs moyens !
Enfin, l’engagement de la procédure accélérée sur un texte de cette importance n’est pas de nature à favoriser un dialogue constructif et apaisé. Je regrette que la conférence des présidents de l’Assemblée nationale n’ait pas suivi celle du Sénat pour s’y opposer fermement.
J’en viens maintenant aux remarques de fond. L’objectif de ce projet de loi est la clarification des compétences pour renforcer l’efficacité de chaque collectivité, en mettant notamment fin à la clause de compétence générale. Avant de décliner les compétences, encore faut-il définir les missions ! Sur ce point, le Gouvernement a fait le pari aveugle de renforcer les régions et de confier l’exercice des compétences de proximité aux intercommunalités, avant d’envisager un temps la suppression des départements à horizon 2020. Aujourd’hui, apparemment, celle-ci ne semble plus être à l’ordre du jour.
Pour moi, cette solution ne correspond pas à la réalité des besoins ressentis sur le terrain. L’ensemble des élus qui ont travaillé sur ce projet de loi au Sénat sont parvenus à dessiner des missions précises : la commune pourrait être la base de la démocratie de proximité et du renforcement du lien social ; le département serait le gestionnaire de proximité, garantissant la couverture en services publics ; la région deviendrait l’échelon de la stratégie, veillant à l’accessibilité du territoire en grandes infrastructures, à la réindustrialisation, à l’économie et à l’emploi. Il faut bien garder à l’esprit cette logique, qui correspond à la manière dont s’expriment les besoins.
Les revirements successifs du Gouvernement ne sont pas de nature à clarifier les choses. Certains envisagent même de confier la distribution de l’électricité et de l’eau potable, prise en charge de longue date par des syndicats, aux départements, que l’on voulait supprimer il y a peu.
Mme Jacqueline Gourault. Attention ! Il s’agit d’une demande des conseils généraux à travers l’Assemblée des départements de France !
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. Il faut dire que les conseils généraux sont les principaux perdants du projet de loi.
M. François Patriat. Ils perdent quoi ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. Le département perd beaucoup de compétences, ce qui peut avoir pour effet pervers de faire apparaître une forme de concurrence avec des syndicats, notamment départementaux.
Cela donne l’impression que les conseillers départementaux qui vont être élus en mars prochain – selon un scrutin binominal un peu surréaliste – n’auront plus de compétences, aurons donc moins de travail, alors même qu’ils seront plus nombreux !
D’une façon générale, il ressort bien de l’ensemble des débats et auditions sur ce texte que les conseils généraux souhaitent conserver certaines compétences que les régions ne semblent d’ailleurs pas demander.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. Les régions aspirent quant à elles à certaines compétences de l’État, qui ne souhaite pas les leur déléguer.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est exactement cela !
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. Nous sommes ici un certain nombre de sénateurs à avoir imaginé que les régions et les départements auraient pu fonctionner comme les communes et les communautés de communes. Deux couples coexisteraient ainsi, dans lesquels l’instance inférieure, douée de compétence générale, mutualiserait dans l’instance supérieure ce qu’elle ne peut faire seule. Une élection des conseillers régionaux au second degré, comme autrefois, aurait fait de la région une communauté de départements, ce qui aurait évité les doublons.
L’architecture actuelle est certes éloignée de cette vision, mais nous devons au moins veiller à ce que, dans les zones rurales, le département reste le garant de la cohésion sociale et des solidarités territoriales. Nous devons également prendre garde à ne pas renforcer excessivement les intercommunalités. En zone rurale, les élus locaux ont du mal à les appréhender alors qu’en zone périurbaine elles ne sont parfois que les décompressions des budgets des villes-centres, et leur domination politique sur les communes périphériques est souvent une réalité. N’oublions pas que les élus locaux éprouvent toujours des difficultés pour accepter des positions qui ne recueillent pas un large consensus.
L’État veut aussi nous obliger à mutualiser les moyens entre communes et intercommunalités. Pourquoi pas ? Nous le faisons déjà, à l’instar de ceux qui font de la prose sans le savoir ! Mais il faudrait d’abord que l’État donne l’exemple ! Par ailleurs, le système qui consiste à répartir les dotations en fonction du degré de mutualisation est, à mes yeux, une aberration. Les secrétaires de mairie dans nos communes rurales croulent sous le travail administratif de plus en plus contraignant.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. Je vois difficilement comment il sera possible, au titre de la mutualisation, de consacrer une ou deux heures à une autre commune ou communauté de communes. La mutualisation doit rester libre pour s’adapter au territoire.
Ainsi, l’intercommunalité n’est pas la réponse à tout. Associer trente à quarante communes pauvres ne fait pas une intercommunalité riche, et je ne crois pas au mariage forcé, même lorsque la corbeille est belle ! Ce n’est pas le montant de la dot qui fait le bonheur des communes !
M. Henri de Raincourt. Mais il y contribue ! (Sourires.)
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. En effet, mon cher collègue !
Le seuil de 20 000 habitants, initialement prévu par le projet de loi, soulève une profonde inquiétude chez les élus ruraux. Dans ces territoires, il est en effet difficile d’atteindre un ensemble de cette taille, sauf à ignorer les distances et les coûts induits. En zone urbaine en revanche, 20 000 habitants, c’est peu. Nous devons sortir d’une logique purement quantitative et privilégier une logique qualitative adaptée aux réalités territoriales.
Pour ce qui me concerne, je partage la vision d’une République au plus près du terrain. La seule réponse à la complexité croissante de notre société, c’est la proximité. Il faut que les compétences de proximité continuent à être exercées par le bloc local, et il est essentiel de remettre la commune au cœur du dispositif. Le citoyen comprend ce qui se passe dans la commune : elle constitue la base de la République, il n’est pas possible de s’en passer.
On voit bien où veut nous amener la haute administration parisienne, qui envisage, tous gouvernements confondus, de faire élire un jour les présidents de communautés de communes au suffrage universel, avec pour objectif ultime la suppression des communes !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est la fin programmée des communes !
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. J’en ai terminé avec ces considérations qui expliquent la position retenue par la commission du développement durable sur chacun des sujets dont elle s’est saisie.
À l’article 6, concernant le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire, le SRADDT, nous avons adopté un amendement supprimant l’obligation de compatibilité des SCOT, des PLU et des chartes de parc naturel régional avec les règles générales du fascicule du SRADDT.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. Nous proposons ainsi de supprimer l’obligation de « compatibilité » au bénéfice d’une simple « prise en compte ».
La commission des lois n’a cependant pas retenu cette approche, et je le regrette. Avec la délégation aux collectivités territoriales, nous menons tous, et j’y participe directement, une réflexion sur la simplification des normes. Il n’est pas souhaitable que les SRADDT puissent imposer des règles territorialisées aux échelons inférieurs de collectivités. Nous devrons donc à nouveau examiner cet amendement en séance publique.
À l’article 7 relatif aux modalités d’entrée en vigueur du SRADDT, nous avons adopté un amendement tendant à supprimer l’habilitation à légiférer par ordonnance pour préciser le contenu du schéma et clarifier sa portée, habilitation qui apparaît comme superflue au regard des dispositions très détaillées de l’article 6. Les rapporteurs de la commission des lois ont adopté la même approche et je m’en félicite.
À l’article 8 sur les transports routiers non urbains, la commission n’a pas adopté l’amendement de suppression que je lui avais proposé. Nous avons eu un débat très riche, qui témoigne de la complexité de ce sujet. Sans aboutir à une solution consensuelle, nous sommes parvenus à la conclusion que le cas du transport scolaire est à part, même s’il n’est pas toujours facile de l’isoler du transport interurbain.
La commission des lois a finalement choisi de ne maintenir que le transport scolaire au niveau du département : il fallait trancher, et je me félicite que l’on soit parvenu à cette solution de compromis. Je crois qu’il faut aussi de la souplesse dans ce texte.
Par ailleurs, nous avons souhaité la suppression de l’article 9, qui prévoit le transfert aux régions de la voirie départementale. La commission des lois a également retenu cette solution de bon sens, ce qui témoigne du consensus qui règne sur ce sujet.
À l’article 11, qui concerne le transfert des ports départementaux, nous avons adopté un amendement qui supprime la clause de transfert par défaut des ports aux régions en l’absence d’une autre candidature au 31 mars 2016.
L’objectif était de privilégier au maximum la concertation sous l’égide du préfet de région, plutôt que d’imposer systématiquement un transfert à une collectivité qui n’en voudrait pas. La commission des lois est toutefois allée au-delà, puisqu’elle a privilégié la suppression totale de l’article.
À l’article 14, nous nous sommes prononcés en faveur d’une suppression de la hausse du seuil minimal d’intercommunalité à 20 000 habitants au profit d’une solution plus souple qui laisserait à la commission départementale de coopération intercommunale le soin de proposer un niveau adapté aux réalités du terrain.
La commission des lois a plus simplement maintenu le droit actuel, soit un seuil de 5 000 habitants, en mettant l’accent sur la nécessité d’achever en priorité la dynamique engagée depuis 2010. Je me range à la sagesse de cette solution.
Toujours à l’article 14, nous avons adopté un amendement qui, sans remettre en cause l’objectif de réduction des structures syndicales, remplace la notion de double emploi par celle de rationalisation des compétences et des périmètres, afin de ne pas suggérer une concurrence stérile entre des EPCI à fiscalité propre et des syndicats.
La commission des lois a néanmoins retenu une approche plus radicale, qui vise à faire disparaître tous les syndicats jugés redondants en privilégiant systématiquement les EPCI à fiscalité propre. Il s’agit donc d’un débat que nous devrons avoir en séance publique.
Enfin, à l’article 27, nous avons adopté un amendement qui a pour objet d’étendre les possibilités de mutualisation du financement des investissements numériques. Cette solution a été retenue par la commission des lois, qui l’a même complétée dans un sens encore plus favorable.
Voilà, rapidement présentés, les amendements adoptés par la commission du développement durable, dont une partie figure d’ores et déjà dans le texte adopté par la commission des lois.
Je conclurai simplement en insistant sur le fait que ce projet de loi est un texte non pas de décentralisation, mais de clarification. Le Gouvernement, qui voulait au départ remplacer les départements par les intercommunalités, a été rattrapé par la réalité, et, avec la création de grandes régions, il ne peut plus supprimer les départements, pour des raisons de proximité, mais également pour des raisons juridiques.
Vous devez ainsi, madame la ministre, faire contre mauvaise fortune bon cœur et entendre et approuver les amendements du Sénat.
Le véritable succès de la décentralisation, c’est d’avoir apporté la République au plus près du terrain. En s’éloignant de cet esprit, on risque d’accroître la défiance de nos concitoyens à l’égard des pouvoirs publics, d’amplifier le sentiment d’abandon qui règne surtout dans les territoires ruraux et qui s’est exprimé lors des dernières élections européennes. Alors, de grâce, même si ce projet de loi n’est pas le nôtre, faites vôtres, madame la ministre, nos propositions ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, rapporteur pour avis.
M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je souhaiterais, bien entendu, féliciter l’ensemble de nos collègues, tout particulièrement les membres de la commission des lois, pour le travail qu’ils ont réalisé sur un texte aussi complexe qu’ouvert.
En qualité de rapporteur pour avis de la commission des finances, je commencerai par aborder ce texte sous l’angle de ses conséquences financières, ce qui ne vous surprendra pas.
Ce projet de loi nous a été présenté comme un moyen de réaliser des économies. M. André Vallini, secrétaire d’État à la réforme territoriale, a ainsi annoncé en mai dernier que la réforme territoriale permettrait de réaliser entre 12 milliards et 25 milliards d’euros d’économies. Ce chiffre a ensuite été revu à la baisse, autour de 10 milliards d’euros. Pourtant, l’étude d’impact n’évalue pas précisément les économies attendues.
Pour sa part, la commission des finances n’a pas partagé l’optimisme du Gouvernement. En tout état de cause, des économies ne sont réalisables qu’à moyen terme ; à court terme, au contraire, les transferts de compétences envisagés pourraient entraîner une augmentation des dépenses, comme beaucoup l’ont souligné, du fait notamment d’un alignement à la hausse des régimes des personnels.
D’ailleurs, l’agence Moody’s a estimé, en juin dernier, que les mesures proposées « ne généreront pas d’économies nettes [car] elles ne font que redistribuer les coûts entre les différents niveaux de collectivités ». (M. François Patriat s’exclame.)
En fait, les dispositions financières sont les grandes absentes de ce texte. La réorganisation des compétences proposée par le Gouvernement n’est accompagnée d’aucun projet concernant l’allocation des ressources aux collectivités territoriales.
Le cas des régions est particulièrement frappant : les concours de l’État représentent 40 % de leurs recettes de fonctionnement et elles ne disposent que de très faibles marges de manœuvre fiscales.
Le Premier ministre lui-même l’a admis : comme il le déclarait ici même le 28 octobre dernier, « pour que les régions disposent des capacités à investir, elles devront être dotées d’une fiscalité économique, dynamique et adaptée à leurs missions ».
M. François Patriat. C’est vrai !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. On évoque ainsi souvent le transfert d’une part de CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Pourtant, le présent projet de loi ne comprend aucune disposition fiscale. Il prévoit uniquement que les transferts de compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales seront compensés grâce à une dotation de compensation, versée par une collectivité territoriale à une autre.
M. Éric Doligé. Eh oui ! C’est une opération à somme nulle !
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. Une commission locale d’évaluation des charges et des ressources devra évaluer les charges correspondant à l’exercice des compétences transférées. Ainsi, les départements continueraient de percevoir, de la part de l’État, des ressources en contrepartie des transferts de compétences passés, mais ils verseraient eux-mêmes une dotation de compensation aux régions.
Cette disposition, calquée sur celle qui s’applique à la métropole de Lyon, est généralisée à toute la France et pour des pans entiers de compétences.
Le département deviendrait alors une sorte de « boîte à lettres », bénéficiant de compensations de l’État qu’il transférerait ensuite aux régions.
Les finances locales en deviendraient, convenons-en, plus illisibles encore.
En définitive, ce texte n’apporte pas de réponse aux questions financières qu’il soulève. La modification de la répartition des compétences et ses conséquences sur la fiscalité, ainsi que les ajustements de la péréquation qui s’avéreront indispensables, auront pourtant des effets considérables, qui nécessiteront la définition d’une nouvelle gouvernance.
En effet, au cours des dernières années, l’État a pu être tenté d’imposer aux collectivités territoriales sa vision des finances locales, sans toujours tenir compte de leurs contraintes particulières, tandis que, pour leur part, il faut le reconnaître, les collectivités territoriales ont pu être tentées de se réfugier derrière leur libre administration pour s’extraire quelque peu de certaines obligations nationales.
Ces deux attitudes ne sont plus possibles : un dialogue renouvelé entre l’État et les collectivités territoriales devra être mis en place. La solution du Haut Conseil des territoires, qui a été écartée l’an dernier par le Sénat, revient en filigrane dans ce texte à travers le rôle que le Gouvernement souhaite donner au Comité des finances locales ou à la Cour des comptes.
À mon sens, il appartiendra au Parlement de se saisir de cette question, de formuler des propositions et de définir sa place dans ce cadre. La conférence nationale réunie il y a quelques jours par M. le président du Sénat en est peut-être l’esquisse...
La commission des finances s’est saisie pour avis des articles 30 à 34 relatifs aux finances locales, en particulier la transparence financière.
L’article 30 propose notamment que les opérations d’investissement d’un montant « supérieur à un seuil fixé par décret » soient accompagnées d’une étude relative à leur impact pluriannuel sur les dépenses de fonctionnement. Cette mesure doit être considérée comme une aide à la décision et non comme une contrainte supplémentaire qui serait imposée aux collectivités territoriales. Il faudra toutefois veiller à ce que le seuil soit calibré pour tenir compte de leur taille.
À l’article 31, la commission des lois a supprimé les dispositions relatives à la présentation par le Premier président de la Cour des comptes, devant le Comité des finances locales, du rapport annuel sur les finances locales et du rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques. La commission des finances s’est félicitée de cette suppression, dans la mesure où elle ne voit pas de raison d’institutionnaliser pour l’heure, et eu égard à ce que j’ai dit précédemment, un tête-à-tête entre deux instances chargées, chacune à leur façon, d’éclairer le Parlement et le Gouvernement.
La commission des finances s’est montrée plus réservée concernant l’article 32, qui prévoit que les collectivités territoriales dont les recettes de fonctionnement s’élèvent à plus de 200 millions d’euros peuvent participer à une expérimentation de la certification de leurs comptes conduite par la Cour des comptes. Dans la mesure où il ne s’agit que d’une expérimentation, reposant sur le volontariat, elle ne s’y est cependant pas opposée. Toutefois, la répartition du coût de la certification entre la Cour des comptes et les collectivités territoriales devra être précisée.
L’article 33 prévoit la participation financière des collectivités territoriales aux sanctions financières prononcées contre l’État pour manquement au droit communautaire. Ce point ne manquera sans doute pas de vous interpeller, mes chers collègues.
Poser le principe d’une responsabilité des collectivités ne semble pas absurde. Néanmoins, le dispositif proposé comporte de nombreuses limites : le champ de la responsabilité des collectivités territoriales n’est pas suffisamment circonscrit et les conditions selon lesquelles est arrêtée la participation financière des collectivités territoriales ne leur offrent pas suffisamment de garanties. Compte tenu de ces diverses limites, la commission des finances a souscrit à la suppression de l’article par la commission des lois. Si le texte avait subsisté, nous l’aurions sans doute amendé, ce que nous ferons d’ailleurs peut-être lors de la navette.
Enfin, l’article 34 n’a pas appelé de remarque particulière de la part de la commission des finances.
En définitive, la commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption des articles 30, 31, 32 et 34, tels qu’ils résultent du texte de la commission des lois, et a souscrit à la suppression de l’article 33, suivant en cela l’excellent travail de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du RDSE.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. Mes chers collègues, par dérogation à la décision de la conférence des présidents, je vais donner la parole au président de la commission du développement durable, puis au président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Ce temps de parole sera imputé sur celui de leur groupe. Nous en reparlerons en conférence des présidents.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le président de la commission du développement durable.