M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous abordons un sujet trop souvent vu à travers le prisme médiatique réducteur des « bons » et des « méchants ». Seulement, nous ne devons pas en oublier l’aspect humain : pour les fumeurs, d’abord, qui ne peuvent ignorer les conséquences de leur geste ; pour celles et ceux, ensuite, qui sont dûment habilités par l’État à distribuer ces produits, c’est-à-dire les buralistes.
Comme l’a rappelé mon collègue Christophe-André Frassa, nous sommes en présence d’une disposition, votée sur l’initiative d’un député, qui a pour conséquence de tripler le prix des cigarillos, pour le porter à 17 euros.
Nul ne conteste qu’une politique de santé publique et de prévention doive être menée de façon vigoureuse, ce qu’ont fait tous les gouvernements depuis 2003, le prix des paquets de cigarettes étant passé de 4 euros à 7 euros en dix ans. Toutes ces hausses ont été accompagnées par la mise en place de contrats d’avenir pour permettre à la profession de buraliste de travailler à sa diversification afin d’absorber ce choc.
Que se passera-t-il si l’article 12 quinquies, introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, n’est pas supprimé ?
Nous risquons d’assister à une explosion des achats transfrontaliers : M. le secrétaire d’État au budget, qui était avec nous hier soir, le sait bien, car il est originaire de Longwy. Il y aura également une augmentation des achats par des canaux prohibés, notamment des sites internet basés à l’étranger.
Il s’agit aussi d’un problème de santé publique en raison des doutes sur la traçabilité des produits ainsi acquis. Notre collègue Bruno Gilles me signalait ainsi l’arrivée à Marseille de marchandises venant de Chine qui pouvaient poser de graves problèmes de santé publique.
J’ajoute que les buralistes tiennent souvent les derniers commerces en milieu rural, qui sont de véritables lieux de services au public. En dix ans, environ 6 500 fermetures sont intervenues à la suite d’un certain nombre d’augmentations de prix. La profession a fait de son mieux pour encaisser le choc, mais cette nouvelle mesure, prise de façon non concertée, sans mesures d’accompagnement, risquerait de porter un coup fatal à ces lieux de convivialité et de services au public, grâce notamment aux « points poste », lesquels permettent aussi de retirer de l’argent dans les toutes petites communes.
Le Gouvernement l’a d’ailleurs compris, me semble-t-il, puisque M. le secrétaire d’État au budget déclarait, dans un article du journal Le Figaro paru ce week-end, qu’il était défavorable à un triplement brutal et que le Gouvernement serait « attentif à ce que la navette parlementaire permette de revenir à des mesures plus raisonnables ».
J’espère que Mme la secrétaire d’État pourra éclairer le Sénat sur ce qu’envisage le Gouvernement pour revenir sur cette disposition extrême.
M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour présenter l’amendement n° 221 rectifié bis.
Mme Anne Emery-Dumas. Le présent amendement a pour objectif de supprimer l’article 12 quinquies.
Lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale a été adopté un amendement tendant à augmenter la fiscalité du cigarillo de 230 %, malgré l’avis défavorable de la commission des affaires sociales et du Gouvernement. Ainsi, les cigarillos vont subir un triplement de leur prix.
Je tiens à souligner ici que je ne suis opposée ni à la lutte contre le tabagisme ni à la politique de prévention. Cependant, je ne suis pas certaine que la méthode retenue soit la bonne.
Comme vous le savez, le levier fiscal n’a pas réellement montré son efficacité pour réduire le tabagisme. Les volumes issus de la vente légale baissent, ainsi que les recettes qu’en tire l’État. Pour autant, la consommation continue d’augmenter. Cette baisse de la vente légale est compensée par les réseaux parallèles, par internet et, dans les régions frontalières, par les importations.
Augmenter la fiscalité, c’est permettre une augmentation des achats transfrontaliers et ouvrir la voie à des contrebandes et trafics en grand nombre, y compris en dehors des régions transfrontalières. Ainsi les camions qui traversent ma région, au centre de la France, laissent-ils parfois échapper certaines marchandises...
Nous observons des écarts de prix importants entre la France et les pays limitrophes. Nous devons donc travailler au niveau européen à une harmonisation des prix, afin d’éviter que les consommateurs n’achètent chez nos voisins ou ne passent par des réseaux parallèles.
De plus, cette augmentation du prix des cigarillos est brutale et va déstabiliser les buralistes, en premier lieu dans les départements frontaliers, mais également sur le reste du territoire. Or, depuis de nombreuses années, ces commerçants ont subi les conséquences de l’augmentation régulière des prix du tabac, dont les cigares et cigarillos étaient d’ailleurs exclus. Moi-même fumeuse de cigarillos, j’avais fait remarquer l’an dernier que cette augmentation n’avait aucune répercussion sur le prix de ces produits. Entre aucune répercussion et 230 % d’augmentation, il doit être possible de trouver un juste milieu !
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous avons largement débattu en commission de l’article 12 quinquies, en opposant le chiffre des recettes fiscales provenant du tabac, qui s’élèvent à 11 milliards d’euros environ, et celui des dépenses de santé liées au tabagisme, qui sont de 47 milliards d’euros. Il s’agit d’un véritable sujet, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir en examinant le prochain projet de loi relatif à la santé.
Cet article vise à aligner la fiscalité applicable aux cigares et cigarillos sur celle des cigarettes, ce qui entraînera une augmentation de 300 % du taux spécifique de ces produits. Ce chiffre, en lui-même, est évocateur d’une surtaxe difficile à « encaisser » par les fumeurs concernés. (Sourires.)
Notre commission, dans sa sagesse, a décidé de demander l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements identiques avant de se prononcer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Comme vous le savez, cet article a été adopté à l’Assemblée nationale en première lecture, en dépit d’un avis défavorable du Gouvernement. En effet, les cigares et cigarillos représentent un marché marginal en volume, soit 2 % des ventes totales de tabac, et sont des produits « à part », dont les coûts de fabrication sont particulièrement élevés. Ces coûts expliquent que, malgré un différentiel fiscal, les cigarillos soient vendus à des prix unitaires équivalents à ceux des cigarettes. En outre, ces produits constituent un marché en forte réduction, avec une baisse de plus de 5 % en volume en 2014.
Le Gouvernement, fortement préoccupé par les enjeux de santé publique et la lutte contre le tabagisme – vous savez que Mme Touraine a récemment présenté un plan de lutte contre la consommation de tabac –, considère que le rapprochement des fiscalités est légitime, mais dans le cadre d’une convergence raisonnée et progressive, et qu’il ne doit pas être mis en œuvre aussi brutalement. Pour cette raison, l’amendement n° 267 rectifié déposé par Mme Schillinger sur cet article convenait au Gouvernement.
À défaut d’accord entre vous sur un rythme modéré de convergence, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat pour décider du sort de cette disposition adoptée par l’Assemblée nationale. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Ces amendements posent une double question. D’une part, nous ne pouvons faire fi des enjeux de santé publique liés au tabagisme, au vu des dégâts dramatiques que celui-ci entraîne à tous les âges de la vie. D’autre part, comme cela vient d’être démontré, une augmentation aussi magistrale de la fiscalité applicable aux cigares et cigarillos serait difficilement supportable à divers égards.
Les mesures prises pour lutter contre le tabagisme, et notamment l’augmentation des prix, ont certes permis de réduire l’achat de tabac, mais non pas de diminuer la consommation dans les mêmes proportions, à cause de deux facteurs : les ventes sur internet, qui posent de nombreuses questions de santé publique – personnellement, je n’achèterai jamais sur internet, parce que toutes les perversions liées au commerce en ligne sont bien connues –, et l’inégalité de l’offre créée par les ventes transfrontalières au sein de l’Union européenne.
Pour habiter, à l’instar du rapporteur général, dans une région frontalière, je suis bien placée pour connaître l’importance de la contrebande de tabac, laquelle pénalise fortement nos commerçants.
Dans ces régions, Anne Emery-Dumas le disait, les douaniers arrêtent régulièrement des camions transportant de grandes quantités de tabac. Et je n’oublie pas les particuliers qui font de même pour faire plaisir à leurs amis.
Mme la secrétaire d’État a rappelé que la ministre de la santé avait pris, cet été, des mesures importantes, qui ne plaisent d’ailleurs pas à tout le monde. Le rapporteur général a eu raison de dire qu’il valait mieux, dans l’attente du projet de loi relatif à la santé, ne pas donner suite à cet article.
En termes de lutte contre le tabagisme, il me semble qu’il est important de prendre, au-delà des mesures coercitives, des mesures de prévention et de responsabiliser nos concitoyens, en particulier les jeunes, afin de les inciter à fumer moins ou pas du tout.
M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, pour explication de vote.
M. Bruno Gilles. Je partage tout à fait l’analyse de Mme Catherine Génisson.
Trois enseignements peuvent être tirés de cet article et de la gêne exprimée par le Gouvernement sur ce sujet.
Il y a, tout d’abord, un enjeu de santé publique que nous reconnaissons tous. « Fumer tue », certes... mais renfloue la sécu ! On ne peut, en effet, cacher l’enjeu économique du tabac.
On se rend compte au fil des années, au travers de nombreuses enquêtes, que, contrairement à ce que l’on nous dit, le nombre de fumeurs ne diminue pas particulièrement. Certaines études indiquent même qu’il augmente, notamment parmi les jeunes, ce qui pose la question de la prévention.
Ce qui diminue, ce sont en fait les achats chez les buralistes, lesquels agissent, je le rappelle, pour le compte de l’État. En parallèle, les achats de contrebande flambent, soit dans les zones frontalières, soit dans les grandes villes. Ainsi, à Marseille, on estime, en se fondant sur les renseignements fournis par les services des douanes et de police, qu’entre 15 % et 20 % des cigarettes vendues – selon moi, ce chiffre est sûrement plus important ! – proviennent de la contrebande.
Loin de moi l’idée de lancer le débat sur le caractère plus ou moins néfaste des cigarettes de contrebande, mais il est certain, selon les rares analyses faites sur ces produits, que ceux-ci sont très nocifs. Ainsi, comme le disait M. Lemoyne, les cigarettes provenant de Chine sont coupées avec de la terre séchée et des composants très toxiques.
Nous devons avoir un débat sur ce sujet. Toutefois, nous l’avons vu ces dernières années, augmenter aujourd’hui le prix du tabac, et demain celui des cigares, ne fera pas baisser la consommation. Ce débat de santé publique concerne aussi les agents de l’État que sont les buralistes, auxquels nous devons penser.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Je répéterai les propos que j’ai tenus en commission. Nous sommes tous d’accord – comment ne pas l’être ? – sur les effets nocifs du tabac, surtout pour les populations génétiquement prédisposées ; j’ajoute cette précision, car la recherche fait de grandes avancées dans ce domaine.
Jean-Marie Vanlerenberghe vient de le rappeler, le tabac coûte à la sécurité sociale 47 milliards d’euros, un chiffre sur lequel tout le monde s’accorde. En comparaison, environ 1 milliard d'euros de recettes fiscales provenant du tabac, c’est peu ! Encore faudrait-il que cet argent aille spécifiquement à la santé, et soit ciblé...
Mme Nicole Bricq. Non, il est versé au budget général !
M. Gérard Roche. Il pourrait servir, par exemple, à rembourser une partie de la dette de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.
La loi interdisant la consommation de tabac dans les lieux publics est très intelligente, car elle permet d’éviter l’intoxication passive des non-fumeurs. Elle a d’ailleurs porté ses fruits ... Je le dis en tant que médecin ; j’ai ainsi connu une dame qui tenait un café-tabac à la campagne et qui est décédée très jeune d’un cancer du poumon, alors qu’elle n’avait jamais fumé.
Nous avons vu arriver, ensuite, un flot de lois visant à augmenter les prix pour diminuer la consommation.
On ne peut pas condamner ces lois, car il faut bien faire quelque chose, mais elles ont tout de même deux corollaires bien embêtants : d’abord, le coup de fouet qu’elles donnent à tous les commerces parallèles, ensuite, les conséquences négatives pour les buralistes, qui voient leur revenu baisser. Ce sont, là encore, de petits commerces ruraux qui ferment et qui, bien souvent, ne vendent pas seulement du tabac. C’est un problème !
J’ajoute que jamais l’Amérique n’a autant consommé d’alcool que lors de la Prohibition.
Que faire ? J’écouterai Mme la secrétaire d’État, qui s’en est remise à la sagesse du Sénat : je répondrai à cet appel à la sagesse en me réfugiant dans l’abstention ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Je vais utiliser les cinq minutes qui me sont imparties pour convaincre M. Roche...
Mes chers collègues, allons plus loin dans la réflexion !
On se trompe de cible avec cet article, tout d’abord en ce qui concerne les consommateurs, en termes sociaux et sanitaires.
Les cigares et cigarillos représentent moins de 3 % des volumes de tabac achetés en France. Qui plus est, la quasi-totalité de cette niche de produits est constituée de cigarillos, et non de « barreaux de chaise », qui représentent moins de 1 % du chiffre d’affaires du segment.
Ces cigarillos sont consommés, non par les Bettencourt, pour reprendre la métaphore de l’auteur de l’amendement à l’Assemblée nationale, mais par les classes populaires.
Avec un paquet de vingt cigarillos passant de 7 euros à près de 18 euros, il est évident qu’on n’en vendra plus un seul en France et que, malgré son objectif louable, la mesure sera tout à fait vaine. En effet, certains consommateurs se reporteront sur la cigarette, quand les autres iront s’approvisionner sur le marché noir ou dans les pays voisins, lesquels, je le rappelle, captent déjà environ 20 % de nos taxes sur le tabac.
On se trompe de cible, ensuite, en ce qui concerne la politique de santé publique.
Les consommateurs sont pour la plupart des hommes de plus de 35 ans qui ne fument pas tous les jours, et non, comme chacun le sait, des lycéens. Or les publics prioritaires visés par le Programme national de réduction du tabagisme sont, à juste titre, les jeunes et les femmes enceintes.
On se trompe de cible, aussi, en rayant définitivement de la carte des PME, des commerçants indépendants et tous les emplois induits. Ils représentent peu, certes, en comparaison avec le marché de masse du tabac, mais tout de même 3 000 emplois répartis sur tout le territoire.
D’ici à la fin de l’année 2014, on prévoit déjà la fermeture d’environ 1 000 points de vente, soit 2 500 emplois, principalement aux frontières et en milieu rural. Avec cette hausse vertigineuse des taxes sur les cigarillos, 1 000 nouveaux bureaux de tabac spécialisés qui mettront la clé sous la porte durant les premiers mois de 2015, c’est-à-dire autant de couples de buralistes. Ceux-ci vont non seulement perdre leur gagne-pain et leur patrimoine du jour au lendemain, mais se retrouveront incapables de rembourser de lourds emprunts, grâce auxquels ils ont acheté leurs fonds de commerce et leurs stocks, mais aussi réalisé des investissements massifs dans l’aménagement de leurs boutiques et de leurs caves humidifiées ; sans compter le licenciement de leurs employés, très spécialisés, et d’une partie du personnel des autres buralistes du réseau, qui subiront une nouvelle baisse d’activité.
Chez les fabricants, importateurs et distributeurs, les entreprises sont pour l’essentiel des PME ; on en compte une vingtaine, qui sont bien souvent familiales. Elles emploient directement quelque 400 personnes.
Il y a aussi la distribution, via Logista France, dont les directions régionales emploient 1 500 salariés ; l’antenne de Nice approvisionne ainsi les buralistes de la circonscription. Avec la baisse du volume d’activité due au marché parallèle, ces trois dernières années, le distributeur a déjà dû fermer le site de Nancy, près de la frontière, et a globalement réduit ses effectifs de 20 %, sans compter les emplois indirects. Avec la disparition de l’activité de cigarillos, le distributeur devra supprimer 50 emplois directs supplémentaires.
Enfin, on se trompe de cible en termes de produits.
Le fait que le droit de consommation des cigares et cigarillos soit inférieur à celui des cigarettes se justifie avant tout, fiscalement parlant, par la nature même des produits et de leurs coûts de fabrication et de distribution. La fabrication d’un cigare fait à la main prend cinq minutes et celle des cigarillos se fait à un rythme de quarante unités par minute, alors que l’on peut produire vingt mille cigarettes par minute. Les acteurs du segment des cigares et des cigarillos ne profitent pas pour autant d’une fiscalité différente pour rendre leurs produits plus attractifs en termes de prix, puisqu’ils ne vendent jamais leurs marchandises en dessous du prix des cigarettes.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, je vous invite à adopter ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Beaucoup l’ont souligné, le sujet est grave. Le tabac est certainement l’un des plus grands dangers pour la santé publique, qu’il s’agisse de la consommation des adultes, de celle des jeunes, qu’il faut décourager, mais aussi – c’est un phénomène particulier que l’on observe dans notre société aujourd’hui – de celle des femmes, qui est importante. Tout doit donc être mis en œuvre pour lutter contre le tabagisme. Je pense aux dispositifs visant à inciter le public à cesser de fumer comme aux campagnes pédagogiques.
Nous nous heurtons cependant à deux obstacles majeurs.
D’une part, les ventes en dehors des circuits traditionnels se développent. Je l’ai vérifié dans mon département de l’Aisne, qui est un département frontalier : toutes les personnes de mon entourage qui fument de façon importante achètent leur tabac en Belgique, sans exception. Il faut aussi tenir compte du tabac acheté sur internet et du tabac de contrebande, lequel présente un risque encore plus grand pour la santé.
D’autre part, il faut préserver le réseau des buralistes. En effet, il n’est pas envisageable que ce réseau d’activité soit purement et simplement rayé de la carte, même progressivement. J’ajoute qu’il contribue à animer non pas les petits villages, mais les bourgs de quelques milliers d’habitants.
Des voies de diversification ont été envisagées. Ainsi, le « Compte Nickel », service de paiement commercialisé par la Financière des paiements électroniques, est en vigueur en France depuis le mois de février 2014. Néanmoins, ce dispositif ne suffira pas à maintenir l’activité des buralistes.
Par ailleurs, la fiscalité sur le tabac et la détermination des prix sont d’une grande complexité, même si les dernières lois de financement de la sécurité sociale ont apporté de nombreuses simplifications. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai sous les yeux le mode de calcul du tabac fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 : au taux de départ de 64,7 % – pourquoi ce montant et pas 66 % ou 63 % ? Nous serions bien en peine de l’expliquer ! – s’ajoutent une part spécifique, une part proportionnelle, mais aussi un minimum de perception, la TVA, le tout aboutissant à ce que la fiscalité représente 90 % du prix payé.
Au regard de ces différents éléments, nous nous rejoignons sans doute sur l’importance de faire de la lutte contre le tabagisme un objectif prioritaire et sur la nécessité d’un plan global. C’est d’ailleurs ainsi que le Gouvernement appréhende ce difficile problème. Comme l’a précisé le rapporteur général de la commission des affaires sociales, dans cette optique, le meilleur véhicule législatif serait certainement le projet de loi relatif à la santé.
En conséquence, je voterai ces amendements de suppression. En effet, l’augmentation brutale du prix des cigarillos proposée par cet article ne sera pas de nature à améliorer la situation en matière de consommation de tabac.
M. Christophe-André Frassa. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Même si beaucoup a été dit,...
Mme Nicole Bricq. Tout a été dit !
M. Philippe Dominati. ... je tiens à expliquer pourquoi je suis moi aussi favorable à ces amendements de suppression.
Premièrement, cette augmentation brutale est totalement inefficace sur le plan des recettes publiques, à un moment où celles-ci diminuent ou ne sont pas en conformité avec les 6,1 milliards d’euros prévus.
Deuxièmement, cette mesure est dangereuse et brutale pour la profession, notamment dans les zones frontalières, cela a été souligné, en particulier en raison de son caractère soudain. Aucun accompagnement, aucune progressivité ne sont prévus. Bien pis, aucune ligne politique n’est définie.
Troisièmement, cette disposition est dangereuse en matière de santé publique, puisque certains consommateurs se tourneront vers des produits de substitution potentiellement plus nuisibles encore.
À l’évidence, nous sommes face au cas typique d’un article élaboré dans la précipitation, dont les conséquences seront extrêmement néfastes pour les finances publiques, l’activité économique et la santé publique.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Je ne reviendrai pas sur le grave danger que constitue la consommation de tabac en matière de santé publique, beaucoup d’entre nous l’ont souligné, pas plus que sur la question des cigarillos. Je souhaite en revanche interroger à mon tour le Gouvernement sur deux points.
En premier lieu, au mois d’août dernier, le Gouvernement a pris des dispositions pour rendre plus efficace la lutte contre la contrebande, qui, nos collègues ont insisté sur ce point, constitue une véritable difficulté.
Lors du débat sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, nous avons formulé un certain nombre de propositions et plusieurs d’entre elles ont depuis été retenues. Je souhaite savoir si elles sont entrées en application et, le cas échéant, en connaître les premiers résultats. Où en est-on ? Si nous voulons que cette situation cesse et que des solutions soient trouvées, il faut que nous puissions nous attaquer à ce trafic de contrebande, qui ne se rencontre pas seulement dans les milieux ruraux : en tant qu’élue de Seine-Saint-Denis, je puis en témoigner.
En second lieu, l’avenir des buralistes est une question importante, qui ne relève pas du futur projet de loi relatif à la santé ni même des décisions que nous pouvons prendre aujourd’hui dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. Ne faudrait-il pas commencer par étudier une diversification des produits proposés dans ces commerces, de façon à permettre leur maintien ? Il faut aussi lever les obstacles qui ont été soulignés à juste titre ce matin. C’est aux pouvoirs publics et à nous, parlementaires, d’y réfléchir.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En écoutant attentivement ce très enrichissant débat, j’ai pensé à ces paroles de Gainsbourg : « Dieu est un fumeur de havane ». Que ne ferait-on pas pour plaire à Dieu… (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. Christophe-André Frassa. Merci, monsieur le rapporteur général !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … comme aux fumeurs de cigares !
Pour ma part, je ne fume pas…
M. Christophe-André Frassa. Nul n’est parfait ! (Sourires.)
Mme Catherine Deroche. C’est très bien !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Vous ne connaissez pas ce plaisir ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est vrai, monsieur le président de la commission, mais j’en connais d’autres... (Rires.)
Plus sérieusement, j’entends les arguments qui ont été avancés. M. Daudigny a bien résumé la situation : ce débat est suffisamment important pour être envisagé dans sa globalité et il mérite mieux que des mesures d’ajustement décidées à chaque examen d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale : hier, une hausse de 2 points ou de 5 points, aujourd’hui, une augmentation brutale de 300 % sur les cigares.
Madame la secrétaire d’État, la sagesse demande d’attendre l’examen du projet de loi relatif à la santé, ce qui permettra à la commission des affaires sociales de se saisir de la question dans son entier. Je rappelle que la mission d’information menée par nos collègues Yves Daudigny et Catherine Deroche est parvenue à certaines conclusions, notamment sur le tabac à rouler dont on pourrait aligner la fiscalité sur celle des cigarettes. C’est d’ailleurs ce que proposera la commission des affaires sociales lors de l’examen de l’amendement n° 39 rectifié tendant à insérer un article additionnel après l’article 12 quinquies.
Certes, il appartient au Sénat d’en décider, mais la commission des affaires sociales se ralliera bien volontiers à la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. De nombreuses interventions convergent sans contredire les explications que j’ai avancées pour justifier l’avis de sagesse du Gouvernement sur ces amendements de suppression. Je souhaite toutefois répondre à Mme Archimbaud.
Aujourd’hui, 20 % à 25 % du marché du tabac sont entre les mains de réseaux illégaux. Le secrétaire d’État chargé du budget en a fait l’une de ses priorités et a publié une circulaire pour faire passer de dix à quatre le nombre de cartouches pouvant être introduites de l’étranger, soit une baisse de plus de la moitié. En outre, les contrôles sont multipliés pour lutter à la fois contre le trafic frontalier et le trafic par internet, lequel constitue la deuxième sorte de trafic. Le Gouvernement a d’ailleurs rappelé et étendu l’interdiction d’acheter du tabac sur internet et la lutte contre la fraude par internet.
Tels sont les éléments de réponse que je puis fournir, sans pour autant pouvoir avancer de bilan chiffré. Ils illustrent toutefois bien la détermination et l’action du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 93 rectifié bis, 195 rectifié quinquies et 221 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 12 quinquies est supprimé et l’amendement n° 267 rectifié n’a plus d’objet.
Pour la clarté des débats, je rappelle que l’amendement n° 267 rectifié, présenté par Mmes Schillinger, Claireaux et Emery-Dumas, était ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – À la troisième ligne de la dernière colonne du tableau constituant le deuxième alinéa de l’article 575 A du code général des impôts, le taux : « 5 » est remplacé par le taux : « 7,5 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Articles additionnels après l’article 12 quinquies
M. le président. L’amendement n° 178 rectifié, présenté par Mme Jouanno, MM. Médevielle, Longeot, Canevet, V. Dubois et Cadic et Mme Doineau, est ainsi libellé :
Après l’article 12 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième ligne de la deuxième colonne du tableau constituant le deuxième alinéa de l’article 575 A du code général des impôts, le taux : « 64,7 » est remplacé par le taux : « 66,2 ».
La parole est à Mme Elisabeth Doineau.
Mme Elisabeth Doineau. Cet amendement est défendu, monsieur le président !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à augmenter le droit de consommation sur le tabac de 1,5 point, pour les raisons de santé publique que nous avons abondamment soulignées lors de l’examen de l’article 12 quinquies et comme le précise le récent rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale. Toutefois, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?