M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je vous le dis, mes chers collègues, les comptes publics et leur redressement demandent évidemment bien plus qu’un acte de foi.
D’autres sujets continuent de prêter à interrogation : quelles sont les marges de manœuvre réelles du Gouvernement pour rétablir les comptes publics à court terme ? Comme le souligne la Commission européenne, « les réformes structurelles définies dans le programme de stabilité ne prendront effet qu’à moyen terme », notamment en ce qui concerne les collectivités territoriales. Or le Président de la République et son gouvernement nous promettent un miracle de cette réforme territoriale. Il serait donc essentiel que ce gouvernement dévoile enfin une stratégie crédible et détaillée pour 2015, date à laquelle le retour sous le seuil des 3 % est espéré, et pour 2016-2017, période prévue pour atteindre l’objectif à moyen terme.
Plus généralement, faute de réformes ambitieuses et structurantes autrement qu’en paroles, la Commission européenne estime que « la viabilité à long terme des finances publiques est également préoccupante ». Que cela veut-il dire en termes concrets ? Tout simplement que nos financements sur les marchés ne seront pas toujours obtenus à des conditions aussi favorables qu’aujourd’hui. La dette continuera par exemple d’augmenter en dépit de la progression de l’objectif à moyen terme. Cela me conduit à une autre question, monsieur le secrétaire d’État : quels sont, en matière de viabilité à long terme des finances publiques, les projets du Gouvernement ? En effet, même en écoutant attentivement vos collègues, le secrétaire d’État au budget, Christian Eckert, et le ministre des finances, Michel Sapin, lors des auditions répétées et copieuses que la commission des finances a tenues, je n’ai pas le sentiment que nous ayons entendu des réponses crédibles.
Selon la Commission européenne, même les axes forts de la politique économique gouvernementale sont lacunaires. Par exemple, s’agissant de la réduction du coût du travail, la Commission indique que cette dernière, qui devrait s’élever à 30 milliards d’euros – 20 milliards d’euros pour le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, 10 milliards d’euros pour le pacte de responsabilité –, « ne comblerait qu’à moitié le fossé entre la France et la moyenne de la zone euro en termes de cotisations sociales patronales ».
Je rappelle que, dans le cadre du bilan approfondi des déséquilibres macroéconomiques, la Commission européenne a pointé du doigt la détérioration de notre balance commerciale et la compétitivité insuffisante de l’économie, en soulignant notre manque de compétitivité-coût et de compétitivité hors prix.
Alors que la Commission européenne nous avait habitués à une expression plutôt modérée, elle fait preuve, en 2014, selon ma lecture, d’une sévérité accrue à l’égard de la France, ce qui ne peut que susciter de sérieux doutes et des inquiétudes légitimes quant à la viabilité de la trajectoire budgétaire et économique que le Gouvernement propose.
Après ces différentes interrogations, je voudrais conclure mon propos par plusieurs questions : quelle est la position du Gouvernement dans le débat sur l’assouplissement des règles de stabilité budgétaire en Europe ? Monsieur le secrétaire d'État, s’agit-il de simples déclarations dominicales de sa part ou bien pense-t-il que la France peut vraiment desserrer la contrainte ? Si elle le fait, à quel prix ? Qui faut-il croire : ceux qui nous disent rechercher 50 milliards d'euros d’économie ou ceux qui laissent entendre que ces 50 milliards d’euros sont destinés à rassurer les comptables de Bruxelles, mais qu’il ne faut certainement pas réaliser un tel effort car cela pénaliserait excessivement la croissance ?
À dire une chose et à ne pas la faire, à dire une chose et son contraire, on prend des risques croissants, qui sont tout simplement, en la matière, des risques pour la crédibilité de notre pays, déjà, hélas, bien critiqué et affaibli, au point que beaucoup le considèrent aujourd'hui comme l’homme malade de l’Europe ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Jean Bizet. Absolument !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes tous très attachés à la tenue de ce débat préalable, qui est l’occasion d’avoir un échange avec le Gouvernement à la veille d’une échéance européenne importante. C’est également un rendez-vous qui nous permet de débattre de l’ensemble des questions relatives à la construction européenne. Au mois de mars dernier, en raison de la suspension de nos travaux, nous avions été obligés d’avoir ce débat en commission. Nous nous retrouvons aujourd’hui en séance publique, ce dont je me félicite ; je remercie la conférence des présidents de cette décision ainsi que M. le secrétaire d’État de sa disponibilité. Dans le passé, en effet, il avait été question de nous reléguer dans le « petit hémicycle ». J’espère que ce temps est révolu.
Nous débattons au lendemain d’élections européennes qui ont montré la défiance croissante de nos concitoyens à l’égard de la construction européenne. Ce constat peut malheureusement être fait dans beaucoup d’États membres. Il est donc urgent d’agir pour répondre aux attentes des peuples, combattre les populismes et rétablir un climat de confiance.
Le Conseil européen a la responsabilité de proposer un candidat à la fonction de président de la Commission européenne. Celui-ci sera ensuite élu par le Parlement européen. C’est une grande innovation du traité de Lisbonne que je veux saluer. Le Conseil européen doit respecter la volonté des citoyens qui s’est exprimée dans les urnes. C’est une exigence démocratique. Au-delà, il faudra bien entendu discuter de l’orientation des politiques européennes. Quelle Europe voulons-nous ? Quel projet devra porter la prochaine Commission ? Voilà les questions essentielles sur lesquelles je reviendrai.
Malheureusement, la situation en Ukraine continue de nous préoccuper. Notre collègue Chevènement y a fait allusion, et je partage son opinion sur plusieurs points qu’il a évoqués. C’est bien la stabilité et la sécurité de notre continent qui est en cause. Les élections du 25 mai marquent un tournant important. Les nouvelles autorités ukrainiennes ont désormais la légitimité pour agir. Quel est l’enjeu ? Il faut non seulement préserver l’unité de l’Ukraine, mais aussi respecter sa diversité. Pour cela, il faut aller vers une plus grande décentralisation – j’utilise ce terme pour ne pas en employer un autre…
MM. Robert del Picchia et Aymeri de Montesquiou. Fédéralisme !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Il faut travailler à réunir les conditions d’un dialogue apaisé avec la Russie. Ce dialogue est indispensable. Les tensions demeurent mais des signaux positifs ont été donnés. Un tournant s’est produit le 6 juin lors des cérémonies de commémoration du débarquement. Sous l’égide du Président Hollande, une amorce de dialogue a eu lieu entre le Président Poutine et le Président Porochenko. Le Président Poutine a également établi un contact avec le Président Obama. Il faut poursuivre dans la voie du dialogue, car la confrontation ne peut mener qu’à une impasse.
Ce Conseil européen conclura le semestre européen 2014, que la plupart des orateurs ont évoqué, en adoptant les recommandations par pays. Il est important de rappeler que si la Commission a formulé des propositions, c’est le Conseil qui adoptera les recommandations. La Commission européenne a estimé que le programme de stabilité transmis par la France était conforme à la recommandation qu’elle avait formulée. La politique de notre gouvernement va donc dans le bon sens. Il s’agit bien de réussir l’indispensable assainissement budgétaire tout en favorisant les conditions d’un retour de la croissance.
Certains collègues ont fait du « France bashing », notamment M. le président de la commission des finances, en indiquant que nous serions le malade de l’Europe.
M. Aymeri de Montesquiou. C’est vrai !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Je le conteste ! Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas à parler de notre pays de cette manière.
On le voit bien, l’austérité ne peut tenir lieu de politique. Le chômage, tout particulièrement celui des jeunes, atteint aujourd’hui des niveaux insupportables dans beaucoup trop d’États membres. Il faut donc mener des politiques ambitieuses sur le plan européen en faveur de la croissance et de l’emploi. La France, je le souligne, porte ce message depuis juin 2012.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En paroles !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. De plus en plus d’États membres partagent son point de vue, mon cher collègue. La France et l’Italie ont des analyses convergentes sur cette question.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pas la France et l’Allemagne !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. La présidence italienne qui va débuter est donc une opportunité forte de réorienter les politiques européennes.
Par ailleurs, le Conseil européen se prononcera sur les perspectives des politiques européennes en matière de liberté, de sécurité et de justice. Nous avons examiné cette question, au sein de la commission des affaires européennes, sur le rapport de notre collègue Sophie Joissains. Il y a encore beaucoup à faire pour construire un véritable espace européen. Les drames survenus en Méditerranée, Bariza Khiari y a fait allusion, sont là pour nous rappeler l’urgence de mettre en place une politique européenne d’immigration. Une solidarité concrète entre les États membres doit s’exprimer, et la préconisation du Sénat de créer un corps de gardes-frontières européen demeure plus que jamais d’actualité. Une approche globale doit permettre d’offrir un cadre pour la migration légale et renforcer la coopération avec les pays d’origine et de transit. Il faut aussi réduire les grandes disparités en Europe en matière d’asile. De même, la mise en place de bureaux européens des visas serait source d’efficacité et de simplification.
La coopération policière doit par ailleurs être renforcée pour mieux lutter contre la criminalité organisée et le terrorisme. Une délégation de notre commission a visité Europol, dont le siège est à La Haye et qui vient tout juste d’être réformée. Elle a apprécié le travail effectué. Le rôle de cette agence doit être approfondi.
Nous avons soutenu la création d’un parquet européen, mais nous nous sommes opposés au texte de la Commission qui prévoyait une formule très centralisée et, en fait, totalement irréaliste. Les parlements nationaux ont adressé un « carton jaune » à la Commission au titre de la subsidiarité, et cela n’a pas été sans résultat. La négociation au Conseil évolue dans le sens que nous souhaitions, à savoir un parquet européen, certes, mais collégial et décentralisé.
Je veux en outre insister sur la protection des données. Nous avons adopté des résolutions européennes sur la réforme de Mme Reding ; j’en étais le rapporteur. Le marché mondial des données personnelles représente sans doute des trilliards d’euros. Notre collègue Catherine Morin-Desailly nous a alertés sur le risque que l’Union européenne ne devienne une « colonie du monde numérique » ; l’expression me semble excellente. La protection des droits des personnes doit aussi constituer une priorité. L’affaire Snowden nous le rappelle, et avec quelle force ! Pourtant, on voit bien que les blocages persistent sur le texte de la Commission. Monsieur le secrétaire d’État, nous demandons au Gouvernement de défendre les positions que le Sénat a exprimées dans cette négociation
Enfin, le Conseil européen doit débattre du climat et de l’énergie. Une décision finale devrait être prise en octobre sur le cadre à retenir dans ces deux domaines à l’horizon de 2030. Le sommet des Nations unies sur le climat se tiendra en septembre ; c’est une échéance extrêmement importante.
La crise ukrainienne, que nous avons déjà évoquée, interpelle l’Union européenne sur le défi de la sécurité énergétique. Nous devons rassembler nos forces. L’Union européenne doit réduire sa dépendance à l’égard des importations d’énergie. Elle doit aussi renforcer les mécanismes d’urgence et de solidarité existants. Les risques de rupture de l’approvisionnement en gaz naturel doivent être réduits. Au-delà, chacun peut constater la nécessité d’avancer vers une intégration accrue. À la recherche de nouveaux moteurs pour sa croissance, l’Europe doit développer une politique énergétique ambitieuse. La fiscalité peut, à cet égard, jouer un rôle important. Notre collègue Bernadette Bourzai a travaillé sur cette question au sein de notre commission et nous fera des propositions mercredi prochain.
Je ne puis terminer mon intervention sans adresser quelques mots à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, dont c’est le premier débat préalable au Conseil européen dans notre hémicycle, ainsi qu’à l’ensemble de nos collègues, puisque ce débat est le dernier de la mandature, des élections sénatoriales ayant lieu au mois de septembre et le prochain Conseil européen au mois d’octobre. En tant que président, je tiens à remercier les membres de la commission des affaires européennes et, au-delà, tous les sénateurs qui, en s’intéressant à l’Europe et en débattant avec le Gouvernement, la font avancer. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Je veux avant toute chose remercier M. Sutour, président de la commission des affaires européennes, d’avoir permis que ce débat puisse se tenir en séance publique, à un moment si important pour la vie du Sénat, comme il vient de le rappeler.
M. Gattolin a insisté sur l’importance toute particulière de cette réunion du Conseil européen et a mentionné de nombreux points, dont celui de la citoyenneté européenne. Il faut effectivement réconcilier les citoyens avec le projet européen. Je ne crois pas que le résultat des élections européennes mette en cause l’adhésion à l’idée européenne, à l’idée de coopération entre les nations, au projet de paix, de démocratie, de solidarité entre nos nations. Ce résultat, en revanche, en raison de l’abstention, du vote extrémiste et anti-européen dans plusieurs pays, comme l’a également souligné Mme Bariza Khiari, met certainement en cause le fonctionnement de l’Union européenne et les effets de notre action commune, en particulier face à la crise.
Nous avons tous conscience de la nécessité des changements qui doivent être apportés par les chefs d’État et de gouvernement, qui se réuniront pour désigner le prochain président de la Commission européenne et fixer la feuille de route des cinq années à venir.
M. Gattolin a notamment souligné combien il était nécessaire que la prochaine Commission européenne, qui devrait se structurer en pôles, comme nous le proposons, indique clairement que priorité est donnée à la mise en place d’une véritable politique industrielle à travers des règles de concurrence, de commerce et de fiscalité de nature à permettre l’émergence de véritables projets industriels et de véritables champions européens.
M. Gattolin a également souhaité m’interroger sur la politique européenne en matière de gaz de schiste. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, en France, deux raisons majeures nous ont incités à interdire non pas l’exploitation, mais la technique de fracturation hydraulique, jusqu’à présent la seule connue pour exploiter ces gaz.
Tout d’abord, les impacts environnementaux de cette technique ne font aucun doute, qu’il s’agisse des volumes d’eau nécessaires, de l’injection de produits chimiques dans les nappes phréatiques, des risques de fuite de méthane dans ces mêmes nappes ou dans l’atmosphère. C’est la raison pour laquelle la France a interdit par la loi l’utilisation de cette technique sur l’ensemble de son territoire.
Ensuite, sur le plan économique, aucune étude n’a pu démontrer que l’exploitation des gaz de schiste serait rentable pour l’Europe dans son ensemble. Au contraire, il est aujourd’hui avéré que la situation américaine ne peut en aucun cas être reproduite en Europe, en raison non seulement d’un nombre moindre de gisements, mais aussi de conditions géologiques et de densité de population différentes.
Même si, comme vous le savez, nous n’avons pas la possibilité, au niveau communautaire, de remettre en cause la souveraineté de chaque État dans le choix de son bouquet énergétique – principe auquel nous sommes nous-mêmes attachés –, nous veillons à ce que la politique énergétique de l’Union européenne repose sur une diversification, sur une économie moins carbonée, sur l’efficacité énergétique et sur la montée en puissance des énergies renouvelables. Nous considérons également que le nucléaire est l’un des atouts de ce bouquet énergétique. C’est la raison pour laquelle le projet de loi sur la transition énergétique, qui vient d’être présenté en conseil des ministres, lui réserve une part importante à l’avenir. J’examinerai toutefois avec beaucoup d’attention la question de l’utilisation du programme Horizon 2020, dont l’objectif essentiel en matière énergétique est bien de contribuer à l’innovation, à la moindre émission de gaz à effet de serre et donc aux technologies durables.
M. Bizet a insisté, comme d’autres orateurs, sur la nécessité de respecter la logique du résultat de l’élection européenne. La France partage cette position : c’est à la formation politique européenne arrivée en tête, à savoir le parti populaire européen, qu’il revient de proposer son candidat à la présidence de la Commission, comme l’a souligné le Président de la République. Toutefois, monsieur le sénateur, vous conviendrez qu’il faut aussi tenir compte de l’équilibre qui s’est manifesté à l’occasion de cette élection européenne : aucune formation politique ne détient la majorité absolue à elle seule. Il faut donc aujourd’hui rassembler les Européens, en tenant compte de l’ensemble des opinions qui se sont exprimées, et faire en sorte que le nouveau président de la Commission européenne puisse lui-même rassembler une majorité au sein du Parlement européen pour que la feuille de route sur laquelle il sera investi lui permette de relever les défis communs, c’est-à-dire ceux de la croissance, de l’emploi, du dynamisme nécessaire de l’économie européenne et de sa cohésion sociale.
Le Président de la République a donc réuni samedi dernier à l’Élysée neuf chefs d’État et de gouvernement, qui sont convenus à la fois de soutenir la candidature de M. Juncker et de mandater le futur président de la Commission européenne afin de fixer une nouvelle orientation politique à l’Europe, celle de la croissance et non de l’austérité, qui ne fait qu’aggraver les risques de récession. (M. le président de la commission des finances s’exclame.)
Plusieurs orateurs – M. Bizet, ainsi que MM. de Montesquiou, Chevènement et Marini – ont souhaité revenir sur les recommandations par pays de la Commission européenne dans le cadre de l’examen du semestre européen, en particulier concernant le projet de recommandation adressé par la Commission à la France après examen du programme de stabilité et du programme national de réformes.
Ce projet de recommandation, nous l’avons dit, nous paraît équilibré. La Commission valide d’ailleurs la stratégie économique du Gouvernement, puisqu’elle considère que notre programme de stabilité va dans la bonne direction et qu’il « répond globalement » à sa recommandation du 5 mars dernier.
De même, notre programme national de réformes permettra, selon la Commission, de résorber nos déséquilibres macroéconomiques. Nos stratégies économiques, détaillées dans le pacte de responsabilité et de solidarité, visent à trouver le meilleur équilibre entre la réduction des déficits – par la maîtrise de la dépense –, l’accompagnement du retour de la croissance – par une diminution des prélèvements obligatoires – et les réformes de fond qui permettront d’améliorer la compétitivité, la croissance de long terme et l’emploi.
La Commission ne remet donc pas en cause notre capacité à tenir nos objectifs de réduction des déficits publics. Elle souligne au contraire le caractère adapté et ambitieux du plan d’économies du Gouvernement. Les précisions qu’elle demande pour 2014 et pour 2015 figurent dans le projet de loi de finances rectificative et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative qui ont été présentés en conseil des ministres les 11 et 18 juin dernier et qui seront examinés par le Parlement à partir de cette semaine. Ces deux textes détaillent les mesures nouvelles d’économies permettant de sécuriser notre objectif de finances publiques pour 2014, avec notamment plus de 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires par rapport aux prévisions de l’automne dernier.
La Commission tient également compte de l’agenda de réformes structurelles engagées : allégement du coût du travail pour faciliter à la fois l’embauche et l’investissement, réforme du marché du travail pour améliorer le dialogue social, lutte contre les rentes abusives dans certains secteurs, choc de simplification, réforme de notre organisation territoriale,… Si M. Chevènement a rappelé à juste titre que cette dernière ne produirait d’effets qu’à moyen et long terme, elle n’en est pas moins absolument nécessaire pour des raisons d’efficacité de l’organisation de la puissance publique, y compris vis-à-vis des acteurs économiques.
L’enjeu réside désormais dans la bonne mise en œuvre de ces recommandations autour des trois piliers de notre stratégie économique : réduction de notre déficit structurel pour atteindre les 3 % de déficit total en 2015 et baisse de notre ratio de dette, car nous ne souhaitons pas que soit mise en cause notre souveraineté financière – si les taux d’intérêt sont bas, comme cela a été rappelé par plusieurs orateurs, c’est en raison de la solidité et du sérieux de la gestion de nos finances publiques –, baisse du chômage, en particulier celui des jeunes et des seniors, et amélioration de la compétitivité des entreprises avec le plan de 30 milliards d’euros d’allégement de charges au profit des entreprises, lequel s’élève à 40 milliards d’euros si l’on y ajoute l’ensemble des mesures fiscales.
M. de Montesquiou a profité de ce débat pour faire un certain nombre de remarques sur le pacte de responsabilité et de solidarité, ce qui n’entre pas, à proprement parler, dans le champ de la discussion du Conseil européen. Toutefois, je peux en convenir, tout est lié.
Au final, je retiendrai de votre intervention, monsieur le sénateur, que vous souhaitez que le pacte de responsabilité aille à la fois plus loin et plus vite. Vous en reconnaissez la bonne orientation (M. Aymeri de Montesquiou opine) en direction des entreprises, c’est-à-dire de l’emploi, par la baisse du coût du travail, la réduction des impôts des entreprises et la simplification des procédures administratives. Mais il s’agit aussi d’un pacte pour les salariés et les ménages à travers la baisse des cotisations au niveau du SMIC et la réduction des impôts des ménages modestes.
Plutôt que de nous mettre en cause mutuellement pour des dépassements de vitesse quelque peu excessifs en termes de prélèvements, reconnaissons qu’aucun gouvernement n’avait adopté de mesures aussi fortes…
M. Aymeri de Montesquiou. Après avoir fait tout le contraire !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. … en matière de baisse de fiscalité des entreprises, de soutien aux ménages modestes et d’encouragement à des réformes structurelles, qui vont permettre d’accroître la compétitivité de notre économie.
Vous le savez, nous avons eu à faire face à une situation extrêmement difficile au lendemain de la crise de 2008.
En 2011, le déficit annuel atteignait 5,2 % du PIB. Ramené à 4,8 % en 2012, il aura été de 4,3 % en 2013. Notre objectif est de le porter à 3,8 % en 2014. Un effort considérable a été demandé à nos concitoyens depuis que nous sommes aux responsabilités. Or si nous partageons l’objectif de réussite de ce pacte de responsabilité et de solidarité, nous devons ensemble dire à nos partenaires européens que la France est en train de se réformer, de se donner les moyens d’être un des acteurs du retour de la croissance en Europe et qu’elle le fait non seulement pour elle-même, pour nos concitoyens et pour nos entreprises, mais aussi pour contribuer à sortir l’Europe de la crise.
Monsieur de Montesquiou, vous m’avez également interrogé sur la situation de BNP Paribas, au regard du risque de sanction de la part des États-Unis. Le ministre des affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, s’est exprimé avec la plus grande clarté sur ce point. S’il y a eu faute ou infraction, il est tout à fait normal qu’une entreprise s’expose à des sanctions. Encore faut-il que celles-ci soient proportionnées et raisonnables. Or, de toute évidence, les chiffres évoqués il y a quelques semaines ne l’étaient pas. C’est la raison pour laquelle nous avons indiqué, avec la plus grande clarté, qu’au moment où nous discutons d’un partenariat commercial transatlantique, qui ne peut être fondé que sur la réciprocité, il ne peut être question d’accepter que l’avenir de l’une des plus grandes entreprises de notre pays, de l’une des plus grandes banques européennes puisse être mis en danger dans son rôle même, celui du financement de l’économie.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !