M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Madame la ministre, je tiens, tout d’abord, à saluer le pari que vous avez réussi en maintenant globalement le niveau des crédits mobilisés dans le cadre de la mission « Outre-mer », dans le contexte de contraction du budget de la nation. Cela permet à l’outre-mer, mais, surtout, à la Guadeloupe, d’obtenir des réponses à deux questions prioritaires : le chômage des jeunes, avec la création de 6 000 postes pour les volontaires du SMA, et la sanctuarisation de la LBU, la ligne budgétaire unique, pour la construction de logements sociaux.
Cependant, je m’interroge sur le devenir de projets phares pour la Guadeloupe, pour lesquels aucune budgétisation n’est actuellement prévue, et le statu quo perdure d’année en année.
Oui, l’outre-mer entend prendre sa juste part à l’exercice de solidarité nationale auquel on ne peut se soustraire. Mais, dans le même temps, l’audace commande de tenir compte des difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités locales, minées par des transferts de compétences mal compensés par l’État.
Aussi, il convient d’aborder les difficultés que rencontre le conseil général de Guadeloupe pour financer ses principales obligations sociales que sont l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, et le RSA, le revenu de solidarité active.
Cela implique aussi de comprendre la nécessité de créer, en Guadeloupe, un fonds d’investissement destiné au rattrapage du retard des DOM en matière d’équipements structurants ; je veux parler des 300 millions d’euros nécessaires aux équipements pour le traitement des déchets ménagers et aux 400 millions d’euros indispensables à la réfection des canalisations d’eau potable qui correspondent à un engagement du gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre. Cet engagement a d’ailleurs été pris en Guadeloupe par les ministres concernés.
Pour la santé de nos compatriotes, l’audace et l’ambition commandent également de sanctuariser, une fois pour toutes, les 590 millions d’euros nécessaires à la reconstruction du CHU de Pointe-à-Pitre.
Sur ce point, je veux rappeler que ces crédits n’ont fait l’objet d’aucune inscription budgétaire, ni dans le cadre de la loi de finances initiale, ni dans celui de la loi de finances rectificative du projet de loi de financement de la sécurité sociale. De surcroît, l’examen du projet inscrit à l’ordre du jour du COPERMO, le 25 novembre dernier, à la suite des engagements pris par la ministre de la santé, lors de son nouveau déplacement en Guadeloupe en juillet dernier, a été une fois de plus reporté. Madame la ministre, c’est insupportable ! Quelle grande déception pour nous de constater que les engagements pris sur des questions aussi importantes que la santé de nos populations ne sont pas suivis d’effets !
Nous attendons de votre part, en votre qualité de ministre des outre-mer – nous le savons, la santé ne relève pas de votre compétence –, un soutien sans faille et un engagement fort auprès du Gouvernement pour faire en sorte que ce projet de reconstruction, dont la nécessité et l’urgence ont été confirmées il y a quelques mois par la Haute Autorité de santé, fasse l’objet d’une traduction budgétaire, dès 2015, à hauteur de 590 millions d’euros. De même, nous attendons qu’un COPERMO extraordinaire statue sur la validation du projet.
L’audace exige aussi, madame la ministre, de mieux cibler le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en faisant en sorte qu’il soit davantage adapté à notre tissu économique, composé de très petites entreprises avec une faible masse salariale. Nous pourrions ainsi améliorer les effets sur le secteur marchand, en vue de créer davantage d’emplois dans le privé.
L’audace et la compréhension de la réalité de nos territoires impliquent, madame la ministre, de prendre toute la mesure des conséquences désastreuses de l’instauration d’un système de licence pour la vente au détail de tabac dans les départements d’outre-mer.
Vous n’êtes pas sans savoir que nous attendons toujours la publication du décret d’application du système instauré par la loi de finances de 2011. D’ailleurs, c’est heureux, puisque les conseils généraux de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion ont adopté chacun une motion demandant la révision de ce dispositif, et ce pour plusieurs raisons.
Ici, madame la ministre, l’audace consisterait à accepter de surseoir à la mise en œuvre de cette réforme, conformément aux motions adoptées, je le répète, par plusieurs collectivités ultramarines.
L’audace, c’est tout mettre en œuvre pour développer des secteurs porteurs tels que ceux de l’agro-nutrition, des énergies renouvelables et de la biodiversité.
Enfin, l’audace consisterait à permettre, demain, aux Guadeloupéens de jeter collectivement, sans carcan ni limite, les bases d’un nouveau contrat social, en créant les conditions de l’évolution institutionnelle qu’une immense majorité de Guadeloupéens appelle de ses vœux.
Madame la ministre, en attendant vos réponses, je voterai le budget des Outre-mer. (Mme Maryvonne Blondin et M. André Gattolin applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis, à l’instar de mes collègues, du budget outre-mer tel qu’il ressort du projet de loi de finances pour 2015.
En effet, après une augmentation marquée des crédits en 2013, un effort financier encore important en 2014, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une progression de 0,3 % des crédits de paiement de cette mission.
Au-delà, l’effort budgétaire de l’État pour les outre-mer dépasse les seuls crédits de la mission que nous examinons aujourd’hui. Avec 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement pour 2015, la part de la mission « Outre-mer » est de 15 % des crédits de l’État et de 0,5 % du budget général. L’effort budgétaire et financier consacré à nos territoires ultramarins s’élève, au total, à 14,2 milliards d’euros. Les dépenses fiscales seront, quant à elles, de l’ordre de 3,9 milliards d’euros en 2015. Au total, l’effort de l’État est donc de 18,1 milliards.
Je concentrerai, dans un premier temps, mon propos sur l’aide à la continuité territoriale, l’ACT.
Le projet de loi de finances prévoit de passer d’un droit annuel à un droit triennal pour le bénéfice de l’ACT, avec des crédits en diminution de 10 millions d’euros.
Les crédits octroyés au titre du dispositif du passeport-mobilité études et du passeport-mobilité formation professionnelle, qui bénéficie aux jeunes ultramarins, ont été sauvegardés, et je me réjouis de cette décision. La baisse concerne les crédits de l’aide à la continuité territoriale dite « tout public », eu égard à la croissance continue des demandes.
Mon propos portera, madame la ministre, sur une dimension qui ne vous est pas étrangère, à savoir l’insularité liée à la continuité territoriale.
En effet, lorsque l’on parle d’« insularité », c’est, en premier chef, par rapport à la métropole.
Je suis désireux – mais c’est aussi le cas de la Guadeloupe, de la Polynésie française ou encore de Wallis-et-Futuna – d’attirer l’attention du Sénat et, plus largement, du Parlement, ainsi que du Gouvernement, sur la double insularité par rapport à l’île principale.
Les îles périphériques ou îles du Sud – Les Saintes, la Désirade, Marie-Galante – souffrent principalement de leur situation d’isolement. Elles sont confrontées à des handicaps particuliers liés à la double insularité.
En effet, les coûts des services et des marchandises y sont plus élevés qu’ailleurs, elles accusent un retard en matière d’infrastructures, les liaisons entre les îles sont difficiles et un exode massif se produit. En outre, aucune alternative économique structurée ne s’y développe, alors que la pêche et le commerce connaissent d’énormes difficultés. Les entreprises qui tentent de relever le défi, écrasées par la concurrence et par le poids des charges fiscales et sociales, sont très souvent acculées à la faillite.
Résultat : le taux de chômage est trop élevé, un chômage qui touche particulièrement les jeunes, plus de 30 %, contre 9,7 % en métropole.
Toutes les réformes institutionnelles, depuis 1946, ont ignoré la réalité d’archipel qui caractérise la Guadeloupe : le pays a été traité dans sa globalité, sans considération pour les nuances territoriales qui en font la richesse tout en complexifiant sa gestion administrative.
La continuité territoriale doit avoir trois objectifs : faciliter la circulation des personnes et des marchandises entre les îles périphériques et le reste de l’archipel, les îles avoisinantes et la France hexagonale ; éliminer les surcoûts liés aux transports aérien et maritime ; contribuer au développement des activités économiques, notamment au développement touristique, qui doit être l’un des plus importants moteurs économiques et l’une des principales sources de richesse et d’emplois.
En ce qui concerne les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs, il faut ne plus considérer seulement les collectivités majeures, mais envisager une dotation de continuité territoriale abondée par des fonds de l’Union européenne, de l’État et, bien sûr, des collectivités territoriales.
J’insiste sur la situation de ces îles car vous vous souvenez, madame la ministre, que l’un des engagements du Président de la République, François Hollande, consistait à prendre en compte le caractère archipélagique de la Guadeloupe dans la mise en place des décisions publiques.
Il nous appartient de trouver les voies et moyens pour créer de l’activité, et donc des emplois, dans des secteurs porteurs d’avenir, en particulier pour la mutation économique des îles périphériques ; je pense notamment au tourisme, aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, aux services à la personne et à l’agro-transformation, liée notamment à l’agriculture biologique.
Il nous appartient aussi de garantir la sécurité, d’assurer la couverture sanitaire, en particulier grâce à l’hôpital de Marie-Galante et au CHU de Pointe-à-Pitre/Abymes, et de réaliser la couverture numérique avec la solution satellitaire, en attendant le câble de fibre optique.
Il s’agit également de protéger la filière canne-sucre-rhum à Marie-Galante, qui est un laboratoire d’idées et d’expériences : plusieurs projets y sont en cours d’élaboration, comme la centrale thermique multi-biomasse de cogénération qui, à terme, permettra à l’île de satisfaire ses propres besoins électriques, voire d’alimenter la Guadeloupe continentale. La question se pose toutefois de la mise en place d’un câble électrique sous-marin entre Marie-Galante et la Guadeloupe, car son coût excède le budget du projet.
Madame la ministre, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer », mais je vous demande quelle place le Gouvernement accorde dans ses ambitions aux outre-mer et à l’archipel guadeloupéen, singulièrement à ses îles périphériques. En particulier, comment entend-il prendre en compte l’insularité liée à la continuité territoriale, au vu de l’horizon prospectif qui se profile ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier pour la qualité des interventions, qui témoigne de l’intérêt que la Haute Assemblée porte à l’outre-mer. J’ai noté avec beaucoup d’intérêt vos interrogations et vos suggestions.
Trois commissions de votre assemblée m’ont fait l’honneur d’approuver à l’unanimité les crédits de la mission « Outre-mer » ; j’ai même entendu, ici ou là, des satisfecit adressés à la politique que nous menons, au sujet de laquelle nous entretenons des échanges réguliers. En vérité, la dotation de cette mission marque l’intérêt prioritaire que le Gouvernement accorde aux outre-mer, qui, nous sommes nombreux à le considérer, représentent une chance pour la France.
Bien entendu, les outre-mer sont dans la France ; il est donc normal que l’effort demandé à tout un chacun pour boucler le budget dans cette période difficile s’applique aussi aux outre-mer. Toutefois, nous avons eu soin de leur demander un effort moindre qu’à la majorité de nos citoyens.
Parmi les axes prioritaires de notre action figure la lutte contre le chômage, sur laquelle plusieurs orateurs ont insisté. C’est pourquoi l’emploi est le premier des objectifs que nous avons privilégiés dans ce budget.
Monsieur le rapporteur spécial, cher Georges Patient, vous avez souligné que les chiffres du chômage en outre-mer étaient souvent le double de ce qu’ils sont en métropole. Il est donc normal que la politique d’exonération de charges, qui est un volet extrêmement important du projet de loi de finances, soit complétée et renforcée par une amélioration du CICE dans les outre-mer. Au total, ce sont près de 2 milliards d’euros dont les entreprises ultramarines bénéficieront l’année prochaine au titre de la politique en faveur de la compétitivité. Sur l’ensemble du quinquennat, nous aurons augmenté les exonérations de charges de 200 millions d’euros.
Des orateurs de divers groupes ont souligné que ces exonérations devraient avoir pour contrepartie des créations d’emplois, qui sont si nécessaires dans les outre-mer. Bien évidemment, nous continuerons de mener avec les entreprises et avec leurs organisations représentatives un dialogue fraternel, si je puis dire, en tout cas appuyé à ce sujet.
Quant à la majoration du crédit d’impôt recherche, elle confortera la capacité d’innovation des outre-mer.
Je confirme, notamment à Mme la rapporteur spécial Mme Iriti, que les mesures que nous avons prises en faveur des entreprises ne nuisent pas aux dispositifs destinés aux collectivités territoriales, ni à aucun autre dispositif de soutien aux outre-mer.
Le deuxième axe prioritaire de notre politique est la formation professionnelle et la politique d’insertion. Nous avons bien sûr à l’esprit le niveau extrêmement élevé du chômage, en particulier du chômage des jeunes. Dans ce cadre, nous avons maintenu, voire augmenté, les crédits du service militaire adapté, le SMA, dont tous les orateurs ont fait observer le remarquable profit pour les jeunes d’outre-mer, notamment pour ceux qui sont en grande difficulté.
Que le chômage des jeunes ait commencé de diminuer grâce aux mesures récentes, il faut s’en féliciter, car c’est un premier pas en avant ; mais le niveau auquel il s’établit encore doit nous conduire à réfléchir tous ensemble au problème du décrochage. En effet, une grande partie des jeunes chômeurs sont des jeunes de 16 à 25 ans qui ont beaucoup de mal à accéder à l’emploi parce qu’ils ont quitté l’école sans qualification.
À cet égard, je pense que la stratégie mise en œuvre aujourd’hui par l’éducation nationale, en liaison avec le ministre du travail, pour lutter contre le décrochage et apporter des solutions aux jeunes qui en sont victimes est particulièrement adaptée aux outre-mer, où nous allons nous atteler à la mettre en œuvre.
S’agissant de notre troisième priorité, le logement, M. le rapporteur spécial de la commission des finances a souligné la hausse significative, de 25 %, connue depuis 2012 par les crédits de la ligne budgétaire unique, la LBU. Comme je sais que plusieurs d’entre vous sont inquiets au sujet de la « dette » de LBU, j’ai veillé, dans le cadre de la fin de gestion de l’année 2014, à la réduire par rapport à l’année dernière.
Dans le domaine du logement, le débat parlementaire sur la première partie du projet de loi de finances a permis des avancées supplémentaires : nous avons renforcé l’attractivité du dispositif Pinel outre-mer pour le logement intermédiaire et favorisé l’émergence d’un véritable crédit d’impôt pour la transition énergétique outre-mer, associé à un bouquet de travaux adapté à la situation particulière dans laquelle se trouvent les outre-mer, à l’exception notable de Saint-Pierre-et-Miquelon. Je tiens également à saluer l’adoption par le Sénat, la semaine dernière, de l’amendement n° I–88 rectifié ter, présenté par Serge Larcher, visant à adapter l’éco-prêt à taux zéro.
Toutes ces mesures donnent corps au plan logement ambitieux que j’ai présenté pour l’outre-mer. Je remercie une nouvelle fois les parlementaires d’avoir massivement soutenu ces avancées.
Un autre point fort de ce budget réside dans le soutien à l’investissement public.
Certains orateurs ont exprimé des craintes à ce sujet ; je sais que je recevrai une écoute particulièrement attentive au Sénat en annonçant que les crédits alloués à la politique contractuelle en outre-mer progresseront de 6,5 % dès 2015, et de 11 % sur le triennal. Cet effort permettra la préservation intégrale des contrats de développement à Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Martin, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, ainsi qu’à Wallis-et-Futuna. Dans les DOM, la nouvelle génération des contrats de plan État-région s’inscrira en hausse de près de 180 millions d’euros par rapport à la précédente.
Je me propose d’en reparler avec les présidents des collectivités territoriales, pour que nous expliquions et mettions en valeur les progrès considérables que nous avons pu obtenir en ce qui concerne ces contrats.
Encore faut-il ajouter que l’enveloppe totale avoisine le milliard d’euros si l’on tient compte du plan très haut débit, particulièrement nécessaire dans les outre-mer compte tenu de leurs spécificités géographiques.
En réponse aux craintes exprimées par Mme la rapporteur spécial, je tiens à souligner que les crédits de paiement seront stables, à plus de 135 millions d’euros, sur le triennal. Par ailleurs, la maquette des contrats sur la période 2015-2020 atteint 177 millions d’euros, ce qui représente 700 euros par habitant, une somme largement supérieure à la moyenne métropolitaine.
En outre, je répète solennellement, après l’avoir déjà annoncé à l’Assemblée nationale, que, si les besoins d’autorisations d’engagement pour 2015 excèdent les montants prévus, nous ouvrirons les crédits nécessaires en gestion. Je vous confirme également que nous avons l’intention de réduire la « dette » de la LBU, qui sera ramenée de 65 millions d’euros à moins de 50 millions d’euros dès cette année.
Monsieur Thani Mohamed Soilihi, je vous remercie pour l’avis budgétaire que vous avez établi au nom de la commission des lois.
Le recours trop systématique aux ordonnances, que vous avez signalé, est un problème qui nous préoccupe. Pour y remédier, il convient que mon administration surveille de plus près les textes en préparation. Souvent, en effet, les autres ministères réfléchissent d’abord aux dispositions générales, et se demandent ensuite comment les adapter à l’outre-mer. Il faudrait au contraire que les dispositions nécessaires soient intégrées dans les textes dès leur préparation et leur discussion. Cette méthode a déjà été appliquée certaines fois, notamment à l’égard du projet de loi dont est issue la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Il faut donc que nous améliorions notre travail de veille et que nous commencions à travailler avec vous, parlementaires, dès qu’un projet de loi est annoncé, pour préparer les dispositions relatives aux outre-mer.
Par ailleurs, je me félicite, comme M. Mohamed Soilihi, que les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution s’engagent plus avant dans la voie des habilitations prévues à cet article. Dans le domaine de l’énergie, par exemple, des projets très intéressants ont été menés. M. le rapporteur pour avis de la commission des lois a suggéré qu’un bilan de ces habilitations pourrait être dressé ; je crois que nous pourrons confier une telle mission à l’Inspection générale de l’administration.
M. Mohamed Soilihi a également soulevé la question de l’homologation des peines d’emprisonnement prononcées par une collectivité d’outre-mer disposant d’un pouvoir à cet effet. Il est vrai que le dispositif actuel ne donne pas entière satisfaction, car les peines prononcées par les collectivités ne sont souvent homologuées qu’après plusieurs années. Nous allons donc mettre en place un système de veille particulier, pour que les homologations puissent intervenir au fil de l’eau.
Monsieur Didier Robert, qui étiez auparavant député et qui êtes devenu sénateur, vous avez déclaré que vous n’étiez pas très satisfait des crédits de la mission « Outre-mer », que vous jugez insuffisants à périmètre constant et en tenant compte de l’inflation.
Je tiens d’abord à rappeler que l’inflation a pratiquement disparu aujourd'hui. Ensuite, j’avoue que je suis un peu étonnée, car il me semble me souvenir que lorsque nous étions députés entre 2007 et 2012, vous aviez voté sans grandes critiques un budget de l’outre-mer pourtant en baisse d’environ 11 %. Sans doute la position de sénateur est-elle un peu différente… En l’occurrence, le budget ne diminue pas, il augmente, même s’il augmente peu. Vos critiques, monsieur le sénateur, ne sont donc pas raisonnables.
Vous vous êtes ensuite interrogé sur la dette de LBU. Celle-ci a beaucoup diminué entre 2012 et 2013 et baisse encore cette année, d’environ 25 millions d’euros. Par conséquent, nous sommes plutôt en progrès sur ce point.
Il n’y a pas de diminution effective des crédits consacrés à la résorption de l’habitat insalubre, la RHI. Il est vrai que ce budget est extrêmement important pour les outre-mer. Partout, nous faisons face à un problème d’habitat insalubre, qui est très difficile à régler. Il faut dire aussi qu’on assiste dans certains départements – M. Thani Mohamed Soilihi a évoqué Mayotte, mais on pourrait le dire aussi de la Guyane – à une sorte de course-poursuite entre l’augmentation de la population et le logement des nouveaux arrivants dans des conditions extrêmement précaires, d’une part, et le travail fait pour éradiquer l’habitat insalubre, d’autre part. Certes, le montant prévu est supérieur au montant utilisé les années précédentes, mais, j’en suis d’accord, nous devons faire le maximum pour lutter contre le fléau que constitue l’habitat insalubre.
J’ajoute que nous avons sanctuarisé la LBU et que l’enveloppe de l’ANRU – cette agence intervient beaucoup sur ces sujets –, qui sera annoncée prochainement par mon collègue Patrick Kanner, sera extrêmement généreuse pour les outre-mer. Nous pourrons ainsi remédier à ce problème.
L’aménagement foncier sera également favorisé dans les contrats de plan État-région, via les FRAPU, les fonds régionaux d’aménagement foncier et urbain. Nous pourrons ainsi, je pense, répondre à vos inquiétudes.
Vous vous inquiétez également concernant le dispositif d’aide à la continuité territoriale. Comme je l’ai dit à l’Assemblée nationale, un budget consiste à faire des choix. Par conséquent, puisque nous avions défini comme priorité l’accès à l’emploi et au logement, nous avons dû faire ou demander des efforts sur d’autres dispositifs.
Ainsi, s’agissant de l’aide à la mobilité, nous préférons maintenir, voire améliorer, l’aide pour les jeunes ayant besoin de venir en métropole pour un emploi ou pour une formation plutôt que d’améliorer ou de maintenir une aide permettant aux familles de venir connaître la métropole et de la visiter. Je respecte ce besoin de procéder à des échanges, mais je ne comprends pas pourquoi l’aide à la continuité territoriale fonctionne dans un seul sens. Peut-être les Réunionnais qui vivent en métropole, où ils occupent des emplois souvent extrêmement modestes, aimeraient-ils eux aussi rentrer voir leur famille au pays ?
La suggestion de M. Magras de constituer un groupe de travail sur cette question me semble être une bonne idée. Toutes les études qui ont été faites sur le dispositif existant, notamment celle de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, la CNEPEOM, montrent que, malgré l’intérêt de l’aide tous publics, il n’est pas possible d’avoir des crédits ouverts que l’on ne peut programmer, n’importe qui pouvant réclamer le remboursement de son voyage, parfois même après qu’il ait eu lieu. Il faut que l’on reprenne ce dossier et qu’on y travaille. Je suis positive : cherchons des solutions et essayons de prendre en compte les contradictions entre les uns et les autres. En tout cas, à ma connaissance, il n’y a pas de budget qui puisse laisser une ligne ouverte à volonté pour ceux qui souhaitent l’utiliser !
Sans doute la mesure que nous avons prise constitue-t-elle un effort, mais elle rend au dispositif sa logique de départ, qui est d’aider les personnes modestes à voyager. Je ne vois pas pourquoi l’État devrait en priorité aider les gens ayant les moyens de payer des billets, et gagnant par exemple 9 000 euros par mois, à voyager chaque année.
De toutes les manières, l’expérience a prouvé que les personnes modestes n’avaient pas les moyens de voyager tous les ans et qu’elles voyageaient tout au plus tous les trois ans. Nous allons donc aligner le dispositif sur la réalité.
M. Vergès nous a livré, comme d’habitude, nombre de réflexions très pertinentes et intéressantes sur l’outre-mer et sur les perspectives historiques dans lesquelles il faut se situer.
Vous le savez, monsieur le sénateur, nous ne partageons pas certaines de vos positions, dont plusieurs sont assez audacieuses. Vous faites ainsi depuis longtemps une proposition sur les sur-rémunérations, qui a le mérite d’être constante. Actuellement, même si la Cour des comptes se penche aussi sur ce sujet, il ne me semble pas que le dispositif que vous proposez soit particulièrement d’actualité. Sans doute aurez-vous l’occasion d’y revenir, mais la question des sur-rémunérations ne fait pas partie cette année des priorités que nous devons examiner.
En revanche, la nécessaire ouverture des régions d’outre-mer sur leur environnement doit être prise en considération. J’ai participé dans la Caraïbe à une réunion extrêmement intéressante sur la coopération régionale. Une réunion de cette nature aura bientôt lieu concernant l’Océan indien. Il faut effectivement réussir à améliorer la prise en compte des outre-mer dans la diplomatie française. Il faut que les ambassadeurs et les élus apprennent à échanger. Les ambassadeurs doivent s’appuyer sur l’atout que représentent les outre-mer français dans une zone.
La même argumentation vaut pour le Pacifique. L’Australie, où s’est récemment rendu le Président Hollande, est très intéressée par la France, car sa plus proche voisine est la Nouvelle-Calédonie.
Nous avons tout intérêt à avancer sur cette question.
Votre combat pour l’égalité réelle et le rattrapage est le fondement même de ce que nous essayons de faire dans les outre-mer.
S’agissant de la filière canne, nous avons travaillé sur la fin des quotas sucriers. Le Président de la République l’a redit à La Réunion, il est tout à fait prêt à aider les entreprises qui font du sucre à passer le cap de cette échéance. Nous sommes actuellement en discussion avec Bruxelles pour progresser sur cette question.
M. Arnell nous a livré lui aussi un certain nombre de réflexions extrêmement intéressantes. C’est vrai que j’ai apprécié le dynamisme des habitants de Saint-Martin, qui se sont remis au travail immédiatement après le passage de la tempête. C’est un exemple de résilience important.
Vous nous avez fait part de votre préoccupation concernant le reversement des recettes fiscales acquises à la collectivité. Nous ne comprenons pas pourquoi cela ne se fait pas alors que la loi organique et la convention fiscale de lutte contre la double imposition prévoient que le produit de la fiscalité de source locale revient à la collectivité. Nous allons donc retravailler ensemble sur cette question, sur laquelle il faut que nous avancions.
Vous avez évoqué l’aide à la rénovation hôtelière. Je suis consciente de l’importance du tourisme pour Saint-Martin, monsieur le sénateur, mais cette aide n’était pas utilisée. L’amendement récemment voté à l’Assemblée nationale visant à ramener la défiscalisation à Saint-Martin au niveau de celle des autres départements sera de nature à faciliter la rénovation hôtelière, de façon plus simple qu’aujourd’hui dans le cadre de cette aide particulière.
Je vous félicite de nouveau, monsieur Magras, pour votre désignation en tant que président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer. Je sais que vous reprendrez avec beaucoup de talent le travail constructif et exigeant qui a été effectué sous la houlette de Serge Larcher. Je suis évidemment tout à fait disponible pour travailler avec la délégation dans un esprit constructif.
Je ne reviens pas sur l’aide à la rénovation hôtelière, dont je viens de parler.
Vous avez également évoqué, monsieur le sénateur, la DGC négative qui frappe votre territoire. Nous sommes à vos côtés afin de trouver une solution pragmatique. Vous avez pu faire voter un amendement visant à réduire le montant de cette DGC négative. Nous nous assurerons dans la suite des débats que les choses vont dans le bon sens.
M. Vergoz est intervenu de façon extrêmement positive. J’essaierai de me souvenir du proverbe réunionnais qu’il a cité, que j’ai trouvé tout à fait pertinent et explicite.
Je salue votre intérêt pour l’économie sociale et solidaire, monsieur le sénateur. Elle est effectivement une priorité de mon action. Lorsque je viendrai à La Réunion, nous étudierons ensemble les moyens de mieux mettre en valeur le plan de développement de l’emploi en économie sociale et solidaire.
M. Frogier nous a rappelé ce que nous avons tous à l’esprit, à savoir les événements dramatiques que la Nouvelle-Calédonie a vécu il y a trente ans. Notre tâche aujourd'hui est de faire en sorte de ne pas créer les conditions d’un nouvel affrontement, qui serait tout aussi dramatique. Par conséquent, nous devons respecter l’accord de Nouméa et trouver une sortie correcte de cet accord.
Pour respecter l’accord de Nouméa, il faut respecter les termes de cet accord qui prévoient un référendum. Comment le Gouvernement pourrait-il se soustraire à un accord qui est quasiment constitutionnalisé ? Nous avons l’obligation de faire en sorte qu’un référendum puisse avoir lieu dans de bonnes conditions. Comme vous le savez, nous avons mis en place tous les moyens pour que le dialogue ait lieu entre les Calédoniens et entre les Calédoniens et les institutions de l’État, de manière que nous puissions trouver des solutions à chacun des sujets qu’il faut aplanir si l’on veut que le lendemain de ce référendum les choses se passent bien en Nouvelle-Calédonie.