M. Philippe Dallier. Les malheureux !
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Nous n’avons pas à supporter les conséquences des dérives qui se sont produites ailleurs !
Mme Françoise Laborde. Exactement !
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Néanmoins, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, je suis obligé de demander le retrait de ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur spécial, vous n’avez pas donné l’avis de la commission sur l’amendement n° II-343…
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Madame la présidente, je pensais que nous allions d’abord procéder au vote sur les quatre premiers amendements et que, si j’en crois les propos des uns et des autres, l’amendement du Gouvernement risquait fort de devenir sans objet…
Mme la présidente. S’agissant d’amendements en discussion commune, la procédure exige que je recueille préalablement l’avis de la commission sur cet amendement, mon cher collègue.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Eh bien, l’amendement n° II-343 est un joli tour de passe-passe ! En effet, quels crédits le Gouvernement propose-t-il de diminuer pour rééquilibrer en partie le budget de la mission ? Des crédits qui sont consacrés à l’université et à la recherche, puisque l’Agence nationale de la recherche finance des budgets de recherche, et, par ailleurs, à l’enseignement scolaire !
Nous ne pouvons pas accepter un amendement qui, d’une part, ne règle pas le problème et, d’autre part, pioche dans des crédits alloués à l’enseignement et à la recherche.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos II-182, II-201, II-294 rectifié et II-295 ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’y suis défavorable pour les mêmes raisons que celles qu’a exposées M. le rapporteur spécial.
Mais je souhaiterais apporter quelques précisions pour éviter tout malentendu. Si les députés et les sénateurs sont soumis aux mêmes règles en termes d’équilibre, chaque assemblée fait évidemment ce qu’elle veut. Au cours de la discussion parlementaire, les députés prennent des décisions, tout comme vous. Le Gouvernement ne leur a rien imposé. Il a tenu compte des décisions de l’Assemblée nationale, y compris de celles qu’il avait lui-même proposées.
Nous avions préalablement averti les députés qu’il fallait respecter un principe : ne pas dégrader le solde. Vos collègues de l’Assemblée nationale étaient donc parfaitement informés que le solde serait calculé à l’issue de la discussion et qu’une taxation interministérielle, selon l’expression parfois utilisée, interviendrait.
Ces quatre amendements identiques ont pour effet de dégrader le solde de 135 millions d’euros, sans qu’il soit indiqué où trouver les économies correspondantes. Ou peut-être n’ai-je pas bien compris… Où cette somme doit-elle être prise ?
Mmes Valérie Létard et Françoise Laborde. On va vous le dire !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce n’est écrit nulle part ! Aurais-je mal lu ? Sur les crédits militaires ? Sur ceux d’un autre ministère ?
Le Gouvernement fait une proposition équilibrée.
Mme Françoise Férat. En prenant à l’école !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Elle est d’une ampleur moindre que celle que vous proposez, je le reconnais volontiers. Mais ne croyez pas qu’elle découle, comme quelqu’un l’a suggéré, d’une simple règle de trois. Ayez tout de même un peu d’estime et de respect pour le travail qui est conduit ! (Mme Françoise Férat s’exclame.)
Pouvez-vous me laisser terminer mon propos, madame la sénatrice ?
Nous ne nous sommes pas contentés pas d’appliquer une simple règle de trois ; nous avons engagé un dialogue avec la secrétaire d'État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche et avec la ministre de l’éducation nationale. Nous sommes convenus d’une enveloppe globale, étant entendu que répartition doit ensuite se faire à l’intérieur des différentes missions pilotées par le ministère de l’éducation nationale. Dans ce cadre, ce même ministère a estimé qu’il fallait prévoir des crédits supplémentaires pour l’université, mais que des économies d’un montant de 20 millions d’euros pouvaient être réalisées sur l’enseignement scolaire.
Vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, le volume de ce budget : je ne dis pas qu’un prélèvement de 20 millions d’euros ne représente rien, mais il est tout de même plus facile à faire sur ce budget que sur celui de la culture, par exemple, qui n’est pas le plus important au sein du budget de l’État...
Voilà les modalités qui ont présidé à l’élaboration de notre proposition.
Votre rapporteur spécial a émis un avis défavorable sur les quatre amendements identiques en estimant que leur adoption entraînerait une dégradation du solde. Leurs auteurs prétendent que non : j’aimerais entendre leurs explications pour savoir où trouver la contrepartie à ces 135 millions d’euros. Dans cette attente, je pourrais réserver mon avis sur ces amendements…
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. M. le secrétaire d'État vient de m’interpeller en prétendant que les amendements du Sénat allaient dégrader le solde ou, à l’inverse, que le rejet de certains crédits de mission allait améliorer le solde. Je voudrais donc mettre les choses au point.
Monsieur le secrétaire d’État, il est vrai que certains des amendements adoptés par le Sénat ont un coût. C’est le cas des amendements sur les collectivités locales, qui sont d’ailleurs issus d’un peu toutes les travées ; ainsi, le groupe socialiste proposait 950 millions d’euros en étalement de la baisse des dotations aux collectivités territoriales. L’amendement finalement adopté va au-delà puisqu’il coûtera 1,2 milliard en termes de solde budgétaire.
Cependant, nous avons aussi adopté et nous allons continuer à adopter des amendements représentant des économies substantielles et améliorant ainsi considérablement le solde budgétaire. Certains, d’ailleurs, font débat, compte tenu de leur ampleur. Il en est ainsi des amendements sur l’aide médicale d’État, sur les jours de carence, sur le GVT, sur la réduction d’un certain nombre de plafonds d’emplois. Toutes ces mesures sont courageuses et voulues dans un objectif clair de réduction de la dépense publique.
Je le dis clairement, malgré l’adoption d’un certain nombre de mesures, notamment en faveur des collectivités locales ou des PME, nous allons largement améliorer le solde par rapport au texte issu de l’Assemblée nationale. Nous attendons la fin de l’examen des missions et des articles rattachés pour le chiffrer exactement, mais les réactions suscitées par les réductions de dépenses que nous proposons témoignent de leur ampleur.
Certes, le Sénat pourra être conduit à rejeter les crédits de telle ou telle mission. Par exemple, sans vouloir anticiper sur la discussion de ce soir, nous pensons qu’il y a sans doute un problème de sincérité du budget de la défense, compte tenu des recettes très aléatoires des ventes de fréquences.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je dis bien : si le Sénat devait rejeter les crédits de telle ou telle mission, soit dit sans anticiper sur le vote de ce soir, cela n’aurait aucune conséquence en soi sur la lecture du solde.
Je voudrais simplement vous ramener trois ans en arrière, c’est-à-dire lors de la discussion de la loi de finances pour 2012. À ma place, il y avait Nicole Bricq, qui était dans l’opposition au gouvernement de l’époque. Qu’avait alors fait la majorité de gauche du Sénat ? Elle avait rejeté les crédits d’un très grand nombre de missions.
M. Philippe Dallier. Exactement !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Avait-on pour autant dit que le Sénat avait amélioré le solde ? Non, car on sait très bien que l’on ne peut pas se passer des crédits de la défense, de l’enseignement supérieur ou de l’écologie. Avait-on pour autant reproché à Nicole Bricq, en tant que rapporteur général de la commission des finances, et à la majorité sénatoriale de l’époque de voter contre les crédits de certaines missions ? Non ! (M. Marc Daunis s’exclame.)
Aujourd’hui, le Sénat assume ses responsabilités. Même si, je le répète, il devait rejeter les crédits de telle ou telle mission, je vous confirme que nous avons voté et que nous allons continuer à voter des amendements qui, indépendamment de l’appréciation qui peut être portée sur la sincérité ou la réalité des crédits de telle ou telle mission, améliorent significativement le solde et représentent des économies.
En tout cas, je rejoins Philippe Adnot pour dire qu’il faudrait rétablir les crédits de la mission mais que nous ne pouvons pas accepter des amendements dont le vote dégraderait le solde sans compensation.
Telle est l’attitude responsable adoptée par le Sénat depuis le début de nos débats face à un déficit budgétaire qui reste considérable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne laisserai pas mettre en doute la sincérité du budget. Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement vous a présenté un projet de budget dont la sincérité ne peut être appréciée que par une seule autorité : le Conseil constitutionnel. Comme il est d’usage qu’il se prononce sur ce point, laissons-lui le soin d’estimer la sincérité du budget, car il me paraît grave que des parlementaires, notamment s’ils exercent des responsabilités comme les vôtres, la mettent en doute a priori.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je parlais du budget de la défense !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si vous ne voulez pas entamer le débat, mais que vous l’entamez quand même, je vais répondre.
Je ne suis pas présent à l’ensemble de vos travaux, même si je le suis assez souvent, mais vous imaginez bien que je les suis avec attention et que je tiens – avec mes services, bien entendu – le compteur des plus et des moins.
Si vous voulez parler des 2 millions d’euros…
Plusieurs sénateurs. 2 milliards !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Oui, excusez-moi ! S’il ne s’agissait que de 2 millions d’euros, nous n’aurions pas besoin d’en parler ! (Sourires.)
À propos des 2 milliards d’euros attendus au titre des recettes exceptionnelles, qui incluent notamment les ventes de fréquences, la position du Gouvernement est très claire, mais je vais la réaffirmer pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : ces fréquences pourraient être vendues en 2015, mais ce n’est pas sûr.
M. Philippe Dallier. Personne n’y croit !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous avez le droit de croire ce que vous voulez ! Nous sommes dans une République qui permet justement toutes les croyances ! Cependant, je crains que, à force d’avoir des doutes, ceux-ci ne se transforment en une certitude : la certitude qu’elles ne seront pas vendues !
Je le répète, ces fréquences pourraient être vendues cette année…
M. Philippe Dallier. C’est du vaudou !
M. Jean-Louis Carrère. Écoutez la suite !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’ai reçu dans mon bureau, avec plaisir, voilà quelques mois, une délégation de votre assemblée pour lui faire part de l’ensemble des données concernant la vente de ces fréquences.
Puisque je ne serai pas là ce soir, devant me trouver à l’Assemblée nationale,…
M. Dominique de Legge. C’est dommage !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … je vous rappelle les obligations qui s’imposent à nous.
Tout d’abord, nous devons les vendre au meilleur prix, car le secrétaire d’État au budget que je suis est également responsable du patrimoine de l’État.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sur ce point, nous sommes d’accord !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Par ailleurs, les conditions et le moment de mise en vente de ces fréquences sont extrêmement importants pour le prix, sachant que les besoins des opérateurs de même que leurs possibilités financières varient dans le temps.
Nous voulons donc nous laisser toute liberté pour respecter ce premier principe de vente au juste prix – nous ne voulons pas reproduire ce qui a été fait avec les autoroutes ! –, afin de préserver le patrimoine de l’État et ses ressources à venir.
Second principe : je l’ai dit et je le confirme, l’inscription de 31,4 milliards d’euros prévue en loi de programmation militaire sera respectée. Si nous ne pouvions, le moment venu, compter sur la vente de ces fréquences, cette somme de 31,4 milliards d’euros serait néanmoins budgétée, via des PIA ou toute autre disposition, dont quelques-unes sont déjà évoquées.
Je le dis dans cet hémicycle, sachant que mes propos figureront au compte rendu.
Monsieur le rapporteur général, tirer prétexte de cette affaire, que j’ai d’ailleurs vu fleurir encore cette semaine dans le Canard enchaîné,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce journal ne fait pas partie de mes sources ! (Sourires.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … mais qui est aussi évoquée régulièrement dans tel ou tel journal, inspiré par tel ou tel communicant – je n’en dirai pas plus ! –, me semble abusif.
Ces 31,4 milliards d’euros figurent bien dans la loi de programmation militaire, OPEX ou pas OPEX, et ils seront respectés ! Je le répète, ce n’est pas un budget présenté de façon insincère.
Enfin, que le Sénat adopte ou non les crédits n’est pas mon sujet : c’est votre choix et vous êtes libres de le faire. Mais la moindre des choses serait quand même de faire la différence entre la position d’une sénatrice qui était dans l’opposition et celle d’une opposition qui se retrouve majoritaire ici au Sénat…
M. Philippe Dallier. C’était le même cas de figure !
M. Philippe Dallier. Mais si !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous vous félicitez d’avoir adopté enfin des recettes pour pouvoir étudier les dépenses, mais allez jusqu’au bout de la démarche : adoptez toutes vos dépenses, faites le comptage, et vous verrez à quel solde vous arriverez. Pour notre part, nous tenons un double tableau comptable, jour après jour, heure après heure, et nous vous ferons part des résultats.
Adopter aujourd’hui des amendements sans qu’il y ait de contrepartie financière est un peu facile. Je le répète et je l’assume.
M. David Assouline. C’est bien ce qu’a fait l’Assemblée nationale !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la présidente, je vous demande pardon d’avoir été un peu long et je vous remercie de m’avoir laissé développer jusqu’au bout mon argumentation : le Gouvernement est défavorable aux quatre amendements identiques qui rétablissent 135,5 millions d’euros de crédits sans prévoir leur contrepartie financière.
En revanche, je demande évidemment au Sénat de voter l’amendement n° II-343, que je lui ai présenté.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Tout d’abord, je voudrais dire un mot sur le budget de la défense, que je connais un peu et qui me tient à cœur.
Je suis étonné du tour que prennent les débats. Je peux comprendre les postures de politique politicienne, même si je ne les partage pas toujours. Je ne vais donc pas faire l’effarouché, mais, en même temps, ce sujet me paraît trop sérieux pour se prêter à des postures.
Nous avons voté à la quasi-unanimité une loi de programmation militaire prévoyant, pour la première fois, au bénéfice de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, un contrôle sur place et sur pièces qui reste normalement l’apanage de la commission des finances, à l’exception des contrôles portant sur les comptes sociaux. Nous avons fait voter cette nouvelle forme de contrôle avec l’accord et le soutien de la commission des finances.
On ne peut donc pas mettre en cause la sincérité des ressources exceptionnelles sauf à avouer que l’on est dans l’incapacité de vérifier ce que fait le Gouvernement.
M. Michel Bouvard. On verra ce soir !
M. Jean-Louis Carrère. Cela voudrait dire que nous serions prêts à administrer la preuve de notre incompétence, et ce serait beaucoup plus dommageable pour le Sénat !
À mon sens, votre argument est donc inopérant, monsieur le rapporteur général. Je conçois que l’on soit inquiet, et je rejoins M. Dallier lorsqu’il dit que la vente des fréquences ne se fera pas en 2015. Mais M. le secrétaire d’État nous a bien expliqué qu’il était en quelque sorte le « gardien du temple », le garant de la vente au meilleur prix. Du reste, il est inscrit dans un codicille à la loi de programmation militaire que des crédits budgétaires viendraient suppléer, en tant que de besoin, les crédits résultant de la vente des fréquences. Comme pour les opérations extérieures, tout est donc « bétonné », si je puis dire.
M. Dominique de Legge. On en reparlera ce soir !
M. Jean-Louis Carrère. Pour ce qui nous occupe à présent,…
M. Dominique de Legge. Ah, enfin !
M. Jean-Louis Carrère. … sachez que je soutiens le Gouvernement et le Président de la République. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Eh oui, il peut arriver que l’on soit fidèle en politique ! Pour votre part, vous avez un peu varié, mais je vous laisse à vos tergiversations !
Néanmoins, l’attitude du Gouvernement me préoccupe un peu. Nous proposons de revenir à son budget initial, ce qui provoque des cris d’orfraie sur les déséquilibres que cela engendrerait. En réalité, c’est justement parce que nous soutenons le Gouvernement et le Président de la République que nous voulons revenir au budget initial en réintroduisant ces 135,5 millions d’euros de crédits dans le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Pour le reste, monsieur le secrétaire d’État, je vous sais trop averti pour nous poser des questions sur les gages. Vous nous dites que ce que nous proposons n’a pas de base légale, faute de compensation. Pardonnez-moi, mais c’est un peu une réplique de cour de récréation…
Nous avons des pistes, et nous serons en mesure de vous faire des propositions pour gager ces 135,5 millions d’euros. Mais, là, je ne parle plus en tant que sénateur socialiste, je parle au nom de l’ensemble du Sénat, institution dans laquelle il peut arriver que nous ayons une vision partagée des choses. Lorsque c’est le cas, sur l’enseignement supérieur et la recherche, en l’occurrence, et que nous l’exprimons, il serait bon, dans le climat de défiance actuelle, que le Gouvernement en tienne compte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je vais me cantonner à la question précise que pose cette série d’amendements identiques, Jean-Louis Carrère ayant dit l’essentiel au sujet de notre position sur l’ensemble de ce budget.
À cet égard, nous faisons preuve de cohérence. Nous sommes favorables à la ligne budgétaire telle qu’elle a été présentée par le Gouvernement – nous l’avons affirmé par un vote en commission de la culture et nous le réaffirmons ici -, et ce à tel point que nous souhaitons son rétablissement dans sa version initiale.
Monsieur le secrétaire d'État, la demande que vous formulez me conduit à rappeler notre profond attachement au rôle des sénateurs. J’y insiste, parce que je tiens à ce que cela entre dans quelques têtes : le Sénat n’est pas la dernière roue du carrosse !
Les députés ont pris la liberté de dépasser de 800 millions d’euros le budget global initialement prévu par le Gouvernement, puis ils ont cherché où prendre cette somme pour obtenir, in fine, un équilibre. Ils ont choisi de toucher au budget de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Nous ne voulons pas de ce choix, et nous avons, tout autant que les députés, la liberté de décider que la somme ne sera pas prélevée sur cette mission. Où les prendre alors, nous demande-t-on ? Sans doute la question pourra-t-elle se poser quand nous chercherons à équilibrer l’ensemble du budget. Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, n’attendez pas trop d’incohérence de notre part !
Notre refus de toucher au budget de la recherche et de l’enseignement supérieur s’explique par notre soutien absolu à la priorité affichée par le Gouvernement et par le Président de la République de sanctuariser tous les crédits ayant trait à l’avenir de la jeunesse. Bien évidemment, l’amélioration de la compétitivité ou d’autres objectifs entrent également dans cette préoccupation, mais je veux insister ici sur l’avenir de la jeunesse. C’est la raison pour laquelle, si l’on vient nous expliquer qu’il faut prendre à l’enseignement scolaire, nous rejetterons également cette possibilité. Nous n’allons pas déshabiller Pierre pour habiller Paul !
En tout cas, on ne peut pas nous demander, à ce stade du débat, d’être moins libres que les députés, qui, eux, n’ont eu aucune difficulté à décider un dépassement de budget de 800 millions d’euros, avant de décider qu’il serait compensé sur les crédits de cette mission. Notre position consiste à dire : ne touchons pas à la recherche et à l’enseignement supérieur, et poursuivons le débat ! À ce stade, c’est ainsi.
Je souhaite formuler une autre remarque : les socialistes font, dans cet hémicycle, un effort de sincérité et de vérité. Nous verrons bien si cette attitude est partagée par tous... (M. Philippe Dallier s’exclame.)
En effet, monsieur Dallier, on ne peut pas, à la tribune, dénoncer les crédits proposés par le Gouvernement au motif qu’ils présentent une ponction de 136 millions d’euros, et, en dépit du rétablissement de cette somme – rétablissement que nous allons voter tout à l’heure, puisque, si j’en crois ce que j’entends, cette mesure emporte une majorité -, décider de ne pas voter les crédits de la mission.
Mme Françoise Férat. Mais nous n’étions déjà pas d’accord avant !
M. David Assouline. Vous vous expliquerez sur le sujet, chers collègues de la droite ! Cependant, pour en revenir aux questions de cohérence et de sincérité, le budget initial du Gouvernement affiche une hausse par rapport à tous les budgets que vous avez acceptés sous la précédente majorité. J’y insiste : une hausse ! Vous objectez qu’il n’est pas satisfaisant du fait de cette ponction de 136 millions d’euros. Nous rétablissons la somme et, malgré cela, vous refusez de voter les crédits !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il ne faut pas oublier le passé !
M. David Assouline. En d’autres termes, vous allez adopter un amendement, puis supprimer les conséquences de votre vote, et vous irez ensuite vous targuer auprès de la communauté universitaire d’avoir été utiles à la nation. Non, chers collègues ! Ce que les universitaires attendent, c’est le rétablissement des 136 millions d’euros et un budget ! En rejetant les crédits de la mission, donc les 136 millions d’euros qui y seraient inclus, non seulement vous leur claquez la porte au nez, mais, en plus, vous laissez penser que les sénateurs sont inutiles.
Nous entendons être utiles et cohérents dans nos propos. Nous voterons donc, et l’amendement, et les crédits de la mission, témoignant ainsi du soutien que nous apportons à la proposition initiale du Gouvernement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Je voudrais tout d’abord signaler, au nom de la commission des affaires économiques, que nous nous sommes unanimement accordés, lors de nos débats en commission, pour émettre un avis de sagesse sur l’adoption des crédits de cette mission. Nous souhaitions attendre l’issue de la discussion sur ces amendements identiques tendant à rétablir les 135 millions d’euros et laisser ensuite à l’appréciation de chacun des membres de la commission le choix de voter, ou non, le budget.
Si une chose est certaine, c’est que la commission des affaires économiques, dans son ensemble, était très attentive à ce que l’enveloppe destinée à la recherche et à l’enseignement supérieur soit rétablie dans son état initial.
Dès la construction du budget global par le Gouvernement, cette enveloppe a fait l’objet d’un effort considérable de la part des universités, dans leur volet « recherche », ainsi que de l’ensemble des organismes. Et comme je l’ai rappelé précédemment, le tout s’accompagne de contrats de projets État-région – ceux-ci ne figurent pas dans les crédits de cette mission budgétaire, mais ils viennent s’additionner aux moyens des politiques de recherche sur les territoires –, dont le volet « recherche » présente également une enveloppe en forte diminution. Or tout cela est essentiel pour préparer l’avenir de nos enfants !
Pourquoi en sommes-nous là ? Parce que, à l’Assemblée nationale, on a cherché, à coup de secondes délibérations, monsieur le secrétaire d’État, des solutions en matière d’emplois aidés ou de service civique, le tout pour 480 millions d’euros. Et on prend 135 millions d’euros sur l’avenir de la recherche et des emplois de la jeunesse !
Que la création d’emplois aidés soit une nécessité, une urgence même, certes, mais ne vous trompez pas de victime. Ne vous trompez pas de budget.
L’avenir de la recherche, c’est l’avenir de notre économie ! Je suis élue d’un territoire industriel. Si nous n’encourageons pas le développement d’une industrie à forte valeur ajoutée, si nous ne créons pas de partenariats entre les organismes de recherche et nos grands acteurs industriels, pourquoi ceux-ci resteraient-ils chez nous, quand cette valeur ajoutée est précisément la seule chose dont nos territoires peuvent se prévaloir ?
La commission des affaires économiques est donc complètement en phase avec la commission de la culture et les auteurs des différents amendements tendant à rétablir les 135 millions d’euros. Bien évidemment, il nous faut adopter ces amendements identiques !
Je voudrais enfin m’associer aux propos qui ont été tenus sur l’amendement n° II-343 de M. le secrétaire d’État, dont l’objet est d’abonder les crédits de la mission de 35 millions d’euros, tirés des crédits de l’ANR, l’Agence nationale de la recherche, et de ceux de la mission « Enseignement scolaire ».
Ainsi, pour ajouter 35 millions d’euros au budget de l’enseignement supérieur et de la recherche universitaire, on va retirer 20 millions d’euros à l’ANR… Toutefois, à qui sont destinés les appels à projets lancés par cette dernière ? Aux équipes et aux laboratoires de recherche publique des universités !
S’il ne s’agit pas d’un jeu à somme nulle, dites-moi ce que c’est, monsieur le secrétaire d’État. Et à quoi sert une telle mesure, sinon à réduire encore l’enveloppe affectée à l’enseignement scolaire, lequel n’a pas besoin de cela aujourd'hui ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)