M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
Mme Élisabeth Lamure. Cependant, l’article 13 bis, relatif au stage de préparation à l’installation, et l’article 14, prévoyant la fin de l’exonération de cotisation foncière des entreprises pour les travailleurs indépendants bénéficiant du régime micro-social, nous semblent en contradiction tant avec le choc de simplification qu’avec le pacte de responsabilité.
Enfin, l’instauration d’un régime de cotisation minimale pour les auto-entrepreneurs est sans doute la disposition la plus symbolique de ce projet de loi.
Pourtant, si un seul principe de la réforme de l’auto-entrepreneur doit être sauvegardé, c’est bien celui-ci.
En effet, si l’on revient sur le principe fondateur selon lequel, pour des recettes nulles, on ne paye ni impôt ni cotisations sociales, on vide totalement l’auto-entreprise de sa substance.
Pour résumer la position de mon groupe sur le titre II afférent à l’aménagement des obligations administratives et comptables des entrepreneurs, je dirai que nous souscrivons à une part non négligeable de ses dispositions.
Malheureusement, deux éléments nous empêchent de les approuver dans leur ensemble.
En premier lieu, nous déplorons l’absence de concrétisation législative sur l’établissement d’un statut unique de l’entreprise individuelle : le projet de loi ne fait qu’enclencher le processus.
Pourtant, la superposition des régimes devient de plus en plus inintelligible, aussi bien pour nos concitoyens que pour l’administration. Entre le statut d’auto-entrepreneur, qui relève obligatoirement du régime micro-social, et les micro-entreprises qui peuvent en bénéficier, sauf les entreprises au régime réel qui, elles, ne peuvent prétendent qu’à l’ACCRE, l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise, le monde de la très petite entreprise n’est pas si hospitalier que cela…
En second lieu, l’augmentation de la fiscalité sur les très petites entreprises empêche le groupe UMP de souscrire au dispositif du titre II dans son ensemble. Si elle peut se comprendre, au nom de l’harmonisation fiscale, elle révèle le grand écart total du Gouvernement entre les postures politiques récentes et la réalité législative : il souhaite baisser les charges, comme il l’annonce avec fracas dans les médias, mais continue de les augmenter dans les projets de loi qu’il élabore !
En ce qui concerne les baux commerciaux, nous ne sommes pas hostiles à l’allongement de la durée du bail dérogatoire de deux à trois ans.
À l’inverse, nous sommes plus que circonspects sur l’article 2, dont la mise en œuvre des dispositions conduira à une augmentation des loyers commerciaux, l’indexation sur l’indice des coûts de construction apparaissant souvent davantage favorable aux locataires que celle sur l’indice des loyers commerciaux.
Sur le reste du titre Ier, notre attitude sera plutôt bienveillante ; je pense notamment au contrat de revitalisation urbaine, sur lequel nous avons un a priori favorable.
Toujours en matière de soutien au commerce, j’en viens à l’article 25, relatif au FISAC. Vous présentez cet article de façon avantageuse en parlant de simplification : on comprend surtout qu’il s’agit d’accompagner la diminution de l’enveloppe, et donc de cibler davantage son utilisation.
M. Gérard Cornu. Eh oui !
Mme Élisabeth Lamure. D’autres majorités ont emprunté cette voie avant vous. Cependant, le législateur, à travers une nouvelle rédaction du code de commerce, n’apporte plus aucune garantie sur l’identification des opérations, des bénéficiaires et des dépenses éligibles.
À ce titre, monsieur le ministre, j’aimerais que le Gouvernement nous éclaire sur les dossiers en souffrance, pour lesquels les subventions n’arrivent pas, ce qui place de nombreuses collectivités dans l’expectative.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Ça, c’est gonflé ! Et qui a laissé s’accumuler ces dossiers ?
Mme Élisabeth Lamure. J’ajouterai à ce sujet que si certains regrettent que la précédente majorité ait réduit la dotation au FISAC, ramenée à 42 millions d’euros en 2012, cette dernière s’élève aujourd’hui à seulement 27 millions d’euros…
En matière d’urbanisme commercial, nombre des mesures soumises à notre examen rencontrent l’adhésion de notre groupe.
Je pense notamment à l’article 20 A, qui prévoit que le permis de construire soit désormais la seule autorisation requise pour les projets d’aménagement commerciaux.
Nous sommes également plutôt favorables à l’article 20 bis, qui tend à améliorer la représentation des élus locaux au sein de la CNAC.
Mais, d’une manière générale, au travers de ce titre III, vous reprenez d’une main ce que vous donnez de l’autre. Par exemple, afin de faciliter l’instruction des projets d’aménagement commerciaux, vous prévoyez que, en cas de rejet d’un projet, le pétitionnaire pourra déposer un nouveau dossier sans avoir à attendre un an. La démarche est conséquente mais, malheureusement, dans le même temps, vous prévoyez de définir, ou de redéfinir, les critères utilisés par les CDAC : voilà qui ne va pas renforcer l’autonomie des élus !
Aussi la lecture des dispositions du titre III m’amène-t-elle à dire, même si beaucoup d’entre elles recueillent l’adhésion de mon groupe, que le droit de l’urbanisme commercial ne peut être le seul levier de la lutte contre l’artificialisation des sols et la désertification des centres-villes. Le premier axe de cette lutte consiste à mettre fin à la sanctuarisation des centres-villes, pratiquée par de nombreuses municipalités jusqu’à présent, le plus fâcheux étant que ces municipalités agissent ainsi au nom de l’écologie, sans penser que cette sanctuarisation va conduire à un étalement urbain qu’elles combattront par la suite…
Dans un tout autre domaine, nous sommes favorables à l’article 25 bis, qui vise à supprimer les soldes flottants et à revenir aux deux périodes de soldes « traditionnelles », dont la durée passe de cinq à six semaines.
Pour résumer la position du groupe UMP sur ce projet de loi, je parlerai surtout de déception. Même si nous souscrivons à une part substantielle des dispositions du texte, nous estimons qu’il s’agit d’une réforme a minima.
Vous aviez l’occasion de simplifier le statut des entrepreneurs indépendants ; vous vous contentez de satisfaire les demandes, certes légitimes, des artisans.
Vous aviez l’occasion de simplifier le droit de l’urbanisme commercial ; vous vous contentez de recomposer les CDAC et la CNAC.
Ce texte est examiné trop vite : les questions afférentes au commerce et à l’artisanat ne peuvent être dissociées des problématiques de l’aménagement du territoire, et donc de la fracture numérique ou encore du développement du commerce électronique. Malheureusement, aucun de ces sujets n’a été approfondi dans ce projet de loi.
Parce que le groupe UMP estime que le Gouvernement et la majorité ont éludé de nombreuses questions, nous nous abstiendrons sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais à mon tour, avant de rentrer dans le vif de mon propos, souhaiter un prompt rétablissement à Mme la secrétaire d’État Valérie Fourneyron et saluer le travail accompli par Sylvia Pinel sur ce projet de loi.
Vous l’avez dit, monsieur le ministre, la compétitivité de notre économie, sa capacité à créer de l’emploi, sa faculté à stimuler l’activité ne reposent pas seulement sur nos grands groupes, sur notre industrie. Ce serait occulter une large part de la réalité économique de notre pays que de ne pas tenir compte de la place tout à fait importante qu’y occupent les commerçants, les artisans, les petites entreprises et les micro-entreprises.
En effet, le commerce représente 770 000 entreprises, 3 millions de salariés et 11 % du PIB ; de même, l’artisanat représente 1 million d’entreprises, 3 millions d’actifs et 268 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Ces secteurs d’activité doivent donc être soutenus, encouragés. Nous devons leur donner les moyens de se développer, leur permettre de trouver leur place dans notre économie, leur fournir les outils pour s’adapter à l’environnement économique actuel. En un mot, nous avons besoin de toutes celles et de tous ceux qui ont embrassé des métiers souvent difficiles, des métiers qui demandent un investissement personnel considérable, des métiers, enfin, qui sont aussi nécessaires à notre économie qu’indispensables au lien social.
Il nous appartient également d’encourager et de valoriser cette dimension sociale.
Nous sommes tous confrontés, par exemple, à la question de la désertification des centres-villes, et nous savons tous que lorsque les petits commerces ferment, c’est le lien social qui se délite.
À ce titre, nous devons définir de nouveaux équilibres avec les acteurs économiques qui font vivre nos villes et occupent une place décisive dans nos territoires ruraux. D’un point de vue tant économique que social, il nous revenait donc d’agir pour apporter des solutions efficaces aux problèmes auxquels les TPE, les artisans et les commerçants sont confrontés.
Telle est bien l’ambition du Gouvernement : en témoignent le pacte pour l’artisanat et le plan d’action pour le commerce et les commerçants présentés l’an dernier.
Le présent texte a ainsi pour vocation de mettre en place les principales mesures annoncées, s’articulant selon quatre objectifs structurants : dynamiser les commerces de centre-ville en améliorant l’équilibre des relations entre propriétaires et locataires dans le cadre des baux commerciaux ; promouvoir la qualité et le savoir-faire de nos artisans par la reconnaissance des entreprises artisanales et la clarification du statut d’artisan ; favoriser l’essor harmonieux des TPE par la consolidation d’un parcours entrepreneurial plus simple et plus équitable, avec un régime unique pour la micro-entreprise ; enfin, moderniser l’urbanisme commercial, en adéquation avec les besoins des territoires, pour développer la proximité et la diversité de l’offre commerciale.
Cette ambition, nous la faisons nôtre. Nous devons aussi l’enrichir de notre expérience et de notre connaissance des problématiques concrètes propres à ces secteurs d’activité. C’est dans cet état d’esprit que j’évoquerai les principales avancées de ce texte.
En ce qui concerne, d’abord, les baux commerciaux, de même que la flambée des loyers d’habitation pénalise les Français les moins aisés, la flambée des loyers commerciaux et des charges locatives qu’a connue la France depuis bientôt vingt ans pénalise grandement les petits commerçants et les artisans et nuit au maintien même de leur activité.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Claude Bérit-Débat. Il fallait donc intervenir pour briser cette spirale, au terme de laquelle c’est toujours, en fin de compte, le petit commerçant qui est pénalisé, et avec lui, souvent, l’activité en centre-ville.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Claude Bérit-Débat. À cet égard, la reconnaissance du caractère d’ordre public de la révision triennale constitue notamment un outil attendu par les locataires commerciaux. Cette disposition leur permettra de s’adapter plus facilement au contexte économique.
De même, la limitation des hausses de loyers commerciaux à 10 % par an en cas de déplafonnement, tout comme le calcul de ces loyers sur la base des indices des loyers commerciaux ou des indices des loyers d’activité tertiaire, est tout à fait bienvenue afin d’éviter l’effet d’éviction que j’évoquais précédemment.
Je voudrais maintenant revenir plus particulièrement sur les dispositions relatives au droit de préemption.
En matière de préemption commerciale, la commune est, le plus souvent, seule compétente. Toutefois, on sait que les communes n’ont pas toujours les moyens ou les compétences nécessaires pour élaborer une stratégie efficace en matière de revitalisation économique. Aussi, je considère que la possibilité de déléguer cette compétence à un EPCI permettra d’agir plus efficacement et doit être, à ce titre, approuvée.
De la même manière, l’article 7 bis B instaure la possibilité de conclure, à titre d’expérimentation, des contrats de revitalisation commerciale. Cet outil me semble pertinent, en ce qu’il permettra, à mon sens, une action concertée entre les différents acteurs économiques, les chambres de commerce et d’industrie au premier chef, et les décideurs politiques. Nous pensons toutefois que cet outil ne devrait pas être réservé au seul commerce, et nous proposerons, par conséquent, d’étendre cette expérimentation à l’artisanat.
S’agissant de l’artisanat et des TPE, les dispositions actuelles du texte traduisent non seulement des avancées considérables – je pense notamment à la définition de l’artisanat –, mais aussi l’obtention d’un équilibre positif en matière de statut de la micro-entreprise et d’harmonisation des régimes fiscaux.
Si ce texte ne répond pas à l’ensemble des questions soulevées, il pose, dans le prolongement du rapport Grandguillaume, des bases solides pour l’instauration d’un dialogue serein sur des problématiques qui, jusque-là, avaient suscité trop de tensions. En cela, il répond parfaitement à son objectif.
Le groupe socialiste défendra enfin un amendement visant à intégrer plus précisément les problématiques commerciales dans les SCOT.
Depuis la loi ALUR, texte dont j’ai été le rapporteur, seules les orientations en matière d’équipements commerciaux et artisanaux peuvent être incluses dans les SCOT, à travers les documents d’orientation et d’objectifs, les DOO.
En revanche, ont été supprimés le document d’aménagement commercial, le DAC, ainsi que la possibilité de définir des zones d’implantation commerciale dans les SCOT. Lors de la discussion de la loi ALUR, à la suite d’un échange fructueux avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement, nous étions convenus de repréciser la place de la thématique commerciale dans les SCOT dans le cadre de l’examen du projet de loi dont nous débattons aujourd’hui. Conformément à cette feuille de route, le groupe socialiste déposera donc un amendement sur cette question.
Notre réflexion s’appuie sur le constat que la difficulté d’appréhender l’aménagement commercial dans le cadre du SCOT illustre celle de concilier au sein d’un même document de planification dimension stratégique et critères de compatibilité ou de prescriptibilité. Nous considérons donc que, sans remettre en cause le critère de compatibilité, il convient que le SCOT soit plus précis en matière d’aménagement commercial.
Aussi proposerons-nous de rétablir le document d’aménagement commercial au sein du SCOT, afin de redonner à ce dernier un outil opératoire, grâce auquel il sera possible, à l’échelon intercommunal, d’avoir une vision plus précise des évolutions attendues en matière d’aménagement commercial.
C’est la raison pour laquelle notre amendement visera à réintroduire dans le SCOT le document d’aménagement artisanal et commercial, lequel devra permettre de délimiter les secteurs d’implantation périphériques et les centralités urbaines qui auront un effet structurant sur le territoire du SCOT en matière commerciale.
Deux éléments plaident d’ailleurs pour ce rétablissement du DAC. D’abord, si l’on rassemble dans un DAC les dispositions les plus précises du SCOT en matière d’urbanisme commercial, on sécurise juridiquement le SCOT tout entier, puisqu’une annulation éventuelle du DAC n’entraînera pas celle du SCOT dans son ensemble. Or, nous savons tous que, en matière de recours contentieux, deux précautions valent mieux qu’une !
M. Jean-Claude Lenoir. Tout à fait exact !
M. Gérard Cornu. Surtout dans ce domaine !
M. Claude Bérit-Débat. Ensuite, la stratégie doit toujours prendre en compte au mieux la réalité économique du commerce. Or, en la matière, nous savons que les choses vont très vite.
Comme le document d’aménagement commercial pourra être soumis à des procédures de révision beaucoup plus simples et plus souples que le SCOT dans son ensemble, il permettra aux intercommunalités d’agir avec plus de réactivité et de souplesse dans un domaine où l’adaptabilité est la règle.
Telles sont les améliorations que nous entendons apporter à un texte dont nous soutenons les objectifs et les dispositions, comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre. Pour cette raison, soyez assuré de pouvoir compter sur le soutien plein et entier du groupe socialiste du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte vise à promouvoir dans leur ensemble nos commerces, nos artisans et nos très petites entreprises, qui sont au cœur du dynamisme de notre tissu économique. C’est là que se crée aujourd’hui l’emploi, et nous pouvons tous être fiers et satisfaits que ce projet de loi soit débattu au Parlement.
Ne disposant que de six minutes, je consacrerai exclusivement mon propos aux évolutions apportées au régime de l’auto-entrepreneur.
En tant que membre de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, j’ai récemment évalué, avec ma collègue Muguette Dini, les dispositions législatives encadrant l’auto-entreprise depuis bientôt six ans.
Depuis sa création, à l’été 2008, ce régime, il faut le reconnaître, a connu un succès considérable. Certes, les difficultés économiques n’y ont sûrement pas pour rien, le nombre de chômeurs ayant malheureusement augmenté de plus de 50 % depuis 2008. Néanmoins, ce n’est pas la seule explication : je suis convaincu que la volonté d’entreprendre est partagée par un nombre croissant de nos concitoyens. Or, monsieur le ministre, il ne peut pas y avoir de redressement productif sans cette volonté d’entreprendre, que nous devons encourager et soutenir.
Aujourd’hui, près d’un million d’auto-entrepreneurs sont enregistrés, mais ce chiffre est à relativiser, puisque seule la moitié d’entre eux ont déclaré un chiffre d’affaires l’an passé. Cependant, cela fait tout de même 500 000 auto-entrepreneurs actifs que nous devons aider et accompagner.
Dans le rapport d’information que Muguette Dini et moi-même avons remis au président Assouline au mois de juin dernier, nous avons noté que ce régime avait déjà fait l’objet de nombreuses modifications, rendues nécessaires par une mise en place, à l’époque, précipitée.
Si ce statut a immédiatement fait la preuve de son intérêt pour un grand nombre de Français, il méritait des améliorations. Ainsi, une dizaine de modifications législatives ont été apportées par le Parlement en à peine six ans, ce qui est sûrement un record. Néanmoins, il reste un point de fixation sur la question de la concurrence déloyale autour duquel s’affrontent, d’un côté, les auto-entrepreneurs et, de l’autre, les artisans.
Aussi, après avoir procédé à plusieurs auditions, nous avons formulé dans notre rapport d’information plusieurs préconisations visant à préserver l’attractivité de ce système, tout en proposant des corrections, afin de réduire les différents écueils : des problèmes pratiques de gestion ou de sécurité juridique, mais, surtout, la question de la concurrence déloyale entre les auto-entrepreneurs et les artisans.
Par la suite, nos collègues de l’Assemblée nationale, et tout particulièrement le député Laurent Grandguillaume, que je tiens à saluer, ont également exploré les pistes susceptibles de favoriser le développement pérenne des entreprises individuelles, notamment des auto-entreprises. L’excellent rapport qu’il a rédigé sur le sujet a d’ailleurs inspiré les travaux de l’Assemblée nationale. Au demeurant, la grande majorité des recommandations contenues dans ce rapport rejoignaient celles que Muguette Dini et moi-même avions retenues.
Toutes ces propositions ont rassuré les auto-entrepreneurs, alors que les premières pistes explorées par le Gouvernement lors de l’élaboration de ce projet de loi avaient pu susciter, force est de le reconnaître, quelques inquiétudes. Ce fut notamment le cas de l’introduction éventuelle, par décret, de nouveaux seuils de chiffres d’affaires, ce qui pouvait contraindre certains auto-entrepreneurs à sortir de ce régime.
Aussi, je me félicite de ce que le Gouvernement a su, sur ce point comme sur d’autres d’ailleurs, se montrer à l’écoute tant de la représentation nationale que des acteurs économiques.
Si, dans une minorité de cas, des problèmes récurrents de concurrence déloyale vis-à-vis des artisans peuvent se poser, notamment dans le bâtiment, il n’aurait pas été judicieux de risquer de déstabiliser l’ensemble des auto-entreprises par l’adoption d’une telle mesure.
En choisissant d’introduire l’immatriculation obligatoire des auto-entreprises auprès de la chambre des métiers et de l’artisanat, il me semble que vous avez su trouver un point d’équilibre de nature à concilier les attentes des artisans et celles des auto-entrepreneurs. Les diverses modifications proposées au vote de la Haute Assemblée vont donc permettre de garantir la pérennité du système, tout en préservant les atouts qui en font son attractivité.
Le travail des députés et des sénateurs, tout comme l’écoute du Gouvernement, aura été essentiel pour mener à bien cette entreprise. Dans le cadre de la discussion des articles, je soumettrai à votre examen deux amendements supplémentaires, identiques à ceux qui ont été déposés par Mme Dini – cela n’étonnera personne, car nous partageons l’ensemble des analyses et des diverses recommandations qui figurent dans le rapport d’information que nous avons co-rédigé –, tendant à donner une base juridique à la dénomination d’« auto-entrepreneur » et à favoriser l’accompagnement vers le régime de droit commun.
Je me félicite que le Gouvernement et la représentation nationale, dans une remarquable démonstration de coproduction législative, aient su faire évoluer un système au-delà des clivages politiques.
Il faut le reconnaître, à l’usage, le régime de l’auto-entrepreneur s’est révélé bon !
M. Philippe Dallier. C’est bien de le reconnaître !
M. Philippe Kaltenbach. Je reconnais que la gauche l’avait combattu en 2008, mais il faut savoir tenir compte des réalités. Convenons également que ce régime ne prenait pas assez en compte les artisans, qui, à juste raison, se sont sentis floués. Il serait donc logique que la droite reconnaisse aussi qu’il restait ce point de blocage au sujet de la concurrence déloyale, dont les artisans accusaient les auto-entrepreneurs. Il fallait donc trouver des solutions. À cet égard, nous pouvons nous féliciter du point d’équilibre auquel nous sommes parvenus. D’ailleurs, le choix du groupe UMP de s’abstenir sur ce texte est un signe qui ne trompe pas.
Mes chers collègues, sur toutes les travées, nous nous accordons à dire que la défense de l’emploi est la grande priorité nationale. Ce projet de loi tend à apporter des réponses à ce sujet majeur qui touche un nombre croissant de nos concitoyens. Aussi, je suis heureux que le Gouvernement ait été à l’écoute. Montrons aux Français que nous savons nous rassembler pour défendre l’emploi : c’est avec cette conviction que les socialistes soutiendront ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis d’un texte très important, puisqu’il concerne l’écrasante majorité des entreprises de notre pays. Celles-ci ont été tout particulièrement évoquées lors de la déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre la semaine passée. Aussi, je ne résiste pas à l’envie de le citer : « Nous avons besoin de nos entreprises, de toutes nos entreprises, de nos PME, de nos start-up, de nos artisans. […] Je salue nos entreprises, nos PME et PMI, nos artisans, nos agriculteurs, nos commerçants, qui travaillent dur, qui aiment leur métier. ». Tels sont les propos, très importants, qu’a tenus Manuel Valls.
Les voilà bienheureux, en effet, ces entrepreneurs, d’être l’objet de telles attentions ! Avouez que c’est plutôt nouveau et aussi plutôt réconfortant ! D’ailleurs, monsieur le ministre, vous avez rappelé le désarroi actuel de nombre d’entre eux : les artisans, les petits commerçants, les TPE ayant été les premières victimes de la crise, il est vraiment grand temps de les accompagner et d’essayer de simplifier leur quotidien, en mettant véritablement en œuvre ce fameux choc de simplification tant attendu.
Comme l’a rappelé Mme la rapporteur pour avis Nicole Bonnefoy, et je l’en remercie, c’est en ma qualité de rapporteur pour avis que j’ai présenté, lors de la discussion de la dernière loi de finances, un bilan du statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’EIRL.
Créé par la loi du 15 juin 2010 pour offrir un statut protecteur pour le patrimoine familial de l’entrepreneur, l’EIRL, que le présent texte, dans quatre de ces articles – les articles 16 bis à 19 – prévoit de modifier, sera l’objet principal de mon intervention.
Ce statut, jusqu’à présent, n’a pas rencontré le succès escompté. En effet, seuls 18 000 EIRL étaient recensés au 31 août 2013, un chiffre qu’il convient de comparer aux entreprises individuelles, qui sont au nombre de 1,8 million, et aux 390 000 créations d’entreprises individuelles en 2012.
Alors que le dispositif de la déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale, créé en 2003, est plébiscité pour sa simplicité, le statut de l’EIRL est d’une complexité juridique et comptable telle qu’il est peu attractif, d’autant qu’il ne règle pas la question de l’accès au crédit.
Plusieurs facteurs expliquent le relatif insuccès de l’EIRL.
La séparation des deux patrimoines suppose de remplir des formalités et des obligations comptables, et la loi prévoit, dans certains cas, à titre de sanction, la confusion des patrimoines. D’après les auditions que j’ai organisées au cours de l’année 2013, les facteurs psychologiques sont prépondérants en la matière.
Ainsi, un chef d’entreprise qui ne veut pas créer de société et exerce en nom propre, par simplicité, ne choisira pas un statut compliqué, ce que l’on peut comprendre. Pour triviale qu’elle puisse paraître, cette explication me paraît néanmoins sérieuse.
Il reste enfin la question de l’accès au crédit : les banques sont hésitantes à l’égard de l’EIRL. En tout état de cause, elles peuvent toujours demander des garanties au-delà du patrimoine professionnel.
À cet égard, nous pourrions distinguer les prêteurs des autres créanciers professionnels. C’est pourquoi je proposerai deux amendements tendant, d’une part, à ajuster le régime de la déclaration d’insaisissabilité en cas de procédure collective et, d’autre part, à faciliter l’accès au crédit, en instituant une modularité des effets de l’affectation en fonction des créanciers.
L’EIRL apparaît comme un bon système pour les entrepreneurs individuels familiarisés avec les questions juridiques et comptables qui n’ont pas besoin de crédit pour financer leur activité, qui ont des actifs professionnels limités et qui peuvent être très rigoureux dans la séparation de leurs biens personnels et professionnels.
Or ce profil ne semble pas complètement correspondre à celui de la population initialement recherchée, à savoir les artisans. Des pistes d’amélioration sont donc envisageables. Nous pourrions profiter du présent texte pour apporter quelques aménagements.
En effet, alors qu’il avait été annoncé, à l’époque, la création de 100 000 EIRL, nous sommes aujourd’hui bien loin du compte ! Certes, plusieurs mesures de simplification comptable du régime de l’EIRL sont présentées, mais elles ne bouleversent pas grandement son économie générale.
Pourtant, cela fait presqu’un an que nos collègues Muguette Dirai et Philippe Kaltenbach ont déposé un rapport d’information, au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, portant évaluation de l’auto-entreprise. Ayant constaté que le principal avantage du statut d’auto-entrepreneur était de ne cotiser qu’en cas de réalisation de chiffre d’affaires, il leur est apparu nécessaire d’harmoniser ce statut avec celui des micro-entreprises, telles que l’EIRL, l’EURL, l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, et la SARL à gérance majoritaire.
Ce panel de statuts disponibles pour les entrepreneurs individuels étant trop large, donc trop compliqué, il fallait profiter du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises pour évoquer ce semi-échec de l’EIRL, afin de le simplifier et d’harmoniser l’ensemble.
Or la mesure prévue à l’article 16 bis, adopté par l’Assemblée nationale, tendant à la remise d’un rapport sur l’établissement d’un statut unique de l’entreprise individuelle dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi recule encore l’échéance de simplification. Cette modification – si elle arrive enfin ! – ne serait donc pas effective avant presque un an.
Il se passera donc presque deux ans entre le constat et les faits pour voir le quotidien de nos entrepreneurs sensiblement amélioré. Au moment où il faut libérer les initiatives et faciliter l’accès à l’entreprise, cela paraît un siècle ; en tout état de cause, c’est beaucoup trop long.
Par ailleurs, les simplifications proposées dans les articles suivants, même si elles sont bienvenues, sont à la marge ; je les soutiendrai cependant.
Je veux parler de la prise en compte par les registres de publicité légale du changement de domicile de l’EIRL, de la prise en compte du bilan pour simplifier l’établissement de la déclaration d’affectation de patrimoine d’un entrepreneur en activité optant pour le statut d’EIRL ou encore de l’allégement des obligations comptables annuelles applicables à l’EIRL.
J’avais formulé toutes ces propositions dans le cadre de l’avis budgétaire précité, et je me réjouis qu’elles soient reprises dans le présent texte.
En outre, il conviendrait peut-être de rendre la déclaration notariée d’insaisissabilité, la DNI, une procédure simple et plébiscitée, plus automatique. Les experts-comptables suggéraient même l’application automatique du régime de l’EIRL à tous les entrepreneurs individuels, le dépôt annuel du bilan valant déclaration d’affectation du patrimoine professionnel.
Je ne veux pas clore mon intervention sans évoquer l’usine à gaz – on est bien loin de l’objectif de simplification affirmé pour nos artisans du bâtiment ! – qu’est le fameux compte personnel de prévention de la pénibilité, qui ouvre des droits pour la retraite.
Les fiches individuelles devront être remplies, poste par poste, par un suivi quotidien de 80 % des salariés, alors que les tâches sont très différentes en fonction des chantiers et des situations.
À l’heure où l’on vante encore et toujours les vertus de la simplification, voilà qui pénalise encore ces entreprises, qui n’ont ni le temps ni les moyens de faire face à cet alourdissement considérable des tâches administratives.
Cependant que l’on ne cesse d’invoquer un retour nécessaire à un minimum de compétitivité, ces contraintes supplémentaires participent à l’aggravation d’une concurrence déloyale dans la mesure où les salariés détachés, comme les entreprises des autres États européens, n’auront pas à remplir ces exigences.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, je suis très inquiet quant au devenir de nos petites entreprises, quels que soient leurs secteurs d’activité, et je ne suis pas certain que le présent texte les soulage tant que cela. Néanmoins, dans ce domaine, il convient de souligner que toute amélioration est bonne à prendre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)