Mme la présidente. L’amendement n° 197 rectifié, présenté par M. Savary, Mme Bruguière, MM. Cambon, Cardoux, Cointat, Couderc, Doligé, Houel, Huré, Laménie, Lefèvre et Longuet, Mme Masson-Maret et M. Revet, est ainsi libellé :
Alinéas 9 et 10
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« Des clauses visant au respect par le preneur de pratiques culturales mentionnées au deuxième alinéa, y compris des obligations de maintien d’un taux minimal d’infrastructures d’intérêt écologique, peuvent être incluses dans les baux, lors de leur conclusion, dans le cas suivant :
« - Les clauses doivent concerner des parcelles représentant des surfaces suffisantes pour garantir un réel impact environnemental, lorsque le bailleur est une personne physique ou une personne morale de droit privé, celui-ci doit justifier des enjeux environnementaux auxquels les clauses proposées répondent sur le territoire concerné, et de l’absence de remise en cause de l’exploitation agricole ;
« - Les clauses sont préalablement soumises à l’avis conforme de la commission départementale d’orientation de l’agriculture, et de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites ; »
Comme vous avez dépassé votre temps de parole sur l’amendement précédent, monsieur Revet, je vous demande d’être plus succinct en présentant celui-ci.
M. Charles Revet. Il est défendu. (Rires.)
M. Gérard César. Là, il est bref !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Nous avons évoqué tout à l’heure les taquets et les sujets importants. Le bail environnemental en est un, mais, tel qu’il était issu des travaux de l’Assemblée nationale, il ne nous convenait pas, il ne me convenait pas. J’ai considéré qu’il freinait le travail des agriculteurs, notamment des jeunes qui s’installent, car il prévoyait trop de contraintes. J’ai donc souhaité que nous réécrivions cette partie du projet de loi.
Je pensais que nous étions parvenus en commission à un compromis assez clair : pas de nouvelles contraintes et pas de retour sur les pratiques vertueuses.
Or vous présentez des amendements de suppression. Je ne peux être favorable à de tels amendements ! Certes, les sénateurs sont souverains en séance publique, mais supprimer le dispositif auquel nous sommes parvenus unanimement en commission reviendrait à remettre totalement en cause le bon travail que nous avons accompli et qui a nécessité de nombreuses auditions et plusieurs heures de réflexion.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Absolument !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Tout à l’heure, mon ami Gérard Bailly affirmait ne pas être d’accord et se déclarait déçu des propos que j’avais tenus. Je peux le comprendre : il est bien normal que nous n’ayons pas la même vision sur tous les sujets.
M. Charles Revet. Heureusement ! C’est le dialogue !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Absolument ! Toutefois, il me semble que, sur les six points de ce texte que nous avons jugés importants, nous avons apporté des améliorations et trouvé un point d’équilibre et de compromis.
Je pense à la triple performance dans les GIEE, économique, sociale et environnementale. Il était très important d’intégrer la dimension sociale. C’est le fruit d’un compromis.
Je pense aussi à la clause miroir pour les coopératives, dont nous aurons l’occasion de reparler. Tel qu’il était issu des travaux de l’Assemblée nationale, le texte ne nous convenait pas. Nous avons trouvé un compromis – il a d’ailleurs été compris par les coopératives elles-mêmes –, qui n’ajoute pas de contraintes aux coopératives et fait en sorte que les assemblées générales ne doivent pas tout assumer, une partie des décisions relevant des conseils d’administration, lesquels sont là pour cela.
Grâce à Jean-Jacques Lasserre et à Daniel Dubois notamment, nous avons également trouvé un compromis sur la compensation agricole. Sur ce sujet, nous continuerons à avancer. Si j’ai bien compris, parce que je sais que certains d’entre vous ont été en contact avec eux, les responsables agricoles sont d’accord avec la rédaction du Sénat.
Nous reviendrons sur la question du loup. Là encore, nous avons trouvé un compromis et j’espère que, unanimement, – aujourd’hui, demain ou un autre jour – nous affirmerons des positions très claires, parce qu’il est des moments où l’intérêt général prime sur tout le reste.
Sur le transfert des autorisations de mise sur le marché à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, nous avons aussi trouvé un compromis : le ministre conservera un droit de regard et pourra s’exprimer. Mme Blandin a même déposé un amendement visant à empêcher tout retour en arrière.
Je le répète, sur tous ces points qui sont à mon sens fondamentaux – il en est beaucoup d’autres –, la commission des affaires économiques, sous la houlette de Daniel Raoul, a trouvé un compromis à l’issue de nombreuses heures d’auditions et de discussions. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous engage à les adopter. Sur les autres sujets, tous les débats sont légitimes ; nous en avons eu un exemple tout à l’heure avec l’azote.
Sur le bail environnemental, le compromis me semblait assez clair : il consistait à ne pas réduire les exigences actuelles, tout en n’ajoutant pas de nouvelles contraintes. Je peux en témoigner dans mon département : à un jeune qui s’installe et qui loue à des propriétaires différents un hectare par-ci, deux hectares par-là, on ne peut imposer ce qu’il doit ou non faire sur telle ou telle parcelle ; cela ne marche pas. Ces contraintes et ces normes sont insupportables et nous ne pouvons les accepter.
J’espère que, en deuxième lecture, l’Assemblée nationale aura la sagesse de ne pas revenir à la rédaction qu’elle a adoptée en première lecture, car elle ratatine tous les efforts en matière de bonnes pratiques agricoles, notamment pour les jeunes.
Notre intention est de maintenir les cas existants – on n’en demande ni plus ni moins – et de permettre à tout propriétaire de proposer un bail environnemental. Nous sommes tous d’accord pour favoriser les pratiques environnementales, sans toutefois ajouter de nouvelles normes aux agriculteurs qui s’installent ou achètent des parcelles. Les débats que nous avons eus précédemment sur la dérégulation, les normes, la simplification avaient la même finalité. Les seules clauses admissibles seraient celles qui garantiraient le maintien des bonnes pratiques. C’est bien ce garde-fou que nous avons prévu.
L'amendement n° 60 rectifié de M. Revet se rapproche le plus du texte de la commission,...
M. Charles Revet. Merci !
M. Didier Guillaume, rapporteur. C’est la réalité !
... et on pourrait l’intégrer en partie. Il faudrait pour cela le rectifier. Toutefois, il est déjà satisfait par le texte de la commission.
En revanche, l'amendement de M. César comme les autres amendements en discussion commune tendent à supprimer purement et simplement l’extension du bail environnemental. C'est la raison pour laquelle j’en demande le retrait au profit du compromis politique et professionnel qui peut bien fonctionner et qui a été accepté par la profession agricole, toutes tendances confondues, selon qui il faut un certain nombre de barrières, parce que l’on ne peut pas faire n’importe quoi, sans revenir en arrière ni en demander toujours plus. Car on finit par en avoir un peu marre des contraintes supplémentaires. À défaut, la commission émettra un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Sur l’ensemble de ces amendements, le Gouvernement émet le même avis que la commission.
Monsieur Revet, je tiens à vous répondre sur le sujet que vous avez déjà évoqué hier. Oui, je prendrai l’initiative de rencontrer la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, et le secrétaire d’État à l’économie maritime, pour que l’on puisse traiter la question littorale, et, surtout, la grande question posée par l’aquaculture. Il faut reprendre ce sujet afin de remettre en route une production et une filière. Sur ce point, je suis tout à fait d’accord avec vous. C’est pourquoi je vous rendrai compte, à vous, de manière spécifique, des rencontres que j’aurai et des objectifs communs que nous nous serons fixés. (Mme Odette Herviaux applaudit.)
M. Charles Revet. Merci !
Mme la présidente. Monsieur César, l'amendement n° 294 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Gérard César. Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé que la commission des affaires économiques avait abouti à un accord unanime et que nous étions parvenus à un engagement commun.
L’alinéa 10 précise : « pour garantir, sur la ou les parcelles mises à bail, le maintien de ces pratiques ou infrastructures ». Est-ce bien cela que nous avons voté en commission ? (M. le rapporteur acquiesce.)
Si vous le confirmez officiellement, nous retirerons cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur César, je vous remercie de votre intervention. Vous avez raison, c’est à cet alinéa que je faisais référence : il s’agit bien du maintien des pratiques.
M. Gérard César. On ne change donc rien ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. On peut changer si l’on veut…
M. Gérard César. ... mais sur la base du volontariat !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Exactement ! On n’impose rien de plus. En revanche, on ne revient pas en arrière sur ce qui a été fait.
Nous sommes totalement revenus sur les dispositions prévues par l’Assemblée nationale qui complexifiaient la situation. Si je vous ai convaincu, j’en suis fort heureux, monsieur César.
M. Gérard César. Vous êtes un excellent avocat, monsieur le rapporteur !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Non, nous avons bien travaillé tous ensemble, dans l’intérêt des agriculteurs.
M. Gérard César. Je retire donc cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 294 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.
M. Marcel Deneux. Je me rallie bien évidemment à la position de M. le rapporteur. Je l’avais déjà fait – peut-être ne l’avait-il pas remarqué – en retirant l’amendement que nous avions déposé. Pour mieux comprendre nos débats, il faut que vous sachiez que certains d’entre nous ne sont plus membres de la commission des affaires économiques, pour leur plus grand regret parfois. Ne connaissant pas les débats internes de cette commission, nous avions pris la précaution de déposer un amendement, mais dès que nous avons appris l’existence d’un compromis, nous y avons adhéré.
Pour moi qui étais fermier sur 106 hectares, avec 23 propriétaires et 82 partielles cadastrales, imaginez ce qu’aurait été l’application du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Le rapporteur l’a souligné, nous avons beaucoup travaillé en commission. Compte tenu de l’accord qui a été trouvé et qui me paraît tout à fait équilibré – on ne tire pas un trait sur le passé, mais on n’en rajoute pas pour l’avenir –, le groupe UDI-UC avait retiré son amendement. (M. le président de la commission des affaires économiques applaudit.)
M. Didier Guillaume, rapporteur. Exactement !
Mme la présidente. Monsieur Collin, l’amendement n° 353 rectifié est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 353 rectifié est retiré.
Monsieur Revet, qu’advient-il de l’amendement no 60 rectifié ?
M. Charles Revet. Je me retrouve dans les propos de Marcel Deneux. Il se trouve que la commission des affaires économiques a été scindée en deux et qu’un certain nombre d’entre nous ne participent plus à ses travaux. C’est d’une certaine façon dommage, même si la commission du développement durable travaille bien.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Vous nous manquez ! (Sourires.)
M. Charles Revet. Je vous remercie, monsieur le rapporteur ! (Nouveaux sourires.)
Toujours est-il que nous n’avons pas participé à cette réflexion. Néanmoins, je fais totalement confiance à mes collègues qui y participent. Au regard du résultat auquel la commission est parvenue et dans la mesure où le rapporteur a indiqué que l'amendement n° 60 rectifié, parce qu’il se rapprochait du texte de la commission, était le seul qui pourrait sans doute être adopté mais était satisfait, je le retire, de même que l'amendement n° 197 rectifié. S’il était besoin d’y revenir, nous le ferions plus tard.
Mme la présidente. Les amendements nos 60 rectifié et 197 rectifié sont retirés.
Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L'amendement n° 313 rectifié est présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Couderc et Milon, Mme Mélot, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 534 rectifié est présenté par MM. Dubois, Jarlier et Tandonnet, Mme N. Goulet et M. Guerriau.
L'amendement n° 599 est présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 754 rectifié est présenté par MM. Mazars, Alfonsi, C. Bourquin, Fortassin, Hue, Requier, Tropeano et Vendasi.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 13 et 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gérard César, pour présenter l’amendement n° 313 rectifié.
M. Gérard César. Pour faire bref, il s’agit de supprimer les alinéas 13 et 14 relatifs aux baux.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour présenter l'amendement n° 534 rectifié.
M. Daniel Dubois. Cet amendement vient d’être défendu de façon explicite, efficace et rapide, madame la présidente !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l'amendement n° 599.
M. Gérard Le Cam. Le dispositif prévu aux alinéas 13 et 14 risque de fragiliser le statut du fermage en permettant d’exercer des pressions sur le fermier, qui n’est pas en position de force. C’est pourquoi nous en demandons la suppression. Il s’agit de revenir aux mesures qui existent déjà, à savoir la mise à disposition au profit d’une société à objet principalement agricole.
Mme la présidente. L’amendement n° 754 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 126, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
Après les mots :
objet principalement agricole
insérer les mots :
ou d'une association, prévue par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, à vocation principalement agricole
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Lorsque nous entendons les propos tenus sur les travées de droite de cet hémicycle, nous avons l’impression d’avancer avec difficulté. Pourtant, la transition est une absolue nécessité : elle est attendue par une grande partie du monde agricole et par la société civile, c’est-à-dire tous nos concitoyens. Cet amendement vise à accompagner un mouvement qui est déjà en cours.
Lorsqu'il a contracté un bail rural avec une personne morale comme un groupement agricole d’exploitation en commun ou une société civile d’exploitation agricole, un propriétaire bailleur peut se retrouver lié à des personnes qu'il n'a pas choisies initialement, par le jeu des fluctuations possibles dans la composition de la structure preneuse du bail.
Pour se prémunir contre cette situation, le propriétaire a la possibilité de signer le bail non pas avec la structure morale, mais directement avec les associés, lesquels mettent ensuite le bail à disposition de la structure juridique qu'ils ont choisie pour l'exploitation du bien.
Seulement, le code rural ne désigne comme structures pouvant bénéficier d'une mise à disposition que les sociétés à objet principalement agricole, dont le capital doit être majoritairement détenu par des personnes physiques.
Or si les formes sociétaires connaissent un essor important dans le monde agricole, d'autres formes d'organisation se développent aussi entre personnes partageant un projet agricole. Ainsi, certains projets prennent la forme d’une association de la loi de 1901, à l'image des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, les AMAP ; je pense aussi aux pépinières d’activités agricoles, qui permettent à des porteurs de projet en agriculture biologique de tester leur activité avant de se lancer.
La mise à disposition d'un bail rural à une association étant aujourd’hui impossible, ces formes d’organisation ne peuvent être représentées qu’indirectement, par l’intermédiaire d'un de leurs membres preneur du bail. Or ce mécanisme est contraire à leur volonté de partage collectif des responsabilités liées à la production et à l'entretien du bien.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je serais vraiment très déçu si cet amendement progressiste et conforme à la volonté de la société n’était pas accueilli favorablement.
Mme la présidente. L'amendement n° 519 rectifié, présenté par MM. Dubois, Lasserre, Tandonnet et Maurey, Mme N. Goulet, M. Guerriau et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
Remplacer les mots :
à vocation principalement agricole
par les mots :
à objet agricole
La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Cet amendement, très directement lié aux précédents amendements présentés par mon groupe, vise à garantir que seules sont visées les sociétés dont l’objet est de cultiver la terre et de transformer ses produits.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Pour faire plaisir à M. Labbé, je vais parler en progressiste ! (Sourires.)
M. Jean Bizet. Il faut s’en méfier ! (Nouveaux sourires.)
M. Didier Guillaume, rapporteur. Vous avez tort, mon cher collègue, car je donne un avis favorable aux amendements identiques nos 313 rectifié, 534 rectifié et 599 de MM. César, Dubois et Le Cam.
En revanche, je suis défavorable à l’amendement n° 126 présenté par M. Labbé.
Quant à l’amendement n° 519 rectifié de M. Dubois, il deviendra sans objet si l’amendement n° 313 rectifié est adopté. (M. Gérard César acquiesce.) Je le regrette, car la modification qu’il opère m’intéresse beaucoup. Je souhaite donc, monsieur Dubois, que nous trouvions le moyen de vous donner satisfaction en deuxième lecture. (M. Daniel Dubois s’en félicite.)
Selon moi, un bail rural est personnel : on conclut un bail avec un agriculteur. Qu’un bail soit transféré, on peut le concevoir, et du reste cela existe ; mais que le nouveau titulaire puisse ne pas être un agriculteur me semble contraire à l’esprit du projet de loi, qui est de renforcer l’agriculture.
Si je considère qu’on ne peut pas accepter un portage de bail, ce n’est pas que je vous fasse, monsieur Labbé, un procès d’intention. En réalité, je suis soucieux d’éviter tout risque de détournement du statut du fermage. Ce statut est trop fragile pour que je puisse, monsieur Labbé, émettre un avis favorable sur votre amendement. (M. Marcel Deneux acquiesce.)
Les positions prises par la commission au sujet de ces différents amendements permettent d’assurer la transmission des terres et la qualité des baux ruraux tout en évitant d’éventuelles dérives.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Le véritable progrès se heurte toujours à des inquiétudes, qui ne sont pas forcément fondées : l’accueil réservé à l’amendement n° 126 en offre une parfaite illustration.
L’agriculture est certes l’affaire des agriculteurs, et heureusement ; mais elle n’est plus seulement la leur : elle est aussi l’affaire de l’ensemble de la société, dont nous sommes les représentants !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Labbé, je tiens à vous répondre de façon très précise, avec des arguments techniques.
Mon propos n’est pas de nous opposer. Que le bailleur puisse mettre le bail rural dont il est titulaire à disposition d’une société à objet agricole dont il est membre, M. Dubois, M. César et nous tous en sommes d’accord ; mais qu’il puisse le mettre à disposition de toute association de la loi de 1901 dont il est membre, je crois que cela serait dangereux.
Je ne mets pas du tout en cause ces associations – là n’est pas la question. Je cherche simplement à prévenir tout détournement du statut du fermage.
D’abord, la mise à disposition que vous proposez, mon cher collègue, ne nécessiterait pas l’accord du propriétaire bailleur, ce qui pose un problème sur le plan du droit de propriété. (M. Roland du Luart acquiesce.)
M. Gérard César. Réquisition !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Ensuite, un tel montage paraît difficilement acceptable, dans la mesure où la faculté de mettre le bail à disposition d’une exploitation vise à assurer la liberté de l’agriculteur de choisir la forme juridique de son exploitation ; or les associations de la loi de 1901 ne peuvent pas constituer le support juridique d’une exploitation agricole.
Monsieur Labbé, je comprends l’esprit de votre proposition, mais je considère qu’une loi d’avenir pour l’agriculture doit avoir pour objet de conforter les exploitations agricoles ; c’est sur ce point que nous divergeons.
L’adoption de votre amendement entraînerait une sorte de perte de contrôle du bailleur sur son bien, puisque celui-ci pourrait passer en d’autres mains sans que le bailleur en ait connaissance, ni qu’il puisse s’y opposer. Qu’un bail puisse changer de mains sans que le propriétaire ait son mot à dire sur son objet, et par conséquent sur la destination des terres, constitue une atteinte à mes yeux excessive au statut du fermage (M. Jacques Gautier acquiesce.) – je m’efforce d’exposer notre point de vue sans être moi-même excessif.
Telle est la raison pour laquelle je ne puis approuver votre amendement, monsieur Labbé, quoique je comprenne l’intention qui vous anime.
M. Jean Bizet. Il est trop progressiste ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume, rapporteur. C’est possible, mais il est surtout contraire à l’objectif du projet de loi : conforter l’agriculture, le statut de l’agriculteur et les exploitations agricoles.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 313 rectifié, 534 rectifié et 599.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 126 et 519 rectifié n’ont plus d’objet.
M. Daniel Dubois. Monsieur le rapporteur, j’ai bien noté ce que vous avez dit au sujet de la deuxième lecture !
Mme la présidente. L'amendement n° 177, présenté par Mme Blandin, MM. Labbé, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Au premier alinéa, après le mot : « environnement, », sont insérés les mots : « de respect du bien-être animal, » ;
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement est le dernier sur le bien-être animal ; il porte sur le cadre assigné aux mutations de l’agriculture et de la transformation des aliments.
La transformation des produits est en adaptation permanente sous la pression de goûts ou de besoins nouveaux, ces derniers étant souvent créés par la publicité et par la grande distribution, mais aussi sous la pression des marchés, car les matières alimentaires restent, hélas, des marchandises soumises à spéculation.
La science ouvre des possibilités sans cesse renouvelées de modifier l’alimentation, la reproduction, la forme et la productivité des animaux d’élevage. Reste qu’il doit y avoir des limites éthiques : que l’on sache faire quelque chose ne signifie pas que l’on doive le faire, même quand il y a un gain en jeu pour certains – qui, au passage, sont rarement les éleveurs eux-mêmes.
À cet égard, le projet de loi est équilibré, puisqu’il évoque la qualité des produits : ce n’est pas parce que l’on sait produire du bœuf aux hormones que l’on va en produire, au risque de perturber le métabolisme des consommateurs et celui de leurs enfants. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
M. Didier Guillaume, rapporteur. En effet !
Mme Marie-Christine Blandin. Il évoque aussi l’aménagement du territoire : ce n’est pas parce qu’il serait plus simple de cultiver et d’élever en plaine que l’on va abandonner les paysans des montagnes.
Il évoque enfin le maintien de l’emploi en milieu rural : ce n’est pas parce que des professeurs Nimbus veulent appliquer les recettes du BTP ou de la science-fiction aux étables que l’on va faire des usines à 1 000 vaches (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame de nouveau.) et transformer nos campagnes en parcs d’attraction !
Tout vertueux qu’il soit, ce cadre comporte un oubli : le respect du bien-être animal. Si ce principe n’est pas mentionné, nous n’aurons aucun outil pour décourager des pratiques de mutilation ou d’immobilisation favorables à la production mais sources de souffrance aujourd’hui, et demain de mises aux normes douloureuses et coûteuses, voire de faillites quand tomberont les règles de Bruxelles.
De plus, un cadre vertueux en matière de bien-être animal constitue une protection pour nos éleveurs : car c’est bien l’agroalimentaire qui tire les prix vers le bas, importe n’importe quoi, se moque des conditions d’élevage au Brésil ou à Taïwan et ruine les producteurs de nos régions. Vous avez tous à l’esprit, mes chers collègues, l’émission de télévision qui a montré les ateliers Farmor d’une célèbre coopérative et les poulets low cost importés du Brésil et de Taïwan ! (M. Joël Labbé applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Madame Blandin, le principe du bien-être animal a été ajouté dans le projet de la loi, parmi les objectifs généraux de la politique agricole ; c’est la première fois qu’il est ainsi affirmé, et tout le monde y souscrit. (M. le ministre acquiesce.) En revanche, je ne peux pas soutenir votre proposition d’en faire un objectif spécifique et de l’inscrire dans le code rural et de la pêche maritime.
M. Gérard César. En effet !
M. Didier Guillaume, rapporteur. On peut sans doute penser : qui peut le plus peut le moins. En tout cas, le bien-être animal comme orientation pour la politique agricole générale, nous y sommes favorables et c’est déjà une grande avancée ; mais ce principe, dans la mesure où il concerne de nombreux autres secteurs de la société, ne peut pas être considéré comme un objectif spécifique de la politique agricole.
C’est pourquoi, madame Blandin, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; si vous le maintenez, je serai contraint d’y être défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Blandin, l'amendement n° 177 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Pour faire gagner du temps, et comme je ne suis pas assurée qu’une majorité de nos collègues soient disposés à le voter, je retire mon amendement. Il reste que M. le rapporteur a laissé passer la dernière occasion de soigner son karma à l’égard des espèces animales ! (Rires.)