M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. La commission demande l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Si j’ai bien compris, madame la sénatrice, on vous a dit, lors du débat sur la loi ALUR, qu’une grande loi agricole arrivait,…
Mme Nathalie Goulet. Absolument !
M. Stéphane Le Foll, ministre. … et aujourd’hui que nous en débattons, la loi agricole n’est pas encore votée, mais la loi ALUR si ! Or la loi, c’est la loi ! J’ignore qui a transmis ce message au Sénat, mais n’hésitez pas à me donner des noms afin que je puisse appeler les responsables… (Sourires.)
Le ministre de l’agriculture se retrouve donc confronté à des sujets pour la plupart déjà traités sur lesquels un vote est intervenu. C’est une difficulté. Or le Gouvernement, vous en conviendrez, peut difficilement accepter, dans la loi agricole, d’assouplir la loi ALUR qui vient d’être votée. Je ne peux donc être favorable…
M. Didier Guillaume, rapporteur. Avec regret, mais il ne peut pas ! (Sourires.)
M. Stéphane Le Foll, ministre. … à cet amendement. Je laisse au rapporteur la responsabilité de ses commentaires ! (Nouveaux sourires.)
Je sais qu’il y a d’autres questions similaires, notamment sur les dents creuses dans les hameaux littoraux…
J’ai bien entendu M. Dubois nous dire hier que nous allions empêcher le monde rural de faire quoi que ce soit, que ce dernier avait aussi besoin de respirer et de se développer. Moi, je suis tout à fait en faveur du développement ! Et même de l’urbanisation ! Et même de la reconquête, par les populations, d’espaces ruraux désertifiés ! Nous assistons aujourd’hui à un reflux de la ville vers le périurbain, le périrural et même le rural.
Ce mouvement pose la question de l’accès à la propriété : le prix du foncier étant trop élevé dans les villes, les personnes souhaitant devenir propriétaires reculent vers le périurbain et le périrural. Nous connaissons tous ce processus, nous l’avons tous vécu et nous continuons de le vivre.
À partir de là, comment repenser l’importante question du locatif et de l’accès à la propriété ? Quelle approche mettre en place ? En termes de fiscalité locale – j’anticipe sur les débats à venir –, les recettes s’appuient sur la taxe d’habitation, sur l’impôt sur le foncier bâti et l’impôt sur le foncier non bâti. Dans ces conditions, les communes rurales, pour avoir de l’impôt sur le foncier bâti et de la taxe d’habitation, cherchent plutôt à construire. Mais comment construire ? C’est là qu’est le problème. On doit repenser l’accès au logement et particulièrement à la propriété. Quelle perspective urbanistique et même architecturale proposer pour l’avenir ?
Il s’agit de sujets sur lesquels j’ai bien l’intention de m’engager. Je vous donne rendez-vous le 3 juin pour découvrir les réflexions des architectes que j’ai fait travailler. Ils pensent à des systèmes d’ « agri-tecture », c’est-à-dire mélangeant l’agriculture et l’architecture. Les choses commencent à bouger.
Il est très important de se poser pour arriver à dégager ensuite des règles législatives. Ce qui a été décidé dans la loi ALUR est aujourd’hui voté. La loi agricole dont nous débattons a pour principe – je le répète pour qu’on l’ait bien en tête – d’éviter la consommation d’espaces agricoles telle qu’on la pratique depuis des années. Cela ne peut plus durer. Et – nous sommes tous d’accord à cet égard –, nous devons mener une réflexion globale et travailler sur l’urbanisme de demain, du périrural au rural. Voilà l’enjeu !
J’en suis désolé, mais je suis défavorable à cet amendement, car on ne va pas revenir sur ce qui a été voté.
Depuis hier soir, le débat porte sur l’urbanisme, alors que nous examinons un projet de loi sur l’agriculture. C’est assez fantastique, d’ailleurs : nous sommes passés de l’agriculture à l’« agri-tecture », c’est-à-dire à l’urbanisme et à l’agriculture. Je reconnais bien là la sensibilité propre au Sénat, qui représente les territoires. J’en parlais d’ailleurs hier avec mon directeur de cabinet : les débats à l’Assemblée nationale portaient davantage sur l’agriculture et ses grands enjeux, notamment en termes écologiques, et, au Sénat, ils portent sur les questions d’urbanisme. C’est bien la preuve qu’il reste des élus locaux à la Haute Assemblée et qu’il s’agit bien de la chambre des territoires ! (Marques d’approbation.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je relève les paroles de M. le ministre : on ne revient pas sur ce qui a été voté dans une loi précédente.
Mme Marie-Christine Blandin. J’en reparlerai lors de l’examen de l’article 27, lequel comporte des dispositions revenant sur ce qui a été voté dans la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, ou loi ESR.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Non !
M. le président. L'amendement n° 401 rectifié bis, présenté par MM. Jarlier, Dubois, Amoudry, Roche et Deneux, Mme N. Goulet et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du huitième alinéa du 6° du II de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Dans les zones agricoles, les bâtiments qui présentent un intérêt architectural ou patrimonial peuvent faire l'objet d'un changement de destination ou d'une extension limitée, dès lors que ce changement de destination ou cette extension limitée ne compromet pas l'exploitation agricole. Le règlement précise les critères qui définissent cet intérêt. »
La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Monsieur le ministre, j’ai écouté, une nouvelle fois avec beaucoup d’intérêt, les propos que vous venez de tenir.
Cela étant dit, dans quel cadre peut-on réfléchir à ces sujets et essayer d’y apporter des réponses ? Il s’agit d’une problématique réelle. Je ne veux pas relancer le débat, mais je disais hier soir au président de commission des affaires économiques que le conseil général de la Somme, toutes sensibilités confondues, avait voté une motion envoyée au Premier ministre sur ces sujets. En effet, dans la Somme, c’est la croix et la bannière pour qu’une commune de 300 habitants obtienne un certificat d’urbanisme – il est vrai que peu de communes disposent de documents d’urbanisme. Si je lançais une pétition, j’aurais 500 maires à la préfecture !
On ne peut ignorer cette réalité comme on ne peut parler de complémentarité urbaine et rurale en ignorant les ruraux ! La complémentarité, c’est une prise en compte des deux problématiques ; ce n’est pas discourir en évitant d’assumer cette complémentarité !
Cela étant dit, je suis tout à fait intéressé par les propos que vient de tenir M. le ministre. Ce deuxième amendement s’inscrit dans l’esprit du premier… (M. Didier Guillaume s’entretient avec Marc Daunis) Je vois que cela intéresse beaucoup M. le rapporteur (Sourires.) ! Cet amendement pose une question assez simple : va-t-on laisser les bâtiments de qualité…
M. Didier Guillaume, rapporteur. Ou qui ne sont pas de qualité !
M. Daniel Dubois. … se trouvant dans les territoires ruraux – parfois disséminés – et qui ne sont plus utilisés tomber en ruines ou va-t-on trouver à les employer ? Telle est la question toute simple posée par cet amendement, monsieur le ministre.
Soit on les laisse tomber en ruines et on les rase – dès lors, autant voter un amendement permettant d’accélérer le processus et rasons-les rapidement, tout le monde sera content une fois que ronces et herbes auront poussé à leur emplacement –, soit on les utilise concrètement pour répondre à la demande de logements existant dans un certain nombre de territoires ruraux sur lesquels on ne peut construire. Tel est l’esprit simple, basique de cet amendement, dont l’objet est de répondre à une réalité que nous vivons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Dubois, j’étais très intéressé par vos propos et je ne faisais que réagir à ce que vous disiez avec mon environnement immédiat. (Sourires.)
Votre amendement pose un problème de cohérence avec la loi ALUR que Mme Blandin ne manquera pas de souligner. Mais je vais vous expliquer pourquoi je suis favorable à votre amendement.
Nous sommes tous confrontés à ces situations. Quand je circule dans mon canton, que je me rends dans une mairie, j’emprunte des petites routes communales le long desquelles je croise ces ruines absolument affreuses, situées parfois au bord du chemin et dont on ne peut rien faire.
Comme vous, je regrette que l’on n’ait pu, dans le cadre de la loi ALUR, reconnaître la spécificité des zones agricoles et des bâtiments agricoles, ou anciens bâtiments agricoles. Mais il ne s’agit absolument pas d’une critique, monsieur le président de la commission, je dis simplement que cette spécificité existe.
J’ignore quel sera le sort de cet amendement et s’il sera adopté ; ce n’est pas le souci. Mais je considère qu’il s’agit non pas d’un amendement d’appel, mais d’un véritable cri d’alarme (M. Daniel Dubois opine.) !
M. Marc Daunis. Très bien !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Un cri d’alarme pour l’environnement de nos territoires ruraux, un cri d’alarme pour la beauté des paysages, un cri d’alarme pour dire tout simplement qu’il suffirait de changer la destination de ces bâtiments pour en faire autre chose que des ruines !
C’est la raison pour laquelle, monsieur Dubois, j’émets un avis favorable sur votre amendement.
Mme Nathalie Goulet et M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. L’avis du Gouvernement est simple : comme je l’ai dit tout à l'heure, je ne veux pas revenir sur une loi votée voilà un mois et demi ; je ne peux donc émettre qu’un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Là encore, je considère la situation des petites communes situées dans le parc naturel régional des Alpes-Maritimes : le dispositif prévu par cet amendement leur permettrait d’avoir une réponse adaptée à leurs problèmes. Voilà pourquoi, personnellement, je suis favorable à l’adoption de ce texte. L’adopter, en effet, permettrait d’éviter que nous ne soyons confrontés à des déperditions patrimoniales, à l’impossibilité économique de préserver ces bâtiments. Nous le savons bien, dans les zones d’agriculture de montagne, nous sommes souvent le dos au mur, s’agissant des questions de maintien et de reconquête des espaces.
En revanche, j’attire votre attention, mes chers collègues, sur le risque de renforcer encore la spéculation immobilière par ces dispositions : nous pourrions connaître une disparition progressive des activités agricoles réelles, devenant incompatibles avec les résidences secondaires ou les différents types d’habitat qui auraient capté ce patrimoine architectural. Une bonne idée, une bonne intention peuvent parfois donner lieu à des dérives !
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. C’est un bon amendement, qui s’attaque à un vrai problème.
Dans les secteurs de montagne, les fermes étaient bâties, voilà quelques siècles, là où les terrains étaient disponibles. Beaucoup de ces bâtiments sont aujourd’hui en ruines, comme on peut le constater sur les chemins de randonnée, par exemple.
Je serais tenté de voter cet amendement, mais, à mon sens, il faudrait prévoir l’avis de la commission départementale de consommation des espaces agricoles, la CDCEA, et ce pour deux raisons.
D’abord, la proximité d’un bâtiment transformé en habitation peut gêner le développement futur d’une exploitation agricole.
Ensuite – et c’est plus important encore –, la question se pose de ce que l’on appelle « les dépendances », c'est-à-dire les besoins des habitations : l’adduction d’eau – auparavant, dans ces bâtiments de montagne, l’eau était souvent tirée d’une source, chose inenvisageable aujourd’hui –, le déneigement… Les communes ne sont donc pas forcément favorables à voir reconstruites ces anciennes maisons, étant donné leur éloignement et les difficultés que cela poserait.
Dès lors, si le principe de cet amendement est bon, le changement de destination doit pouvoir recevoir l’avis de la commission départementale dont nous avons parlé tout à l’heure : cette dernière doit pouvoir prendre en compte, d’une part, la gêne pour une exploitation agricole d’être située à proximité d’une habitation, et, d’autre part, la difficulté pour la commune d’avoir à résoudre les problèmes causés par l’éloignement d’une habitation.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Comme maire, je suis régulièrement confronté à ce type de situation. Dans l’optique du texte – densifier les bourgs tout en continuant d’accueillir des personnes dans les zones rurales –, nous avons un potentiel énorme, notamment en Bretagne, où le mitage du territoire est particulièrement exceptionnel. On vit avec ! Dès lors, si nous pouvions restaurer plus facilement toutes ces maisons qui subsistent dans les hameaux – c’est toute la question du zonage Nh –, ce serait formidable !
Nous faisons régulièrement face à des situations particulièrement compliquées. Dans ma région, un hameau entier est bloqué par une exploitation agricole située à proximité… qui a cessé son activité. Il faut en finir ! Je suis donc très favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, pour explication de vote.
Mme Renée Nicoux. Je voudrais revenir sur le contenu exact de cet amendement. En effet, une même disposition figure déjà dans la loi : « dans les zones agricoles, le règlement peut désigner les bâtiments qui, en raison de leur intérêt architectural ou patrimonial, peuvent faire l’objet d’un changement de destination ou d’une extension limitée, dès lors que ce changement de destination ou cette extension limitée ne compromet pas l’exploitation agricole. » Ce sont aussi les termes de l’amendement.
Cette disposition prévoit en plus l’avis conforme de la commission départementale que nous évoquions voilà un instant : « le changement de destination et les autorisations de travaux sont soumis à l’avis conforme de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. »
Néanmoins, par rapport à cette disposition existante, l’amendement présente l’avantage de prévoir que « le règlement précise les critères qui définissent l’intérêt architectural ou patrimonial ».
Mme Renée Nicoux. En effet !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Je vous avoue, mes chers collègues, que j’ai du mal à suivre ce débat. À lire ces deux amendements successifs, une incohérence apparaît : l’un traite de changement de destination, l’autre l’exclut explicitement, alors que la liste des signataires est sensiblement la même ! Tout cela me pose un problème de compréhension et, je l’avoue, me laisse perplexe.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce qui a été rappelé par Mme Nicoux est assez clair : certaines possibilités existent déjà dans la loi. Je signale, en outre, que les critères architecturaux ou patrimoniaux à définir relèvent du règlement, et non de la loi.
M. Jean-Jacques Mirassou. D’autant qu’ils sont variables d’un endroit à l’autre !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Évidemment : l’ardoise de montagne n’est pas la tuile !
Il s’agit donc de savoir comment systématiser le tout.
Pour autant, quelle réalité se cache derrière ces débats sur la loi ALUR ? Pourquoi ne procède-t-on pas à une extension générale ? C’est très simple : dès que l’on remet de l’habitation dans un endroit éloigné ou isolé, la tendance naturelle porte à vouloir la raccorder aux différents réseaux, ce qui requiert des investissements. Par la suite, bien sûr, la présence d’une maison entraîne celle d’une autre ! Et c’est toujours le même problème : au fur et à mesure des constructions, une continuité d’habitations se crée à partir de la première maison, qui était isolée. C’est ce qui est difficile à gérer.
Nous nous devons tous d’être responsables. Il y a toujours un moment où le processus démarre, même dans les cas où le maire n’en a pas l’intention. J’ai en tête l’exemple de plusieurs villages autour de chez moi, où ce mouvement s’est répété : on autorise la construction sur un terrain, une maison y est bâtie, et le propriétaire de la parcelle adjacente réclame ensuite la même chose ! Tout cela s’est fait à une époque où les plans locaux d’urbanisme n’existaient pas, même si les plans d’occupation des sols sont apparus quelque temps après. C’est contre ce processus qu’il faut lutter.
Dans le même temps, il est légitime de considérer que certains bâtiments agricoles mériteraient de pouvoir être classés en habitations. Je ne reviendrai pas sur la question de l’élevage en montagne – ni sur celle de la surveillance des troupeaux –, dans les Vosges par exemple ; car, finalement, elle se pose partout. Je pense aux exemples donnés par M. le rapporteur, qui a évoqué ces jeunes reprenant une ferme en GAEC et dont les parents restent dans le bâtiment historique. Cela pose problème, en effet, car les jeunes exploitants doivent s’installer plus loin. Ce phénomène a toujours existé !
Il nous faut donc caler notre dispositif. Au moment d’élaborer la loi, nous devons garder en tête un objectif : ne pas disséminer l’habitat, ne pas consommer l’espace agricole comme on l’a fait précédemment. Cette ligne, au-delà des cas particuliers, doit structurer l’ensemble de notre réflexion. Il nous faut tâcher de rester cohérents – M. le président de la commission l’a indiqué il y a un instant – et mettre fin à cette facilité que la France, grand pays en termes de superficie, s’est trop permise.
La France, en effet, continue de voir sa population s’accroître. Je rappelle cette donnée, qu’il est très important de garder en mémoire : dans dix ou quinze ans, la population française aura augmenté du nombre d’habitants de l’Île-de-France ! Cela doit nous inciter à réfléchir, à la densification de l’habitat notamment – je me tourne vers Marie-Christine Blandin et Joël Labbé –, mais aussi à la hauteur des bâtiments.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Si on n’étale plus les bâtiments, il sera difficile de ne pas les faire monter un peu !
Le Japon, Hong-Kong, sont hérissés de bâtiments verticaux et en verre. Cela m’a frappé. À Paris, en revanche, les bâtiments sont horizontaux et en pierre.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12 bis A.
L’amendement n° 402 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Amoudry, Roche et Deneux et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du huitième alinéa du 6° du II de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme, le mot : « conforme » est supprimé.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. J’ai bien noté l’observation de M. le président de la commission des affaires économiques à propos de nos amendements. Je signale seulement qu’il n’est pas le seul à relever les incohérences quand il y en a. Le travail parlementaire fait que l’on dépose souvent des kyrielles d’amendements, dont certains sont de repli : si le premier n’est pas adopté, un autre le sera peut-être… C’est bien légitime, et c’est conforme à notre droit d’amender.
Cela dit, puisque je suis attentivement ces débats, il ne m’a pas échappé que l’amendement n° 402 rectifié présentait quelques difficultés. C’est pourquoi je le retire, monsieur le président.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. J’indique seulement à M. le ministre que refuser un amendement au motif qu’il tend à modifier un texte qui vient d’être voté ne me semble pas pertinent. Compte tenu du nombre de textes que nous avons examinés récemment, l’encre de certaines lois n’était pas encore sèche que nous adoptions déjà des dispositions les modifiant !
M. le président. L’amendement n° 402 rectifié est retiré.
L’amendement n° 438 rectifié, présenté par Mme Herviaux, MM. Bizet, Botrel, Tuheiava, Le Scouarnec, Godefroy, Marc et Vaugrenard, Mme Blondin, MM. Merceron, Bas, Retailleau et Revet, Mme Bruguière et M. Fichet, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 146-4 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsqu’ils ont été définis par une directive territoriale d’aménagement ou tout autre document d’urbanisme de rang équivalent, identifiés par un schéma de cohérence territoriale et délimités par un plan local d’urbanisme, les hameaux existants situés en dehors des espaces proches du rivage peuvent faire l’objet d’une densification sans que cela n’ouvre de droit ultérieur à une extension de l’urbanisation. Cette densification respecte les proportions en hauteur et en volume du bâti existant. » ;
2° Le deuxième alinéa du II est complété par les mots : « , sous réserve que ces schémas identifient les espaces proches du rivage ou des rives des plans d’eau intérieurs et que leur délimitation soit effectuée par le plan local d’urbanisme dont le règlement définit les zones pouvant faire l’objet d’une extension limitée de l’urbanisation ».
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Cet amendement fait suite au rapport d’information dont la charge a été confiée à M. Bizet et moi-même par la commission du développement durable, et s’inspire des études réalisées par le groupe d’études de la mer et du littoral, qui montraient combien les terres littorales étaient confrontées à des pressions foncières et économiques, ainsi qu’à la disparition de nombreuses terres agricoles. Beaucoup de régions littorales, en effet, voient le nombre de leurs agriculteurs diminuer, quand ceux-ci ne disparaissent pas simplement.
Cet amendement a été présenté en commission du développement durable lors de l’examen du projet de loi ALUR et adopté à l’unanimité. Malheureusement, il n’a pas été soumis au vote en séance publique. Vous comprendrez, mes chers collègues, que nous avons à cœur d’essayer de faire prendre conscience de la difficulté qu’éprouve le monde rural, particulièrement sur les zones littorales.
Afin de limiter la consommation des terres agricoles sur le littoral, le présent amendement tend à permettre une urbanisation soft, si je puis dire, uniquement par comblement des dents creuses des hameaux situés dans les parties rétro-littorales – on ne touche pas à la sacro-sainte bande des cent mètres, naturellement – des communes littorales.
Vous le savez, mes chers collègues, en zone littorale plus que partout ailleurs, l’agriculture subit des pressions foncières et, en conséquence, voit diminuer le nombre de ses exploitations et de ses agriculteurs, qui parfois – je l’ai souligné – disparaissent complètement.
Ceux qui restent sont très âgés, et la reprise est quasiment impossible à cause du coût des terres et du manque d’habitations disponibles. Je donnerai quelques chiffres pour illustrer mon propos : ces zones ont connu une baisse de 25 % des surfaces agricoles entre 1970 et 2010, alors que la moyenne nationale baissait de 9,8 % seulement. Pendant la même période, ce sont plus de 200 000 hectares, soit 10 % de la superficie totale des zones littorales, qui ont été retirés à l’agriculture.
Pourtant, les terres agricoles exploitées restent un rempart contre l’artificialisation des sols, mais aussi et surtout contribuent à la protection de la biodiversité sur des territoires fragiles. Les maires de communes situées sur des zones littorales indiquent ainsi que l’absence de terres agricoles les oblige à entretenir, à des coûts très importants, les terres abandonnées.
C’est pourquoi les dispositions de la loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, ou loi Littoral, limitant la constructibilité en zone littorale apparaissent a priori comme favorables aux activités agricoles.
Toutefois, comme je l’ai souligné tout à l’heure, nombre de problèmes demeurent. Par exemple, comment un jeune repreneur fait-il pour se loger si les anciens exploitants restent dans l’habitation principale ? Dans une presqu’île, il n’y a évidemment aucun terrain qui ne soit pas en zone littorale. Ce jeune repreneur n’a donc quasiment aucune possibilité de logement, sauf à aller habiter dans le bourg, ce qui n’est tout de même pas très pratique pour son exploitation.
J’en viens à un autre problème récurrent, celui des zones où l’on embauche des salariés saisonniers et où il faut les loger. On s’aperçoit qu’il n’est pas permis de faire des hameaux nouveaux ou de placer les publics concernés dans des campings.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Odette Herviaux. Or les hameaux nouveaux intégrés à l’environnement, ou HNIE, ne constituent pas une réponse adaptée.
Voilà pourquoi nous présentons cet amendement. Mes chers collègues, je vous laisse d’ailleurs prendre connaissance des fortes précautions que nous avons introduites dans le dispositif afin de préciser que cela vaudrait seulement dans des cas très rares.
Nous tenons à ce que les travaux de la commission et les conclusions du rapport puissent véritablement déboucher sur une solution adaptée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Avant d’aborder au fond l’amendement, j’aimais formuler deux remarques préalables.
Premièrement, une telle mesure, reconnaissons-le, n’a rien à voir avec l’agriculture ; elle relève de l’urbanisme.
M. Jean-Jacques Mirassou. Exact !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Il faut l’assumer.
Toutefois, j’ai bien entendu les propos de Mme Herviaux. Les membres de la commission du développement durable s’étant prononcés à l’unanimité – M. le rapporteur pour avis s’exprimera sur ce point dans quelques instants – je puis comprendre qu’ils soient frustrés si leur amendement n’a même pas été évoqué lors de l’examen de la loi ALUR.
Au demeurant, même si une telle proposition relève moins d’une loi agricole que d’un texte sur l’urbanisme, nous devons faire évoluer les choses – je vous renvoie au débat de tout à l’heure sur l’amendement de M. Dubois ou aux propos de notre excellent collègue Marc Daunis.
Deuxièmement, il est hors de question de toucher à la loi Littoral. Pourquoi ce texte a-t-il été adopté ? Rendons-nous compte des abus qui se sont produits sur le territoire national ; certaines côtes ont été bétonnées de manière totalement anarchique, avec des conséquences dramatiques !
Cela dit, je vais émettre un avis favorable sur cet amendement.