M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. M. le secrétaire d’État est revenu sur la question des emplois à temps partiel en nous disant que nous allions disposer d’un outil grâce à la loi relative à la sécurisation de l’emploi.
Cette loi impose une norme pour le temps partiel, à savoir un minimum hebdomadaire de vingt-quatre heures de travail. Or la loi permet des négociations de branche et elle n’est pas appliquée. Pourquoi ? Parce que ces négociations, à notre connaissance, n’aboutissent pas.
Prenons l’exemple du secteur de l’aide à domicile des personnes âgées ou handicapées, où la précarité des salariés est très grande et où la féminisation est très importante, puisque les femmes représentent 98 % des employés. Dans ce secteur, le revenu moyen des salariés qui travaillent pour le compte d’associations ou d’entreprises s’élève à 830 euros mensuels. Or, de ce que nous savons des négociations de branche, cette situation ne semble pas devoir évoluer : aujourd’hui, la proposition des associations d’employeurs consisterait à fixer la durée minimale hebdomadaire du travail à seize heures.
Nous pensons donc que la loi relative à la sécurisation de l’emploi n’offre pas l’outil adéquat pour évoluer vers les vingt-quatre heures, qui resteraient loin d’un temps complet de trente-cinq heures, mais qui représenteraient néanmoins un progrès pour ces professions très précarisées.
Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas répondu à la question que nous avions posée. Vous refusez de faire des exonérations de cotisations sociales sous conditions un outil pour inciter, voire obliger, les employeurs à transformer les emplois à temps partiel en emplois à temps complet. Reprenant la question posée par M. Desessard, je vous demande, à mon tour, quelle est la solution que vous proposez. Malheureusement, elle ne se trouve pas dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je n’ai pas voté l’amendement sur le temps partiel dans la mesure où celui-ci est en partie choisi. Dès lors que l’amendement ne distinguait pas le temps partiel choisi du temps partiel subi, son adoption aurait pu pénaliser des salariés désirant effectivement travailler à temps partiel. Je souscris néanmoins à l’idée que le temps partiel est, pour l’essentiel, subi.
Mais je voudrais formuler une réflexion plus stratégique au sujet de la multiplication des CDD. À cet égard, je n’ai pas de position dogmatique : l’essentiel est que le nombre des CDD diminue et que celui des CDI augmente. Je veux bien croire que la stricte application du code du travail suffise pour y parvenir, mais il faudrait d’abord que tout le monde l’applique, ce qui suppose que l’on se donne les moyens d’effectuer des contrôles. De toute façon, nous savons pertinemment que ce n’est pas le bon outil.
Des débats sur les outils nécessaires, il y en a bien eu. Dans les soixante engagements de François Hollande, il est écrit noir sur blanc qu’il faut renchérir le coût des CDD pour favoriser le passage aux CDI. J’ai suivi de près tous les débats qui ont porté sur ces sujets. La modulation des cotisations sociales figurait parmi les pistes envisagées. Elle n’est pas retenue aujourd’hui, mais je maintiens que nous ne disposons pas, aujourd’hui, de véritables outils qui permettent d’inciter les employeurs à proposer des CDI.
Diverses idées ont été avancées. Ainsi, lors de la discussion de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, par exemple, on a envisagé celle de quotas d’heures de CDD par entreprise, négociés au niveau de la branche professionnelle. On nous a expliqué que ce système serait trop rigide ! En tout cas, il est tout de même plus facile de moduler les cotisations sociales que de vérifier le respect de quotas ! Surtout, comme on va supprimer des seuils, la moitié des protections apportées par l’ANI deviendront caduques puisqu’elles étaient liées à des négociations engagées à partir d’un seuil.
Je pense donc que la proposition de moduler les cotisations sociales en fonction du caractère déterminé ou non de la durée du contrat de travail est raisonnable, simple et efficace pour inciter les entreprises à transformer les CDD en CDI. En effet, si le CDD est structurellement indispensable, c’est aussi parce qu’il est plus profitable que le CDI : il n’est donc pas illégitime qu’il fasse l’objet d’un traitement différencié. J’ajoute que les salaires versés dans le cadre des CDD ne sont pas significativement supérieurs à ceux perçus par les salariés en CDI.
Le débat est ouvert, mais je reste convaincue que la modulation des cotisations sociales reste la bonne méthode.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall.
L’amendement n° 11 est présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Robert, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 23
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
« 1° Aux salariés percevant une rémunération au titre des temps de pause, d’habillage et de déshabillage ne constituant pas du temps de travail, versée en application d’une convention ou d’un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007 ;
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.
M. Gilbert Barbier. La commission des affaires sociales a consacré beaucoup de temps à cet amendement lors de sa réunion de ce matin.
Dans certains secteurs d’activité, une partie de la rémunération des salariés est affectée à des temps de pause, d’habillage et de déshabillage. Je rappelle que les tribunaux ont jugé que le temps de pause ne devait pas être considéré comme un temps de travail. Néanmoins, pour ne pas léser les entreprises tenues de rémunérer ces temps d’inactivité, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a introduit la possibilité de neutraliser, dans le calcul des exonérations, cette partie de la rémunération versée en application d’une convention ou d’un accord collectif étendu en vigueur au 1er octobre 2007. Ces temps de pause n’entrent donc pas dans l’assiette de calcul de la réduction générale des cotisations.
En première lecture, l’Assemblée nationale a adopté un amendement supprimant cette disposition, qui était maintenue dans le texte initial du Gouvernement. Cette suppression risque de priver les entreprises concernées d’une grande partie des effets du pacte de solidarité, dont l’ambition est pourtant de réduire les charges patronales pour les salaires les moins élevés.
Cette suppression va également alourdir la fiscalité de petites entreprises, dans le secteur de la sécurité notamment, qui bénéficiaient jusque-là d’allégements fiscaux pour les temps de pause, d’habillage et de déshabillage.
Nous avons longuement discuté pour savoir quelles étaient les entreprises concernées par cette mesure.
L’amendement n° 5 rectifié vise donc à reprendre le texte initial du projet de loi pour rétablir les allégements de charges dont bénéficiaient les entreprises sur ces temps de pause et éviter d’alourdir la pression fiscale qu’elles subissent.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l’amendement n° 11.
M. Jean-Noël Cardoux. Nous proposons également de rétablir cette disposition supprimée par l’Assemblée nationale.
Je tiens à rappeler que c’est lors de la discussion de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la loi TEPA, en 2008, qu’avait été introduite la possibilité de neutraliser, dans le calcul des exonérations, la rémunération des temps de pause, d’habillage et de déshabillage. Il s’agissait d’éviter de créer un déséquilibre au détriment des entreprises qui devaient rémunérer ces temps en application d’une convention collective ou d’un accord de branche étendu.
Voilà qu’on tente de revenir sur ces exonérations qui datent de plusieurs années. À l’Assemblée nationale, l’auteur de l’amendement de suppression a motivé sa démarche en expliquant que le manque à gagner pour les entreprises serait compensé par les mesures prises par le Gouvernement en faveur de l’abaissement du coût du travail.
J’aurais tendance à dire : heureusement qu’il n’existe pas d’autre exonération dans ce sens ! Sinon, les députés s’ingénieraient à reprendre d’une main ce que le Gouvernement aurait donné de l’autre, sous prétexte de compensation. Avouez que la démarche est particulière !
De plus, si j’en crois les propos tenus ce matin, en commission, par M. le rapporteur général, la volonté de la majorité et du Gouvernement est d’établir un climat de confiance avec les entreprises, ce qui justifierait que l’on annonce dès maintenant des mesures qui ne s’appliqueraient qu’en 2015. Or, à peine ces mesures sont-elles annoncées que les parlementaires les remettent en cause ! Dans de pareilles conditions, je ne vois vraiment pas comment les entreprises pourraient éprouver cette confiance que s’efforce de leur inspirer le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements ont pour objet la neutralisation des temps de pause d’habillage et de déshabillage dans la rémunération prise en compte pour le calcul des seuils d’allégement jusqu’à 1,6 SMIC.
Ces amendements rétablissent un alinéa supprimé par l’Assemblée nationale sur proposition du rapporteur de la commission des affaires sociales, avec l’avis favorable du Gouvernement, alinéa qui avait pour effet de neutraliser les temps de pause, d’habillage et de déshabillage dans le calcul de la rémunération prise en compte pour déterminer le seuil des allégements. Il avait pour effet de rendre éligible aux allégements des salariés dont la rémunération était de ce fait, supérieure à 1,6 SMIC, et concernait les entreprises signataires d’une convention ou d’un accord collectif étendu en vigueur au 1er octobre 2007.
Nous avons été alertés par des entreprises de secteurs divers, notamment du secteur de l’automobile, qui indiquent que cette disposition a pour effet de neutraliser le gain induit par les nouveaux allégements ; je vais y revenir.
Lors de sa réunion de ce matin, la commission des affaires sociales ne s’est pas prononcée et a souhaité demander au Gouvernement des précisions sur ce sujet.
Depuis, d’autres informations nous ont été communiquées et je souhaiterais m’en faire l’écho.
Il s’agit en réalité d’une niche sociale d’un montant de 170 millions d’euros, selon les évaluations de l’ACOSS, dont 140 millions d’euros pour le commerce de détail et la grande distribution. Sont également concernées les entreprises de sécurité et, de manière marginale, des entreprises d’autres secteurs. Cette niche concerne donc quasi exclusivement la grande distribution, et non l’industrie, contrairement à ce qui est parfois indiqué.
En effet, même si les temps de pause existent dans d’autres secteurs, ils n’entrent pas dans le cadre de la niche définie par la loi. La répartition par secteurs met en évidence que 64 % des salariés concernés sont employés dans le commerce de détail ou de gros à prédominance alimentaire et 14 % dans le secteur de la sécurité et de la prévention, soit un total de 78 %.
Je voudrais également souligner que le montant de cette niche est marginal par rapport à l’importance des mesures prévues par le pacte de responsabilité pour le secteur de la grande distribution. Sa suppression est très loin de neutraliser l’effet de ces mesures puisque celles-ci représentent plus de 1,5 milliard d’euros, en tenant compte du CICE, portant le total des allégements dont bénéficie le secteur à 2,8 milliards d’euros.
Il est vrai que nous avons pu être perturbés par un courrier émanant d’un grand groupe automobile français. Nous sommes en contact avec ce groupe et il n’est pas du tout sûr que les effets néfastes qu’il a signalés puissent résulter de l’application du texte dont il est question aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quelqu’un a parlé tout à l’heure de simplification. Or il s’agit aussi, en l’espèce, d’une mesure de simplification puisque la suppression de l’alinéa 23 revient à supprimer une niche.
M. le rapporteur général a fort bien expliqué quelles entreprises utilisaient principalement cette niche. À notre connaissance, l’industrie n’en bénéficie pas. Il se peut cependant que, dans la pratique, au gré de la doctrine, des accords locaux aient permis à des entreprises industrielles d’utiliser cette niche. Nous avons pris ce matin les contacts nécessaires pour essayer de vérifier ce point, qui reste d’ailleurs mineur – même s’il n’est pas négligeable – par rapport à l’ensemble des effets de cette suppression, qui a effectivement été suggérée par un député et adoptée par l’Assemblée nationale avec l’approbation du Gouvernement
Je suggère donc au Sénat de repousser les amendements qui tendent à rétablir cet alinéa. Si l’existence d’un problème ponctuel se confirmait, il serait toujours possible de le traiter dans le cadre de très prochains travaux parlementaires.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Aujourd’hui, s’il est une chose dont les entreprises et les entrepreneurs ont besoin, c’est bien de confiance ; vous nous l’avez d’ailleurs dit, monsieur le secrétaire d’État. Pour établir cette confiance, il faut effectivement de la simplification, mais il faut aussi de la stabilité. Or, en l’occurrence, on est en train de bouleverser les règles du jeu ! D’un seul coup, au détour d’un amendement, on dit aux entreprises qu’elles n’ont plus le droit de procéder comme elles le faisaient auparavant !
Ce qui m’inquiète beaucoup plus, c’est l’absence d’étude d’impact préalable au dépôt de tels amendements.
Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, venez de dire à peu de chose près : « Il semblerait que les entreprises industrielles ne bénéficient pas de cette niche… » Comment peut-on, dans cet hémicycle, parler ainsi au conditionnel ? Il ne devrait pas y avoir ici de « On pense que… Il semblerait que… Il se pourrait que… »
D’après ce que nous disent certains entrepreneurs, la suppression de cet alinéa coûterait – voilà que j’emploie à mon tour le conditionnel ! – 8 millions d’euros à une certaine société dont je ne vais pas citer le nom. Et puis on nous explique que, finalement, ce n’est peut-être pas tout à fait cela !
Mais comment peut-on prendre, au détour d’un amendement, une position qui pourrait éventuellement – car on n’en est pas très sûr – coûter à une société 8 millions d’euros ?
Je considère que de tels amendements doivent être précédés, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’ici, d’une étude d’impact permettant d’apprécier si la mesure proposée pénalise ou non les entreprises. Je ne me satisfais absolument pas du mode conditionnel quand il est question d’une telle mesure.
C’est la raison pour laquelle je voterai l’amendement visant à revenir à la situation antérieure. Ensuite, on pourra faire une étude d’impact afin de savoir s’il y a effectivement lieu de supprimer cette possibilité de neutralisation de la rémunération des temps d’habillage pour le calcul des exonérations.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, je suis trop respectueux du droit d’amendement pour exiger que l’ensemble des amendements d’origine parlementaire fassent l’objet d’une étude d’impact de grande qualité !
Figurez-vous, madame Debré, que cette disposition, qui existe depuis 2008, a été introduite par un amendement déposé au Parlement par un député, M. Dominique Tian, lequel n’avait pas, pour autant que je sache, produit d’étude d’impact lorsqu’il a fait adopter son amendement !
Par ailleurs, vous invoquez la nécessité de la stabilité. Mais il ne vous a pas échappé que les dispositions qui vous sont soumises bouleversent considérablement les contributions des employeurs puisqu’elles les réduisent de quelque 4,5 milliards d’euros !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est trop ! (Sourires.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Là, l’instabilité ne vous heurte pas, madame Debré ! Là, il ne vous paraît pas du tout surprenant que l’on fasse très sensiblement bouger le curseur !
Et que dire des 2,5 milliards d’euros d’allégements pour les salariés ? N’est-ce pas de l’instabilité ?
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas tout à fait la même chose !
Mme Isabelle Debré. Quelle mauvaise foi !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Convenez que cet argument relatif à la stabilité ne tient pas !
S’agissant des secteurs concernés par cette niche, le rapporteur général a exploité les documents qui lui ont été communiqués par le ministère des finances. Il a mentionné les principaux secteurs utilisateurs, à savoir le commerce de détail, à hauteur de 64 %, ainsi que le secteur de la sécurité et de la prévention, à hauteur de 14 %. Il y en a en tout une quinzaine, jusqu’à l’hôtellerie de plein air et au thermalisme, qui occupent une place assez marginale dans ce classement. Ces documents font également apparaître le nombre d’entreprises concernées, etc. On ne peut donc pas dire qu’on ignore tout de l’impact !
Bref, lors de la discussion de ce projet de loi à l’Assemblée nationale, un amendement a été déposé, qui visait à supprimer une disposition votée en 2008. Après avoir étudié la question, le Gouvernement a émis un avis favorable et l’Assemblée nationale a adopté cet amendement.
Nous apprenons qu’une entreprise rencontrerait de ce fait de grosses difficultés. Or, d’après notre analyse, cette entreprise n’a pas droit à bénéficier du dispositif en cause.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’était un passe-droit !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Une doctrine ou une pratique aurait-elle conduit quelque administration à accepter cette application ? Cela mérite qu’on y regarde de plus près. J’ai dit tout à l’heure l’intention du Gouvernement de traiter ce problème, s’il se pose, dans les délais les plus brefs, de façon à tenir son engagement de mener une politique qui soutient l’industrie.
Mais, entre le « coût » de cette suppression, laquelle vise – disons-le très clairement ! – à faire porter essentiellement sur la grande distribution une mesure de simplification, et un avantage que beaucoup pointent du doigt et qui leur est apporté par le CICE, on est très loin d’une quelconque compensation !
Mme Isabelle Debré. C’est un autre débat !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le rapport est en effet de un à dix, ou même plutôt de un à quinze.
Madame Debré, j’ai entendu des parlementaires de votre sensibilité politique – ceux qui, de temps en temps, mettent un bonnet rouge ! – me parler une quinzaine de fois de la grande distribution, qui bénéficierait de façon excessive, injustifiée, du CICE.
Ce n’était pas le but, mais il se trouve qu’il y a là une niche qui concerne principalement la grande distribution. Eh bien, sa suppression corrige quelque peu, mais dans une proportion très modeste, l’effet du CICE, que beaucoup jugent excessif, y compris parfois au-delà des rangs de votre sensibilité politique. Cela me semble plutôt de bon aloi.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. De très nombreux postes de travail impliquent l’obligation pour le salarié de porter un uniforme ou une tenue de sécurité. Les règles en la matière sont fixées par la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, relative à la réduction négociée du temps de travail, et figurent à l’article L. 3121-3 du code du travail.
Il en résulte que le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage fait l’objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail à la demande de l’employeur.
Ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives de branche, d’entreprise ou d’établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d’habillage et de déshabillage à du temps de travail effectif.
Or on sait que de nombreux employeurs exigent des salariés qu’ils viennent en portant leur tenue, ce qui rend inutile le temps d’habillage et de déshabillage et supprime donc et la rémunération et l’exonération. Il n’en demeure pas moins que cela reste une contrainte à la charge du salarié.
En outre, ces amendements prévoient une extension du champ des exonérations de cotisations sociales que nous dénonçons depuis le début du débat. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À titre personnel, au vu des éléments portés à notre connaissance depuis ce matin, je voterai contre ces amendements identiques.
L’argumentaire que j’ai à ma disposition a été distribué ce matin à tous les membres de la commission et j’en reprendrai une partie en insistant sur ce qu’a souligné M. le secrétaire d’État : le système qui est ici en cause constituait bien un système dérogatoire. Aucun principe de calcul des exonérations ne permet d’’exclure des sommes au prétexte que leur versement est obligatoire ou qu’elles ne sont pas prises en compte pour la comparaison avec le SMIC. Au contraire, tous les éléments de rémunération, même ceux qui ne représentent pas une rémunération effective d’un temps de travail – primes d’ancienneté, majorations pour travail de nuit, du dimanche ou des jours fériés, primes de froid, primes de travaux pénibles – sont intégrés dans le calcul des allégements généraux.
Depuis l’annualisation des allégements généraux en 2011, le calcul tient même compte des primes annuelles et de treizième mois, même si elles ne sont pas prises en compte pour l’appréciation du SMIC, sauf le mois lors duquel elles sont versées, et ne correspondent pas à du travail effectif, tout comme la rémunération des temps de pause.
Cette neutralisation n’a donc aucun rapport avec le fait, pour un salarié, de bénéficier de temps de pause rémunérés. D’autres salariés, qui bénéficient aussi de temps de pause de même ampleur, mais qui travaillent pour des entreprises dans lesquelles les conventions ne les identifient pas comme des temps de pause susceptibles de rémunération, n’ont pas droit à cet avantage.
Cet éclairage montre la pertinence de l’amendement voté à l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le rapporteur, je pense que la note que vous venez de nous lire – dont vous n’avez pas mentionné les auteurs – émane de Bercy.
M. Gilbert Barbier. Il serait donc difficile d’y relever des contradictions avec les propos de M. le secrétaire d’État ! (Nouveaux sourires.)
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous affirmer que cette mesure ne va pas à l’encontre des intérêts de certaines entreprises de l’industrie, notamment de la métallurgie ? Pourquoi certains grands groupes s’insurgeraient-ils contre cette mesure prise à l’Assemblée nationale si elle ne les concernait pas ?
Nous sommes d’accord avec vous sur les avantages qu’en tirent peut-être les grandes surfaces, mais vous oubliez un certain nombre d’entreprises de l’agroalimentaire, notamment, qui bénéficient actuellement de cette possibilité. Ce sont souvent de petites entreprises, des abattoirs, par exemple, des entreprises dans lesquelles les conditions de travail ne sont pas très faciles et où les salaires ne sont pas très élevés. Nous aimerions avoir des informations plus précises concernant les entreprises de production qui bénéficient de cette exonération.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié et 11.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 228 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 159 |
Le Sénat a adopté.