Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais me féliciter de la qualité des débats qui se sont tenus tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, même si, ensemble, nous ne sommes pas parvenus à rapprocher tous les points de vue.
Ce projet de loi ne satisfait pas tous les membres du groupe du RDSE au nom duquel je m’exprime cet après-midi.
Mon excellent collègue Gilbert Barbier, membre de la commission des affaires sociales, a eu l’occasion, au cours des précédents débats, de dire les difficultés auxquelles se heurtaient les dispositions envisagées : l’hypothèse, trop optimiste, d’une croissance de 1 % ; le retard dans la mise en œuvre des allégements de cotisations salariales pour les salariés les moins rémunérés ainsi que la baisse des cotisations sociales des employeurs et travailleurs indépendants ; enfin, le gel de la revalorisation de certaines retraites.
Pour autant, au nom du plus grand nombre des miens, je tiens à souligner que, malgré ces imperfections, et en dépit du rejet de plusieurs amendements dont nous pensions qu’ils allaient dans le bon sens, nous soutiendrons un texte qui répond à l’engagement pris par le Président de la République et par l’ensemble du Gouvernement de mettre en œuvre, avec détermination, le pacte de responsabilité et de solidarité.
Dans le contexte de la France d’aujourd’hui, qui pourrait soutenir que le pouvoir d’achat des ménages, l’emploi et l’investissement ne sont pas des priorités absolues ?
Le Gouvernement s’est bien assigné, dans le présent projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, ces trois priorités.
Première priorité, il s’agit de relancer le pouvoir d’achat, en réduisant de façon dégressive les cotisations salariales.
Deuxième priorité, il s’agit de favoriser l’emploi, en utilisant différents leviers, notamment l’allégement sur les bas salaires et la réduction des taux de cotisation des allocations familiales, et permettre ainsi de créer de nouveaux emplois.
L’objectif de 30 000 emplois supplémentaires en 2015, puis de 60 000 en 2016 n’est pas irréaliste, si chacun s’attache, comme l’a dit monsieur le secrétaire d’État, à respecter l’esprit et la lettre des nouvelles dispositions, notamment pour ce qui est des contreparties.
Enfin, troisième priorité, il s’agit de relancer la croissance, ce qui passe par un retour à la compétitivité de nos entreprises : la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, est au cœur du pacte de responsabilité et de solidarité.
La première étape interviendra dès le 1er janvier 2015, libérant ainsi essentiellement les petites et très petites entreprises d’un assujettissement à la C3S qui menaçait leur équilibre.
Avec notre rapporteur général, je veux donc saluer les conditions qui permettent aujourd’hui de faire valoir un texte attaché à trouver les voies d’une plus grande justice sociale au bénéfice des plus fragiles et à restaurer la confiance parmi celles et ceux qui se sentaient ignorés et abandonnés.
Madame la ministre, pour toutes ces raisons, mon groupe, dans sa très large majorité, apportera ses suffrages au projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui une nouvelle fois traduit dans le budget de la sécurité sociale le pacte de responsabilité qui définit le cap économique voulu par le Gouvernement : alléger le coût du travail pour relancer l’activité.
Si nous partageons, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, votre volonté de diminuer la dette de la sécurité sociale afin d’assurer la pérennité de notre système de solidarité nationale – enjeu essentiel pour les générations futures, comme nous l’avons déjà souligné la semaine dernière –, il n’en va pas de même de la méthode que vous avez choisie. Nous craignons de surcroît que les mesures proposées dans PLFRSS n’hypothèquent l’avenir de la sécurité sociale, même si quelques mesures plus rassurantes viennent de nous être annoncées.
En effet, rien ne garantit que les 41 milliards d’euros accordés au total aux entreprises seront utilisés pour créer de nouveaux emplois, car ces allégements de charge ne sont assortis d’aucune conditionnalité.
J’ai bien entendu que vous espériez des contreparties et qu’il y aurait des contrôles dans quelques années, mais il nous semble qu’il faudrait prévoir et organiser cette conditionnalité dès le début.
Pour financer ces allégements de charge, le Gouvernement fait le choix de réduire la dépense publique de 50 milliards d’euros à l’horizon 2017.
Il y a là un paradoxe : comment reconnaître que la santé, la justice et l’action sociale ont besoin de moyens et de postes supplémentaires et, en même temps, annoncer un plan d’économies de la dépense publique d’une telle ampleur ?
Comment justifier, en outre, que les efforts demandés aux plus modestes soient plus importants que ceux qui sont demandés aux entreprises, et ce, comme je le disais, sans contreparties claires ?
Nous ne sommes pas les seuls à faire cette analyse : selon la Direction générale du Trésor, les mesures du pacte devraient générer 190 000 emplois et 0,6 point de croissance cumulé à l’horizon 2017, mais les 50 milliards d’euros d’économies devraient entraîner, à la même échéance, la suppression de 250 000 emplois et une baisse de croissance de 1,4 point cumulé !
Nous, écologistes, considérons donc que la logique à l’œuvre dans ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale n’est ni équitable, ni équilibrée.
Dans les amendements que nous avons défendus, nous proposions d’autres pistes : soutenir les secteurs porteurs d’avenir, comme celui de la transition énergétique et écologique ou certains services et filières industrielles, et encourager les comportements vertueux et innovants des entreprises par des incitations ciblées et responsables tout en garantissant la justice sociale par des contributions progressives.
Dans ses communications, le Gouvernement a annoncé vouloir soutenir nos concitoyens les plus modestes. Pour vraiment agir en leur faveur, nous avons proposé une solution plus juste et plus efficace : l’instauration d’une contribution sociale généralisée progressive.
Pour réduire l’impact négatif des allégements de charges sur les bas salaires, nous avons proposé des critères de conditionnalité comme le contrat à durée déterminée ou le contrat à temps complet.
Pour lutter plus efficacement contre le chômage, nous avons proposé la réduction de cotisations sociales de 500 euros par mois par apprenti ainsi qu’une réflexion sur des dispositifs similaires aux emplois d’avenir, mais pour les chômeurs de longue durée.
Concernant l’exonération de la C3S, nous avons proposé que l’allégement bénéficie aux entreprises qui communiquent sur leur politique de salaires, de dividendes et d’optimisation fiscale.
Pour réaliser des économies durables et sociales, nous avons également proposé d’augmenter les dépenses d’investissement dans l’accès à la santé, car celles-ci permettraient de dégager des économies à court, moyen et long terme.
Je pense, en particulier, à la mise en œuvre rapide des mesures de simplification de l’accès aux droits : la suppression des obstacles qui jonchent ce véritable parcours du combattant, notamment pour les plus modestes, aurait pour effet d’améliorer l’état de santé global de la population, ce qui dégagerait un gisement d’économies en diminuant les dépenses de santé.
De surcroît, on allégerait la charge de travail des agents chargés d’instruire les dossiers dans les caisses primaires d’assurance maladie, par exemple, permettant ainsi de réaliser des économies de gestion.
Vous en conviendrez donc, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, les écologistes n’ont pas manqué de propositions constructives au cours de l’examen de ce budget rectificatif de la sécurité sociale, autant pour rendre efficaces les aides aux entreprises que pour diminuer les dépenses de l’assurance maladie.
Nous regrettons qu’aucune de ces propositions n’ait été retenue et que les échanges sur nos amendements aient été aussi brefs. Nous regrettons, par exemple, que notre amendement sur le tabac, que le Sénat avait adopté avec l’avis favorable du rapporteur général, n’ait pas survécu à la seconde délibération et au vote bloqué. Le procédé, à nos yeux, ne se justifiait pas.
Cet amendement, je le rappelle, avait un triple objet : améliorer les finances publiques en augmentant les ressources fiscales, favoriser la politique de santé publique de lutte contre le tabagisme en diminuant les trafics illicites qui lui font obstacle et favoriser les petits commerces de vente de tabac, qui, de toute manière, bénéficient déjà de l’aide publique, puisqu’ils sont en difficulté.
Enfin, je dirai un mot d’un amendement que nous n’avons pu ni proposer, ni défendre : l’amendement relatif au Gardasil.
Soyons clairs, les porteurs de cet amendement ne sont pas hostiles à la vaccination en général et ne mélangent pas tout - nous ne tenons pas des propos et des raisonnements moyenâgeux ou obscurantistes ! Simplement, ils estiment que dépenser 926 millions d’euros supplémentaires pour intensifier l’utilisation d’un vaccin au sujet duquel les alertes sanitaires se multiplient, en France comme à l’étranger, dont l’efficacité n’est à ce jour pas démontrée, et qui pourrait donc avoir un effet contraire au but recherché n’est pas une mesure de bon sens, surtout quand on décide concomitamment de geler plusieurs prestations sociales pour économiser un montant équivalent.
Il nous semble toujours qu’un moratoire, même de durée limitée, serait souhaitable, au moins pour prendre le temps de vérifier si ces craintes sont fondées. J’ajoute que ce serait autant d’économies réalisées pour les finances publiques…
Pour toutes ses raisons, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, si le texte reste en l’état, notre groupe maintiendra sa position d’abstention.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous retrouvons donc aujourd’hui afin d’examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.
Que retenir de la discussion de ce texte ? Il est temps de dresser un bilan.
Permettez-moi d’emblée de souligner que la démarche est exceptionnelle, du moins sur la forme, car, sur le fond, on ne peut pas franchement parler de réussite gouvernementale en ce qui concerne de telles propositions. La preuve en est que l’on a pu constater largement les divisions de la majorité, au Sénat, mais également à l’Assemblée nationale, si l’on se réfère aux comptes rendus des débats.
On a aussi constaté des difficultés pour faire adopter ce texte, ce qui est normal, madame la ministre, car vous êtes sur un chemin de crête, cheminant entre la partie sociale-libérale de votre majorité et son aile gauche.
Alors vous avez brandi la menace du recours à l’article 49, alinéa 3, ou du vote bloqué, et nous en avons fait les frais au Sénat !
C’est tout à fait l’expression d’une majorité composite, conduite, semble-t-il, sans vision clairement tracée,…
M. Roland Courteau. Ah non !
M. René-Paul Savary. … à travers les différents textes de loi. Et cela fait deux ans que ça dure ! Même vos amis commencent à le dire…
Le Sénat en paye les conséquences, notamment dans les lois financières, rectificatives ou non, concernant le budget général ou le budget de la sécurité sociale. En conséquence, la Haute Assemblée devient inaudible !
Pourquoi avoir emprunté le chemin d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale ? Il ne nous semblait pas indispensable, puisque très peu de dispositions concernent l’année 2014, si ce n’est pour pénaliser les personnes âgées, dont les retraites ne seront pas revalorisées.
Attention, madame la ministre, ces retraités sont soumis à la double peine : outre la non-revalorisation des pensions, ils subissent déjà la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, sans bénéficier des conséquences, puisque c’est la prochaine loi sur l’autonomie qui permettra d’obtenir quelques avancées concernant la prise en charge du maintien à domicile des personnes âgées dépendantes.
À ce propos, permettez-moi un aparté : puisque ce texte sur l’autonomie s’appuiera, du moins de ce que nous en savons, sur le savoir-faire des conseils généraux, ce qui montre bien – entre nous - que l’échelon départemental est incontournable dans l’application et la déclinaison des politiques sociales.
M. Roland Courteau. C’est exact !
M. Roger Karoutchi. C’est dit !
M. René-Paul Savary. Que retenir encore de ce projet de loi ?
J’évoquerai l’absence totale de visibilité sur le financement des mesures proposées, dans la plupart des cas, pour 2015, qu’il s’agisse de l’allégement du coût du travail ou de la diminution des charges salariales pour améliorer le pouvoir d’achat d’un certain nombre de nos concitoyens.
Qui peut être contre ces mesures, qui vont dans le bon sens ? Mais encore faudrait-il afficher la façon dont elles seront financées !
N’oublions pas que l’État devrait montrer l’exemple !
Quand il s’agit de compensations pour les collectivités, c’est toujours à l’euro près. Et en même temps que les dépenses !
Quant aux parlementaires, leurs propositions sont régulièrement soumises à l’article 40 pour assurer le financement ! Et en même temps que les dépenses !
Il n’y a, semble-t-il, que l’État qui ne se sente pas concerné par cette règle d’or d’équilibre budgétaire. Il convenait de le souligner.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ce que vous annoncez vouloir donner d’une main aujourd’hui, il faudra bien le reprendre de l’autre, demain !
Nous avons eu un débat intéressant sur les hypothèses de financement : augmentation progressive de la CSG, TVA sociale qui finance, n’en déplaise à certains, le CICE, peut-être même faudra-t-il annoncer des cotisations supplémentaires, l’absence de revalorisations d’un certain nombre de prestations ou encore des taxes environnementales ou comportementales. Bref, dès la rentrée, il conviendra de trouver le financement de ces mesures.
Alors, que devons-nous également retenir de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, en ce qui concerne le budget de la sécurité sociale ?
La réduction du financement des établissements de santé est regrettable, car il reste encore beaucoup à faire : 160 millions d’euros, ce n’est pas énorme ; il n’empêche que ce sont autant d’investissements qui ne seront pas réalisés.
On peut noter une maîtrise des coûts de soin de ville, qui n’augmentent pas plus que les prévisions. C’est bien, mais il faudra examiner avec attention les prochaines propositions, car la généralisation du tiers payant risque de mettre à mal les finances de la sécurité sociale en diminuant la responsabilité des uns et des autres. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Je conclurai sur une mesure particulière, une mesure de bon sens qui a été proposée et adoptée par le Sénat à l’unanimité, une mesure en faveur du maintien des personnes fragiles à domicile, une mesure permettant d’embaucher des personnes très peu qualifiées et connaissant des difficultés, une mesure pouvant répondre à la demande d’emploi local, en faveur des personnes qui peuvent difficilement se déplacer. Je veux parler de la baisse forfaitaire des charges sociales, à hauteur de 1,50 euro pour les emplois à domicile.
Cette proposition, portée par M. le rapporteur général et par plusieurs groupes politiques de notre assemblée, qui plus est votée à l’unanimité par les sénateurs, a été refusée d’un revers de main par le Gouvernement !
M. Roland Courteau. Ah !
M. René-Paul Savary. Elle a néanmoins été acceptée, peut-être par obligation, mais avec des restrictions, à l’Assemblée nationale. Est-ce cela votre reconnaissance envers le Sénat ? Merci !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. René-Paul Savary. Encore une demi-mesure qui fait un bout de chemin dans le bon sens, mais qui ne va pas jusqu’au bout.
Pourtant, tous les facteurs sont au rouge en ce qui concerne l’emploi à domicile : la masse salariale nette de l’emploi à domicile est en recul de 1,6 % ; le volume horaire déclaré diminue pour le huitième trimestre consécutif ; le nombre d’employeurs est passé sous le seuil symbolique des 2 millions.
Le diagnostic est sans ambiguïté, et le traitement proposé risque d’être sans effet. C’est le médecin qui parle ! (M. Roger Karoutchi sourit.)
Soyons pragmatiques : soit ces emplois sont essentiels, et ils méritent alors une réduction significative, à hauteur de 1,50 euro forfaitaire ; soit ils ne sont pas essentiels, et ils ne méritent même pas une diminution des charges à hauteur de 0,75 euro forfaitaire.
Le coût supplémentaire de cette proposition, si elle est adoptée – 1,50 euro – sera largement compensé par le nombre d’emplois déclarés, qui sera bien supérieur à ce qu’il est aujourd’hui.
Nous soutiendrons donc de nouveau cet amendement pour faire en sorte que l’ensemble des emplois à domicile puissent bénéficier de cette réduction de charges sociales, indépendamment des mesures de déductions fiscales, charge à l’État, qui dispose du pouvoir réglementaire, d’établir une liste plus judicieuse des emplois éligibles.
Si vous souhaitez consulter la commission des affaires sociales, n’hésitez pas, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État : nous ne manquons pas d’idées pour vous aider à prendre ce type de mesure réglementaire ! Nous formulons nos propositions, vous le voyez, mus par le souci de rechercher la plus grande utilité pour le développement de l’emploi à domicile.
En conséquence, c’est de votre acceptation de cette mesure particulière, madame la ministre, que dépendra le vote du groupe UMP sur ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Vous connaissez l’enjeu, la balle est dans votre camp ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Madame la présidente, mes chers collègues, permettez-moi d’emblée de saluer Mme la présidente de la commission, pour la part importante qu’elle a prise dans le débat qui nous occupe aujourd’hui, comme dans beaucoup d’autres auparavant.
Je veux aussi saluer l’engagement du Gouvernement et souligner que, avec l’ensemble de nos collègues ici présents, notre rapporteur général a eu le tort d’avoir raison trop tôt ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.) J’expliciterai mon propos plus loin.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici parvenus à la dernière étape de l’examen de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014. Ce texte important met en œuvre la première phase du pacte de responsabilité et de solidarité dont la montée en charge se fera progressivement jusqu’en 2017.
La traduction législative de ce pacte englobe le projet de loi de finances rectificative pour 2014, notamment pour ce qui est de la fiscalité sur les revenus modestes et sur les sociétés ainsi que ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Dans le prolongement des efforts réalisés depuis deux ans, cet ensemble s’inscrit dans une cohérence qui comporte singulièrement le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, mais également toutes les mesures à venir qui accentueront les allégements de cotisations.
Ces textes ont pour objectifs et exigences de mettre en œuvre de nouveaux moyens dédiés à l’emploi, la première de nos priorités, à l’investissement, au renforcement de la compétitivité de nos entreprises et à la croissance.
Rappelons, une fois encore, que ce pacte repose sur un triptyque qui allie compétitivité, avec la politique de la fiscalité sur les entreprises qui abaisse le coût du travail, responsabilité, avec un plan d’économie de 50 milliards d’euros sur trois ans, ce qui nous permettra de respecter la trajectoire budgétaire des finances publiques, et solidarité via les dispositions soutenant le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
En première lecture, nos collègues députés ont introduit un certain nombre de modifications et de précisions. Je pense notamment à l’article 2, qui a été amendé afin que soient intégrées dans le calcul des exonérations de cotisations certaines rémunérations liées au temps de pause, d’habillage et de déshabillage. Je pense aussi au rétablissement des conditions de droit commun pour les entreprises de plus de vingt salariés relevant du régime de la Mutualité sociale agricole.
S’ajoute le bénéfice de l’exonération de la C3S, qui a été étendu à l’ensemble des coopératives agricoles, lesquelles ne bénéficient pas du CICE.
Il s’est agi aussi de la mise en place, au sein de la négociation annuelle de branche sur les salaires, d’une évaluation de l’effet sur l’emploi et les salaires du pacte de responsabilité, en particulier des exonérations de cotisations patronales et du CICE.
J’évoquerai aussi l’article suivant, amendé, afin que le régime social des indépendants intégré au régime général voie son autonomie garantie, ou bien encore l’importance d’un rapport sur l’effet de la suppression de la C3S avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.
De même, à l’article 9, le gel de l’allocation de logement familiale a été annulé, en cohérence avec la suppression du gel des aides personnelles au logement votée dans le projet de loi de finances rectificative.
Enfin, une disposition visant à faciliter la mise en place des contrats qui devraient être proposés aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé a été introduite à l’article 11.
Mercredi dernier, notre assemblée a, à son tour, procédé à l’examen de ce texte important. Avant que la première partie soit rejetée, sept amendements avaient été adoptés.
Tout d’abord, l’article liminaire, relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, qui présente la prévision rectifiée de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, a été rejeté. Nous savions tous qu’un risque de censure pesait sur l’ensemble du texte. Toutefois, je veux rappeler que cette disposition avait été validée par le Haut Conseil des finances publiques, tout comme les hypothèses qui le sous-tendent.
Ensuite, un amendement tendant à abaisser les seuils minimaux pour le transport transfrontalier de tabacs manufacturés sur ceux que propose la directive communautaire 2008/118/CE avait été adopté. Cela présente un intérêt pour la santé publique, pour les ressources fiscales, mais aussi pour les buralistes frontaliers, notamment.
L’article 2 a aussi fait l’objet de modifications substantielles, puisque l’amendement proposé par M. le rapporteur général, tendant à porter la réduction de cotisation dont bénéficient les particuliers employeurs à 1,50 euro par heure déclarée, au lieu de 0,75 euro, à compter du 1er septembre 2014, a été adopté à l’unanimité. Oui, monsieur le rapporteur général, nous avions tous été des précurseurs ! (Sourires.)
Il en va de même pour l’amendement relatif à la non-prise en compte, pour le calcul de la réduction générale de cotisations patronales, de la partie de la rémunération affectée à des « temps de pause, d’habillage et de déshabillage ».
Rappelons que cette niche sociale représente un montant de 170 millions d’euros, selon les évaluations de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, dont 140 millions d’euros pour le commerce de détail et la grande distribution.
Comme le rappelait M. le rapporteur général, ce montant est marginal par rapport à l’importance des mesures prévues par le pacte de responsabilité pour le secteur de la grande distribution. Sa suppression est très loin de neutraliser l’effet de ces mesures, puisque celles-ci représentent plus de 1,5 milliard d’euros, en tenant compte du CICE, portant le total des allégements dont bénéficie le secteur à 2,8 milliards d’euros.
Quant au secteur industriel, il ne semble pas en bénéficier et, pour le cas où des exceptions auraient vu le jour, le Gouvernement s’était engagé à ce que la disposition telle qu’elle avait été votée par l’Assemblée nationale fasse l’objet d’un examen singulier lors de prochains travaux parlementaires. Néanmoins, cet engagement n’a pas suffi.
L’article 3 a été également adopté, qui, dans le cadre de la suppression de la C3S, crée un abattement d’assiette et procède à l’intégration financière du régime social des indépendants au sein du régime général. Toutefois, le vote bloqué, demandé par le Gouvernement, a conduit à la suppression de ces dispositions. Vous savez que nous n’aimons pas beaucoup cette procédure !
Même s’il s’est parfois révélé ardu, le débat avec le Gouvernement a toujours été constructif et enrichissant. Mais, pour des motifs divergents, la première partie, consacrée aux recettes, a été rejetée.
Certains ont argué du fait que les baisses de cotisations sociales étaient insuffisantes. Cette critique émanait pourtant, dans bien des cas, de membres d’une ancienne majorité qui a été chargée des affaires publiques pendant plus d’une décennie ! Bien peu avait été fait à l’époque, alors que notre balance commerciale subissait un déficit chronique, illustration de notre perte de compétitivité au niveau international.
D’autres ont dressé un réquisitoire contre des dispositifs qu’ils rapprochent d’une politique d’austérité, ce que je récuse ! Notre politique s’inscrit dans une crise sans précédent, chacun le sait. Pour autant, aucune baisse de salaires, de ressources ou de rémunérations n’a été décidée. Or ce sont bien de telles mesures qui caractérisent une politique d’austérité !
Puisque nous traitons de la protection sociale, je signale que, dans notre politique de santé, pas un droit, pas un remboursement n’ont été remis en cause ! Aucune franchise supplémentaire n’a été créée ! Dans le même temps, le déficit de la sécurité sociale a presque été divisé par deux. En outre – c’est tout aussi important –, grâce à ce sérieux budgétaire, nous pourrons prochainement mettre en œuvre une politique de santé publique digne de ce nom.
Une décennie durant, aucune réforme de structure n’a été engagée, comme si le marché allait, de lui-même, apporter des solutions ! C’est ce qu’a cru Mme Thatcher, dont certains, frappés par je ne sais quelle amnésie quant aux ravages de sa politique, se réclament aujourd’hui ouvertement.
Rappelons que, pendant dix ans, la précédente majorité a systématiquement fait peser les efforts sur les plus modestes et les plus fragiles, sur le travail et non sur le capital.
M. Roger Karoutchi. Mais bien sûr !
Mme Catherine Génisson. Depuis deux ans, la logique est inversée.
M. Roger Karoutchi. Voilà qui est certain !
Mme Catherine Génisson. Désormais, les réformes de structure sont mises en œuvre et les efforts répartis plus justement.
Compte tenu de ces oppositions, nous n’avons pas été en mesure de poursuivre l’examen de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Dans la même logique, la commission mixte paritaire n’est pas parvenue à un accord.
Aussi, le texte que nous examinons aujourd’hui correspond à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, sans avoir fait l’objet de modifications d’ampleur.
Nous saluons tout de même, à l’article 2, l’adoption d’un amendement tendant à porter à 1,50 euro la déduction forfaitaire de cotisations par heure travaillée pour les particuliers employeurs.
Cette mesure, que Mme la ministre vient de confirmer, a été très encadrée par nos collègues députés. Si l’on ne peut qu’être d’accord pour combattre les abus, il est essentiel de pouvoir croiser la définition des métiers éligibles et les publics auxquels ces métiers sont destinés. Faute de quoi, ce dispositif aurait des conséquences contre-productives en ce qu’il contrarierait la reconnaissance de la qualité de travailleuses et de travailleurs aux personnes employées à domicile. Et nous avons encore beaucoup à faire en la matière !
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nombre d’orateurs l’ont dit, nous pouvons vous accompagner dans votre tâche, afin que ces travailleurs et ces travailleuses à domicile obtiennent cette reconnaissance, afin qu’ils puissent être déclarés. Cette avancée sera bénéfique à tous.
Mes chers collègues, ce texte de mobilisation est essentiel. Il trace une perspective pour l’ensemble de notre pays et donne aux entreprises une lisibilité sans laquelle les politiques d’investissement, de progrès et d’emploi, comme toutes les stratégies industrielles, sont pénalisées. Ce PLFRSS doit nous permettre, à l’horizon 2017, « de gagner plus de 0,5 % de croissance et de créer 20 000 emplois marchands, en redonnant aux entreprises les marges nécessaires pour embaucher, innover et investir. »
Nous avons fait le choix de ne pas mettre à contribution les plus modestes, ce sur la base de valeurs fortes : la justice, la responsabilité et la solidarité. Le présent texte met en œuvre une série de mesures pour répondre à cet enjeu majeur qu’est le redressement de notre économie dans la justice.
Dans L’Homme révolté, Albert Camus écrivait : « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent. » Tel est bien l’objet de votre texte, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, et les sénateurs du groupe socialiste le soutiennent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques-Bernard Magner. Très bien !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, avant de passer à la discussion des articles, nous allons interrompre nos travaux pour permettre à la commission des affaires sociales de se réunir afin d’examiner les vingt amendements déposés sur ce texte.
De combien de temps souhaitez-vous disposer, madame la présidente de la commission ?
Mme Annie David, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, une suspension d’une demi-heure devrait suffire.