M. Charles Revet. Je m’interrogeais sur l’opportunité de m’exprimer à ce stade du débat, mais ce que vous venez de nous dire, monsieur le ministre, m’a conforté dans ma volonté. Il m’apparaît en effet nécessaire de se demander ce qui est du ressort de la loi et ce qui ne l’est pas.
Vous nous avez dit que les deux tiers des mesures devraient probablement relever de la gestion propre des agriculteurs, des organismes professionnels et autres, et qu’on ne devrait pas tout mettre dans la loi.
Pourtant, ce projet de loi comporte 151 pages et 40 articles. Qui plus est, l’article 37 – c’est désormais une habitude dans pratiquement tous les textes ! – autorise le Gouvernement à procéder par ordonnance. Je ne sais pas si cela fera plaisir à notre collègue Serge Larcher, mais, honnêtement, c’est choquant pour le Parlement !
Dans un texte où l’on s’efforce de clarifier, de suggérer, d’imposer dans certains cas, un certain nombre de dispositions, il est choquant que soit donné au Gouvernement le soin de légiférer par ordonnance. Je sais bien que cet article vise l’outre-mer, mais, même si cela va peut-être faire plaisir à notre collègue Serge Larcher, ce n’est pas normal.
M. Gérard César. Non !
M. Charles Revet. Qu’on nous le demande d’une manière particulière parce qu’un problème doit être traité en urgence, soit. Mais une telle disposition me choque dans un texte où, normalement, on devrait tout considérer.
Par ailleurs, est-il vraiment indispensable de prévoir à l’article 1er soixante-deux alinéas pour rappeler les missions de l’agriculture ? La loi est un cadre dans lequel on travaille. Y faire figurer autant de dispositions comporte certains risques, monsieur le ministre. Plus vous en mettez, plus vous ouvrez des possibilités de recours. Le juge pourra se fonder sur tel ou tel alinéa de l’article 1er pour sanctionner le non-respect de la loi. On devrait donc se poser cette question, monsieur le ministre.
Je pensais que la pêche n’était plus de votre responsabilité, sauf peut-être au travers de l’agroalimentaire. (M. le ministre acquiesce.) C’est donc votre mission. Il se trouve que j’ai été corapporteur pour les problèmes de la pêche sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMAP. C’est d'ailleurs à cette occasion qu’a été introduit le « P », pour la pêche.
M. Gérard César. Oui !
M. Charles Revet. L’alinéa 46 de l’article 1er du présent projet de loi dispose : « La politique des pêches maritimes, de l’aquaculture et des activités halio-alimentaires définie à l’article L. 911-2 concourt à la politique de l’alimentation et au développement des régions littorales, en favorisant la compétitivité de la filière et la mise sur le marché de produits de qualité, dans le cadre d’une exploitation durable de la ressource. »
Cela paraît logique, mais je ne pense pas qu’il soit forcément nécessaire de faire figurer ces dispositions dans la loi. Mais, dans la LMAP, nous avions, sur mon initiative, indiqué qu’il était souhaitable – et nous avions donné des délais – d’établir un schéma le long du littoral pour déterminer les zones à protéger réellement – et il y en a ! –, les zones où on peut développer des activités économiques, l’aquaculture notamment, ainsi que celles qu’il faut peut-être préserver avec une destination future.
M. Bruno Retailleau. Cela n’a jamais été défini !
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, à ma connaissance, cela n’a jamais été fait, même si une date avait été fixée.
M. Bruno Retailleau. C’est vrai !
M. Charles Revet. Comme nous allons passer quelques jours ensemble, je souhaite que vous demandiez aux services de votre ministère de nous fournir une réponse : où en est-on de l’établissement de ce schéma et quand aurons-nous une réponse ? (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, on est toujours pris dans un dilemme s’agissant de débats qui concernent un secteur comme l’agriculture.
À la limite, le Gouvernement, le ministre de l’agriculture, pourrait définir à certains articles – c’est le cas en particulier de cet article 1er – les grands objectifs de la loi. Le débat démocratique impose que les sénateurs, les députés, c'est-à-dire les assemblées parlementaires, participent à des débats d’orientation, qui sont quand même importants. Mais, après tout, on pourrait dire que c’est le Gouvernement, l’exécutif, qui décide de l’orientation.
M. Charles Revet. Le débat d’orientation, c’est autre chose !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Oui, mais si l’article 1er existe sous cette forme, c’est aussi parce que des débats d’orientation ont eu lieu. Certaines dispositions ont été modifiées, ou vont l’être, notamment par le Sénat. Cela intervient dans un esprit démocratique.
En même temps, vous le soulignez vous-même, pourquoi faire des lois avec des articles qui, en définitive, définissent plutôt des orientations que des mesures législatives ? C’est une vraie question, un vrai dilemme, car la représentation nationale a, elle aussi, son mot à dire sur ce que sont les débats d’orientation. Donc, là, on a du mal à trouver l’équilibre, je suis assez d’accord avec vous.
Toujours est-il que j’ai veillé, avec tous ceux qui ont travaillé sur ce texte au sein de mon cabinet, à faire court : trente-neuf articles.
M. Charles Revet. C’est beaucoup !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je suis d’accord, c’est peut-être encore trop. Mais on a cherché à être dans cet esprit d’équilibre. Donc, c’est un vrai dilemme.
Sur la question du schéma, j’ai bien noté vos remarques. Cela doit relever de la compétence du ministère de l’environnement et de l’écologie, j’en discuterai pour savoir où on en est.
En effet, nous le savons tous, derrière l’agriculture, il y a l’aquaculture, la conchyliculture… La production d’algues représente même un enjeu majeur pour l’avenir,…
M. Charles Revet. Absolument !
M. Stéphane Le Foll, ministre. … car les algues contiennent des matières actives, des protéines qui pourraient servir pour l’alimentation animale.
M. Charles Revet. C’est pour cette raison qu’il faut déterminer les zones à protéger !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Voilà une nouveauté qui va arriver ! On ne s’en rend pas compte, mais derrière tout cela il y a d’énormes potentialités.
Sur cette question, il faudra préciser les choses. Je poserai la question à Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, afin que nous puissions aller jusqu’au bout.
Enfin, s’il est fait référence à la pêche à l’article 1er, c'est parce que cette loi modifiera des articles du code rural et de la pêche maritime.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
L'amendement n° 593, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Après le mot :
dimension
insérer le mot :
internationale,
II. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ….° Dans le cadre la politique agricole définie par le Gouvernement, de promouvoir au niveau international et européen la spécificité du secteur agricole au regard des enjeux en termes d’indépendance alimentaire de tous les peuples et de dénoncer les processus de standardisation, d’homogénéisation des pratiques de production, et des dispositifs de marchandisation de l’agriculture ;
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. L’alinéa 4 de l’article 1er du projet de loi souligne la triple dimension de la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation, laquelle a vocation à être déployée aux niveaux territorial, national et européen.
Par cet amendement, nous voulons introduire à ces différents échelons la dimension internationale de l’agriculture, qui s’impose de fait – d’ailleurs pas toujours avec bonheur ! – aux politiques européenne et nationale.
Nous souhaitons en effet que la France puisse porter une politique qui défende la spécificité du secteur agricole au regard tant des enjeux humains que de ceux qui sont liés à l’indépendance alimentaire.
Avec la mondialisation des marchés et des capitaux, la politique agricole ne peut plus être simplement définie à l’échelon national ou communautaire : elle est de fait internationalisée, avec les pressions et les contraintes que cela peut induire. Dans les cas, notamment, de l’application des brevets sur les semences ou de la politique d’appropriation terrienne appliquée par certains pays, la dimension internationale ne peut pas être négligée. Il est du devoir du législateur de la prendre en compte, afin que nulle situation ne soit hors du droit.
Il nous apparaît nécessaire que la mention internationale figure dans le projet de loi, de manière à protéger le secteur agricole français contre l’hyper-marchandisation des terres et la standardisation des moyens de production.
Actuellement, nos politiques sont fortement conditionnées par celles qui sont menées à l’Organisation mondiale du commerce ou à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, ainsi que par celles qui sont discutées dans le cadre des accords de partenariats bilatéraux, comme celui du traité transatlantique. Malgré les propos supposés rassurants de l’ancien ministre chargé des affaires européennes, Thierry Repentin, interrogé à ce sujet lors d’un débat de la commission des affaires européennes au Sénat, on peut craindre que ce traité ne fasse qu’introduire encore plus de libéralisme dans notre secteur agricole et nos services publics.
La suppression des droits de douane, censée renforcer les capacités exportatrices des États-Unis et de l’Union européenne, organisera un véritable dumping économique et environnemental au détriment des pays du Sud. Le secteur agricole sera définitivement livré à la loi de l’offre et de la demande, même pour ce qui est des normes. Dans un tel cadre, quid de la sécurité et de la souveraineté alimentaires ? Que vont devenir l’agroécologie, la relocalisation des activités agricoles, les circuits courts et l’agriculture paysanne ?
Il est temps de définir une véritable législation internationale des droits des paysans. Parce que l’agriculture mondialisée est un fait, nous proposons, par cet amendement, de l’intégrer dans le projet de loi de manière à anticiper les dérives et abus qui sont le lot quotidien des agriculteurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques. Il s’agit d’un amendement d’intention intéressant, qui tend à ajouter une dimension internationale aux politiques agricoles.
Le projet de loi indique que les objectifs de la politique agricole s’inscrivent dans une dimension qui est à la fois européenne, nationale et territoriale. Définir dans la loi un tel cadre se justifie, car il existe au niveau européen une très forte intégration des politiques agricoles au travers de la PAC.
Rien de tel n’existe au niveau international, même si la coordination progresse légèrement.
Autant il est nécessaire de préciser le cadre de la politique agricole nationale et territoriale, autant il serait curieux de fixer dans la loi nationale des objectifs pour la politique de l’agriculture à l’échelon international, dont nous n’avons pas les moyens d’assurer le respect. Tel n’est pas le rôle de cette loi.
Je note aussi que la dimension internationale de la politique agricole est déjà précisée à l’alinéa 17 de l’article 1er.
Aussi, même si je comprends votre intention, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement d’appel, qui ne peut être intégré dans ce texte ; à défaut, je serai obligé de donner un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 593 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 590, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
l’accès
insérer le mot :
quotidien
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Il est défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Monsieur Le Cam, votre amendement, que vous avez bien défendu (Sourires.), concerne l’exigence d’accès quotidien à une alimentation sûre et saine. Là encore, on ne peut que partager cet objectif.
Cependant, en évoquant « l’accès à une alimentation sûre et saine », sans en indiquer toutes les dimensions, l’alinéa 5 préserve une approche large, qui est la plus pertinente lorsqu’il s’agit de définir les objectifs d’une politique publique.
Comme le précédent, cet amendement est un amendement d’appel. Je ne pense pas que l’on puisse inscrire cette disposition dans la loi. Aussi, je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 590 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 590 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 152 est présenté par Mme Blandin, MM. Labbé, Placé et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 457 rectifié est présenté par Mmes Jouanno et N. Goulet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Après le mot :
paysages
insérer les mots :
, le respect du bien-être animal
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 152.
Mme Marie-Christine Blandin. À l’heure où les électeurs attendent aussi de nous du sens et de la transparence sur les objectifs des politiques publiques, il est remarquable que le projet de loi mentionne les objectifs poursuivis par la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, vous tenez, d’une part, à la compétitivité et, de l’autre, à l’agroécologie. Il existe des espaces où ces deux ambitions sont compatibles.
Tout à l'heure, j’écoutais M. Retailleau nous parler de mondialisation et de compétitivité, et nous dire qu’il fallait être à la hauteur. Certes, mais on ne peut pas l’être à tout prix !
Je pense aux enfants du Costa Rica grâce auxquels nous pouvons trouver des ananas à cinquante centimes dans les hypermarchés. Or deux ans de déambulation dans les rangées d’ananas traités aux phytosanitaires suffisent pour que ces enfants n’aient plus de peau sur les jambes ! La compétitivité ne doit donc pas être une religion.
M. Bruno Sido. C’est sûr ! Il existe des limites.
Mme Marie-Christine Blandin. Elle se construit dans le respect du social, de l’environnement et de l’économie.
Notre amendement vise à mentionner dès le 1° de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime que l’article 1er vise à créer « le respect du bien-être animal ».
Depuis des millions d’années pour l’espèce humaine et quelques centaines de milliers d’années pour l’homo sapiens, les traces des foyers révèlent la consommation de viande – bien sûr en moindre quantité que de nos jours ! –, en particulier aux États-Unis et en Europe. Oui, nous sommes omnivores ! Si chacun devait aujourd'hui élever et, surtout, tuer ce qu’il mange, gageons que la consommation serait moindre et, en outre, que moins de protéines finiraient dans les déchets jetés à la poubelle.
Aux côtés de ceux qui ont fait le choix d’être végétariens, …
Mme Nathalie Goulet. Moi !
Mme Marie-Christine Blandin. … ceux qui mangent de tout n’en sont pas moins soucieux d’être assurés que les animaux qu’ils consomment sont correctement traités.
Finir en saucisson ou en escalope n’est pas un destin enviable (Rires.), mais il y a peu de chance que le cochon ou le poulet philosophe sur son destin ! Il n’en demeure pas moins que l’animal est un être sensible, et non un meuble. Il perçoit très bien s’il est comprimé, s’il respire mal, si on lui arrache le bec ou s’il ne voit jamais le jour… Les éleveurs consciencieux le savent, et ils veillent à son bien-être. En consacrant, dès le 1°, le bien-être animal, nous protégeons les animaux de toute dérive purement marchande de l’agroalimentaire, des vendeurs d’aliments, de bâtiments, de systèmes automatisés, de dispositifs d’abattoir, qui ne seraient motivés que par le seul profit.
Le 3° peut donner l’impression que l’amendement des écologistes est déjà satisfait en ce qu’il dispose que la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation a pour finalité de « veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux ».
Toutefois, cette juxtaposition entraîne une interprétation sanitaire du bien-être. S’il est louable de veiller à ce que les animaux, comme les végétaux, ne soient pas malades, la prévention ou l’éradication des maladies diffère du respect de leur bien-être, au sens de notre amendement. Faire figurer cette précision au 1° renvoie davantage à des notions d’espace, de support, de mobilité, toutes choses auxquelles les éleveurs avisés savent veiller. (M. Joël Labbé applaudit.)
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Si chacun prend autant de temps pour défendre ces amendements, on ne va pas s’en sortir !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 457 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. J’ai cosigné par amitié cet amendement porté par un sénateur végétarien. Aussi, vous comprendrez toute la difficulté que j’ai à le défendre… (Sourires.)
Plus sérieusement, cet amendement est tout à fait cohérent, puisque l’alimentation issue de l’élevage – produits carnés et laitiers, poissons, etc. – est un secteur sensible, régulièrement touché par des crises sanitaires – il y en a eu quelques-unes cette année. D’ailleurs, le groupe UDI-UC a été à l’origine de la création d’une mission commune d’information à la suite de l’affaire des lasagnes à la viande de cheval. Quand les crises sanitaires liées à l’élevage et à la viande se multiplient, les conditions de l’élevage et le respect du bien-être animal doivent être des préoccupations majeures.
C'est la raison pour laquelle, sur la base d’arguments certes moins pertinents, moins philosophiques et moins frappants que ceux de ma collègue Marie-Christine Blandin, Chantal Jouanno souhaite insérer, après le mot « paysages », « le respect du bien-être animal ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. Il ne nous revient ni de trancher les débats philosophiques ni de débattre du bien-fondé du végétarisme.
Mes chères collègues, vos amendements identiques sont intéressants, mais ils sont déjà satisfaits : l’ajout que vous proposez est redondant avec l’alinéa 8 de l’article 1er. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir les retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je veux juste signaler que c’est la première fois qu’il est fait référence à la notion de bien-être animal dans une loi agricole.
Mme Marie-Christine Blandin. C’est vrai !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Gouvernement considère donc, lui aussi, que les deux amendements identiques sont satisfaits.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Si je suis sensible à l’humour avec lequel ces amendements identiques ont été présentés, j’estime qu’il ne faut pas laisser passer la notion de bien-être animal – M. le ministre vient de préciser qu’elle figure dans une loi pour la première fois – sans attirer l’attention de nos collègues sur ce qu’elle recouvre.
Sachez, mes chers collègues, que ce n’est pas par hasard qu’elle apparaît dans le paysage médiatique français : elle procède d’une théorie directement inspirée de certains groupuscules anglo-saxons, nés aux États-Unis. Ces groupuscules, que l’on qualifie de « végétaliens », dénient à l’homme tout droit à la consommation d’êtres vivants, qu’il s’agisse des animaux que l’on élève, du gibier susceptible d’être chassé ou, même, des végétaux, puisqu’ils partent du principe que les plantes peuvent souffrir.
Avec une telle extension, nous sommes sur une pente extrêmement dangereuse ! Le bien-être animal relève de la seule subjectivité. En effet, comment peut-on définir d’une manière objective ce qu’est le bien-être animal ? Comment peut-on interroger un animal pour savoir s’il se sent bien ou non ? Cette dérive est grave.
Nous allons discuter tout à l’heure du problème de la prédation par le loup des troupeaux d’ovins. On pourrait aussi parler des grands carnivores africains, qui attaquent les gazelles et les antilopes. Comment préserver le bien-être animal dans le contexte, tout à fait naturel, de la prédation entre animaux ? C’est la loi de la nature.
Cette approche philosophique tend à exclure la présence même de l’espèce humaine au sein des équilibres naturels. Or l’homme est un carnivore…
M. Bruno Sido. Un omnivore !
M. Jean-Noël Cardoux. … et, comme tel, il doit se nourrir de ces équilibres.
Pour ma part, je veux simplement opposer à cette démarche purement subjective, qui confine à la sensiblerie, le code pénal, lequel prévoit la notion de « mauvais traitements envers un animal ». Ainsi, les articles R.653-1, R.654-1, R.655-1, 521-1, pour ne citer que ceux-là, prévoient, de manière tout à fait objective, ces cas de mauvais traitements et infligent à leurs auteurs des sanctions extrêmement lourdes.
Vous avez sans doute entendu parler de ce récent fait divers, parfaitement scandaleux : quelqu’un s’était amusé à jouer à la balle au prisonnier avec un chat, qu’il lançait contre un mur.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. L’affaire Caramel !
M. Jean-Noël Cardoux. La simple application du code pénal a permis aux tribunaux de sanctionner très fortement, à juste titre, l’auteur. N’en rajoutons donc pas. Ne cédons pas à la pression médiatique. Il faut un peu raison garder dans ce pays !
Madame Goulet, l’homme et la femme font partie de la nature ! (Sourires.) Respectons cette notion de prédation et évitons de nous inspirer de théories dont les auteurs ont peut-être un cheminement intellectuel tout à fait respectable, mais qui, à mon sens, ne peuvent nous aider à avoir une approche cohérente des équilibres naturels de notre pays.
M. le président. Mes chers collègues, nous avons plus de 700 amendements à examiner. Je vous demande donc de faire preuve de concision !
La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Monsieur le président, je serai très bref, car l’intervention de M. Cardoux recoupe largement ce que je comptais dire. Permettez-moi simplement d’ajouter deux éléments.
Premièrement, les éleveurs ont fait beaucoup d’efforts au cours de ces dernières décennies pour le bien-être animal. Les règlements me semblent appliqués. N’en rajoutons pas trop !
Deuxièmement, je ne comprends pas comment les auteurs de tels amendements, qui se disent sensibles au bien-être animal, ne se mobilisent pas en faveur de la diminution de la population de loups, qui, en 2013, ont égorgé et fait souffrir durant des nuits et des jours 6 768 petits agneaux et autres brebis sur notre territoire. Chers collègues, comment pouvez-vous ne pas vous élever contre cette souffrance, alors que, année après année, les loups dévorent de plus en plus d’agneaux et traumatisent les éleveurs ?
C’est pourquoi je ne voterai bien évidemment pas ces amendements identiques !
M. le président. Madame Blandin, l'amendement n° 152 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Oui, monsieur le président.
Je ne veux pas allonger inutilement les débats, mais je veux dire à mon collègue qu’il ne m’a pas écoutée.
Monsieur Cardoux, j’ai inscrit l’histoire de l’humanité dans son caractère omnivore, et non carnivore ! Vous poussez le bouchon un peu loin…
Au demeurant, je ne m’inspire pas du tout des groupuscules que vous avez évoqués.
Pour ma part, je vous ai écouté, et j’ai noté que votre propos comportait une part d’incohérence (M. Bruno Sido s’exclame.) : vous évoquez la souffrance de chatons malmenés ou d’agneaux dévorés par les loups et, dans le même temps, vous invoquez l’impossibilité spéculative de savoir si un animal peut souffrir et dites que l’on ne peut communiquer avec eux ! Vous voyez bien que nous sommes dans l’appréciation.
C’est pourquoi je maintiens l’amendement pour le principe.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Très bien !
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 457 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Je vais le retirer, monsieur le président.
J’ai bien écouté ce qu’a dit le rapporteur. Même si j’ai présenté mon amendement avec une note d’humour, monsieur Cardoux – il faut dire que je rentre de vacances !(Sourires.) –, je sais très bien, pour être élue d’un département connu pour la production de viande, que nos éleveurs font extrêmement attention, et je connais bien les difficultés que soulève le transport du bétail.
Quoi qu’il en soit, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 457 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 152.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 591, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
la compétitivité
par les mots :
l’efficacité économique, environnementale, sociale
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. L’alinéa 7 de l’article 1er du projet de loi prévoit, au titre des objectifs de la politique en faveur de l’agriculture, de l’alimentation et de la pêche maritime, le fait de « soutenir le revenu et de développer l’emploi des agriculteurs et des salariés, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée et en renforçant la compétitivité et l’innovation des différentes filières de production, de transformation et de commercialisation ».
Notre amendement tend à substituer le mot « efficacité » au mot « compétitivité ».
Nous sommes bien entendu d’accord sur la nécessité de mettre en œuvre une politique agricole garantissant des revenus décents et, par conséquent, développant l'emploi. Il est sans aucun doute essentiel de revoir le partage de la valeur ajoutée au sein des filières agricoles.
En 2013, le revenu de la « ferme France » a baissé de près de 4 milliards d'euros par rapport à l'année précédente. Certes, au final, la diminution du nombre d'agriculteurs – de 2 % à 4 % par an – a relativisé l'ampleur de la chute du revenu, puisqu'il est divisé entre moins d'actifs.
Si nous partageons ce constat, nous ne pensons pas, en revanche, que la compétitivité soit la clef. En effet, l’un des éléments récurrents de cette compétitivité, comme vous l'avez écrit, monsieur le ministre, dans la réponse à une question écrite d'un député UMP en juillet dernier, est la baisse du coût du travail.
Pour notre part, nous estimons que cette rhétorique et la politique qu'elle recouvre doivent être abandonnées, car elles font du travail la variable d'ajustement.
Aujourd'hui, les pays européens cherchent à être compétitifs dans la production agricole en permettant aux producteurs de rémunérer des saisonniers étrangers détachés, originaires de pays à très bas niveaux de salaires et de protection sociale – entre trois et six euros de l'heure, sans aucunes charges sociales.
La compétitivité se résume à produire moins cher que son voisin ; elle est destructrice d'emploi, de revenu et de salaire. C'est pourquoi nous vous demandons de supprimer ce terme et de le remplacer par l'expression « efficacité économique, environnementale et sociale ».