compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Bel
Secrétaires :
M. Marc Daunis,
M. Alain Dufaut.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Salut à une délégation
M. le président. Je salue la présence dans nos tribunes de représentants de la Fondation Abbé Pierre, qui assistent à notre séance après avoir participé ce matin à un colloque au Sénat.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
temps de travail hebdomadaire
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, pour le groupe UDI-UC.
M. Jean-Léonce Dupont. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
La réforme des temps partiels, issue de l’accord sur la sécurisation de l’emploi de 2013, est entrée en vigueur mardi dernier. Les nouveaux contrats de travail à temps partiel ne pourront être conclus pour une durée hebdomadaire inférieure à vingt-quatre heures, sauf exception et accords de branche.
Cette durée minimale devait entrer en vigueur le 1er janvier 2014, mais son application a finalement été suspendue jusqu’au 30 juin 2014, afin de donner un délai supplémentaire aux branches professionnelles pour la mise en œuvre de cette nouvelle disposition.
Aujourd’hui, le bilan est plus que mitigé, en raison du refus de certaines organisations syndicales de négocier des dérogations. Une vingtaine d’accords seulement ont été conclus, notamment dans les secteurs de la propreté et de la restauration rapide.
Sur les 4 millions de salariés, dont 80 % de femmes, actuellement employés à temps partiel, la moitié travaille moins de vingt-quatre heures par semaine.
Dans la pratique, de nombreux employeurs souhaitant embaucher un salarié à temps partiel pour une durée inférieure à vingt-quatre heures hebdomadaires y renonceront. En effet, certaines entreprises ne sont pas économiquement en mesure de recruter dans ce cadre imposé. C’est le cas, par exemple, dans le secteur social et médicosocial ou dans celui des services à la personne, secteurs qui mériteraient pourtant d’être encouragés, et non pénalisés, parce qu’ils représentent des gisements d’emplois et de croissance.
Ces nouvelles dispositions constituent également un frein à l’embauche pour des salariés qui ne souhaitent travailler que quelques heures par semaine. Certes, cela sera possible si le salarié donne son accord motivé par écrit, mais on voit la fragilité juridique de cette nouvelle mesure : que se passera-t-il quand un salarié ayant accepté un contrat de moins de vingt-quatre heures demandera, par la suite, à bénéficier du minimum de vingt-quatre heures ? Tout le monde sera perdant. Certaines entreprises abandonneront des marchés et des demandeurs d’emploi resteront au chômage.
Pis encore, les contrats de travail à temps partiel en cours devront être révisés en 2016, pour satisfaire à cette nouvelle exigence de durée minimale. Si rien n’est fait, ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui disparaîtront, les PME n’ayant d’autre choix que de licencier les salariés qu’elles seront dans l’incapacité de rémunérer.
Chaque jour, 1 500 chômeurs de plus viennent s’ajouter aux 3 millions existants. On ne voit pas clairement où veut en venir le Gouvernement dans le domaine économique, à force de vouloir satisfaire les uns et les autres. Il est pourtant impératif de libérer les énergies, de favoriser la création d’emplois.
Le Premier ministre a dit, hier, vouloir compléter la législation sur le temps partiel afin d’écarter tout risque juridique. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social. Monsieur le sénateur, la loi de 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a en effet institué un minimum de vingt-quatre heures de travail par semaine pour les contrats à temps partiel.
Il s’agit là d’un progrès social important. Le travail à temps partiel ne peut plus être une variable d’ajustement. La loi a prévu deux possibilités de dérogations, assorties de contreparties, afin de prendre en compte certaines situations : des dérogations individuelles, accordées à la demande de salariés souhaitant travailler moins de vingt-quatre heures par semaine ; des dérogations collectives, à la suite d’un accord de branche.
Vingt-deux accords de branche ont été signés, y compris dans des secteurs aussi importants que celui de la restauration rapide : environ 30 % des salariés à temps partiel sont ainsi couverts – ce taux atteint 63 % pour les branches les plus concernées –, sachant que la règle du minimum de vingt-quatre heures hebdomadaires ne s’applique pas à ceux qui sont employés par des particuliers. On ne peut donc qualifier le bilan de « mitigé », monsieur le sénateur. Pour autant, les négociations se poursuivent, et j’ai bon espoir qu’elles aboutissent dans un très grand nombre de branches.
Pour répondre à l’une de vos observations, j’indique que le Gouvernement fera très prochainement une proposition visant à sécuriser la situation des salariés qui, après avoir demandé à bénéficier d’une dérogation individuelle à la règle vingt-quatre heures hebdomadaires, souhaiteraient revenir au régime commun. Il s’agit de prévoir que ces salariés auront priorité pour l’accès à un emploi de vingt-quatre heures hebdomadaires au minimum, mais sans automaticité. Cette modification du dispositif sécurisera l’employeur comme le salarié, sans aucunement remettre en cause l’équilibre institué par les partenaires sociaux au travers de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, qui a été transcrit par le Parlement dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
nouvelle géographie prioritaire de la ville
M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, pour le groupe socialiste.
M. Claude Dilain. Ma question s'adresse à Mme la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports. Elle portera non pas sur le football, mais sur la politique de la ville ! (Sourires.)
Madame la ministre, le 17 juin dernier, vous avez rendu publique la carte de la nouvelle géographie prioritaire, fondée sur un critère unique : le revenu médian des habitants. Ce critère incontestable, juste, transparent, n’autorise aucune interprétation subjective.
Cette nouvelle carte a confirmé qu’il était nécessaire d’actualiser la géographie prioritaire de notre territoire. En effet, elle met en évidence le fait que des quartiers et des villes n’ont plus besoin d’une aide spécifique et que, inversement, des territoires auparavant ignorés méritent de bénéficier de cette politique : je pense par exemple à Dax, dans les Landes, ou à Marmande, dans le Lot-et-Garonne. Cent nouvelles communes relèvent désormais du dispositif, dont certaines sont situées dans des zones rurales.
Madame la ministre, ma question, inspirée par mes rencontres avec les élus sur le terrain, sera double : de quelle latitude les maires et les préfets disposeront-ils pour mieux adapter aux territoires une géographie qui, pour l’heure, résulte d’une simple étude statistique fondée sur le carroyage ? Quel sera le calendrier de mise en œuvre de la réforme ?
Enfin, je félicite Mme Girardin pour son élection !
M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports. Je félicite à mon tour Mme Girardin pour son élection !
Monsieur le sénateur Dilain, je tiens à vous rendre hommage, à vous qui avez été maire de Clichy-sous-Bois, pour le rôle précieux que vous avez joué dans l’adoption à l’unanimité de la réforme de la politique de la ville par la Haute Assemblée, en février dernier. Cette réforme s’imposait, car les dispositifs et les zonages, trop nombreux, étaient devenus complexes et illisibles pour bien des habitants des territoires concernés.
Nous avons souhaité rendre notre action dans ce domaine plus efficace, plus concentrée sur les territoires qui en ont le plus besoin et plus juste, en établissant une nouvelle carte fondée sur le critère du revenu des habitants. Je l’ai rendue publique il y a quinze jours, et tous les maires ont pu en prendre connaissance. Comme vous l’avez dit, il ne s’agit cependant que d’une évaluation de la situation : il revient aujourd’hui aux élus locaux de définir, en lien avec les préfets, le périmètre exact des territoires rencontrant le plus de difficultés.
Cela débouchera, dans chacun des 1 300 territoires éligibles, sur la signature de contrats de ville avec les pouvoirs publics – État, collectivités territoriales, services publics, Pôle emploi, caisses d’allocations familiales, bailleurs sociaux –, consignant les engagements respectifs des partenaires pour permettre aux zones concernées de sortir le plus rapidement possible de leur situation difficile.
Nous les y aiderons par trois biais.
Le premier biais est celui du développement économique : ces territoires ont d’abord besoin que l’on y crée de l’activité. Avec la Caisse des dépôts et consignations, qui mobilise à cette fin 400 millions d’euros, s’ajoutant aux 200 millions d’euros du programme d’investissements d’avenir, nous allons soutenir la création de pépinières d’entreprises, de commerces de proximité, de centres de santé, et favoriser le développement de l’emploi.
Le deuxième biais est celui de la rénovation urbaine. Avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, nous rendrons publique, à la rentrée prochaine, la liste des 200 quartiers qui bénéficieront des 5 milliards d’euros destinés à financer, sur les dix prochaines années, la rénovation profonde du bâti, l’amélioration des transports, afin de rendre la ville plus vivable pour ses habitants, tout simplement.
Enfin, le troisième biais est celui du lien social. J’insiste sur le fait que le Gouvernement préserve les crédits consacrés à la politique de la ville, afin de soutenir la vie associative et la réalisation des équipements sociaux dont les habitants des territoires concernés ont par-dessus tout besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
néonicotinoïdes
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.
M. Joël Labbé. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Elle fait suite à la présentation, mardi 24 juin, d’une étude internationale analysant les effets des insecticides néonicotinoïdes sur la biodiversité.
Une cinquantaine de scientifiques indépendants, issus de quinze pays différents, ont passé en revue plus de 800 publications sur le sujet. Les résultats de leur étude sont plus qu’inquiétants : il est désormais avéré que ces pesticides sont en grande partie responsables du déclin des abeilles et autres insectes pollinisateurs, et ont des effets nocifs importants sur un grand nombre d’autres espèces.
Ces molécules neurotoxiques s’accumulent dans les sols, s’infiltrent dans l’eau, sont présentes dans l’air sous forme de poussières. Ainsi, elles menacent non seulement les insectes pollinisateurs, qui sont directement en contact avec les cultures traitées, mais également les oiseaux, les invertébrés terrestres et aquatiques, comme les vers de terre et les puces d’eau.
Les scientifiques que j’évoquais expriment leur inquiétude pour le futur de la production agricole : en effet, l’agriculture est dépendante des écosystèmes. Les pollinisateurs, par exemple, sont à l’origine de 35 % de la production alimentaire dans le monde. C’est d’ailleurs cet équilibre complexe et fragile entre mécanismes naturels et production qui est à la base de l’agroécologie, pratique placée au cœur de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
De plus, ces insecticides sont, selon toute probabilité, dangereux pour la santé humaine, au regard notamment du développement du système nerveux, selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Malgré leurs dangers, ils restent largement utilisés dans notre pays.
La France a eu un rôle moteur dans la prise en compte des effets néfastes de ces substances. Monsieur le ministre, vous avez notamment retiré, en 2012, l’autorisation de mise sur le marché du Cruiser. De même, vous avez soutenu l’action de la Commission européenne, qui a suspendu pour deux ans, en 2013, l’utilisation de trois insecticides de la famille des néonicotinoïdes sur certaines cultures.
Ces interdictions ne vont toutefois pas assez loin, comme le confirme l’étude scientifique que j’ai citée. C’est pourquoi j’ai déposé au Sénat, le 19 juin dernier, une proposition de résolution, cosignée par 173 parlementaires, relative à la préservation des insectes pollinisateurs, de l’environnement et de la santé et à un moratoire sur l’utilisation des pesticides de la famille des néonicotinoïdes. Elle a également été déposée à l’Assemblée nationale par mon collègue député Germinal Peiro.
La France doit continuer à jouer un rôle de précurseur sur cette question, d’autant qu’elle a l’ambition très louable de devenir un leader de l’agroécologie. Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre, à la suite du dépôt de cette résolution et de la présentation de cette évaluation scientifique, afin de remédier à une situation qui menace non seulement la biodiversité, mais aussi, à terme, les rendements agricoles et la sécurité alimentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la question, bien connue ici au Sénat, des néonicotinoïdes, en rappelant quelle a été la démarche de la France depuis l’entrée en fonctions du gouvernement auquel j’appartiens.
Récemment, M. Obama a demandé des études complémentaires sur cette famille d’insecticides, et M. Cameron a fait référence à ce sujet voilà une semaine.
La France a effectivement retiré l’autorisation de mise sur le marché du Cruiser dès mon arrivée au ministère. Au-delà, nous avons engagé une démarche à l’échelle européenne et obtenu un moratoire de deux ans sur les semences enrobées de néonicotinoïdes. Des travaux scientifiques sont menés sur le sujet. L’étude à laquelle vous faites référence, monsieur le sénateur, confirme les risques encourus. Nous allons donc poursuivre le travail que nous avons engagé avec la Commission européenne. En effet, compte tenu des enjeux, j’estime qu’il faut prendre les décisions collectivement, à l’échelon européen.
Nous n’avons donc pas aujourd'hui de réponse immédiate à apporter à votre proposition de résolution, également déposée à l’Assemblée nationale par Germinal Peiro, mais sachez que nous poursuivons l’action que nous menons depuis deux ans, avec la mise en place du projet relatif à l’agroécologie : notre agriculture doit être productive, tout en utilisant davantage les mécanismes naturels pour protéger à la fois les récoltes et les personnes, plutôt que de recourir systématiquement à des produits chimiques. Tel est l’enjeu pour les mois à venir. Sachez, monsieur le sénateur, que les décisions qui ont été prises à l’échelle européenne vont dans le sens que vous souhaitez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)
réaction à l'appel des patrons
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour le groupe CRC.
Mme Isabelle Pasquet. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.
Le Gouvernement s’est engagé auprès de la Commission européenne et du MEDEF à réduire les dépenses publiques et les cotisations patronales. Malgré une mise en œuvre rapide de telles mesures au travers du collectif budgétaire qui va bientôt nous être soumis, les patrons, sous la houlette de Pierre Gattaz, ont lancé un appel à une réforme, ou plutôt à leur réforme…
Depuis deux ans, quand les patrons toussent, la fièvre monte au Gouvernement ! La réponse à cet appel n’a pas tardé, avec l’annonce, hier matin, du report de la mise en œuvre du compte de prévention de la pénibilité. Une fois de plus, vous cédez à leurs exigences.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Isabelle Pasquet. C’est ainsi que les entreprises les plus riches, celles du CAC 40, qui versent des millions d’euros de dividendes à leurs actionnaires, bénéficieront d’une réduction de cotisations sociales à hauteur de plusieurs milliards d’euros et de la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, mesures qui s’ajoutent aux 20 milliards d’euros accordés l’année dernière au titre du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Et tout cela, pour quels résultats ? La croissance est en berne et le taux de chômage ne cesse de progresser.
Du côté des salariés, des fonctionnaires, des familles et des retraités, le bilan est plus mitigé, avec la ratification de la nouvelle convention d’assurance chômage, qui précarise un peu plus ceux qui peuvent prétendre à une indemnisation, l’autorisation de procéder à des licenciements économiques, même pour les entreprises qui reversent des dividendes, l’instauration d’une taxe sur les retraites censée financer la perte d’autonomie, le maintien du gel du barème de l’impôt sur le revenu, l’allongement de la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein, le gel des pensions de retraite et de l’allocation de logement familiale…
Les classes moyennes et populaires, qui voulaient rompre avec l’esprit du Fouquet’s et qui ont cru en celui du Bourget, font leurs comptes, et il apparaît qu’ils sont les grands oubliés de votre politique.
Monsieur le ministre, ne croyez-vous pas qu’il soit grand temps de répondre – enfin ! – aux aspirations populaires qui ont conduit à l’élection du Président de la République et de dire « stop » à la surenchère du MEDEF ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social. Madame la sénatrice, contrairement à ce que vous dites, le Gouvernement est très attentif au pouvoir d’achat des plus modestes.
Mme Éliane Assassi. Ah bon ?
M. François Rebsamen, ministre. J’en veux pour preuve les mesures prévues dans le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative qui seront soumis au Sénat dans quelques jours : 3,7 millions de foyers fiscaux modestes bénéficieront en septembre prochain d’un allégement d’impôts ; 1,9 million de foyers fiscaux cesseront d’être imposables ou éviteront de le devenir – 1 milliard d’euros d’impôts en moins, c’est 1 milliard d’euros de pouvoir d’achat en plus ; dès le 1er janvier 2015, grâce à une baisse des cotisations sociales, les salariés qui touchent moins de 1 500 euros nets par mois, soit plus d’un tiers des salariés, verront leur revenu annuel net augmenter de 500 euros, ce qui représente près de la moitié d’un treizième mois.
Vous le voyez, le Gouvernement est à l’écoute des plus modestes et des plus précaires. Par ailleurs, madame Pasquet, il n’a aucunement l’intention de céder à quelque diktat que ce soit.
S’agissant du compte personnel de prévention de la pénibilité, que vous avez évoqué, je veux redire ici clairement qu’il n’y a pas de report de cette grande avancée : les droits des salariés seront ouverts à compter du 1er janvier 2015.
Mme Éliane Assassi. Pourquoi y toucher, alors ?
M. François Rebsamen, ministre. Le Gouvernement a simplement souhaité que la mesure soit effectivement applicable, au bénéfice des salariés. Ainsi, dans le secteur industriel, grâce à M. de Virville, le travail posté sera pris en compte.
En revanche, s’agissant des petites et moyennes entreprises, notamment celles du secteur du bâtiment, la fiche pénibilité instaurée par l’un de mes prédécesseurs était impraticable en l’état. L’année 2015 sera donc mise à profit pour rendre applicable dans les PME de ce secteur, ainsi que l’a souhaité le Premier ministre, ce droit ouvert, je le répète, à partir du 1er janvier 2015.
Permettez-moi de regretter au passage, madame la sénatrice, que vous n’ayez pas voté cette grande avancée sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas de cette façon que vous sortirez la France de la crise !
réforme territoriale
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour le groupe du RDSE.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le Premier ministre, au moment où s’ouvre au Sénat un débat qui préoccupe au plus haut point les élus locaux – je veux bien sûr parler du débat relatif à la réforme territoriale –, nous sommes tous en droit de nous interroger sur les objectifs visés.
M. Roger Karoutchi. C’est vrai !
Mme Anne-Marie Escoffier. Je ne crois pas me tromper en rappelant que le Président de la République avait présenté cette réforme comme relevant de la nécessité absolue d’aller vers une clarification des compétences entre État et collectivités locales, et entre collectivités locales, vers une simplification, pour plus d’efficacité en matière de service rendu à nos concitoyens.
Nous voici au pied du mur, dans un contexte économique et social imposant que tous nos efforts tendent à une réduction de nos dépenses pour atteindre des objectifs dont le bien-fondé est incontestable. Reste à trouver le chemin.
Nous avons tous lu dans la presse nationale et entendu de la bouche de différents ministres quel était le montant des économies à attendre de cette réforme territoriale : 25 milliards d’euros, puis 15 milliards, puis entre 12 et 25 milliards, enfin 10 milliards seulement, sur la base d’un effort global de réduction des dépenses des collectivités locales de 5 % à 10 %…
Mme Éliane Assassi. Il y en a qui parlent trop vite !
M. Alain Gournac. Zéro économie !
M. Roger Karoutchi. Cette réforme va coûter !
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le Premier ministre, ma question, d’ordre purement technique (Sourires.), s’inscrit directement dans la notion de pacte de confiance et de responsabilité.
Mme Isabelle Debré. Il n’a pas l’air d’accord !
Mme Anne-Marie Escoffier. Comment, sur quelles bases précises, selon quel calendrier ont été calculées ces économies qui affecteront lourdement les budgets de nos collectivités, lesquelles, par solidarité, veulent pouvoir continuer à soutenir l’économie par leurs investissements ?
Monsieur le Premier ministre, « là où il y a une volonté, il y a un chemin », pour reprendre une formule attribuée à Lao-Tseu, à Churchill ou à Jaurès. Il ne faudrait pas que le volontarisme se transforme en aventurisme ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la sénatrice, madame la ministre, allais-je dire… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Elle au moins, elle est courageuse !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Comme vous tous ici, je n’en doute pas.
J’ai bien compris l’aspect technique de votre question, madame Escoffier,…
Mme Isabelle Debré. Elle ne comporte pas qu’un aspect technique !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … mais, avec votre permission, je vais en élargir le champ.
Le Président de la République a souhaité une réforme ambitieuse portant sur les régions, assortie d’un redécoupage. Je suis convaincu qu’une majorité existe, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, pour approuver cette réforme de la carte des régions, rapidement eu égard aux échéances électorales : même si elles sont repoussées de quelques mois, élus, acteurs économiques et citoyens doivent évidemment pouvoir connaître en temps utile les contours de cette nouvelle carte régionale.
L’objectif est de nous doter de régions plus fortes, plus dynamiques. Vous savez ma détermination à faire aboutir cette réforme, dans le respect, bien sûr, du débat parlementaire. Je ne doute pas que la commission spéciale fera des propositions de très grande qualité, y compris pour modifier cette carte. Si elle pouvait même aller jusqu’à réduire encore le nombre des régions, cela irait dans le bon sens ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je ne doute pas un seul instant de la sagesse de la Haute Assemblée.
En revanche, les procédures utilisées pour retarder le débat…
Mme Éliane Assassi. Elles ont un contenu !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … ne réussiront pas. On l’a vu avec la saisine du Conseil constitutionnel : ce dernier a jugé que l’étude d’impact était conforme à la loi fondamentale. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Pourtant, il n’y a rien dedans !
M. Manuel Valls, Premier ministre. De même, l'Assemblée nationale a rejeté de la manière la plus claire la motion référendaire qu’avait adoptée le Sénat. Le Gouvernement est déterminé à faire en sorte que le Sénat examine le projet de loi sur le fond, afin que l'Assemblée nationale puisse s’en saisir au cours de la présente session extraordinaire. Ne doutez pas de notre volonté sur ce point !
Un autre texte, portant sur les compétences des régions, en particulier sur le plan économique et de l’emploi, et sur celles des intercommunalités, appelées à évoluer, vous sera soumis après le renouvellement sénatorial. Là encore, le débat permettra sans doute d’apporter des modifications au projet et d’approfondir la réflexion. Madame Escoffier, vous m’avez interrogé sur les économies envisagées : le bloc communal et intercommunal en constitue, nous le savons tous, le gisement le plus important. Le texte à venir concernera aussi l’avenir des départements.
Hier après-midi, j’ai eu l’occasion de m’exprimer à Clermont-Ferrand devant l’assemblée des maires du département du Puy-de-Dôme et des parlementaires. Les problématiques de la proximité, des politiques de cohésion territoriale et sociale et de l’avenir des territoires ruraux sous-tendent le débat relatif à la nouvelle carte des régions, à l’avenir des départements et à la taille des intercommunalités. En effet, la constitution de grandes régions et, surtout, de grandes agglomérations, qui drainent les forces économiques et, souvent, les populations, soulève la question de l’abandon, de la désertification, de l’absence de protection que ressentent non seulement les élus, mais également nos concitoyens. Or cette question ne se pose pas seulement depuis que le présent projet de loi a été déposé ; elle est pendante depuis des années.