M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Voilà qui va aider la France !
M. Vincent Delahaye. … adoptez des mesures destinées à mieux maîtriser l’aide médicale d’État, et vous économiserez facilement 200 millions d’euros ; rétablissez le jour de carence dans la fonction publique, et vous réaliserez 300 millions d’euros d’économies.
Au total, ces trois mesures de bon sens permettraient de réaliser 1 milliard d’euros d’économies.
Au-delà des chiffres, ce que révèle la modification du budget de 2014 que vous nous proposez, c’est que vous n’assumez pas vos choix. Le Président de la République et le Premier ministre répètent à l’envi dans leurs discours que nous avons besoin aujourd’hui de privilégier ce que l’on appelle une « politique de l’offre », c'est-à-dire une politique favorable aux entreprises. Et, en effet, ce sont les entreprises qui créent de l’emploi, ce sont les entreprises qui sont capables d’investir, ce sont elles qui créent de la richesse.
À cette fin, il faut alléger le fardeau qui les accable et leur permettre de retrouver des marges bénéficiaires normales. Réduire les charges qui pèsent sur elles revient non pas à leur faire pas des cadeaux, contrairement à ce que disent certains, mais à les encourager à créer des emplois qui, demain, feront reculer le chômage.
Malheureusement, même si la politique de l’offre est bien présente dans les discours du Gouvernement, la réalité des chiffres et du budget est tout autre : on continue à favoriser d’abord et avant tout la politique de la demande – le pouvoir d’achat – en repoussant à plus tard les mesures concernant les entreprises. Vous risquez de vous en mordre les doigts, monsieur le secrétaire d’État, car, en agissant ainsi, vous allez manquer tous les objectifs louables que vous vous êtes fixés et sur lesquels vous avez pris des engagements devant les Français.
En conclusion, plus de deux ans après votre arrivée aux responsabilités, nous constatons l’échec de vos choix et de votre politique.
En son temps, M. Cahuzac nous avait vanté les mérites d’une augmentation de la fiscalité, puis – et seulement ensuite – d’un travail de réduction des dépenses publiques. Aujourd’hui, notre croissance est en berne, tandis que nos principaux partenaires, Grande-Bretagne et Allemagne, affichent d’insolents taux de croissance.
Les impôts ne rentrent plus, les déficits se creusent et le Gouvernement donne le sentiment de ne plus savoir où donner de la tête pour baisser des impôts qu’il avait augmentés un an plus tôt ou pour proposer des réductions de dépenses à la petite semaine, sans qu’on comprenne jamais l’orientation stratégique et tout en restant dans la technique des fausses petites économies, au détriment des véritables réformes de structure tant attendues.
Monsieur le secrétaire d’État, il est grand temps de mettre vos actes en conformité avec les objectifs que vous affichez. Selon Aristote, la meilleure façon de promouvoir l’économie est de se concentrer sur le long terme. Il est donc urgent de mettre en œuvre une vraie politique de long terme. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’occasion de la présentation de ce projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement a finalement choisi de ne pas modifier son hypothèse macroéconomique de croissance de 1 % en 2014, à rebours de l’INSEE et du FMI – ce dernier a fait connaître sa prévision tout récemment, à la fin de la semaine dernière – qui tablent tous deux sur une croissance de 0,7 %.
De surcroît, s’il est vrai que François Marc a jugé dans son rapport que la prévision du Gouvernement demeurait « crédible », il reconnaît que cette crédibilité repose sur au moins trois facteurs exogènes : une bonne reprise mondiale, une meilleure reprise européenne et une incidence positive des mesures annoncées par la Banque centrale européenne au mois de juin, mesures qui ne se concrétiseront vraiment qu’à partir de l’automne prochain. Il relève aussi que le Gouvernement fait l’hypothèse d’une inflation de l’ordre de 1 à 2 %, alors que, nous le savons, le trend est de 0,5 %.
Pour autant, même si le caractère largement exogène de ces facteurs montre effectivement que l’hypothèse de croissance sur laquelle est bâti le budget de 2014 est fragile, nous ne devons pas oublier l’enjeu du présent projet de loi de finances rectificative : le retour de la confiance. Cette notion, bien qu’elle soit non pas quantitative, mais subjective, revêt une grande importance. Je crois en effet que la finalité véritable du présent projet de loi est de faire en sorte que les agents économiques, ménages comme entreprises, retrouvent le chemin de la confiance, laquelle est bien le carburant de la croissance.
En matière de trajectoire des finances publiques, le retour de la confiance repose aussi sur la capacité de la France à respecter ses engagements européens, et force est de constater que le texte qui nous vient de l’Assemblée nationale modifie la règle du jeu en cours d’exercice budgétaire. Fort heureusement, la commission des finances a suivi à l’unanimité la proposition de M. le rapporteur général de rétablir les prévisions du Gouvernement s’agissant du fameux solde structurel.
Certes, la définition de ce solde structurel constitue la référence cardinale du cadre budgétaire européen admise par les États membres, mais il n’en est pas moins vrai aussi qu’il s’agit d’une pure convention, et le président de la commission des finances, notre cher collègue Philippe Marini, a raison de la qualifier de construction intellectuelle. Bien sûr, en France, on aime les idées abstraites, nous savons bien les manier, et je crois qu’il faut accepter comme telle cette abstraction du solde structurel.
Mais, ce faisant, les députés ont confondu le thermomètre avec la maladie et se sont voilé la face en refusant de prendre acte d’un diagnostic sur nos finances publiques aussi incontestable que sévère.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. En effet, il ressort de ce diagnostic que les déficits accumulés alimentent la dette, dont le niveau élevé pèse sur la croissance. Honnêtement, peut-on continuer comme cela ? Non, bien sûr, et il s’agit de poursuivre avec constance et cohérence les choix politiques engagés en 2012 : appuyer sur la pompe à oxygène pour les entreprises en mettant à contribution, il est vrai, la nation via l’impôt – et le patronat doit y être sensible à l’heure de la conférence sociale – et les lois de finances successives – je pense à des mesures comme le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, à la baisse progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, ou encore à la réduction programmée de l’impôt sur les sociétés à partir de 2017.
Cette politique de l’offre doit bien sûr s’accompagner de mesures de soutien à la croissance, encore trop modeste, et doit faire en sorte que l’effort fiscal repose moins sur les contribuables situés dans les tranches inférieures de l’impôt sur le revenu, afin que l’objectif d’effort dans la justice soit atteint.
Quant aux économies de 50 milliards d’euros, elles sont réparties, on le sait, entre l’État, qui a déjà beaucoup donné, les collectivités locales, à partir de 2015, et les administrations de sécurité sociale.
À ce sujet, je voudrais rappeler à l’opposition d’aujourd’hui, qui était la majorité d’hier, que la prévision d’orientation de nos finances publiques transmise à la Commission européenne par le précédent gouvernement faisait reposer l’effort à 80 % sur les dépenses et à 20 % sur les recettes, il est vrai après une augmentation massive d’impôts, alors que le candidat François Hollande avait pris l’engagement de répartir l’effort à égalité sur les dépenses et les recettes, engagement tenu par le gouvernement actuel.
M. Francis Delattre. Ah, nous y sommes !
Mme Nicole Bricq. Je remarque également que l’un des candidats potentiels à la présidence de la République appartenant à l’UMP,…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il y en a beaucoup !
Mme Nicole Bricq. … l’ancien Premier ministre François Fillon, annonce, lui, 100 milliards d’euros d’économies ; l’ancien président de l’UMP, Jean-François Copé, allait même encore plus loin, jusqu’à 130 milliards d’euros ! Alors, chers collègues de la droite, lorsque vous serez comme nous en campagne pour les élections sénatoriales, pensez-vous vraiment faire croire aux élus que les collectivités locales ne seraient pas touchées par les mesures d’économies que vous prendriez si vous reveniez au pouvoir ?
M. Francis Delattre. Les grands électeurs sont lucides !
Mme Nicole Bricq. J’attends de voir comment vous allez procéder.
Pour en revenir à la fiscalité, le CICE a pour objet de redonner des marges d’action aux entreprises. Plutôt que de se crisper sur une codification, au demeurant impossible, des contreparties, il faut faire en sorte – c’est tout l’enjeu du dialogue social dans notre pays – que les salariés aient la possibilité de demander des comptes aux dirigeants qui bénéficient déjà de cette mesure et qu’un contrôle consolidé soit exercé sur ces entreprises grâce à l’observatoire qui sera mis en place : il s’agit de savoir si les entreprises vont embaucher, investir en capital humain, par exemple dans la formation, ou dans l’innovation matérielle et immatérielle.
Ce sont des attitudes concrètes qui comptent, non des postures, et ce dialogue social doit vivre au plus près de la réalité, que ce soit l’entreprise ou la branche professionnelle. Le patronat ne peut se dédouaner de ses responsabilités : on ne peut pas prendre sans s’engager.
Telle est la meilleure voie pour ramener la confiance, afin d’engager un cycle de croissance capable d’endiguer le chômage, véritable cancer de la société.
Par ailleurs, l’impôt sur les sociétés, on le constate depuis quelques années, suscite des réactions presque aussi vives dans le débat public que l’impôt sur le revenu. On connaît son défaut : des taux élevés combinés à une assiette réduite, comme on connaît le défaut de l’impôt sur le revenu, qui frappe finalement très peu de contribuables, d’ailleurs souvent excédés de la lourdeur de leur contribution.
Rappelons quand même qu’un engagement de force majeure a été tenu par la majorité actuelle, à savoir la réintroduction d’une certaine progressivité dans l’impôt sur le revenu. Nul ne peut le contester.
S’agissant de l’impôt sur les sociétés, je l’ai déjà indiqué, je regrette, tout comme mon collègue du RDSE, que la baisse du taux facial soit reportée à 2017. Je constate aussi un certain flou gouvernemental, monsieur le secrétaire d’État : à combien s’établira ce taux ? Sera-ce 32 %, sera-ce 28 % ? Le taux actuel est dissuasif, alors que, dans le même temps, nos partenaires de la zone euro – ils sont également, il ne faut pas l’oublier, nos concurrents en matière d’attractivité du territoire et de compétitivité dans la bataille économique internationale –, en particulier l’Espagne et l’Italie, les réduisent de manière très significative.
Le projet de directive sur l’assiette commune de l’impôt sur les sociétés en est d’autant plus urgent. Il doit vraiment figurer en tête de l’agenda des institutions européennes. Il est urgent de prendre conscience à l’échelle européenne la plus pertinente qu’une union fiscale doit être réalisée. Les États-Unis ont compris depuis longtemps que la fiscalité comme le droit devaient être au service de leurs entreprises et, à cet égard, dans le combat économique mondial, la loi FATCA leur assure un reporting mondial des entreprises où leurs intérêts sont en jeu.
L’action doit se situer à ce niveau, et elle est plus productive que la lamentation.
Je voudrais également évoquer un sujet important, même s’il n’est pas essentiel, qui a agité l’Assemblée nationale et a suscité des réflexions au sein de la commission des finances, je veux parler des augmentations de la taxe de séjour votées par l’Assemblée nationale.
L’une de ces hausses, qui s’élève à deux euros, ne peut surprendre le Gouvernement, puisqu’elle est réclamée par la région d’Île-de-France et qu’elle figurait dans les conclusions de la mission Carrez sur le financement du projet de transports du Grand Paris dont bénéficiera toute l’économie française, mission à laquelle, du reste, certains d’entre nous ont participé en 2009.
L’autre augmentation est sortie, il est vrai, d’un chapeau très parisien : elle est forte, elle est importante.
Le rapporteur général de notre commission des finances a décidé très sagement, et nous l’avons suivi, de reporter l’application de l’une et de l’autre à 2015. Je considère, monsieur le secrétaire d’État, qu’il revient au Gouvernement de clarifier ses positions sur le fond des propositions.
Bien sûr, tous les choix qui sont dans ce projet de loi de finances rectificative pour 2014, comme ceux de toutes les lois de finances, seront jugés à leur exécution : le rythme de baisse des déficits, le soutien ciblé à la croissance, les mesures fiscales optimisées pour que l’investissement privé reparte et que les ménages consomment – parce que c’est un moteur essentiel de la croissance en France –, enfin, l’action énergique annoncée par le Premier ministre pour que la construction des logements – c’est une priorité – reparte. Tout est affaire de calibrage.
Il n’en reste pas moins que, depuis vingt ans, la France a un déficit de croissance par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE de 0,5 point de PIB par habitant.
Le programme national de réforme qui nous est proposé par le Gouvernement concrétise les enjeux de la période : accroître le taux d’activité, diminuer le chômage structurel, soutenir la productivité par l’innovation et la formation professionnelle, ainsi que par la flexisécurité, n’ayons pas peur du mot.
M. le président. Ma chère collègue, il faut conclure.
Mme Nicole Bricq. Les uns, à droite de l’hémicycle, peuvent dire que ce n’est pas assez, d’autres, à gauche, peuvent dire que c’est trop, mais nul ne peut contester que le chemin est tracé et, jusqu’à présent, je n’en ai pas vu d’autre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en matière économique comme en matière budgétaire, les temps peuvent sembler bien incertains...
Voilà quelques mois encore, vos prédécesseurs, monsieur le secrétaire d’État, préparaient selon toute vraisemblance une « grande réforme fiscale » pour les ménages, les entreprises et les collectivités locales, dont l’annonce surprise par le Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, avait fait grand bruit.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah oui, la remise à plat !
M. François Fortassin. Aujourd’hui, ce projet a été abandonné au profit du « pacte de responsabilité et de solidarité » qui vise à alléger les prélèvements obligatoires pour une partie des ménages et pour l’ensemble des entreprises, et qui est associé à un plan d’économies de 50 milliards d’euros sur trois ans.
Quant aux collectivités, monsieur le secrétaire d’État, je vous épargnerai les douloureux débats qui se sont tenus ici. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne savent plus quelles seront leurs ressources à l’avenir,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Donc, elles bloquent les investissements !
M. François Fortassin. … ce qui ne manque pas de poser quelques problèmes. La « réforme territoriale » dont nous avons parlé et dont nous parlerons encore ne répond pas au besoin de simplification et de rééquilibrage de la fiscalité locale, un préalable pourtant indispensable lorsque l’on veut favoriser l’égalité et l’aménagement des territoires.
Le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui constitue donc la traduction législative des premières mesures du pacte de responsabilité et de solidarité. Ainsi, l’article 1er prévoit une réduction d’impôt sur le revenu de 350 euros par contribuable pour les ménages les plus modestes. Il s’agit d’une mesure de justice qui doit permettre d’éviter que les foyers dont les revenus n’augmentent pas ne se retrouvent subitement soumis à l’impôt sur le revenu.
Des inquiétudes existent quant au financement de cette mesure dont le coût est évalué à 1,16 milliard d’euros et qui devrait être couvert par des recettes supplémentaires du service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, chargé de recueillir les droits, pénalités et intérêts de retard dus par les contribuables détenteurs d’avoirs non déclarés à l’étranger. Toutefois, si les recettes du STDR sont aujourd’hui plus élevées que prévu, grâce aux récents efforts français, mais aussi internationaux pour lutter plus efficacement contre la fraude fiscale, il ne s’agit pas nécessairement d’une ressource pérenne. On peut même espérer que la fraude diminue ! Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, comment pourrons-nous limiter durablement les effets de seuil liés à l’entrée dans le barème de l’impôt pour les ménages dont les revenus n’augmentent pas ?
Si nous soutenons cette mesure en faveur des ménages modestes, permettez-moi tout de même de regretter qu’une telle disposition ponctuelle se substitue à une refonte d’ensemble de notre système fiscal qui demeure, à notre sens, indispensable.
« Le système fiscal français est devenu très complexe, quasiment illisible, et les Français, trop souvent, ne comprennent plus sa logique ou ne sont pas convaincus que ce qu’ils paient est juste, que le système est efficace », déclarait le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, en novembre 2013. Or la lisibilité et la justice sont les prérequis indispensables au consentement à l’impôt, qui est lui-même l’un des fondements essentiels de la citoyenneté et de la démocratie. Je rappelle à cette occasion que les créateurs de la progressivité de l’impôt sont les radicaux, qui y sont toujours très attachés.
C’est pourquoi, afin de rétablir la confiance de nos concitoyens dans l’État, nous appelons de nos vœux depuis plusieurs années une refonte globale du système fiscal français dans un objectif d’égalité entre les ménages et de compétitivité des entreprises. Une telle réforme se traduirait par la création d’un impôt personnel, unique et progressif sur le revenu ainsi que par celle d’un impôt progressif sur les sociétés. J’ajoute que l’un des problèmes majeurs de notre fiscalité, au-delà du poids de l’impôt lui-même, tient au fait que nos concitoyens ont le sentiment qu’il s’agit d’un système totalement ésotérique auquel ils ne comprennent strictement rien. Or, quand on paie quelque chose, il vaut mieux que l’on sache à quoi cela correspond. Il y a beaucoup d’efforts à faire en la matière !
Pour rétablir la croissance et les emplois, ce qui constitue notre priorité à tous, il faut d’abord rétablir la confiance, monsieur le secrétaire d’État. Pour cela, il faut une ligne claire et stable, car entre une économie qui bat de l’aile et une économie qui fonctionne bien, il y a un gap, parfois peu élevé ; c’est la confiance.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. François Fortassin. C’est ce que demandent nos concitoyens, c’est aussi ce que désirent les entreprises.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est ce que va faire le Gouvernement !
M. François Fortassin. En ce sens, monsieur le secrétaire d’État, je vous félicite pour la présentation d’une stratégie explicite sur cinq ans, qui est celle du pacte de responsabilité. Nous serons très vigilants, car il faudra absolument tenir le cap.
Plutôt que de nous enfermer dans des débats plus ou moins abscons avec nos collègues députés sur le niveau de la croissance potentielle – que même des économistes chevronnés sont incapables d’évaluer précisément et d’expliquer –, il serait judicieux que l’on en revienne à des notions très simples et que l’on abandonne définitivement ce galimatias technocratique et financier auquel un certain nombre d’entre vous, comme moi, ne comprennent rien.
En ce sens, nous nous inquiétons des mesures comme celle de l’article 6, supprimé par l’Assemblée nationale, qui portait sur le gel de certaines allocations de logement. Le redressement de nos finances publiques, s’il est indispensable pour préserver nos politiques publiques et les générations futures, ne doit pas condamner les efforts tout aussi essentiels pour relancer la croissance. C’est justement en période de croissance qu’il faut réaliser d’importantes économies de dépenses pour redresser la trajectoire et réduire le déficit. C’est pourquoi nous ne souhaitons pas pénaliser excessivement les ménages, surtout dans le contexte économique actuel, par le gel de multiples prestations sociales.
Malgré ces réserves et notre vigilance présente et à venir, comme l’a signalé mon éminent collègue Yvon Collin, la quasi-totalité des membres du RDSE soutiendra ce projet de loi de finances rectificative. Car soutenir la majorité, c’est avant tout voter le budget,…
M. Richard Yung. Bravo !
M. François Fortassin. … qui est l’acte fondateur de tout système politique.
M. Richard Yung. Très bien !
M. François Fortassin. Simplement, monsieur le secrétaire d’État, comme je l’ai dit à plusieurs reprises et je le redis une fois encore, lorsque le Gouvernement commet quelques erreurs, nous sommes là pour lui faire savoir que nous ne partageons pas forcément toutes ses vues ; nous ne sommes pas des suivistes impénitents ! (Applaudissements sur les travées du RDSE. – MM. Jacques Chiron et Richard Yung applaudissent également.)
M. Jean-Pierre Caffet. Nous l’avions remarqué !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter la bienvenue, puisque c’est la première fois que vous pratiquez cet exercice de loi de finances rectificative concernant l’avenir de nos concitoyens.
Ensuite, j’observe que vous êtes bien seul au banc des ministres. L’examen de ce projet de loi de finances rectificative aurait pourtant pu être l’occasion, pour les deux nouveaux ministres des finances, d’exposer au cours de la discussion générale un certain nombre de sujets, comme c’est régulièrement le cas dans ce genre d’exercice.
Enfin, ce projet de loi de finances rectificative ne répond ni à la situation économique du pays, ni à l’objectif affiché, le redressement de nos finances publiques, ni surtout à la crise politique actuelle qui secoue l’exécutif depuis le début de cette année.
Premièrement, eu égard à la situation économique de notre pays, comme l’ont souligné un certain nombre d’orateurs, la croissance n’est pas au rendez-vous. En outre, vous persistez à maintenir une hypothèse de croissance aux alentours de 1 %, alors que, de nombreux organismes l’ont largement démontré et cela a été dit par beaucoup d’orateurs, le consensus s’oriente aujourd’hui aux alentours de 0,7 %. En réalité, vous aurez de réelles difficultés.
Deuxièmement, en ce qui concerne l’emploi, contrairement aux prévisions, la situation s’est également aggravée : le chômage a augmenté de près de 5 % en un an et le nombre de chômeurs atteint 5 millions. Nous déplorons le manque de projet véritable, en dépit des multiples engagements pris pour réduire le chômage ; aucun n’a pu être tenu, avec les conséquences que l’on connaît.
Troisièmement, la situation économique est préoccupante pour notre industrie. On constate que nombre de nos « pépites » sont en difficulté. C’est le cas de Peugeot, d’Alstom, de Lafarge, et plus généralement des grandes entreprises de notre pays. Beaucoup d’entre elles, même parmi les plus florissantes, changent de statut et passent au statut de société européenne. C’est évidemment le cas, malheureusement, d’autres secteurs comme le BTP, le bâtiment et les travaux publics, ou le logement – qui s’effondre. Vous nous avez tenus en haleine avec la loi Duflot ; or ses résultats sont très rapides, puisque nous devons corriger presque dans l’instant ses effets néfastes. C’est également le cas du tourisme et du transport.
Je suis quelque peu étonné par vos propos liminaires. Vous avez dit en effet : les efforts paient et les déséquilibres se réduisent. M. le président de la commission des finances a, quant à lui, souligné que la situation était paradoxale, parce que ce projet de loi de finances rectificative conduit en réalité à aggraver le déficit public. C’est d’autant plus étonnant que vous bénéficiez de deux recettes supplémentaires que vous n’aviez pas prévues et que vous ne pouviez pas maîtriser : les recettes liées à la fraude fiscale et celles qui résultent de la baisse des intérêts de la dette. Ces recettes auraient pu servir à réduire le déficit budgétaire. Or vous les dépensez immédiatement, parce que les recettes que vous aviez prévues dans votre politique ne sont pas au rendez-vous. Il manque un peu plus de 4 milliards d’euros.
En réalité, au travers de ce projet de loi de finances rectificative, vous ne pouvez pas faire autrement que d’aggraver ce déficit, alors que vous aviez prévu de le réduire légèrement par rapport à l’exercice antérieur.
Vous avez élaboré ce projet de loi de finances rectificative sans vous attaquer au cœur du problème. À aucun moment je n’ai entendu parler des effectifs, qu’il s’agisse de la fonction publique d’État, des fonctionnaires territoriaux ou de la fonction publique hospitalière. Pourtant la Cour des comptes l’a bien rappelé dans son rapport : la France compte 90 agents publics pour 1 000 habitants, l’Allemagne, 50 agents pour 1 000 habitants ! Ce chiffre aurait pu prêter à réflexion.
M. François Trucy. Eh oui !
M. Philippe Dominati. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez égrené avec bonheur toutes les taxes créées par cette majorité depuis deux ans, avec l’ISF, les droits de succession, etc.
M. Philippe Dominati. Vous avez oublié le jour de carence. Heureusement, un certain nombre d’orateurs l’ont mentionné.
J’ajoute que vous n’avez pas dit un mot du grand rendez-vous qui devait avoir lieu cet été, à savoir la réforme fiscale, annoncée au mois de novembre.
M. Éric Doligé. On l’attend toujours !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elle est remise à plat !
M. Philippe Dominati. M. Ayrault avait alors déclaré que cette grande réforme fiscale était préparée depuis deux ans, qu’elle devait – je le répète – avoir lieu cet été, et finalement : rien ! Pas même un mot dans votre discours !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elle a fait pschitt ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dominati. Très sincèrement, je me demande à quoi sert ce budget rectificatif. Il ne répond même pas à la crise politique.
Souvenons-nous de la chronologie : en novembre, une grande réforme fiscale est annoncée ; dans ses vœux, en janvier, le Président de la République met en avant l’objectif de compétitivité ; la sanction infligée en mars par les électeurs conduit au renversement du Gouvernement, ce qui n’était pas prévu – même si une grande partie des ministres sont restés, on fait comme si les deux années écoulées étaient oubliées – ; dès lors, on annonce une politique fondée sur de nouvelles bases, mais les discours ne se traduisent pas en actes. Ce collectif budgétaire se résume à des mots !
Malgré tout, dans ce projet de loi de finances rectificative, je vois quelque chose de positif.