M. Marc Daunis, rapporteur. Très important !
M. Jean-Claude Requier. … et reconnaît, pour la première fois, à côté du commerce équitable Nord-Sud, avec les pays en voie de développement, le commerce équitable Nord-Nord.
Par ailleurs, nous serons très vigilants quant à l’application de l’article 14 bis et nous attendrons le rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement sur les unions d’économie sociale et solidaire. Nous souhaitons en effet parvenir rapidement à la mise en œuvre de ce type de groupement pour des structures de l’économie sociale et solidaire ayant des statuts juridiques différents ; il s’agit d’une attente forte des acteurs concernés.
Ainsi, conforté par les résultats de la commission mixte paritaire et conscient des grandes avancées contenues dans ce texte, le groupe du RDSE confirmera aujourd’hui son soutien unanime à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Marc Daunis, rapporteur. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je regrette de ne pouvoir m’exprimer avec l’accent ensoleillé du Sud, et de rompre ainsi avec les orateurs précédents ! (Sourires.)
M. Marc Daunis, rapporteur. Nul n’est parfait ! (Nouveaux sourires.)
M. Joël Labbé. Je suis du Sud, certes,… mais du sud de la Bretagne ! (Mêmes mouvements.)
Mes chers collègues, nous arrivons au terme du processus législatif suivi par le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. C’est toujours une joie, pour nous, de voir le travail du Parlement aboutir enfin, même s’il n’est jamais tout à fait terminé ! Nous l’avons vu encore récemment : il est fondamental de veiller à la bonne application des lois que nous adoptons.
À ce titre, je dois vous faire part, madame la secrétaire d’État, d’une petite déception, relative au décret d’application de la disposition instaurant la mention « fait maison ». Les mouvements ayant eu lieu à la tête des ministères concernés peuvent peut-être contribuer à expliquer cela. Nous aurons certainement l’occasion d’en reparler dans les mois qui viennent.
J’en reviens au texte qui nous occupe. Le présent projet de loi consacre un principe puissant : la gestion démocratique d’une entreprise. Ce principe ne nuit pas à la rentabilité ; bien au contraire, il associe chaque membre à la rentabilité d’un projet, lequel n’est pas entièrement tourné vers le profit.
La recherche du profit est ici limitée à la pérennisation du projet. Si l’on souhaitait verser dans le lyrisme, on soutiendrait qu’il s’agit là d’un capitalisme qui a rouvert les yeux et qui a reconnu ses composantes essentielles, en défendant des valeurs humaines positives, en associant les salariés aux décisions de gestion de l’entreprise et en limitant les écarts salariaux entre la tête de l’entreprise et sa base.
Le Parlement octroie aujourd’hui à une branche de notre économie qui puise ses racines au XIXe siècle un véritable statut juridique et va en faciliter les financements. Ce faisant, il reconnaît un secteur créateur d’emplois non délocalisables, qui réinvestit ses bénéfices sur nos territoires, invente en permanence des modèles économiques nouveaux et fait preuve d’une créativité considérable.
Ainsi, le présent projet de loi améliore un point clé de notre économie en facilitant la reprise des entreprises par les salariés. Il est tellement dommage de voir disparaître chaque année, en France, 50 000 de nos entreprises, pourtant en bonne santé, faute de repreneurs !
On peut également se réjouir de la création des pôles territoriaux de coopération économique, qui associent des collectivités territoriales, des centres de recherche, des organismes de formation et des entreprises. La mutualisation des moyens ainsi rendue possible va contribuer à dynamiser le secteur.
Cette loi est un signe ; elle démontre qu’il existe un capitalisme responsable, tourné vers le bien-être social et environnemental de notre société, dense en emplois, résilient face aux crises économiques et vecteur d’une croissance positive et non destructrice, ce qui est devenu assez exceptionnel dans notre économie.
Il était temps de reconnaître ce secteur et de lui donner les moyens juridiques et financiers de son développement.
Il convient, au reste, de souligner l’apparition dans ce texte des notions de « monnaies locales complémentaires » et de « commerce équitable ».
Ce projet de loi, en somme, va nous permettre de nous rapprocher de nos objectifs de transformation de l’économie, qui doit se faire au profit de la relocalisation des productions de biens et de services, de la création culturelle, des services à la personne, des économies d’énergie, de l’agriculture et des systèmes de distribution de proximité. Tous ces secteurs ne demandent qu’à se développer, tout en recréant du lien social et une richesse partagée.
Comme aimait à le dire Benoît Hamon lorsqu’il était chargé de ces questions dans le précédent gouvernement, le présent texte aura aussi pour objectif de « polliniser » les autres secteurs de l’économie. De manière générale, prenons bien soin, mes chers collègues, des pollinisateurs en tout genre ! (Sourires.)
Une déception, toutefois : la mention des agences régionales de l’économie sociale et solidaire a été supprimée en commission mixte paritaire. Cette reconnaissance aurait ancré dans la loi un système permettant aux régions de contractualiser avec ces agences. Mais j’ai entendu vos explications sur ce point, monsieur le rapporteur.
Alors, bien sûr, nous aurions pu aller encore plus loin. Ce projet de loi est donc un point de départ. Il faudra veiller à sa mise en œuvre, naturellement, évaluer ses effets sur notre société et notre économie. Il faudra enfin, comme nous le faisons en permanence, y apporter les corrections rendues nécessaires par les évolutions de notre société.
Par conséquent, le groupe écologiste approuvera les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. Marc Daunis, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre.
M. Jackie Pierre. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en achevant l’examen du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, nous allons enfin en terminer avec ce marathon législatif !
Un an après que le texte a été présenté en conseil des ministres, et neuf mois après que le Sénat l’a examiné en première lecture, nous voici réunis pour discuter des conclusions de la commission mixte paritaire.
Par un drôle de hasard, en effet, la procédure accélérée n’a pas été engagée pour ce projet de loi… Pourtant, au regard des autres textes que le Gouvernement a soumis à notre examen, il était sans doute celui pour lequel le recours à la procédure d’urgence aurait été le plus pertinent.
J’en viens maintenant au fond. Nous n’étions pas hostiles par principe à une batterie de mesures visant à simplifier le cadre légal de l’économie sociale et solidaire, où évoluent indifféremment entreprises, mutuelles, coopératives, fondations ou associations.
En toute logique, le Gouvernement et la majorité ont identifié dans le secteur de l’économie sociale et solidaire un formidable vivier d’emplois. En effet, ce secteur représente environ 10 % du produit intérieur brut et emploie entre 2 et 2,5 millions de salariés, selon les nomenclatures retenues.
Jusque-là, nous étions d’accord. Malheureusement, au mépris de son « choc de simplification » et autre « pacte de responsabilité », le Gouvernement a redoublé de sophistication législative pour accoucher de dispositifs qui, dans le meilleur des cas, se singulariseront par leur lourdeur, et qui, le reste du temps, fragiliseront l’ensemble de nos entreprises.
Mais je suis peut-être trop dur avec le gouvernement actuel !
M. Jackie Pierre. Il est vrai que ce texte a été élaboré, et qu’une partie substantielle de ses dispositions ont été adoptées conformes, sous l’empire du gouvernement de Jean-Marc Ayrault.
En effet, Michel Bécot a eu l’occasion de le souligner en deuxième lecture, l’examen de ce texte prend une saveur toute particulière à l’aune du fameux virage économique de la gauche française et, à en croire les nombreux experts, de notre vie économique et politique. Ces experts ont salué le symbole représenté par le « choc de simplification » ou encore par le « pacte de responsabilité », notamment le plan de 50 milliards d’euros visant à relancer la compétitivité de nos entreprises.
Néanmoins, ces observateurs avisés de la vie politique française ont oublié que, derrière le décorum des conférences de presse, se cache une réalité législative tout autre.
À mille lieues de la prise de conscience sociale-libérale que nous offre à voir le Gouvernement, les textes que le Gouvernement et la majorité soumettent à notre examen, qu’il s’agisse du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dit ALUR, des projets de loi relatifs à la consommation ou à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, ne cessent de consacrer la fin de certaines exonérations, des cotisations sociales minimales, ou font, c’est le cas du dispositif prévu pour l’économie sociale et solidaire, ostensiblement l’impasse sur les entreprises.
À l’instar des textes que je viens d’énumérer, le présent projet de loi comporte bon nombre de dispositions qui ne se situent que dans le registre symbolique : elles visent à marquer l’opinion et à démontrer que le Gouvernement est animé par la bonne volonté. Malheureusement, mes chers collègues, les bons sentiments ne font pas toujours les bonnes lois !
Le meilleur exemple de ces dispositions d’affichage destinées à contenter l’opinion, mais dont l’application reste une énigme, est sans doute le nouveau droit d’information préalable, instauré par les articles 11 et 12, qui vise à permettre aux salariés de présenter une offre de rachat. Au motif de la lutte contre les abandons d’entreprise, intention par ailleurs parfaitement louable, on invente un ovni législatif, d’une complexité et d’une insécurité juridique sans nom, qui va faire peser une chape de plomb sur toutes les cessions d’entreprise !
Nous l’avons signalé en deuxième lecture, la rédaction adoptée en définitive est un peu plus sage que la version initiale, qui prévoyait que la cession d’une participation par son propriétaire ne pouvait intervenir « avant l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification qu’il fait à la société de son intention de vendre ». La version actuelle, adoptée par le Sénat en première lecture, dispose désormais : « Lorsque le propriétaire d’une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d’une société à responsabilité limitée ou d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions veut les céder, les salariés en sont informés. »
Encore une fois, l’intention est louable. Chacun a en tête les démantèlements de sites de production qui se sont faits au mépris des salariés ; chacun sait que tous ces emplois ont été irrémédiablement perdus. Pour autant, une chose est sûre, avec ce dispositif d’information préalable des salariés, qui vise à leur permettre de présenter une offre de rachat, le remède est pire que le mal !
Je m’explique, en ayant recours au même raisonnement que mes collègues Gérard César et Michel Bécot.
Le texte initial prévoyait que la cession ne pouvait avoir lieu dans un délai de deux mois après que le propriétaire avait notifié son intention de vendre.
Aujourd’hui, le dispositif ne fait plus état de ce délai incertain, et se limite à l’information des salariés lorsque le propriétaire a l’intention de vendre. Comme le disait Michel Bécot, nous sommes passés de l’« intention de vendre » à la « volonté de vendre ».
Aussi, et ce constat n’a pas échappé à ceux qui ont eu l’occasion d’étudier votre texte en profondeur, madame la secrétaire d’État, votre dispositif ne peut être sauvé par un surplus de précautions rédactionnelles, car il ne peut pas épouser une réalité économique avec précision.
Pour ces raisons, le groupe UMP s’est fermement opposé aux articles 11 et 12, qui mettront inéluctablement en difficulté les entreprises, en les exposant à des tentatives de déstabilisation, ce qui aura pour conséquence de les rendre moins attractives pour les repreneurs étrangers, lesquels, dans leur grande majorité, soutiennent les vrais projets industriels.
Bien sûr, je regrette qu’un vote conforme nous ait empêchés de poursuivre notre travail en deuxième lecture. Pour autant, si nous sommes, depuis la première lecture, dans l’incapacité de poursuivre l’examen de ces articles, pour cause de vote conforme, les dispositions en question sont suffisamment importantes pour que j’y consacre une partie substantielle de mon intervention.
Ces articles soulèvent des interrogations liées à leur constitutionnalité. Tout d’abord, un parallèle doit être établi entre leurs dispositions et la loi visant à reconquérir l’économie réelle du 29 mars 2014, qui comporte, en son article 1er, des mesures relatives à l’information du comité d’entreprise au cas où la fermeture d’un établissement serait envisagée. Dans sa décision 2014-369 DC du 27 mars 2014, le juge constitutionnel a posé une réserve d’interprétation très claire, qui laisse entrevoir que la rédaction actuelle des articles 11 et 12 de ce projet de loi est imprécise, voire défaillante.
Ensuite, un rapport distant apparaît clairement entre les dispositions relatives à l’obligation d’information préalable des salariés dans le cadre du rachat d’une entreprise et l’objectif d’intérêt général défini par la loi. Force est en effet d’admettre que l’annulation d’une vente à la demande d’un salarié pour non-respect d’une obligation légale d’information peut entraîner une situation de déstabilisation de l’entreprise préjudiciable à l’emploi.
Enfin, des atteintes portées à la liberté d’entreprendre et au principe de proportionnalité des sanctions sont à souligner, l’annulation d’une vente pouvant entraîner un préjudice grave pour l’entreprise et le maintien de son activité. Pour cette raison, ces mesures peuvent être assimilées à une punition disproportionnée.
Par courtoisie, je noterai tout de même quelques timides avancées concernant les articles 15 à 18 relatifs à la simplification du rachat des parts sociales au sein des SCOP, ainsi que les articles 19 et 20, qui permettront aux SCOP et aux SCIC – il s’agit de dispositions de bon sens – d’adopter le statut de société par actions simplifiée, ou SAS.
Nous souscrivons également à l’article 23 sur la promotion des mécanismes de solidarité financière entre coopératives.
Nous soutenons enfin les dispositions des articles 24, 24 bis et 25 sur les coopératives de commerçants, ainsi que l’article 26, qui doit permettre la constitution d’une coopérative sous forme de SARL à capital variable entre au moins quatre associés.
Malheureusement, la somme de ces dispositions ne nous fait pas oublier très longtemps le reste du texte, et notamment les articles 1er et 7 sur la détermination du champ de l’économie sociale et solidaire et les modalités d’obtention de l’agrément.
Comme pour l’information préalable des salariés, vous convertissez de bonnes intentions en un dispositif inintelligible, qui freinera le développement des entreprises. En effet, votre définition de l’économie sociale et solidaire aura pour conséquence directe l’exclusion des entreprises.
Pourtant, votre projet de loi portait une belle promesse, celle de créer un cadre légal et fiscal plus avantageux pour les entreprises de ce secteur, qui, si elles n’échappent pas aux contingences d’une activité à but lucratif, poursuivent également une finalité sociale indéniable.
Par ailleurs, l’économie sociale et solidaire, contrairement aux apparences, n’a pas été épargnée par la crise économique. En effet, si nous n’avons pas assisté à un recul de son activité, nous observons un tassement des heures rémunérées.
Pour ces raisons, nous attendions beaucoup des dispositions de ce texte. Malheureusement, force est de constater que nous en attendions peut-être trop.
Je ne m’attarderai pas sur l’architecture du projet de loi, dont nous contestons l’inutile sophistication. Par exemple, vous faites dépendre le bénéfice des dispositifs de soutien fiscal dits « ISF-PME » et « Madelin » ou les prêts de la BPI de l’obtention de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale », introduit par l’article 7, alors que cet agrément nécessite lui-même que l’on entre dans le champ de l’économie sociale et solidaire défini à l’article 1er.
Tout cela n’a rien de simple, surtout si l’on ajoute la reconnaissance de l’utilité sociale prévue à l’article 2, dont la valeur ajoutée confine au mystère…
Mais, au-delà de cette inintelligibilité, ces articles 1er et 7 auront pour fâcheuse conséquence d’exclure les entreprises, notamment les entreprises de services à la personne, du champ de l’économie sociale et solidaire et, si tel n’est pas le cas, de l’agrément. (M. le rapporteur s’exclame.)
Pourquoi cette sanctuarisation est-elle réservée aux seules associations, coopératives ou fondations ? Au risque de ne pas vous surprendre, je reprendrai encore à mon compte les démonstrations de mes collègues Gérard César et Michel Bécot.
Les sociétés commerciales souhaitant intégrer l’économie sociale et solidaire devront supporter le prélèvement d’une fraction au moins égale à 20 % des bénéfices de l’exercice, affecté à la constitution d’une réserve statutaire obligatoire, dite « fonds de développement », ainsi que le prélèvement d’une fraction au moins égale à 50 % des bénéfices, affecté au report bénéficiaire ainsi qu’aux réserves obligatoires. Elles se verront enfin interdire le rachat d’actions ou de parts sociales.
À tout cela s’ajoute l’impératif de poursuivre un « but autre que le seul partage des bénéfices ».
À titre de comparaison, les réserves légales d’une entreprise, seule réserve obligatoire par défaut, s’élèvent à 5 % du bénéfice de l’exercice, diminué de l’éventuel report à nouveau débiteur.
Comme mes collègues l’ont dit avant moi, votre définition de l’économie sociale et solidaire est à mille lieues non seulement de la définition de l’entrepreneuriat social présentée à la fin de 2011 à l’occasion de l’Initiative pour l’entrepreneuriat social prise par la Commission européenne, mais aussi de celle du Centre d’analyse stratégique, selon lequel « les entrepreneurs sociaux cherchent à conjuguer efficacité économique et finalité sociale ».
Pour clore mon analyse de ces articles 1er et 7, j’évoquerai d’un mot l’obtention de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ».
L’une des conditions pour l’obtention de cet agrément est que l’entreprise apporte la preuve que « la charge induite par son objectif d’utilité sociale a un impact significatif sur le compte de résultat ou la rentabilité financière de l’entreprise ». Quelle est donc la portée normative de cette disposition ?
Pour conclure, la cohabitation des articles 1er et 7 ne laisse que de minces espoirs aux entrepreneurs d’intégrer l’économie sociale et solidaire et de bénéficier d’aides fiscales particulièrement attendues.
Non seulement l’article 7 manque sa cible, mais il risque de surcroît de créer une distorsion de concurrence au détriment des sociétés commerciales évoluant dans le secteur des services à la personne, car celles-ci seront privées du soutien fiscal dont d’autres organisations, comme les associations ou organismes d’insertion, pourront bénéficier.
M. Marc Daunis, rapporteur. Il y a le CICE, tout de même !
M. Jackie Pierre. Voilà donc comment, en partant des meilleures intentions du monde, on met des barrières au développement d’un secteur qui se trouve être l’un de nos rares viviers d’emplois certains !
Pour conclure, le groupe UMP identifie donc deux erreurs majeures dans ce projet de loi : d’abord, cette sanctuarisation de l’économie sociale et solidaire ; ensuite, le dispositif d’information préalable des salariés dans le cadre d’une cession, qui créera une incertitude supplémentaire en cas de départ de l’actionnaire principal.
Pour ces raisons, et comme lors des lectures précédentes, le groupe UMP votera contre ce projet de loi. (M. Gérard César applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de débuter l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, je souhaitais remercier le rapporteur et le président de la commission des affaires économiques de leur travail sur ce texte, travail qui a commencé voilà près d’un an. En effet, alors que ce projet de loi a été examiné par le conseil des ministres du 24 juillet 2013, il achève son parcours législatif seulement aujourd’hui.
Soulignons-le, le Gouvernement n’a pas, pour une fois, engagé la procédure accélérée, ce qui est une bonne chose. Certes, une telle situation a pour conséquence d’allonger les débats, mais, surtout, elle permet de meilleurs échanges entre les deux chambres, ainsi qu’avec le Gouvernement, et ce jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire.
Je ne peux que vous encourager, madame la secrétaire d’État, à faire toute la publicité que mérite cette bonne pratique auprès de vos collègues du Gouvernement, qui sont souvent tentés de faire passer en force leur projet de loi, notamment au sein de la Haute Assemblée.
Revenons-en au fond du texte. Je me ferai ici la voix de mes collègues Henri Tandonnet et Valérie Létard, qui ont suivi plus particulièrement ce projet de loi.
L’économie sociale et solidaire ouvre de nombreuses perspectives s’agissant de notre économie en général, de la vitalité de nos territoires et des secteurs qui ne répondent pas aux règles classiques de l’économie de marché.
Notre groupe a toujours porté les politiques favorisant l’économie sociale et solidaire. Notre collègue député centriste Francis Vercamer a d’ailleurs posé une première pierre importante à l’édifice, avec le rapport qu’il avait remis en 2010 au Premier ministre de l’époque. Nous partageons totalement l’état des lieux qu’il avait dressé, ainsi que les orientations proposées.
Nous ne pouvons qu’être très favorables à la progression de l’économie sociale et solidaire, avec son insertion au sein des politiques publiques, mais aussi moyennant une visibilité meilleure qu’elle doit aujourd’hui gagner.
L’économie sociale et solidaire représente une formidable source d’emplois et de créations d’entreprises, que nous ne devons pas négliger, notamment ici, dans la chambre représentant les territoires. Nous devons prendre en compte le rôle de l’économie sociale et solidaire dans l’animation de ces territoires.
Certaines dispositions de ce texte vont dans ce sens et accompagnent une dynamique intéressante. Je pense, par exemple, à la création d’un statut de SCOP d’amorçage, permettant aux salariés d’être minoritaires dans le capital de l’entreprise pendant sept ans au maximum, le temps de réunir progressivement les fonds pour devenir majoritaires.
C’est dans cet esprit positif et bienveillant, madame la secrétaire d’État, que nous avons abordé l’examen de ce projet de loi tout au long de ses différentes lectures.
Nous avons essayé de proposer des modifications qui nous semblaient aller dans le bon sens. Sur quelques-unes de nos propositions, mais trop peu, nous avons été entendus, notamment s’agissant des CUMA.
Hier, au cours de la réunion de la commission mixte paritaire, l’article 44 quater sur la minorité associative a été supprimé. Nous nous en réjouissons, car elle ouvrait un champ de responsabilité beaucoup trop important pour des enfants encore mineurs.
De même, la suppression de l’article 40 AFA a été maintenue au profit d’une mesure contenue dans le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes. Je compte sur vous, madame la secrétaire d’État, pour qu’une telle situation perdure, afin que les organismes touchés ne soient pas pénalisés. Nous avons tous été saisis par les centres anti-cancéreux. Nous ne pouvons pas les pénaliser budgétairement par la question du versement transport.
J’en viens aux fameux articles 11 et 12, que nous n’avons pas examinés au-delà de la première lecture, car ils ont été rapidement adoptés conformes.
Avant tout, je dois dire qu’ils n’auraient pas dû figurer dans ce texte, qui n’en aurait ainsi pas moins été relatif à l’économie sociale et solidaire. Pour ma part, j’estime que les dispositions relatives à l’information des salariés en cas de cession d’entreprise ne relèvent pas du domaine de l’économie sociale et solidaire ; il s’agit de mesures d’organisation de l’économie générale.
Sur ces deux articles, nous avions formulé en première lecture des propositions mesurées visant non pas à annihiler les effets des dispositions proposées, mais bien à les adapter à la réalité des entreprises. Nous n’avons pas été entendus, ce que je regrette, car ces articles transforment ce texte d’espérance économique.
Concernant la transmission d’entreprises, nous ne sommes pas sectaires et faisons confiance aux salariés. Néanmoins, vous ne pouvez pas faire comme si les dirigeants des TPE et des PME n’avaient pas exprimé leur crainte. En effet, loin de les rassurer, cette obligation supplémentaire d’information préalable aux salariés peut contribuer à engendrer l’effet inverse de celui qui est recherché, en créant un climat anxiogène tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise.
Par ailleurs, très sensibles à la question de l’insertion par l’activité économique, nous sommes favorables à un Social Business Act, qui devrait être associé, selon nous, à un Small Business Act permettant à toutes les PME françaises de bénéficier de parts de marchés publics.
M. Marc Daunis, rapporteur. C’est vrai !
Mme Françoise Férat. Ces propositions restent d’actualité pour un prochain projet de loi…
En conclusion, et compte tenu des deux volets opposés du texte, le groupe UDI-UC s’abstiendra sur l’ensemble de ce projet de loi.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Encore un petit effort…
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire a suscité beaucoup d’espoirs lorsqu’il a été présenté à l’automne dernier au Sénat.
Nous y avons vu l’occasion de consacrer les principes fondateurs de la démocratie, de la solidarité et de la non-lucrativité, et avons fait des propositions afin de renforcer ce modèle économique alternatif, qui représente 200 000 structures et 2,4 millions de salariés.
Alors que nos citoyens sont de plus en plus exposés à la précarité, au chômage et au recul des services publics et qu’ils renoncent à des droits tout aussi fondamentaux que le droit à l’énergie, à la culture ou aux vacances, la dynamique sociale et économique de l’économie sociale et solidaire est un atout majeur pour notre pays.
Avec le présent projet de loi, le Gouvernement a choisi d’adopter une démarche inclusive et fait le pari de parvenir à convertir des acteurs de l’économie dite « traditionnelle » aux valeurs de cette économie sociale et solidaire.
De notre côté, nous avons discuté cette approche et fait le choix de l’encadrer autant que possible.
Au cours du travail parlementaire, nous avons proposé des amendements qui ont été adoptés, permettant d’apporter des garde-fous : gouvernance démocratique, renforcement des réserves statutaires, inclusion des primes dans le calcul de l’écart des rémunérations.
Nous avons voté des dispositions positives, comme le guide de bonne pratique, l’inscription de l’exemplarité sociale, la révision coopérative, la définition de la subvention, la reconnaissance des monnaies locales.
Nous avons aussi, il faut le dire, émis des réserves sur certaines mesures, notamment l’agrément de plein droit, dont nous avons demandé la suppression, mais sans succès.
Nous avons également voté contre certains articles qui nous semblaient entrer en contradiction avec les principes fondateurs de l’économie sociale et solidaire. Je pense ici aux certificats mutualistes, à la disparition des prérogatives des sociétaires pour fixer le montant et le taux des cotisations des mutuelles ou encore aux articles relatifs aux fondations et fonds de dotations qui, selon nous, n’auraient pas dû entrer dans ce texte.
Il aurait été en revanche nécessaire de renforcer les contre-pouvoirs des salariés et des sociétaires, notamment dans les banques coopératives, les très grandes mutuelles, les grandes coopératives agricoles et les grandes associations de santé.
En outre, les articles 11 et 12 sont très en deçà des annonces du Président de la République, car ils n’instaurent absolument pas un droit de rachat prioritaire au profit des salariés, dès lors que ceux-ci souhaitent reprendre leur entreprise sous forme de coopérative. Seul un devoir d’information est prévu, avec un délai très bref, et il ne sera sans doute pas de nature, dans des situations tendues, à garantir l’exercice de ce nouveau droit par les salariés.
Toutefois, face aux velléités affichées par une certaine partie du patronat et par la droite dès qu’il s’agit de reconnaître de tels droits – je pense ici au recours devant le Conseil constitutionnel, qui a eu pour conséquence de vider encore davantage de ses exigences la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite « loi Florange » –, nous avons pris la responsabilité de soutenir, malgré ses faiblesses, le texte du Gouvernement.
Au regard de toutes ces remarques, les sénateurs du groupe CRC voteront ce projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.
Cependant, si le Gouvernement souhaite réellement encourager un modèle économique plus juste, respectueux de la démocratie sociale, il doit également changer de cap dans la politique qu’il met en œuvre, plus généralement, dans le pays. Il est effectivement illusoire et irresponsable de croire à l’efficacité de l’austérité budgétaire, des exonérations de cotisations fiscales et des cadeaux fiscaux comme outils de relance de l’économie et de l’emploi.
Soyons clairs : dans le contexte économique actuel, le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire ne garantit en aucune manière la localisation des emplois et de l’activité économique, pas plus que la protection de tout ce qui permet à l’entreprise de vivre, notamment s’agissant des titres de propriété intellectuelle, des brevets et des marques.
Ayons à l’esprit l’affaire de la société Smart Equipment Technology, la SET. Cette entreprise a finalement été reprise sous la forme d’une SCOP, alors même que le tribunal de commerce d’Annecy avait statué en faveur d’une autre offre de reprise, émise par un groupe américano-singapourien. La cour d’appel a donné la priorité au repreneur qui assurait «, à terme, le maintien du savoir-faire et des emplois sur le territoire national ». C’est à ce résultat qu’il aurait fallu aboutir dans la loi, pour permettre réellement l’ancrage territorial des activités économiques et, surtout, éviter que les savoir-faire et l’innovation ne soient pillés.
C’est pourquoi nous appelons de nos vœux l’organisation en urgence d’une veille, afin que plus une entreprise saine ne ferme faute de repreneur et que les salariés soient associés et aidés dans la reprise de leur outil de travail. Il s’agit là d’une question d’intérêt national, d’une mesure en faveur de tous.
En outre, l’utilisation de l’argent déposé dans les agences des banques locales pour des projets de développement utiles au territoire local devrait être l’une des préoccupations centrales du Gouvernement, la frilosité actuelle des banques ne contribuant pas à la relance de multiples projets porteurs d’emplois. Nous demandons également une remise à plat du code des marchés publics, afin d’inclure plus fortement les clauses sociales et environnementales dans les procédures d’appels d’offres.
Madame la secrétaire d’État, l’économie sociale et solidaire est née en réaction aux violences sociales. Elle s’est nourrie des expériences citoyennes solidaires et innovantes. Soyons vigilants et évitons qu’elle ne soit dévoyée et noyée dans une forme d’organisation économique qu’elle dénonce. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)