Mme la présidente. Il vous faut conclure, monsieur Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Eh bien, en conclusion, je rappellerai que nous discutons ici non pas simplement d’un budget, mais aussi des moyens de respecter la personne humaine et sa dignité, qu’il s’agisse d’un migrant ou d’un demandeur d’asile, et de tenir compte de la diversité du monde. C’est indispensable !
Nous assistons tous les jours à des drames. Nous ne pouvons pas accepter que la Méditerranée, berceau de notre civilisation, soit aujourd'hui le tombeau de milliers de nos frères humains, qui méritent tous le respect. La France doit se donner les moyens de lutter contre cela. Tel est l’enjeu de ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2015, les dotations globales de la mission « Immigration, asile et intégration » augmenteront de 1,5 % par rapport à 2014.
Dans le contexte de réduction drastique des dépenses publiques imposée par le Gouvernement, devons-nous nous féliciter de cette légère hausse ?
Comme vous le savez, les besoins dans ces domaines sont importants. Comme vous le savez également, les associations d’aide aux migrants constatent toujours et encore le recours massif à la rétention administrative, ainsi que la présence de trop nombreux enfants dans les centres de rétention. En outre, certains centres de rétention sont dans un état déplorable.
Le nombre croissant de migrants retenus témoigne de la persistance d’une politique d’enfermement, politique à laquelle je n’adhère pas, et qui s’inscrit d’ailleurs dans une logique européenne puisque le record du placement en rétention de citoyens européens a été battu en 2013.
Par ailleurs, le nombre de retours forcés a également augmenté, atteignant 44 458 personnes en 2013 contre 38 652 en 2012. Le nombre de personnes éloignées, via le dispositif d’aide au retour, a quant à lui fortement chuté. Ces chiffres révèlent des pratiques qui ne servent nullement les buts politiques affichés !
La mise en œuvre de cette politique prive les personnes éloignées d’un accès effectif à la justice et du contrôle du juge judiciaire, dans une proportion de 54 % en métropole et de 99 % outre-mer. Pourtant, lorsqu’elles ont la possibilité de défendre leurs droits, 27 % des personnes enfermées sont libérées par un juge. Dès lors, on ne peut manquer de s’interroger sur la légalité des procédures.
S’agissant de la situation des Roms, je rappellerai simplement que les évacuations de campements se poursuivent, sans qu’aucune solution pérenne soit trouvée ; je suis bien placée pour le savoir, moi qui vis dans le département de Seine-Saint-Denis, fortement concerné par ce problème.
J’ajoute que les mesures de relogement durable et de soutien social prévues dans la circulaire du 26 août 2012 ne sont pas appliquées dans un certain nombre de villes.
Aussi, monsieur le ministre, permettez-moi de douter de la sincérité des propos tenus lors de l’examen de ce budget à l’Assemblée nationale par la secrétaire d’état chargée des droits des femmes, qui est intervenue à votre place. Elle a déclaré que la mission « Immigration, asile et intégration » restait au cœur des priorités du Gouvernement. On peut faire plusieurs lectures de ces propos…
Des données statistiques tirées du rapport sur les centres et locaux de rétention administrative, rédigé par des associations intervenant dans ces centres, témoignent de la poursuite d’une politique du chiffre qui n’est pas assumée et de préoccupations de gestion des flux, que l’on avait senties en arrière-plan de la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, adoptée il y a peu.
On constate donc que la politique menée aujourd'hui en matière d’immigration n’est pas nettement différente de la précédente, encore marquée qu’elle est du sceau de la stigmatisation des étrangers.
Le Gouvernement a mis en avant trois priorités : des conditions d’accueil et de séjour clarifiées, harmonisées et simplifiées, pour une meilleure intégration des étrangers ayant vocation à nous rejoindre ; le renforcement de notre attractivité pour les migrations de l’excellence, de la connaissance et du savoir ; la lutte déterminée contre l’immigration irrégulière et les filières.
Sincèrement, je ne vois pas comment le premier objectif pourrait être atteint alors que l’accueil et les crédits d’hébergement d’urgence sont inférieurs de 17,5 millions d’euros aux dépenses enregistrées en 2013, que l’allocation temporaire d’attente est également sous-dotée de plusieurs millions d’euros par rapport à 2013, que les centres d’accueil pour demandeurs d’asile ne connaîtront pas de nouvelles ouvertures de places en 2015 et que leur coût unitaire subira une nouvelle baisse de 2 %.
Je ne vois pas non plus comment ce budget pourrait favoriser l’intégration et la diversité quand le programme « Intégration et accès à la nationalité française » supporte encore une fois l’essentiel des économies.
Cette diminution des moyens ne favorisera pas l’insertion linguistique, culturelle et professionnelle des personnes étrangères dans notre société.
De même, l’Office français de l’immigration et de l’intégration sera encore une fois sous-doté, alors que le périmètre de cet organisme est plus important.
Le seul élément qui peut être salué est la budgétisation de 55 postes supplémentaires de fonctionnaires à l’OFPRA et de 9 postes à la Cour nationale du droit d’asile afin de parvenir à réduire les délais des procédures d’asile.
Je tiens à rappeler à certains de mes collègues ici présents qu’il n’existe pas de brochure d’information publique largement diffusée en Érythrée, au Soudan ou en Libye, vantant les mérites des systèmes sociaux des pays européens et invitant les jeunes ressortissants de ces pays, les femmes et les hommes emportés dans le grand tourbillon des guerres civiles, à venir en Europe, en particulier en France, pour échapper au sort funeste qui pourrait les attendre.
Il y a aujourd’hui, malheureusement, des zones de conflits et de massacres dans le monde, que tentent de fuir plusieurs milliers de personnes, victimes d’enjeux politiques qui les dépassent parfois et de persécutions diverses.
Nous devons évidemment soutien et solidarité aux chrétiens d’Irak et de Syrie quand ils sont menacés, comme à tous ceux qui, sur la planète, subissent le même type d’agression.
Que, dans ce contexte, l’OFPRA ait une activité importante qui, dans bien des cas, se termine par des recours devant les juridictions administratives et la CNDA ne doit pas nous surprendre outre mesure.
Abréger les délais de rendu des décisions est donc utile, mais cela doit se faire dans le respect du droit des individus à être correctement défendus et à voir leur situation examinée avec la plus grande objectivité.
Je reconnais qu’un effort est fait, monsieur le ministre, mais il ne suffit pas. Aussi, vous l’aurez compris, le groupe CRC ne pourra pas voter le budget de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, immigration, asile, intégration : trois mots pour un seul sujet, aujourd’hui essentiel à plusieurs titres, notamment à la préservation de notre pacte républicain.
Dans un monde où la mondialisation induit à la fois des inégalités de développement importantes et des flux migratoires facilités, la question de l’immigration soulève aussi la problématique de la traite des êtres humains et des réseaux organisés.
Les images récurrentes de l’afflux de migrants à Calais, de la situation sur l’île de Lampedusa, sont un reflet parmi d’autres du drame humain qui se joue derrière ces mots. Je rappelle que 2 900 migrants sont décédés en essayant de franchir la Méditerranée depuis le début de l’année, soit quatre fois plus qu’en 2013, année qui avait déjà vu 700 personnes perdre la vie.
Ces problématiques me sont particulièrement familières. En effet, l’île de Saint-Martin a vu sa population pratiquement tripler au cours des deux dernières décennies. Le phénomène migratoire y est important, car l’île est attractive, notamment en raison du faible contrôle de la frontière entre les parties française et néerlandaise et des différentes législations régissant ces deux territoires.
Du côté français, l’accroissement incontrôlé de la population entraîne de nombreux problèmes en termes socio-économiques, éducatifs et de santé et pèse sur les finances de la collectivité. Par exemple, les enfants doivent être scolarisés, les familles doivent être logées et les immigrants doivent bénéficier d’un système de soin.
Les chiffres sont rares en raison du caractère illégal et informel des activités économiques, j’en citerai quelques-uns qui me semblent tout à fait révélateurs des difficultés soulevées.
En 1984, l’île comptait 8 000 habitants ; en 2014, elle en compte plus de 36 000.
Le conseil général servait 300 000 euros de RMI en 1998 ; le RSA représente aujourd'hui plus de 15 millions d’euros par an.
Enfin, nous accusons une dette de 30 millions d’euros envers la caisse d’allocations familiales.
Il serait essentiel qu’une véritable politique de coopération transfrontalière soit mise en place, mais, pour cela, il nous faut des moyens.
Bien sûr, je n’ignore pas que ce phénomène se retrouve dans d’autres territoires ultramarins de la République, particulièrement la Guyane et Mayotte
Mais je referme cette parenthèse, pour revenir au plan national.
La France, tout comme les autres pays de l’Union européenne, a été une terre d’accueil pour nombre de personnes sollicitant le droit d’asile à la suite des événements géopolitiques mondiaux. Par ce rappel, je veux notamment souligner l’importance et le poids que revêtent ces mots, « immigration », « asile » et « intégration », et affirmer la nécessité de leur donner une traduction concrète en termes de moyens budgétaires.
Le groupe du RDSE constate avec satisfaction les efforts budgétaires qui sont réalisés : le budget pour 2015 bénéficiera ainsi d’une légère hausse de 43 millions d’euros, avant transferts, par rapport à la loi de finances de 2014 ; c’est un effort appréciable dans le contexte budgétaire contraint qui est le nôtre.
Les trois grands axes d’action de la mission « Immigration, asile et intégration » recueillent également notre approbation.
Premièrement, la maîtrise des flux migratoires est l’enjeu primordial d’une politique d’immigration équilibrée et efficace. À ce titre, nous saluons la hausse des crédits du programme 303, qui, représentant 91 % des crédits de la mission, financeront la politique d’immigration et d’asile : par rapport à 2014, en effet, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement augmentent respectivement de 10 millions d’euros et de 9 millions d’euros.
La baisse de 110 millions d’euros de la dotation de l’allocation temporaire d’attente est le reflet de la réforme du droit d’asile, qui doit être examinée par notre assemblée dans les prochains mois.
L’immigration recouvre d’innombrables réalités : l’étudiant étranger, le demandeur d’asile, les victimes de passeurs… Lutter contre les flux migratoires irréguliers, c’est aussi garantir l’exercice effectif du droit d’asile et la qualité de l’accueil de notre pays.
Deuxièmement, la garantie du droit d’asile, qui est inscrit dans l’histoire française depuis bien longtemps, est aujourd’hui menacée par l’engorgement du système d’asile et des délais de traitement considérables. Il y a encore peu, le délai moyen de traitement d’un dossier était de seize mois et demi, ce qui représente un coût à la fois financier et humain. Ce coût est d’ailleurs bien connu : c’est celui des centres de rétention administrative, des frais d’éloignement des migrants en situation irrégulière ou encore de l’allocation temporaire d’attente…
Ces difficultés se sont traduites par un accroissement notable des dépenses du programme 303, dont les crédits sont passés de 340 millions d’euros en 2008 à plus de 600 millions d’euros en 2014. Cette année, les moyens mis en œuvre ont permis à l’OFPRA de réduire le nombre des dossiers en souffrance. Néanmoins, le délai moyen de traitement demeure de sept mois.
Troisièmement, la mission comprend un programme relatif à l’intégration des personnes immigrées. Comme chacun le sait, l’immigration constitue un véritable déracinement. On estime qu’il faut, au terme de démarches administratives lourdes et coûteuses, environ trois années aux immigrés pour surmonter ce qu’on appelle familièrement le « choc d’immigration ».
Mais la question de l’intégration englobe également celle du vivre-ensemble. Intégrer les nouveaux arrivants, ce n’est pas les dépouiller de leurs particularités culturelles ou religieuses, c’est plutôt les rendre parties au pacte républicain et combattre toutes les formes d’intolérance.
L’immigration peut être une chance pour la France, à condition qu’elle fasse l’objet d’une régulation afin d’être maîtrisée. La France doit rester un pays d’accueil où les étrangers sont traités dignement et respectueusement, ce qui n’est possible que si la politique d’immigration est clairement définie.
À cet égard, le projet de loi qui viendra en discussion bientôt devant notre assemblée apportera, je l’espère, des réponses et des solutions adéquates.
Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’indique que le groupe RDSE votera, dans sa majorité, les crédits de la mission qui nous est présentée. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne nous trompons pas de débat sur l’asile et l’immigration.
Commençons par rappeler que nous examinons ici une enveloppe budgétaire de quelque 600 millions d’euros, et non le « coût de l’immigration » supporté par notre pays. À cet égard, ces 600 millions d’euros sont dérisoires, comme le sont les 4,4 milliards d’euros auxquels le rapport estime le coût de l’immigration pour la Nation.
En effet, cette approche comptable ne prend pas en compte la déstructuration profonde, à la fois sociale, sécuritaire,…
Mme Éliane Assassi. Oh là là !
M. Stéphane Ravier. … sanitaire, et j’en passe, que produit cette anarchie migratoire à laquelle bon nombre de nos compatriotes sont livrés. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Le coût véritable de l’immigration de masse et de misère est sans doute plus proche de 70 à 80 milliards d’euros par an.
Prenons cette enveloppe qui nous est soumise.
Sur l’asile, cessons de jouer à l’idiot du village mondial…
Mme Éliane Assassi. C’est vous l’idiot !
M. Stéphane Ravier. … et faisons enfin preuve de discernement et de justice envers les Français : comment peut-on laisser tant de nos compatriotes dans la misère, et même dans la rue, quand, dans le même temps, n’importe qui se prétendant réfugié se verra logé gratuitement et versé une allocation en prime ? (Mmes Esther Benbassa et Mme Patricia Schillinger s’exclament.)
Vous prétendez multiplier encore les centres d’accueil au motif qu’ils reviennent 2 ou 3 euros moins cher que les autres structures couplées à l’allocation temporaire d’attente. Et, comble de l’absurde, le rapport reconnaît que ces centres continuent à héberger des personnes une fois qu’elles ont été déboutées !
Songez que l’on accueille, au titre de l’asile, le leader des Femen, un groupe de fanatiques qui prônent la haine antichrétienne, alors que, dans le même temps, viennent à nous des chrétiens qui sont persécutés dans leur pays pour leur foi.
Mme Éliane Assassi. Oh là là, les amalgames !
M. Stéphane Ravier. Plus largement, s’agissant de l’immigration, reconnaissez enfin que ce phénomène est de tout temps et que, partout où il se produit dans le monde, il est un facteur de déstabilisation grave pour les sociétés qu’il touche.
C’est particulièrement le cas quand doivent cohabiter des traditions éloignées, voire opposées, en matière de dignité humaine – et des femmes en particulier –,…
Mme Esther Benbassa. Ça va comme ça !
Mme Éliane Assassi. Quelle caricature ! Vous mélangez tout !
M. Stéphane Ravier. … de la laïcité, ou de l’État. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Stéphane Ravier. Prenez enfin conscience que nous n’avons pas les moyens d’accueillir encore et encore, par centaines de milliers, chaque année, des populations démunies de tout et qui pèsent d’un poids non seulement financier, mais aussi culturel sur la cohésion nationale.
Mme Éliane Assassi. Ben voyons !
Mme Esther Benbassa. Mais ces populations ne veulent pas rester ! Elles veulent aller en Angleterre !
M. Stéphane Ravier. Nous avons depuis longtemps dépassé les limites de ce que peut supporter la solidarité nationale ou plutôt, dans le cas présent, la solidarité internationale. (Protestations sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Le bilan de cette politique est désastreux, tant pour notre pays, où les tensions interethniques se multiplient, que pour les pays d’origine, qui voient leurs ressortissants rejoindre un Eldorado qui n’existe pas !
Mme Esther Benbassa. Quel Eldorado !
M. Stéphane Ravier. « L’immigration est une chance », entonnez-vous en chœur, mes chers collègues.
Mmes Esther Benbassa et Éliane Assassi. Eh oui !
M. Stéphane Ravier. Oui, c’est une chance, mais une chance pour le grand patronat, qui y voit le moyen de faire pression sur les salaires ! C’est une chance pour la classe politique, en particulier pour la gauche, dont les caisses électorales se vident et qui trouve là – en tout cas, c’est son espoir – une nouvelle manne électorale !
Mme Esther Benbassa. On est en pleine théorie du complot ! C’est typique du FN !
M. Stéphane Ravier. C’est une chance pour les centrales syndicales, désertées par nos compatriotes,…
Mme Éliane Assassi. N’importe quoi !
M. Stéphane Ravier. … trahis par des syndicats convertis à l’euromondialisme ! C’est une chance, aussi, pour les tyrans, qui pillent les pays d’origine et qui voient partir sans regret les forces vives qui pourraient contester leur despotisme !
Nous, législateurs français, ne jouons pas le jeu des uns et des autres. Résorbons la misère des Français d’abord ! Il n’est que temps !
C’est pour toutes ces raisons que je défendrai un amendement visant à diminuer le poids de cette mission dans notre budget.
M. Jean-Pierre Sueur. Le niveau baisse…
Mme Éliane Assassi. C’est plutôt la haine qui monte, la haine qui est déversée dans l’hémicycle !
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je formulerai tout d’abord un constat : la mission « Immigration, asile et intégration » dispose pour l’année 2015 d’un budget global en légère augmentation, avec une enveloppe de 655 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 666 millions d’euros en crédits de paiement.
Les crédits qui lui sont alloués devraient avoir pour objectif une meilleure maîtrise des flux migratoires et une lutte plus efficace contre les filières d’immigration clandestine, tout en garantissant la prise en charge des demandeurs d’asile et l’intégration des personnes immigrées en situation régulière.
L’année 2015 devrait être marquée par l’adoption de deux réformes, l’une relative au séjour des étrangers, l’autre à l’asile. Le projet de loi de réforme de l’asile qui fait suite à un travail de concertation nationale entre l’État et les acteurs de l’asile, mené en 2013 sous la houlette de notre collègue Valérie Létard et de notre collègue député Jean-Louis Touraine, vient d’être examiné par la commission des lois de l’Assemblée nationale.
Dans ce contexte, les crédits demandés affichent une hausse de 1,3 % en autorisations d’engagement et de 1,1 % en crédits de paiement. Ces crédits supplémentaires viendront essentiellement soutenir notre dispositif d’accueil des demandeurs d’asile.
Sous l’effet d’une demande en forte augmentation, l’accueil des demandeurs d’asile traverse une crise caractérisée par un allongement des délais et des coûts budgétaires croissants. Nous devons absolument engager une réforme globale de la mise en œuvre de l’asile, comme le soulignait M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Merci, mon cher collègue !
M. Aymeri de Montesquiou. La réduction des délais d’examen des demandes d’asile est l’une des priorités affichées pour 2015, et nous ne pouvons que souscrire à cet objectif. Toutefois, en dépit du recrutement de 55 officiers de protection supplémentaires au sein de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, nous craignons que l’objectif de réduction du délai moyen d’instruction d’un dossier à quatre-vingt-dix jours ne soit pas atteint.
Une autre priorité de ce budget concerne le rééquilibrage du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile. Le rapport de nos collègues députés Jeanine Dubié et Arnaud Richard a souligné les failles de notre politique d’accueil. L’une d’entre elles est le recours croissant à l’hébergement d’urgence de droit commun pour les personnes déboutées de l’asile, alors que ces structures, en situation de crise, sont débordées. Rappelons que la population de déboutés, mineurs inclus, atteignait 45 000 personnes en 2013 et 43 500 personnes en 2012.
Ce rapport préconisait notamment de porter l’objectif à 35 000 places en centres d’accueil des demandeurs d’asile, contre 25 000 aujourd’hui. Vous avez, monsieur le ministre, annoncé votre ambition d’augmenter la part des demandeurs d’asile hébergés dans ces centres de 50 %. Pour l’instant, cette ambition n’est pas explicitement concrétisée dans le projet de budget pour 2015.
En outre, on peut s’inquiéter de la sous-budgétisation de l’allocation temporaire d’attente en 2015. Selon notre rapporteur spécial, avec environ 110 millions d’euros, les crédits destinés à l’allocation temporaire d’attente sont inférieurs de 40 millions d’euros à l’exécution 2013 et de plus de 75 millions d’euros à la dépense prévisionnelle 2014,…
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. … qui s’établit à 185,3 millions d’euros, ou 227 millions d’euros en tenant compte du report de charges de 41,7 millions d’euros de l’année 2013. Cette budgétisation, manifestement inférieure aux besoins, est donc insincère.
Par ailleurs, nous notons avec inquiétude la baisse des crédits du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », qui supportera, cette année encore, l’essentiel des économies. Ce choix semble peu conforme à notre idéal républicain, qui vise à fournir le meilleur accompagnement afin que ceux que nous décidons d’accueillir parviennent à s’insérer totalement dans notre société.
Dans ces conditions, comment parviendrez-vous à la mise en place du parcours d’accueil et d’intégration que vous prévoyez ?
En outre, au sein de ce programme, les crédits de l’action n° 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, qui correspond à la subvention pour charge de service public versée à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, sont figés cette année, après avoir été diminués l’année dernière. Ce gel laisse présumer des difficultés que rencontrera inévitablement l’OFII pour remplir les nouvelles missions que prévoient de lui confier les deux prochaines réformes.
Enfin, plus généralement, au-delà des avancées de ces dernières années au niveau européen, qu’il s’agisse du règlement Dublin II ou de la mise en place du Fonds européen pour les réfugiés, le temps est venu d’harmoniser nos législations et de mutualiser pleinement nos moyens pour faire face au mieux aux défis de l’immigration et de l’asile.
Un mot sur l’examen de la mission à l’Assemblée nationale, qui s’est traduit par l’adoption de mesures contradictoires. Lors d’une première délibération, le Gouvernement a proposé d’augmenter de 3,5 millions d’euros les crédits de l’asile pour répondre à l’urgence de la situation à Calais. Puis, lors d’une seconde délibération, l’Assemblée nationale a réduit de 15,8 millions d’euros les crédits de la mission, toujours sur l’initiative du Gouvernement... Comment peut-on à la fois annoncer 500 places d’accueil supplémentaires à Calais et diminuer les crédits ? Pour reprendre les termes d’Esther Benbassa, nous sommes interloqués par cette incohérence.
L’année 2014 est marquée par une augmentation considérable des franchissements illégaux des frontières extérieures de l’Union européenne. Alors que l’opération Triton vient de succéder à l’opération Mare Nostrum, lancée après le drame de Lampedusa, il devient urgent de nous accorder avec nos voisins européens sur une politique d’immigration globale, en renforçant notamment les moyens de contrôle, principalement maritimes, aux frontières extérieures de l’Union européenne.
Le groupe UDI-UC considère que les moyens de la mission « Immigration, asile et intégration » ne sont pas à la hauteur des ambitions et des enjeux qu’elle recouvre. Nous partageons l’analyse du rapporteur spécial de la commission des finances et nous voterons donc contre les crédits de cette mission.
M. Richard Yung. Quelle déception ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’interviens plus ici en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, mais en tant que membre du groupe écologiste, sur l’ensemble de la mission « Immigration, asile et intégration ». Je me concentrerai plus particulièrement sur le volet asile.
En vue de l’élaboration de mon avis, j’ai organisé de nombreuses auditions, qui ont mis en évidence certaines problématiques que je me suis engagée à relayer devant vous.
Dans le cadre de la réforme de l’asile, l’OFII, qui contribue à la politique d’accueil des demandeurs d’asile, voit sa charge de travail s’accroître considérablement alors même que le projet de loi de finances ne prévoit pas d’augmentation de ses moyens. Si l’OFII est en charge de la coordination du réseau des plateformes d’accueil des demandeurs d’asile, ou PADA, il n’en assure pour l’heure qu’assez rarement la gestion directe, s’appuyant de manière très importante sur le secteur associatif.
Cependant, dans la perspective de la mise en place d’un « guichet unique », il est prévu que l’OFII internalise nombre des prestations aujourd’hui dispensées par les associations. Serait-il en mesure d’assumer ces nouvelles missions avec ce budget ?
Les PADA ont été progressivement mises en place par le milieu associatif à compter de l’année 2000, à la demande des pouvoirs publics, afin de pallier les limites du dispositif national d’accueil, ou DNA, et de tenter de réduire les délais d’attente pour entrer en centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Ces structures jouent un rôle central dans le premier accueil des demandeurs d’asile en assurant leur domiciliation et en les accompagnant dans leurs démarches administratives et sociales. Certaines plateformes assurent également l’orientation vers une solution d’hébergement d’urgence. En outre, elles accompagnent les demandeurs d’asile tout au long de l’instruction de leur dossier par l’OFPRA, puis, le cas échéant, par la CNDA.
Assurant une mission de service public, les PADA associatives sont financées par des subventions, provenant majoritairement de l’OFII – les collectivités territoriales couvrent le reste –, et des financements européens.
Dans le cadre de la réforme de l’asile, le Gouvernement prévoit la création d’un « guichet unique » d’enregistrement de la demande et d’entrée dans le dispositif d’accueil. Il existe donc des incertitudes sur l’avenir des PADA et de leur financement.
Si tous les acteurs reconnaissent que le statu quo n’est pas souhaitable, et si nombre d’entre eux estiment que l’État doit retrouver son rôle dans le premier accueil des demandeurs d’asile, beaucoup expriment des doutes quant à la capacité de l’OFII à reprendre l’intégralité des missions aujourd’hui assurées par les PADA associatives, en particulier l’accompagnement social, et notamment celui des familles.
Si nous sommes conscients des efforts qui sont mis en place pour améliorer la qualité de l’accueil des demandeurs d’asile en France, sachez que nous attendons beaucoup du projet de loi relatif à la réforme de l’asile, dont nous discuterons prochainement.
Plus généralement, les écologistes attendent un véritable changement de politique envers les migrants. Notre politique doit être fondée sur la liberté de circulation et d’installation, le respect de la dignité humaine et du droit des migrants. Il est temps d’admettre que, comme de nombreux travaux sérieux le montrent, l’immigration apporte à la France autant économiquement que démographiquement. La politique menée par certaines formations, qui consiste à faire des migrants des boucs émissaires, ne pourra que mener notre pays dans une impasse.
Quant à la politique d’asile, elle doit aussi être guidée par un certain pragmatisme. L’état du monde est tel que des millions de gens fuient leur pays, parfois prêts à risquer leur vie pour avoir un avenir. N’en déplaise à certains, la France, ex-terre d’asile pour des milliers de personnes, qui ont ensuite servi le pays avec abnégation et ont contribué à son rayonnement, se doit de continuer dans cette voie. Monsieur le ministre, nous pouvons faire beaucoup plus et surtout beaucoup mieux !
Cela étant dit, le budget nous semble relativement cohérent avec les objectifs fixés par le projet de réforme de l’asile et nous sommes prêts à lui apporter notre soutien. Toutefois, vous comprendrez, monsieur le ministre, que le groupe écologiste fasse dépendre son vote du sort qui sera réservé aux amendements déposés sur cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Guillaume Arnell applaudit également.)