Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 149, présenté par M. Patriat, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 5
Rédiger ainsi ces alinéas :
3° L’article L. 124-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 124-2. – Sont présumés présenter des garanties de gestion durable les bois et forêts dont le propriétaire adhère pendant une durée d'au moins dix ans au code des bonnes pratiques sylvicoles, sous réserve de la mise en œuvre effective d’un programme de coupes et travaux élaboré par un ou plusieurs organismes de gestion en commun agréés, un ou plusieurs experts forestiers agréés ou l'Office national des forêts. » ;
4° La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre III est abrogée ;
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 132, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
prévu
par les mots :
et de la préservation de leurs aménités environnementales et sociales,
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. En cohérence avec les principes généraux du code forestier, la gestion durable des forêts ne peut être évaluée seulement à l’aune de la mise en œuvre d’un programme de coupe de bois.
C’est pourquoi nous proposons que, pour présenter des garanties de gestion durable et, à ce titre, bénéficier d’un régime fiscal avantageux et de subventions publiques, les bois et forêts doivent non seulement être gérés conformément aux documents visés à l’article L. 124-1 du code forestier et faire l’objet d’une mise en œuvre effective du programme de coupes et travaux, mais aussi bénéficier d’une préservation de leurs aménités environnementales et sociales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Leroy, rapporteur de la commission des affaires économiques. De même qu’elle s’est prononcée contre un amendement précédent touchant au même objet, et en vertu des mêmes arguments, la commission est défavorable à l’amendement n° 132.
Monsieur Gattolin, les plans d’aménagement et de gestion de la forêt prévoient que trois types d’objectifs doivent être recherchés : des objectifs environnementaux, sociaux et économiques. La science forestière consiste à concilier ces objectifs dans l’harmonie.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Les plans de gestion sont des documents simples, qui s’appliquent grâce à des engagements pris par chaque propriétaire. Que le propriétaire d’un hectare, ou de deux, trois ou quatre, doive prendre des engagements sur le plan des aménités sociales et environnementales, cela est trop compliqué et ne serait pas du tout praticable. Sans compter, monsieur le sénateur, que les plans de gestion comportent déjà des objectifs de cette nature, qui s’inscrivent dans un cadre global. Je suis donc défavorable à l’amendement.
Mme la présidente. Monsieur Gattolin, l'amendement n° 132 est-il maintenu ?
M. André Gattolin. Non, je le retire, madame la présidente.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est une aménité négative !
Mme la présidente. L'amendement n° 132 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 156, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 25 et 26
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 25 et 26 de l’article 30. Ces dispositions, qui portent sur le défrichement dans les communes très boisées, ont été introduites dans le projet de loi par le Sénat, en première lecture.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. À l’unanimité !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Autoriser les communes de montagne dont le taux de boisement dépasse 70 % du territoire à procéder à des défrichements sans autorisation pose des problèmes d’égalité : on ne peut pas accepter que des communes, sous prétexte qu’elles sont très boisées, puissent s’affranchir des règles qui s’appliquent à toutes les autres.
Mme la présidente. L'amendement n° 187, présenté par M. P. Leroy, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Après le mot :
concerté
insérer les mots :
approuvé par la commission régionale de la forêt et du bois mentionnée à l'article L. 113-2, et
La parole est à M. Philippe Leroy, rapporteur, pour présenter l’amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 156.
M. Philippe Leroy, rapporteur. Monsieur le ministre, la commission est défavorable à votre amendement et j’espère que son avis sera suivi par notre assemblée. En voici la raison, que je formule avec beaucoup d’amitié – voire d’aménité… – à l’égard de votre administration, que je connais très bien, mais dont je vais dire du mal !
De fait, il règne au sein de l’administration forestière une sorte de crainte, de crainte sacrée, de voir disparaître des lambeaux de forêts. Ce dogme est le fruit de la position qu’il a fallu prendre dans notre pays au XIXe siècle, lorsque, après la Révolution, en raison de la révolution industrielle, nos forêts ont été défrichées au point d’être complétement massacrées. Songez, mes chers collègues, que nous étions tombés à 6 ou 7 millions d’hectares en l’espace de cinquante ans ! Dans ce contexte, en France comme en Angleterre et en Allemagne, où le même problème se posait, l’administration et les écoles forestières ont élaboré le dogme de la forêt sacrée : un hectare planté était un hectare sacré.
Seulement, mes chers collègues, c’était il y a cent cinquante ans. Aujourd’hui, on constate que certaines communes de montagne, à la suite de la déprise agricole et du départ des agriculteurs, connaissent des taux de boisement qui interdisent le développement agricole ou touristique, et même le développement tout court. C’est pourquoi il est urgent d’admettre que les forêts sont sacrées là où elles doivent l’être et qu’elles le sont moins là où elles posent un certain nombre de problèmes de développement humain.
Voilà la raison pour laquelle le Sénat, à l’unanimité, a souhaité que, dans le cadre des directives régionales d’aménagement et sous contrôle de la commission régionale de la forêt et du bois, on puisse autoriser certaines communes de montagne, dont le taux de boisement dépasse 70 %, à procéder à des opérations de déboisement qui permettent leur développement.
L’amendement que je propose vient un peu tempérer les craintes de votre administration – que j’ai bien comprises –, et aussi les vôtres, monsieur le ministre.
Il tend simplement à ce que le programme arrêté pour une commune trop boisée qui souhaite se développer soit approuvé par la commission régionale de la forêt et du bois mentionnée dans cette loi. Cela permettrait au préfet, qui préside cette commission, de contrôler le respect de l’esprit de la loi.
Voilà, monsieur le ministre, l’objet de cet amendement. Je demande son adoption et, par conséquent, le rejet du vôtre – je vous le dis en toute amitié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 187 ?
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote sur l’amendement n° 156.
M. Gérard Bailly. En première lecture, j’avais déposé un amendement qui avait servi de base aux discussions sur les taux de boisement trop importants dans les massifs. J’avais réagi en voyant que, pour un hectare déboisé, un préfet pouvait prendre un arrêté demandant de reboiser un hectare et parfois jusqu’à cinq hectares.
Les élus et les habitants de ces vallées où il n’y a plus d’agriculture exercent une pression pour récupérer de l’espace. Dans la vallée de la Bienne, par exemple, il n’y a plus de champ et les bois touchent les villages.
Alors, monsieur le ministre, quand je vous entends – nonobstant le désir que nous avons de vous retrouver aujourd'hui en bonne santé, je le dis bien sincèrement – dire que l’on ne peut pas faire une dérogation pour la montagne, je m'étonne ! Et que faites-vous de toutes ces lois dont certaines dispositions s'appliquent spécifiquement aux zones de montagne ?
Cet argument tient d’autant moins bien que, somme toute, nous avons été raisonnables en limitant la possibilité de déboiser sans obligation de reboisement aux zones de montagne où le taux de déboisement atteint 70 %, ce qui est un taux déjà très important.
Cette simplification, nous la voulions, car, lorsque l’on demande à déboiser, il se trouve toujours une association pour vous dire que, à tel endroit, cela n’est pas possible parce que c'est une zone de chasse ou parce que c’est là que l’on trouve telle plante ou telle espèce, si bien qu’il y a toujours des problèmes !
Il me semblait que l’on devait pouvoir redonner de la lumière aux habitants de ces secteurs, comme ils le souhaitent. L’autre jour – je crois l’avoir dit à M. le rapporteur –, j’ai regardé l’étape du Tour de France dans les Vosges, et, à part deux ou trois vélos qui passaient de temps en temps dans une clairière, on n’a vu que du bois ! Les Vosges sont tellement boisées qu’il n’y a plus d’espace où la vue puisse plonger, et l’on commence à se retrouver dans la même situation dans le Haut-Jura...
Je voudrais maintenant parler de défrichement, que je distingue du déboisement. Le défrichement concerne de grands espaces constitués de parcelles communales où, trente ou quarante ans en arrière, il se trouvait suffisamment de monde pour prendre des serpes et des haches afin de couper les genévriers et les épines qui s'y trouvaient. On pouvait alors y faire paître des bœufs ou des génisses – ce n’étaient, en général, pas des laitières. Mais, aujourd'hui, la main d’œuvre n’existe plus pour couper les épines et nettoyer ce que l’on appelle les « communaux », qui représentent des milliers d’hectares…
Les agriculteurs demandent que ces espaces où les bêtes pâturaient hier puissent aujourd'hui être réutilisés pour y mettre de nouveau du bétail. Pour y parvenir, il faut mécaniser : c'est ce que j’appelle le défrichement. Face aux problèmes que cela engendre, tout le monde se résigne à ne rien faire. Avec la DREAL, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, c’est « mission impossible » !
Au final, on assiste, d’un côté, à du boisement et, de l’autre, à de « l’enfrichement »…
Par ailleurs, monsieur le ministre, l’agriculture doit produire toujours plus pour nourrir les hommes. De grâce, soyons cohérents ! Ce n’est pas une loi d’avenir…
M. Didier Guillaume. Mais si !
M. Jean-Jacques Mirassou. Là, c'est l’avenir de la forêt !
M. Gérard Bailly. … que nous sommes en train de faire. C'est pourquoi l’argument développé par M. le ministre me met très en colère, car cela ne fera qu’empêcher d’apporter un peu d’espace dans nos campagnes. Cet espace est nécessaire non seulement pour l’économie, mais aussi pour l’environnement, car – j’y insiste – on veut y voir un peu plus clair…
Bien sûr, je voterai contre l'amendement de M. le ministre, et j’ose espérer, mes chers collègues, que vous ferez de même ! Comme l'amendement que nous avions proposé en première lecture est passé par pertes et profits, je vous propose que nous nous « rabattions » sur l'amendement de M. le rapporteur, qui, au moins, réserve la possibilité de déboiser, à condition d’avoir l’approbation de la commission régionale de la forêt et du bois.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, pour explication de vote.
Mme Bernadette Bourzai. M. Bailly a plaidé pour les communes forestières « surboisées ». On en trouve aussi dans la montagne limousine, et c'est pourquoi je soutiens la position de M. le rapporteur, qui nous propose une solution permettant effectivement de tenir compte de ces communes. Les élus successifs qui n’ont pas adopté de zonage forestier, qui n’ont pas été exigeants pour maintenir une place à l’agriculture et cantonner la forêt, en sont responsables…
Au risque de choquer certains d’entre vous, compte tenu de cette situation, après que la tempête qui s'est abattue en 1999 a mis à terre entre dix et quinze millions de mètres cubes d’arbres dans le Limousin, on en a profité pour défricher, par dérogation, les forêts qui avaient été plantées sur les meilleures terres. Je peux vous dire que cela a fait le bonheur de jeunes agriculteurs…
Il convient, selon moi, de s'adapter à des situations qui, à l’heure actuelle, sont excessives et ne permettent pas un développement harmonieux de nos territoires.
Je voterai donc l'amendement n°187 de M ; le rapporteur. J’en suis désolée pour M. le ministre, mais c'est ainsi. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
Mme la présidente. L'amendement n° 133, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 28
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 312-2 sont ainsi rédigés :
« 2° Un programme de coupes et travaux prévoyant notamment le renouvellement de la forêt ;
« 3° Un programme de mesures de préservation des aménités environnementales et, le cas échéant, sociales. » ;
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 133 est retiré.
L'amendement n° 158, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° AA Au premier alinéa de l’article L. 312-5, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois » ;
La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Là, je vais commencer à faire attention ! (Sourires.) Je me borne donc à dire que l'amendement tend à remplacer le mot « cinq » par le mot « trois ». (Nouveaux sourires.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que, cette fois-ci, vous allez suivre l'amendement gouvernemental !
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C'est bien essayé, mais cela ne va pas marcher !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Leroy, rapporteur. Je suis navré, monsieur le ministre, mais l’avis est défavorable ! Je vais vous en donner les raisons.
L’aménagement forestier, qu’il soit public ou privé, exige beaucoup de souplesse. Les forêts publiques bénéficient de la possibilité d’avancer ou de retarder de cinq ans des coupes prévues au programme d’aménagement.
Nous souhaitons que la forêt privée aménagée, soumise à un plan de gestion, bénéficie de la même souplesse. Mais l'administration nous fait remarquer que, comme la durée minimale d’un plan de gestion en forêt privée est de dix ans, un propriétaire malin…
M. Didier Guillaume. Il peut y en avoir !
M. Philippe Leroy, rapporteur. Bien sûr !
… pourrait faire adopter un plan et ne rien faire du tout pendant dix ans en anticipant ou en retardant les coupes de cinq ans.
J’aimerais simplement faire remarquer à l'administration que la durée des plans d’aménagement étant réglée par décret, si le ministre veut éviter ce genre d’errements, il peut tout simplement décider que la durée minimale est de douze ou quinze ans – peu importe !
Nous échappons ainsi à l’observation de l'administration, qui n’a plus d’argument contre les cinq ans d’anticipation ou de retard auxquels je propose de nous en tenir, en lieu et place des trois ans souhaités par M. le ministre.
Mme la présidente. L'amendement n° 93, présenté par Mmes Bourzai, Nicoux et Bataille, MM. Bérit-Débat, M. Bourquin, Courteau, Daunis, Dilain, Fauconnier et S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Mirassou, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 36, seconde phrase
Remplacer les mots :
fixe une surface minimale de cinquante hectares
par les mots :
peut fixer une surface minimale différente
La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Cet amendement tend à rétablir la rédaction que nous avions retenue en première lecture au Sénat concernant la constitution des GIEEF, les groupements d'intérêt économique et environnemental forestier, en zone de montagne.
En effet, l'objectif que nous recherchions était de laisser davantage de souplesse dans ces zones où la topographie est particulière. Or, à l’Assemblée nationale, les députés ont retenu une rédaction plus rigide, qui ne nous paraît pas souhaitable.
C'est pourquoi le présent amendement réintroduit le principe selon lequel les programmes régionaux de la forêt et du bois peuvent fixer une surface minimale différente de celle du régime général, et ce sans qu’aucune condition de taille soit inscrite dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Leroy, rapporteur. J’ai longtemps réfléchi à l'amendement défendu par Bernadette Bourzai, et j’ai finalement décidé de m’en remettre à la sagesse de notre assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 94, présenté par Mmes Bourzai, Nicoux et Bataille, MM. Bérit-Débat, M. Bourquin, Courteau, Daunis, Dilain, Fauconnier et S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Mirassou, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéas 60 à 74
Remplacer ces alinéas par quatorze alinéas ainsi rédigés :
4° ter Le chapitre Ier du titre III du livre III est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Prérogatives des communes et de l’État
« Art. L. 331-22. – En cas de vente d’une propriété classée au cadastre en nature de bois et forêts et d’une superficie totale inférieure à quatre hectares, ou sans limitation de superficie lorsque le vendeur est une personne publique dont les bois et forêts relèvent du régime forestier en application du 2° du I de l’article L. 211-1, la commune sur le territoire de laquelle se trouve cette propriété et qui possède une parcelle boisée contiguë soumise à un document de gestion mentionné au a du 1° de l’article L. 122-3 bénéficie d’un droit de préemption.
« Le vendeur est tenu de notifier au maire le prix et les conditions de la vente projetée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le maire dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification pour faire connaître au vendeur qu’il exerce le droit de préemption de la commune au prix et aux conditions indiqués.
« Le droit de préférence prévu à l’article L. 331-19 n’est pas applicable.
« Art. L. 331-23. – En cas de vente d’une propriété classée au cadastre en nature de bois et forêts et d’une superficie totale inférieure à quatre hectares, l’État bénéficie d’un droit de préemption si une forêt domaniale jouxte la parcelle en vente. L’officier public chargé de la vente informe le représentant de l’État dans le département. En cas de silence pendant trois mois, l’État est réputé renoncer à son droit. L’exercice de son droit de préemption par l’État prive d’effet les droits de préférence et de préemption définis aux articles L. 331-19 à L. 331-22.
« Art. L. 331-24. – En cas de vente d’une propriété classée au cadastre en nature de bois et forêts et d’une superficie totale inférieure à quatre hectares, la commune sur le territoire de laquelle se trouve cette propriété bénéficie d’un droit de préférence. La commune bénéficie du même droit en cas de vente de droits indivis ou de droits réels de jouissance relatifs à cette propriété.
« Le vendeur est tenu de notifier au maire le prix et les conditions de la vente projetée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le maire dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification pour faire connaître au vendeur qu’il exerce le droit de préférence de la commune aux prix et aux conditions indiqués.
« Lorsqu’un ou plusieurs propriétaires de parcelles contiguës à la propriété exercent concurremment à la commune le droit de préférence prévu à l’article L. 331-19, le vendeur choisit librement à qui céder son bien.
« Le droit de préférence ne s’applique pas dans les cas énumérés à l’article L. 331-21.
« Le droit de préférence n’est plus opposable au vendeur en l’absence de réalisation de la vente dans un délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration d’exercice de ce droit.
« Est nulle toute vente opérée en violation du droit de préférence de la commune. L’action en nullité se prescrit par cinq ans.
« Les bois et forêts acquis dans les conditions prévues au présent article sont soumis au régime forestier prévu à l’article L. 211-1 à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de leur incorporation au domaine communal. » ;
La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Il s'agit d’un amendement important.
La commission des affaires économiques du Sénat a adopté un amendement qui tend à supprimer le droit de préemption dont bénéficiaient les communes et l’État lorsqu’ils étaient propriétaires d’une parcelle boisée contiguë à celle mise en vente et qui introduit un droit de préemption pour tout propriétaire voisin disposant d’un document de gestion.
Cette possibilité, qui avait été prévue en première lecture à l’Assemblée nationale puis confirmée en deuxième lecture, concourait à l’objectif de regroupement des parcelles forestières.
En étendant le droit de préemption à tous les propriétaires voisins, l’amendement de notre rapporteur, adopté en commission mercredi dernier, vide de tout intérêt et de sens le droit de préemption, puisqu’il n’y a plus de priorité d’acquisition lorsque tous les propriétaires voisins détiennent le même droit. Il vide également de sens et d’intérêt l’application du droit de préférence déjà prévu par le code forestier.
Le présent amendement vise donc à rétablir la rédaction des dispositions relatives aux prérogatives des communes et de l’État telle qu’elle apparaissait après la deuxième lecture de l’Assemblée nationale. Il s’agit de rétablir le droit de préemption pour les communes et l’État et de confirmer le droit de préférence pour les propriétaires privés, qui est inscrit dans le code forestier.
Mme la présidente. L'amendement n° 38, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 71
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce droit de préférence s’applique même en cas de vente de parcelles discontinues formant un ensemble ou lot de moins de quatre hectares.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Tout comme en première lecture, il nous paraît impératif de préciser et de renforcer le droit de préférence des riverains afin de favoriser le regroupement forestier. Cela passe par une meilleure information, mais aussi par une interprétation stricte de la loi.
Le présent amendement vise à préciser la portée du droit de préférence reconnu au propriétaire voisin, ainsi que celle du droit de préemption des communes.
En effet, sur la consistance du bien vendu, particulièrement lorsqu’il s’agit de la vente d’un lot de parcelles dispersées de moins de 4 hectares, comme dans le cas que je viens d’évoquer, le champ d’application de ce droit n’est pas précis. Cette imprécision a permis de contourner le droit de préférence des riverains voisins et favorise encore aujourd’hui la spéculation dans certaines communes forestières – il existe des exemples concrets du phénomène.
En première lecture, monsieur le ministre, vous aviez manifesté un intérêt pour notre amendement, mais vous nous aviez répondu que « la notion de ″lot″ n’est pas juridiquement définie dans cet amendement et l’on ne sait pas de quoi il s’agit », raison pour laquelle vous en aviez demandé le retrait. Nous avons défini cette notion de lot.
Cet amendement est important pour donner un sens au droit de préférence, l’inscrire dans la réalité des pratiques. Contrairement à ce que vos services nous ont fait savoir, nous ne pensons pas qu’une telle disposition serait source de complexité pour les notaires. Et quand bien même, il est important de protéger nos forêts ! Les arguments avancés par vos collaborateurs sont, selon nous, un peu légers. Nous espérons qu’ils ne masquent pas une énième reculade face aux fonds spéculatifs de toutes sortes.
Pour protéger nos forêts, nous vous invitons à voter notre amendement, qui va dans le bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Leroy, rapporteur. Ces deux amendements sont en discussion commune, car ils concernent le même alinéa du texte, mais ils portent sur des sujets tout à fait différents et sans lien l’un avec l’autre.
L’amendement n° 94 de Mme Bourzai tend à favoriser l’acquisition de parcelles forestières au profit de communes. Ce sujet a fait beaucoup réfléchir la commission. Faut-il encourager les communes à arrondir leur patrimoine forestier ? S’agit-il d’une bonne ou d’une mauvaise chose ? La discussion pourrait s’éterniser. En tout état de cause, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
En ce qui concerne l’amendement n°38, je veux dire à M. le Cam, mais j’ai déjà eu l’occasion de lui en parler, que les fonds spéculatifs ne s’intéressent pas, selon moi, à des lots de parcelles éclatées de moins de 4 hectares.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Philippe Leroy, rapporteur. Il s’agit, en général, de toutes petites parcelles formant souvent une succession. Ce sont des lots rassemblant dix à quinze petites parcelles dont les notaires ont déjà beaucoup de mal à s’occuper, leur valeur étant bien souvent dérisoire. Dissocier les lots pour effectuer la vente parcelle par parcelle transformerait la liquidation de certaines successions en une mission pratiquement impossible.
Il est question non pas de spéculation, mais de transferts de petites propriétés dans les campagnes ne mettant pas du tout la forêt en péril.
Comme en première lecture, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 94.
Quant à l’amendement n° 38, qui vise à faire jouer la préférence pour la vente d’un lot de parcelles appartenant à différents propriétaires, il ne soulève pas une question de fond. Il s’agit plutôt d’un débat très administratif : peut-on rechercher chaque propriétaire et demander au notaire de faire les évaluations ? C’est impossible. Comme la commission, le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.