M. Benoît Hamon, ministre. Je formulerai quelques commentaires sur les recommandations que contient ce rapport de qualité et répondrai aux différentes remarques qui ont été émises, ce qui nous permettra de faire le point sur la montée en puissance des ESPE.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous demandez si ces écoles contribuent à rendre plus attractif le métier d’enseignant. À l’évidence, nous ne pouvons donner une réponse définitive à cette question. En revanche, un certain nombre d’indicateurs nous montrent que, aujourd’hui, le métier d’enseignant semble plus attractif et que la formation initiale des enseignants n’y est pas pour rien. J’essaierai de l’illustrer dans quelques instants.

Vous avez tous reconnu avec beaucoup d’honnêteté – même ceux d’entre vous qui sont membres de l’opposition –, l’ambition éducative dont fait incontestablement montre le Gouvernement. Bien sûr, selon que l’on est de droite ou de gauche, on ne partage pas nécessairement les priorités qui sont fixées.

Vous avez les uns et les autres évoqué les classements internationaux, les évaluations du ministère de l’éducation nationale lui-même, établies par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, la DEPP. Le Gouvernement se fixe comme objectif principal la lutte contre les inégalités sociales qui se développent dans l’école, les déterminismes sociaux, mais également les déterminismes parfois scolaires, qui conduisent l’institution elle-même à orienter certains jeunes sans tenir compte de leurs capacités et, ainsi, à produire des inégalités.

Face à cette situation, nous avons décidé de réagir, en consacrant davantage de moyens et d’effectifs à l’éducation nationale. En effet, il faut plus d’adultes. Cela ne résume évidemment pas une ambition éducative, mais cela dit beaucoup de notre volonté que davantage d’adultes soient face aux élèves, pour que ces derniers, quelle que soit leur origine sociale, quel que soit le territoire dans lequel ils sont inscrits à l’école, au collège ou au lycée, aient affaire à des équipes enseignantes formées, suffisamment nombreuses. Il s’agit en effet d’apporter des réponses à chacun de nos enfants, pas simplement à tous les enfants.

Le Gouvernement consent un effort significatif en termes d’effectifs. Je souligne ainsi qu’un tiers des effectifs porte sur la formation des enseignants, ce qui montre la dimension qualitative de cet effort quantitatif. Il ne s’agit donc pas simplement d’augmenter le nombre de professeurs, pour compenser leur baisse dans les dix dernières années.

Les propositions et les chantiers qui traduisent les choix du Gouvernement sont parfaitement cohérents les uns avec les autres. Parmi ceux-ci se trouvent la priorité au primaire et la priorité à l’éducation prioritaire, avec la refonte de la carte de l’éducation prioritaire, qui sera officielle l’année prochaine et qui concentrera qualitativement et quantitativement les moyens là où on en a le plus besoin.

Je pense aussi à la scolarisation avant trois ans, décisive dans les quartiers les plus défavorisés, ou à la volonté d’avoir plus de maîtres que de classes. Demain, avec la refonte de l’éducation prioritaire, nous aurons aussi davantage de moyens, davantage de formation, davantage de temps dégagé pour les équipes éducatives pour des projets collectifs, davantage d’indemnités, enfin, car il faut une incitation à la stabilité des équipes et celle-ci est également liée à la rémunération des enseignants.

Au-delà de cette priorité accordée au primaire, la question de la refonte des programmes est cruciale ; vous l’avez évoquée à l’instant, monsieur Legendre. À la rentrée de 2014 interviendra un premier recentrage des programmes de l’école élémentaire. Le Conseil supérieur des programmes, le CSP, demeure en dépit du départ de son président, et les propositions qu’il formulera sur le socle commun ne manqueront pas d’être débattues et discutées par les enseignants que nous consulterons dès l’automne prochain.

Nous rendrons ensuite des arbitrages, que nous vous soumettrons, pour déterminer ce que la nation attend de l’école, du collège, des compétences et des connaissances qui doivent être maîtrisées à l’issue de la scolarité obligatoire, de la manière dont il faut les évaluer. En effet, on ne peut se contenter de dire ce que l’on attend de l’école et du collège : il faut aussi définir la manière dont on évalue ces connaissances, ces compétences, cette culture commune. Par ailleurs, le lycée sera également l’objet de discussions.

J’en viens maintenant à ce qui nous réunit ce soir, à savoir la formation initiale des enseignants. Alors qu’elle avait été à bien des égards largement remise en cause, nous avons souhaité la reconstituer en la construisant autour d’un équilibre : le maintien du concours, une formation universitaire, mais aussi l’alternance, qui seule permet l’apprentissage des gestes professionnels indispensables au métier d’enseignant.

Ce sont ces principes qui ont été à l’origine de la création des ESPE. Indiscutablement, comme plusieurs d’entre vous l’ont évoqué, la mise en place de ces écoles dès la rentrée 2013, alors que le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République était discuté au Parlement, a supposé de commencer à travailler sur la création de ces structures. Cela a même entraîné des décisions du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, huit jours seulement après la promulgation de la loi.

Sans travailler à marche forcée, nous avons donc voulu aller vite, parce que nous considérions que la mise en place de cette formation initiale des enseignants était absolument indispensable pour donner toute sa cohérence à l’ambition éducative du Gouvernement. Sans cela, l’équilibre de la réforme n’aurait pas été atteint. Il fallait rétablir la formation initiale des enseignants et faire en sorte que ce métier s’apprenne, notamment grâce à l’alternance.

Incontestablement, la première année fut parfois difficile : il fallut travailler presque en direct et apprendre des premiers freins, des premiers obstacles, des premiers verrous qui apparaissaient sur le terrain. Nous avons essayé de tenir compte de l’ensemble de ces difficultés pour proposer au fur et à mesure des évolutions et essayer de travailler au mieux des intérêts des enseignants, mais surtout des élèves, afin que ceux-ci disposent des enseignants les mieux formés qui soient.

C’est le travail du comité de suivi du recteur Filâtre, qui a d’ores et déjà rendu un avis sur la réforme et sur le mémoire professionnel qui est exigé des étudiants. Nous avons sollicité plusieurs rapports de l’IGAENR, l’Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, sur la mise en place de la culture commune, rendus en juin dernier, sur la gouvernance et les équipes pluricatégorielles.

Les personnels des UFR, des ex-IUFM et les nouveaux professeurs qui interviennent forment des équipes pluricatégorielles qui apprennent à travailler ensemble et ont besoin de se construire une culture commune ; celle-ci est absolument déterminante. On parle de la culture commune des futurs enseignants, mais il convient de construire une culture commune entre ces différentes catégories d’intervenants au sein des ESPE.

Nous avons sollicité un rapport sur le rattachement des ESPE aux communautés d’universités et établissements, ou COMUE, qui sera rendu au mois de juillet prochain. Les directions générales sont également sollicitées pour apporter régulièrement leur expertise sur la mise en œuvre de cette réforme et des ESPE. Votre rapport nous donne par ailleurs de nombreuses pistes, mesdames, messieurs les sénateurs, mais j’aurai l’occasion d’y revenir.

Je voudrais m’attarder sur le recrutement et l’attractivité du métier. Nous avons constaté une augmentation de 30 % des effectifs inscrits à la rentrée en master MEEF, c'est-à-dire Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation, soit 25 000 inscrits, ce qui est déjà en soi une très bonne nouvelle.

Que dire de la prochaine rentrée ? Nos estimations, qui ne sont donc pas par définition des chiffres définitifs, laissent à penser que nous aurons une augmentation de 15 % à 20 % du nombre des inscrits, ce qui est là encore tout à fait significatif, confirmant l’attractivité plus grande du métier d’enseignant. Nous sommes intimement convaincus, Geneviève Fioraso et moi-même, que l’existence même des ESPE rend beaucoup plus attractif le métier d’enseignant, outre la manière dont le Gouvernement a décidé de traiter l’école et de faire confiance aux enseignants pour qu’ils ne se sentent plus stigmatisés comme ils avaient parfois pu l’être auparavant.

Pour ce qui est des chiffres, quelque 37 000 candidats se sont présentés aux concours en 2013 et 57 000 candidats aux concours rénovés de 2014. Le nombre d’admissibles a augmenté, avec un niveau en forte hausse. En dépit de cela, la barre d’admissibilité a été relevée. Les concours ne sont donc pas « donnés », bien au contraire.

Des signes positifs sont émis du côté des concours, même si certaines disciplines, en particulier les mathématiques, rencontrent toujours des difficultés de recrutement, que nous essayons de résoudre. Nous devons nous efforcer de rendre les concours d’accès au métier de professeur de mathématiques plus attrayants qu’ils ne le sont aujourd'hui. Il est vrai qu’ils souffrent de la concurrence de débouchés professionnels pouvant paraître plus attractifs, notamment en termes de rémunération, en particulier dans le secteur informatique.

De surcroît, nous pourrons recruter sur la base de listes complémentaires pour augmenter notre potentiel humain en cas de nécessité, à partir des informations que je viens de vous donner.

Avant de céder la parole à Geneviève Fioraso, j’en viens aux recommandations que vous avez formulées, monsieur le rapporteur. Vous avez évoqué, je l’ai dit, le fait de travailler à l’émergence d’une culture commune à tous les enseignants, au-delà des différences d’identité professionnelle, du degré dans lequel on enseigne, que l’on soit professeur des écoles ou professeur du second degré, que l’on travaille dans l’enseignement professionnel ou dans les voies technologiques ou générales.

Cette culture commune est évidemment au cœur de la réforme. Elle repose sur l’élaboration d’un référentiel des métiers unique pour tous les enseignants. C’est le sens des documents fournis par les directions générales à toutes les ESPE, ainsi qu’aux recteurs et présidents d’université. Ce référentiel rappelle que le travail de l’enseignant s’inscrit dans le respect des valeurs de la République, celui-ci étant fonctionnaire, au sens de serviteur de l’État, dont il doit connaître parfaitement les règles.

Pour ce qui concerne l’essentiel, c’est-à-dire faire face à une classe, que l’on soit dans une école primaire, dans l’enseignement professionnel, dans une voie technologique ou générale, il faut prendre en compte la diversité des élèves, celle des rythmes des personnes que l’on a en face de soi, mais aussi la nécessité de construire des pédagogies différenciées et d’utiliser différents instruments et outils en fonction de la variété des situations.

Il s’agit évidemment de maîtriser les mécanismes et les processus d’apprentissage. Il est des gestes professionnels qu’il est indispensable d’apprendre, que l’on soit professeur du premier degré ou du second degré.

Il s’agit également de coopérer dans le cadre d’un établissement avec les différents partenaires de l’école et l’ensemble de la communauté éducative. À bien des égards, nous savons que les projets éducatifs reposent sur la collaboration et la coopération entre les enseignants. Nous avons besoin d’un dialogue respectueux, constructif, au sein de la communauté éducative, mais aussi, chacun étant à sa place, avec les parents d’élèves et, au-delà, avec les différents partenaires de l’école ; je pense notamment, dans l’enseignement professionnel, aux acteurs économiques.

À cet égard, je me réjouis que, lors de la prochaine conférence sociale, le ministère de l’éducation nationale animera une table ronde sur le lien entre l’éducation nationale et le monde professionnel, notamment pour l’insertion professionnelle des jeunes issus de la filière professionnelle. Le président de l’Union professionnelle artisanale, l’UPA, s’en est également félicité.

J’en profite pour ouvrir une parenthèse : on reproche parfois à certains responsables politiques de mal connaître l’entreprise et d’en faire la caricature.

Pour ma part, j’ai été longtemps salarié, puis directeur de société dans le secteur privé, et une telle remarque me fait sourire, mais j’observe que circulent également dans le monde patronal des caricatures de l’éducation nationale. J’espère que cette conférence sociale sera l’occasion de les faire disparaître. Imputer à l’éducation nationale, outre les inégalités, le haut niveau du chômage en France, me paraît constituer une charge bien lourde, qui relève pour beaucoup de la caricature.

La création, qui figure parmi vos recommandations, d’équipes pluricatégorielles de formateurs donnant toute leur place aux professionnels de terrain est évidemment l’une des conditions de la réussite des ESPE. C’est un point de vigilance pour la prochaine rentrée, afin que la culture commune dont la constitution a commencé de se faire cette année perdure entre les différents publics, qu’il s’agisse des personnels des ex-IUFM, des UFR, des rectorats ou des personnels de terrain.

Parfois, des « amalgames » peinent à prendre ; nous avons besoin d’imbriquer les cultures les unes avec les autres. Avec le temps, je pense que nous parviendrons à créer une alchimie qui soit profitable à tous. En tout cas, nous y sommes particulièrement vigilants, au diapason des recommandations qui sont les vôtres.

Vous évoquez la constitution de pôles de coopérations interacadémiques pour mutualiser les formations préparant aux concours de professeurs de lycée professionnel. Dans certaines matières qui offrent très peu de postes à pourvoir, il est indispensable de mutualiser les formations. Je pense par exemple à une formation dans le domaine de l’énergie solaire suivie la première année en Savoie, mais que les stagiaires, dispersés ensuite, poursuivent néanmoins grâce à des plateformes d’enseignement à distance proposées par les ESPE.

Il est indispensable de développer une telle mutualisation dans les domaines offrant peu de postes à pouvoir. C’est le cas de filières professionnelles et technologiques ; c’est également le cas d’un certain nombre de langues rares, pour lesquelles les enseignants ne sont pas suffisamment nombreux pour dispenser une formation dans toutes les ESPE. C’est un point de vigilance que nous partageons.

Mme Mélot nous a alertés sur la nécessité de prévoir une sensibilisation des futurs enseignants aux enjeux européens. C’est évidemment essentiel, pour les élèves comme pour les enseignants. Le CSP nous a, là encore, proposé des programmes pour le futur parcours d’éducation civique. La question de la relation aux institutions européennes est tout à fait centrale, de même que les occasions qui sont offertes aujourd’hui par l’Europe, notamment en termes d’échanges et de mobilité, dans le secondaire comme dans le supérieur.

Cette préconisation est importante si l’on veut que les jeunes citoyens européens que nous formons se fondent naturellement dans l’espace politique européen. Ces apprentissages passent par des formateurs et des professeurs partageant la même culture qu’eux de ce point de vue. Je ne puis que partager le souci qui est le vôtre, madame la sénatrice.

Je souhaite aborder deux derniers points, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de laisser ma collègue Geneviève Fioraso prendre le relais et répondre à vos nombreuses interrogations.

Mme Gonthier-Maurin évoquait tout à l’heure la diminution des horaires. À mon avis, ce calcul compare une formation sans alternance avec une nouvelle formation incluant cette alternance. Or le passage en établissement constitue une période de formation déterminante en termes de retour d’expérience.

J’en viens à la mise en place des tutorats mixtes, tant avec les professeurs des écoles maîtres formateurs qu’avec les professeurs formateurs académiques, ou PFA, madame Bouchoux, sur laquelle vous m’avez interrogé. Le décret relatif aux PFA est en cours de finalisation, mais les recteurs ont d’ores et déjà commencé à procéder au repérage et au recrutement, ce qui est évidemment déterminant pour qu’un corps de professeurs formateurs académiques puisse utilement remplir sa mission aux côtés des professeurs stagiaires.

Avant la rentrée, une semaine d’accueil des stagiaires par les académies et les corps d’inspecteurs a été prévue. Un accueil sur mesure est également programmé dans les EPLE, les établissements publics locaux d’enseignement, par les directeurs et chefs d’établissements, avec les tuteurs désignés.

Par ailleurs, outre le rectorat que les professeurs stagiaires peuvent joindre directement, une cellule de la direction générale des ressources humaines du ministère de l’éducation nationale recueille les appels des professeurs stagiaires, afin de rassurer ces derniers, notamment s'agissant de l’académie et de l’établissement dans lesquels ils seront affectés, et de les accompagner au mieux dans cette première année en alternance.

La question de l’articulation entre l’ESEN et les ESPE m’a été posée. Des formations des équipes de direction des ESPE, directeurs et directeurs adjoints, sont organisées tous les mois à raison de deux jours par mois. Ce travail est réalisé en étroite collaboration – quasi hebdomadaire – avec les directions générales pour ce qui relève de l’ESEN, de façon à assurer une formation optimale des ESPE. Par ailleurs, l’École supérieure de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a entamé un travail de sensibilisation des futurs directeurs d’EPLE à la réforme.

Aujourd'hui, la montée en puissance des ESPE se poursuit. À bien des égards, elle repose sur la réussite de la formation initiale et continue des enseignants et sur la capacité de l’école de la République à remplir sa mission, bien mieux qu’elle ne le fait aujourd'hui, avec les moyens qui sont les siens.

Permettez-moi pour finir d’évoquer quelques chiffres qui m’ont alerté sur l’ampleur des défis qui sont posés à l’école.

Entre 15 % et 20 % des jeunes ne maîtrisent pas les compétences attendues en français ou en mathématiques à leur entrée en sixième. Une étude de la DEPP, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, a montré que, au sortir du CE2, les élèves ont des difficultés en calcul et dans la compréhension des textes. En revanche, les résultats de l’école maternelle française sont très bons. Ils montrent, à la sortie de la maternelle et à l’entrée au CP, une amélioration significative du niveau des enfants. Il y a donc du bon et du moins bon.

Un autre chiffre m’a beaucoup frappé : le taux d’élèves qui, dans les zones d’éducation prioritaires, à la sortie de la troisième, soit quasiment à la fin de la scolarité obligatoire, maîtrisent les attendus. Ce taux est passé de 54 % à 42 %, ce qui montre que, aujourd'hui, les inégalités se creusent à l’école, et pas seulement d'ailleurs en raison de l’école. Un certain nombre de déterminismes scolaires ou institutionnels viennent s’ajouter aux déterminismes sociaux.

Telle est la tâche qui est devant nous. Pour y faire face, nous avons absolument besoin d’enseignants maîtrisant les gestes professionnels indispensables, afin que les jeunes Français puissent acquérir le socle commun de connaissances et de compétences.

Je pense que les ESPE, dans leur montée en puissance, joueront un rôle décisif. À cet égard, le rapport de la mission d’information visant à améliorer le fonctionnement des ESPE, leur contrôle et leur efficacité sera très utile. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il me revient à mon tour de remercier la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Mme Marie-Christine Blandin, sa vice-présidente, Mme Colette Mélot, le rapporteur, M. Jacques-Bernard Magner, et tous ceux d’entre vous qui ont participé activement – je l’ai bien compris –, à Clermont-Ferrand, mais aussi ailleurs – je l’ai également compris –, aux travaux de la mission d’information sur les écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

Ces travaux permettent d’avoir une vision globale et seront précieux pour le ministère de l'éducation nationale comme pour celui de l'enseignement supérieur et de la recherche.

En effet, en réalité, les destins de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur sont totalement liés dans cette affaire, et ce pas uniquement parce que la formation des enseignants se fera désormais au sein de l’université.

Si nous voulons que les étudiants réussissent davantage en premier cycle et si nous souhaitons plus d’étudiants issus des milieux modestes qu’aujourd'hui, il faut en amont assurer la réussite des parcours scolaires du plus grand nombre, en particulier des enfants issus de milieux sociaux et culturels plus modestes, moins favorisés, issus de quartiers ou de territoires éloignés des centres de ressources. Il est donc essentiel de refonder la formation des enseignants.

On sait que la réussite des parcours scolaires, donc des parcours de qualification, ainsi que de l’insertion professionnelle dépend tout d’abord de la qualité de la formation des enseignants. Vous l’avez dit, mesdames, messieurs les sénateurs, et, du reste, toutes les études le montrent. On peut donc considérer ce point comme un acquis.

Vous avez également dit que la mise en place des ESPE s’était faite rapidement, avec « précipitation » ont affirmé certains d’entre vous. Si cela s’est fait aussi rapidement, c’est parce qu’il y avait une urgence, et ce pas uniquement à cause des résultats de l’enquête PISA. Il était nécessaire de mettre en œuvre les ESPE du fait de la raréfaction, pour ne pas dire de la suppression de la formation in situ. Or être enseignant, assurer la transmission de connaissances et la réussite des parcours de formation, ce n’est pas inné. Cela s’apprend, et c’est une compétence différente de l’acquisition de savoirs disciplinaires, voire interdisciplinaires, comme l’a indiqué Corinne Bouchoux à juste titre.

Même si tout n’était pas complètement ficelé et prêt, il était urgent, après le vote de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République et de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, de mettre en œuvre les ESPE au sein des universités dès la rentrée 2013. Tel était le choix du Président de la République et du Gouvernement. Pour ma part, je pense que c’était un bon choix.

L’enjeu principal est de réussir l’intégration de cette formation professionnalisante in situ, entre la formation académique, disciplinaire et interdisciplinaire. Il s’agira d’une formation « tutorée », d’abord, puis de plus en plus autonome à mesure que l’étudiant sera proche de la sortie du M2 et du moment où il sera seul face à sa classe, que ce soit en maternelle, en primaire, dans le premier ou le second degré, ou même à l’université.

Être enseignant à l’université, cela s’apprend aussi. Benoît Hamon et moi avons tous les deux en commun une expérience dans le privé et une expérience d’enseignant dans l’enseignement supérieur.

À ce titre, je peux vous assurer que, lorsqu’on se retrouve face à un amphithéâtre la première fois, sans formation préalable, on n’est vraiment pas fier ! C’est d’autant plus difficile que, aujourd'hui, les étudiants, ces digital natives, comme on dit en bon français, vérifient en temps réel si ce que vous dites est bien vrai. N’ayant plus les inhibitions que pouvait avoir notre génération, ils vous interrompent en plein milieu d’un cours pour vous signaler que l’indicateur que vous leur donnez n’est pas le bon.

Les enseignants ont donc intérêt à être formés pour faire face à ces situations, qui sont non pas des conflits, mais des moments d’interactivité, auxquels il faut être préparé pour en tirer partir et pour ne pas perdre la face.

Cette formation sera irriguée par la recherche, pas uniquement par la recherche en sciences de l’éducation et en didactique, mais aussi par la recherche en psychologie, en histoire de la science, bref par une recherche extrêmement diversifiée. Cette irrigation sera une richesse pour l’enseignant, qui pourra ensuite la transmettre à ses élèves. De ce point de vue, la formation aux problématiques du genre me paraît importante, surtout pour les enseignants.

J’ai passé le test qui nous a été soumis par l’équipe de Najat Vallaud-Belkacem – Benoît Hamon n’a pas dû y échapper – visant à vérifier si nous confortions nous aussi, militants convaincus de la parité, les stéréotypes. Or, quand on passe ce test, on s’aperçoit qu’on les conforte, sans le vouloir.

Un certain nombre d’enseignants l’ayant passé se sont ainsi rendu compte, par exemple, qu’ils sollicitaient davantage les filles que les garçons pour essuyer le tableau et pour rendre de petits services. Ils demandent davantage aux garçons d’accomplir des travaux qui nécessitent, semble-t-il, moins de timidité, davantage d’ardeur physique, et ce sans même le mesurer et tout en étant des militants convaincus de la parité. Ce sont donc surtout les enseignants qu’il faut former. Les études de genre, poursuivies par des études de recherche, seront extrêmement utiles.

Ces formations se font à l’université, avec une acculturation réciproque entre les enseignants. Toutefois, tous les enseignants de l’université, je veux aussi le dire, ne sont pas « hors sol ». Qui dit « académique » ne veut pas forcément dire « hors sol ».

J’ai présidé hier soir un concours de jeunes doctorants qui devaient présenter leur thèse en 180 secondes, soit trois minutes. Je vous assure que l’on osait à peine prendre la parole après eux tant ils étaient bons communicants. Ils étaient extrêmement bons en termes de synthèse, très pédagogues, très clairs et créatifs, y compris dans la gestuelle.

Toutes les personnalités présentes, qu’il s’agisse du président de la conférence des présidents d’université, de M. Alain Mérieux – le concours s’est tenu à Lyon –, des représentants des milieux économiques ou de ceux du ministère de tutelle, étaient franchement moins brillantes qu’eux. Ces étudiants étaient extrêmement concrets. Certains d’entre eux effectuaient de la recherche fondamentale, mais ils imaginaient déjà quelles applications ils pourraient en tirer. Ils avaient un lien avec le réel qui aurait séduit tous les chefs d’entreprise s’ils avaient été là. Je le dis au passage à l’intention de ceux d’entre eux qui hésitent encore à recruter des docteurs, car c’est là un enjeu important.

Néanmoins, il est vrai que l’histoire des IUFM a marqué plus ou moins profondément et plus ou moins positivement certaines académies et que, par conséquent, vous l’avez remarqué, la conversion aux ESPE et l’acculturation entre les universitaires et les praticiens se font plus naturellement dans certaines académies que dans d’autres.

Les praticiens doivent être présents dans la formation, car ils sont sur le sol, dans la réalité du métier, de même que les acteurs de l’éducation populaire, de la culture, cela a été dit, et du monde économique et de la recherche. Il est essentiel qu’ils soient présents, car ils connaissent les métiers de l’intérieur et peuvent les présenter. Tous ces acteurs doivent travailler ensemble, côte à côte, l’élément fédérateur étant finalement le recteur.

L’État est bien là. Des inquiétudes se sont exprimées sur le fait qu’il y aurait des disparités trop grandes entre les territoires, car on laisserait certains prendre des initiatives trop importantes. Je crois justement à la rencontre de ces écosystèmes, de ces initiatives territoriales et d’un État stratège avec un référentiel le moins théorique et le plus vivant possible. Les ESPE sont aussi des organismes vivants adaptés à leur territoire, appelés à évoluer. Je tenais à insister sur ce point.

Nous sommes allés vite parce qu’il y avait urgence, mais les ESPE sont des organismes vivants. Notre pédagogie devrait d’ailleurs s’en inspirer. Dans nos méthodes pédagogiques – je le répète, j’ai aussi été enseignante –, nous sommes souvent dans le tout ou rien. Il ne faudrait démarrer que lorsque tout est bouclé. Eh bien non ! La pédagogie est forcément évolutive. On s’améliore peu à peu, on apprend de ses erreurs. C’est ainsi que l’on progresse. Je pense que c’est une forme de pédagogie nouvelle, que nous devrions intégrer, valable aussi bien à l’université que dans les écoles, les collèges et les entreprises, de même que dans les instances politiques ou de gouvernance en général.

J’évoquerai maintenant la gouvernance et le lien avec les regroupements qui se font dans les universités.

En matière de gouvernance, je ne puis que regretter que l’on ne compte que huit femmes parmi les trente directeurs. Certes, c’est tout de même mieux que pour les présidents d’université. En effet, l’arrivée massive des PU-PH, les professeurs des universités et les praticiens hospitaliers, dans la dernière promotion des présidents d’université a fait que l’on compte aujourd'hui moins d’une dizaine de femmes parmi les plus de soixante-dix présidents.

Huit femmes sur trente directeurs, c’est donc tout de même un meilleur score que celui des présidents d’université et des écoles d’ingénieurs, je le dis au passage. J’espère cependant qu’il s’améliorera. Les études sur le genre devraient le permettre. J’ajoute que les conseils des ESPE sont constitués à parité de femmes et d’hommes.

Les ESPE correspondent-ils exactement aux COMUE, les Communautés d’universités et d’établissements ? Pas forcément. Il y a une trentaine d’ESPE, il y aura vingt-cinq COMUE et cinq associations, l’État n’ayant pas voulu imposer une forme unique pour tout le monde.

Ce sont donc les acteurs de terrain qui ont décidé de leur territoire. Parfois, le regroupement est interacadémique. Parfois, il prend la forme d’une communauté – l’université et l’établissement. Parfois, enfin, il est interrégional, ce qui préfigure d’ailleurs les trois regroupements régionaux, voire peut-être un autre à venir, dans un avenir plus ou moins proche, à savoir celui de la Bretagne et des Pays de la Loire.

Il est vrai qu’il pourra y avoir – pour les COMUE, pas pour les ESPE ni pour les régions – plusieurs ESPE correspondant à une COMUE. Pour autant, un réseau doit se former et des passerelles doivent exister, tout comme d’ailleurs entre l’ESEN et les COMUE.

Des passerelles numériques doivent également exister. À ce sujet, je remercie le rapporteur d’avoir remarqué le MOOC, c'est-à-dire les cours en ligne ouverts et massifs, conçu par l’ENS-Cachan et l’ENS-Lyon, qui compte déjà 10 400 inscrits. Ce cours numérique, qui a démarré au début de mai dernier et qui se terminera à la fin de juin prochain, est gratuit et restera disponible en ligne sur la plateforme France université numérique, lancée en janvier dernier.

Dans ce domaine non plus, nous n’étions pas prêts. Alors que seuls quatorze MOOC étaient d’abord disponibles, ils sont maintenant trente-six. À la fin de l’année, ils seront soixante. À ce jour, on dénombre plus de 300 000 inscrits. Dans ce domaine également, nous progresserons et nous monterons en puissance progressivement. On ne peut plus aujourd'hui enseigner aux enfants nés dans le numérique, les fameux digital natives, comme on le faisait auparavant.

Les ESPE peuvent devenir au sein des universités des centres de ressources pour la formation continue des enseignants, car tout le monde n’est pas spontanément à l’aise avec le numérique. Ce n’est pas forcément une question de génération, même si, en général, on distingue ceux qui lisent les modes d’emploi de ceux pour qui l’apprentissage est intuitif. Vous aurez compris quelle génération lit les modes d’emploi – plutôt la mienne – et quelle génération a un rapport spontané avec le numérique – plutôt les jeunes générations. (Sourires.)

Les ESPE s’inscrivent aussi dans un processus démocratique. Pourquoi ? Benoît Hamon l’a très bien dit, il faut absolument que notre réussite scolaire bénéficie à l’ensemble des enfants, quels que soient leur territoire ou leur classe sociale d’origine. Pour cela, il faut que les enseignants viennent de milieux sociaux plus diversifiés. On a assisté à une homogénéisation progressive des origines sociales des enseignants, qui sera accentuée par la masterisation si nous ne prévoyons pas de mesure d’accompagnement.

Il ne s’agit pas de stigmatiser, mais de diversifier les origines sociales des enseignants. En effet, on sait que les jeunes se construisent et construisent leur parcours éducatif et leur formation par identification et par projection. Les emplois d’avenir professeurs, qui sont ouverts aux élèves boursiers dès la deuxième année de licence, sont à cet égard un outil de démocratisation de l’enseignement, puisqu’ils contribueront à la réussite d’élèves issus de la diversité sociale et culturelle.

J’en viens à la gouvernance et à la manière dont les moyens ont été redéployés entre les IUFM et les ESPE. Globalement, cela ne s’est pas si mal passé. On a beaucoup insisté sur les dysfonctionnements. Aujourd'hui, seules deux ESPE, sur une trentaine, connaissent des dysfonctionnements ; ce n’est pas un si mauvais score. En tout, 700 équivalents temps plein, ou ETP, sont concernés. La plupart d’entre eux ont été transférés sans problème.

Là où il y a des problèmes, le comité de suivi et les services du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche veillent à ce que les choses se passent le mieux possible et font en sorte qu’il n’y ait pas de perte de postes, afin que le transfert se déroule de manière très fluide. Globalement, je le répète, les transferts de postes et de moyens ont été effectués.

Le passage à l’autonomie a fragilisé les universités, il est vrai, parce qu’il n’y a pas eu d’accompagnement à la conduite du changement et à la formation et parce que le transfert n’a pas tenu compte de l’évolution des carrières. Je pense au glissement vieillissement technicité, le GVT, mais aussi à l’évolution naturelle des carrières et aux recrutements rendus nécessaires par l’augmentation des flux d’étudiants, qui est de l’ordre de 1 % à 2 % par an – cela représente tout de même entre 24 000 et 30 000 étudiants supplémentaires chaque année.

Comme nous étions très conscients de cette situation, nous avons mis en place dès notre arrivée au pouvoir toute une ingénierie d’accompagnement et, surtout, d’anticipation des difficultés. Nous avons procédé à une simplification des intitulés des enseignements, car on ne s’y retrouvait plus dans leur maquis : il y avait 5 500 masters et 10 000 parcours de master, ce qui n’était lisible pour personne. Les étudiants et les familles qui n’avaient pas de décodeur à la maison ou dans leur environnement proche en souffraient particulièrement.

Aujourd'hui, les universités se portent mieux ; ce n’est pas moi qui le dis, c’est un récent rapport de la Cour des comptes. Je ne dirais pas qu’elles se portent toutes très bien, mais elles se portent mieux. Nous sommes passés en deux ans de dix-huit à huit universités en déficit de trésorerie ; là encore, c’est la Cour des comptes qui le dit, en s’appuyant notamment sur le courrier de réponse que lui avait adressé la Conférence des présidents d’université, la CPU, après la publication de son rapport provisoire.

La question de la professionnalisation a également été abordée. Certains d’entre vous estiment que les stages, ou plutôt l’immersion in situ, doivent intervenir plus tôt, dès la licence. Nous en avons discuté ici même il y a peu de temps. Les mêmes intervenants étaient d'ailleurs présents ; cela traduit une certaine stabilité des centres d’intérêt et des engagements ! Nous avons bien répété que les stages faisaient partie intégrante de la formation, qu’ils en étaient un élément indispensable. Les stages sont une période de formation.

Nous avons aussi souligné que, si les stages étaient très présents au niveau du master, ils ne l’étaient pas suffisamment au niveau de la licence ; ils ne concernent par exemple que 2 % des étudiants de première année. Les stages sont pourtant utiles pour confirmer ou infirmer une vocation. En plus des emplois d’avenir professeurs, qui prévoient une immersion à partir de la deuxième année de licence, il faut développer des stages, pas nécessairement de longue durée, mais accessibles dès la première ou au moins la deuxième année de licence, pour les étudiants attirés par l’enseignement.

L’organisation de la formation au sein des ESPE préfigure la réforme pédagogique que nous souhaitons introduire à l’université. Je veux parler de la spécialisation progressive en licence, qui favorisera l’interdisciplinarité, indispensable à un enseignement de qualité, que beaucoup d’entre vous appellent de leurs vœux. Le socle général de formation sera plus large. Un étudiant de dix-huit ou dix-neuf ans sait généralement ce qu’il ne veut pas faire plutôt que ce qu’il veut faire ; il sait globalement quels domaines l’attirent, mais il ne sait pas encore précisément vers quoi il va s’orienter. La spécialisation progressive en licence lui permettra de se réorienter sans redoubler, ce qui favorisera les étudiants issus des milieux moins favorisés.

La dernière question posée est celle de l’attractivité. Benoît Hamon y a déjà répondu en partie. Les difficultés de recrutement dans certaines disciplines ne font que refléter les difficultés qui existent au niveau universitaire. Je pense d'abord aux mathématiques. Comme on manque de professionnels dans le numérique, les étudiants en mathématiques se dirigent moins vers la recherche, alors même que nous sommes au premier rang mondial pour la recherche en mathématiques.

Nous avons obtenu onze médailles Fields. La médaille Fields, qui constitue une sorte de prix Nobel pour les mathématiques, est attribuée à un ou plusieurs mathématiciens de moins de quarante ans. Vous connaissez sans doute Cédric Villani, qui est le plus spectaculaire titulaire de cette distinction, mais il y a eu dix autres lauréats français. Il n’y a pas encore eu de femme lauréate, mais j’espère que la prochaine médaille en récompensera une ; nous avons déjà repéré deux gagnantes potentielles.

Les États-Unis ont quant à eux obtenu douze médailles Fields ; si on rapporte le nombre de médailles à la population, nous sommes donc bien le premier pays au monde.

Cependant, il faut être vigilant, car nous avons des difficultés à recruter des enseignants en mathématiques. Nous devons améliorer l’attractivité de cette discipline pour séduire davantage de jeunes. Nous manquons non seulement d’enseignants, mais également de chercheurs et de professionnels en mathématiques appliquées, en particulier dans le domaine de l’informatique.

Je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit au sujet de la culture scientifique et technique. Il est indispensable de la promouvoir si on veut éviter les postures sur des sujets qu’il faut savoir aborder sans tabou. Ce n’est pas une attitude responsable que de se disputer en opposant principe de précaution et principe d’innovation. Les deux ont leur légitimité. Ce qui compte surtout, c’est d’avoir à la fois une culture de la prévention, de l’anticipation et de la précaution, ainsi qu’une culture de l’innovation. C’est mieux que de figer les choses dans une loi, car, ensuite, on est ennuyé par le caractère contradictoire des jurisprudences, qui crée des controverses.

Il faut développer les différentes cultures. Des associations comme « La main à la pâte » y concourent. La loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a délégué la promotion de la culture scientifique et technique aux vingt-deux régions, qui seront demain quatorze – sauf si le Parlement en décide autrement…

Nous pourrions discuter encore longtemps de ce sujet passionnant, mais il est l’heure de conclure. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la qualité de vos interventions et de la sérénité du débat, que j’apprécie chaque fois que je viens au Sénat – si vous alliez à l’Assemblée nationale, vous comprendriez pourquoi… Il est important d’avoir une réflexion commune sereine et pacifiée sur ce sujet, car c’est l’intérêt de nos enfants, donc l’avenir de notre pays, qui est en jeu. Cela nous tient tous à cœur, quelles que soient nos convictions politiques.

Je vous remercie de nous accompagner dans cette ambition partagée. (Applaudissements.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur les écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

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Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 12 juin 2014 :

À neuf heures trente :

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires ;

Rapport de M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur pour le Sénat (n° 572, 2013-2014) ;

Texte de la commission mixte paritaire (n° 573, 2013-2014).

2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale ;

Rapport de Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur pour le Sénat (n° 581, 2013-2014) ;

Texte de la commission mixte paritaire (n° 582, 2013-2014).

De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :

3. Questions cribles thématiques sur les territoires ruraux et la réforme territoriale.

À seize heures :

4. Question orale avec débat n° 9 de M. Jean Desessard à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social sur l’adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d’emploi :

« M. Jean Desessard attire l’attention de M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social sur l’adéquation de la formation professionnelle aux besoins des demandeurs d’emploi.

La formation professionnelle est un outil puissant de reconversion, d’acquisition et d’approfondissement des compétences, tout en étant un vecteur de développement personnel.

La formation permet aux chômeurs d’enrichir leurs savoir-faire et de proposer à leurs futurs employeurs des compétences en accord avec leurs besoins. Elle est, également, une occasion de s’orienter vers des métiers d’avenir, comme ceux favorisés par la transition énergétique, ou simplement un moyen de se réorienter vers des métiers plus adaptés aux désirs de chacun.

Le projet de loi relatif à la formation professionnelle et au dialogue social représente une avancée majeure pour les chômeurs. Si le précédent droit individuel à la formation n’ouvrait des droits à la formation qu’aux seuls salariés, le nouveau compte personnel de formation est, quant à lui, directement rattaché à la personne, tout au long de sa carrière, qu’elle soit salariée ou non. Il s’agit d’un premier pas vers un droit universel à la formation.

Cependant, ce nouveau compte ne parvient pas à s’extraire de la logique assurantielle qui prévaut jusqu’à aujourd’hui : c’est en travaillant que l’on acquiert des droits pour une formation.

C’est pourquoi la formation professionnelle, dans sa forme actuelle, laisse largement les chômeurs de côté. En 2011, seuls 20,3 % des demandeurs d’emploi ont entamé une formation sur l’année.

Le projet de loi relatif à la formation professionnelle tente d’endiguer ce phénomène en renforçant les fonds dédiés à la formation des demandeurs d’emploi. Si auparavant, les financements au titre du congé individuel de formation et du droit individuel à la formation s’élevaient à environ 1,2 milliard d’euros par an, avec le projet de loi, l’augmentation des fonds destinés au congé individuel de formation et la création d’un financement dédié au compte personnel de formation porteront ce montant à 2,3 milliards d’euros.

Malgré ces moyens importants, la formation professionnelle ne remplit pas l’un de ses objectifs fondamentaux : satisfaire la demande des entreprises en emplois qualifiés. Une enquête, réalisée par Meteojob et Campaneo en décembre 2013 sur un panel de 772 très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME), a révélé qu’un tiers d’entre elles a abandonné un projet de recrutement au cours de l’année. Parmi les principales raisons invoquées, outre la situation économique, on trouve la difficulté de trouver le profil recherché. Le conseil d’orientation pour l’emploi a, pour sa part, estimé, en septembre 2013, que près de 400 000 tentatives de recrutement sont abandonnées chaque année, faute de candidat adapté.

Dans le contexte de chômage de masse que connaît notre pays et si la formation professionnelle était réellement adaptée, tous ces postes devraient être pourvus.

Il souhaite connaître, en conséquence, les intentions et la stratégie du Gouvernement pour que la formation professionnelle permette de satisfaire à la fois les besoins des chômeurs, mais aussi des entreprises. »

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 12 juin 2014, à zéro heure dix.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART