M. le président. L'amendement n° 240 rectifié, présenté par Mme Laborde et MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, C. Bourquin, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Hue, Mazars, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 48
Après les mots :
puis de
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
vingt-cinq heures par année de travail à temps complet et à temps partiel jusqu’à l’acquisition d’un crédit de cent cinquante heures.
II. – Alinéa 49
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. La plupart des salariés à temps partiel occupent des emplois précaires, sont souvent très peu qualifiés et surreprésentés parmi les travailleurs percevant de bas salaires. Contrairement à ce que certains chefs d’entreprise prétendent, les activités à temps partiel ne constituent pas un mode d’intégration dans le marché du travail pour les catégories qui en sont le plus éloignées. Malheureusement, elles s’installent trop souvent dans la durée. Or ce sont précisément les salariés qui les exercent qui ont le plus besoin de se former.
Le présent amendement vise tout simplement à permettre aux salariés à temps partiel d’alimenter leur compte personnel de formation de la même façon que les salariés à temps plein : ils pourraient ainsi atteindre les 150 heures en six ans.
M. le président. L'amendement n° 156, présenté par Mme Jouanno, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 48
Supprimer les mots :
, dans la limite d'un plafond total de cent cinquante heures
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. La portée politique de cet amendement, qui, je le précise, est lié à l’amendement n° 155 que nous présenterons ultérieurement, est importante. Nous tenons à ce projet de loi, mais la notion de « plafond-socle », ainsi que vous l’appelez, qui serait commun à tous les salariés est assez compliquée à comprendre et soulève des difficultés.
En effet, 150 heures, ce sera beaucoup pour les cadres ou les salariés dont le niveau de qualification est élevé. Plus de 68 % des cadres bénéficient de formations. De plus, 75 % de ces formations sont inférieures à 20 heures, selon les données de l’INSEE du mois d’octobre 2013.
À l’inverse, ce plafond sera trop bas pour les salariés les moins qualifiés, tout particulièrement les demandeurs d’emploi qui, eux, ont peu accès à la formation professionnelle, puisque les fonds qui leur sont destinés ne représentent que 12 % du montant total alloué à la formation. En outre, selon les chiffres relatifs au CIF-CDD, dans 52 % des cas, les formations sont supérieures à 800 heures.
Certes, ce plafond-socle pourra être abondé, mais ce sera au cas par cas.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer dès maintenant ce plafond-socle de 150 heures. Lors de l’examen de l’amendement n° 155, nous suggèrerons de constituer le CPF de manière différenciée en fonction du niveau de qualification initiale des salariés.
M. le président. L'amendement n° 132 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Longuet, Milon, Pinton, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :
Alinéa 48
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce plafond est porté à deux cent cinquante heures pour les demandeurs d'emploi et les titulaires du revenu de solidarité active.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Notre amendement est plus modeste que celui que vient de présenter Chantal Jouanno, puisqu’il vise simplement à porter de 150 à 250 heures le plafond d’alimentation du compte personnel de formation pour les demandeurs d’emploi et les titulaires du revenu de solidarité active.
Je ne reviendrai pas sur les besoins évidents de formation des personnes éloignées de l’emploi, et il n’est pas certain que le plafond de 250 heures soit suffisant, même s’il est bien plus satisfaisant que celui de 150 heures.
J’insisterai plutôt sur le procédé que nous préconisons.
Bien sûr, il n’est pas question d’augmenter les charges des entreprises. Mais nous le verrons dans la suite de l’examen du présent texte, un abondement est prévu, essentiellement assuré par trois grands acteurs suivants : Pôle emploi, les régions et les entreprises.
Lors des travaux de la commission, M. le rapporteur a affirmé que, par définition, les demandeurs d’emploi pouvaient difficilement alimenter leur compte de formation, lequel devait de toute façon être plafonné à 150 heures. Je ne pense pas que ce soit une vue de l’esprit.
Comme j’y ai déjà fait référence, bien souvent, les demandeurs d’emploi de longue durée sont des salariés âgés ayant fait l’objet de licenciements économiques en raison de la brusque fermeture de l’entreprise dans laquelle ils travaillaient. L’actualité récente en témoigne régulièrement. Ces salariés, en raison de la longue durée de leur carrière, ont pu parfaitement capitaliser un quota d’heures supérieur au plafond de 150 heures. Par conséquent, il serait judicieux de leur permettre de comptabiliser ces heures et de les utiliser pour retrouver un emploi à la suite d’une formation qualifiante pouvant dépasser les 150 heures.
En outre, l’adoption du présent amendement leur éviterait un véritable parcours du combattant, car, actuellement, au-delà de ce plafond, de nouvelles formalités administratives doivent être effectuées auprès des régions, formalités complexes et rébarbatives pour des personnes éloignées de l’emploi.
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Demontès, Génisson, Schillinger, Printz, Alquier, Campion, Claireaux, Emery-Dumas, Ghali et Meunier, MM. Labazée, Cazeau, Daudigny, Godefroy, Kerdraon, Le Menn, J.C. Leroy, Poher, Vergoz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 49
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Sauf accord de branche ou d’entreprise prévoyant l’alimentation du compte selon les modalités définies à l’alinéa précédent, lorsque le salarié
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. L’article 15 de l’accord national interprofessionnel dispose : « [Le] crédit d’heures est calculé à due proportion du temps de travail sur la base de 20 heures par an pendant les six premières années, puis 10 heures par an pendant les trois années suivantes pour les bénéficiaires d’un contrat à durée indéterminée à temps plein, soit 150 heures en neuf ans. »
À la suite de l’adoption d’un amendement déposé par sa commission des affaires sociales, l’Assemblée nationale a modifié le dispositif de la façon suivante : la base de calcul est deux heures par mois, soit 24 heures par an, jusqu’à 120 heures, puis une heure par mois, soit 12 heures par an jusqu’à 150 heures. Par conséquent, le plafond de 150 heures serait atteint en sept ans et demi et non en neuf ans.
Faut-il améliorer encore le système ? Oui, manifestement.
À ce propos, les amendements que nous examinons soulèvent deux questions.
Tout d’abord, faut-il supprimer ou élever le plafond, ce qui reviendrait à limiter l’abondement, voire à en exonérer les institutions et organismes divers cités dans le projet de loi, mais aussi les employeurs ?
On peut imaginer qu’ainsi, en dix ou quinze ans, les salariés ou les demandeurs d’emploi atteindront le nombre d’heures nécessaire à une formation qualifiante. Mais c’est oublier les évolutions technologiques rapides, les besoins des entreprises et la volonté des salariés d’améliorer leur situation professionnelle ou simplement de décrocher un emploi.
De surcroît, s’agissant des demandeurs d’emploi et des allocataires du RSA, qui va financer et abonder le compte ?
La seconde question concerne les salariés à temps partiel. À 80 % des femmes, ce sont souvent eux qui ont le plus besoin de formation – tous les orateurs l’ont évoqué lors de la discussion générale. Ils subissent fréquemment cette situation de temps partiel. Faible qualification, travaux pénibles, bas salaires, horaires décalés, conditions de vie difficiles : c’est la multiple peine !
Le Parlement, notamment le Sénat, doit jouer pleinement son rôle. Nous ne pouvons pas nous contenter de valider l’accord des partenaires sociaux – un consensus s’est dégagé sur ce point sur l’ensemble de nos travées – et les députés ont d’ailleurs décidé d’accélérer le rythme d’acquisition des heures.
S’agissant du temps partiel, l’ANI comporte une faiblesse, car il ne prend pas en compte les difficultés spécifiques des salariés concernés.
C’est la raison pour laquelle nous proposons, par le biais de l’amendement n° 8 rectifié, que des accords de branche et d’entreprise puissent prévoir une alimentation du compte personnel de formation pour les salariés à temps partiel selon des modalités semblables à celles qui sont applicables aux salariés à temps complet.
Nous entendons ainsi rétablir l’égalité entre les salariés en matière de formation, empêcher une discrimination qui frappe une nouvelle fois surtout les femmes et, enfin, favoriser le développement du dialogue social au sein des branches et des entreprises.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 49
Après le mot :
année
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
: s’il a effectué une durée de travail au moins égale à vingt-quatre heures par semaine, l’alimentation est calculée à la hauteur de vingt-quatre heures par année de travail jusqu’à l’acquisition d’un crédit de cent vingt heures puis de douze heures par année de travail dans la limite d’un plafond de cent cinquante heures ; s’il a effectué une durée de travail inférieure à vingt-quatre heures par semaine, l’alimentation est calculée, arrondie à l'heure supérieure, à due proportion du temps de travail effectué avec un minimum de six heures par an.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à favoriser l’alimentation du compte personnel de formation pour les salariés à temps partiel.
Le CPF représente, je le disais tout à l’heure, un milliard d’euros sur les 32 consacrés à la formation professionnelle. On m’a dit que ce chiffre n’était pas tout à fait exact, mais n’ayant pas obtenu de précision supplémentaire, je conserve mes données. Donc 31 milliards d’euros sont dédiés à la formation professionnelle.
Mais je ne sais pas si tout est bien clair. Je croyais que le compte personnel de formation visait à assurer une formation de nature citoyenne pour se recycler, se réorienter. Dans ces conditions, on ne doit pas tenir compte du nombre d’heures. Il devrait s’agir d’un droit citoyen, ouvert à quiconque, y compris aux personnes ayant élevé leurs enfants pendant dix ans. Je suis d’ailleurs surpris de l’absence de réaction à cet égard…
Cela étant, je constate que les partenaires sociaux raisonnent de manière utilitariste. Le principe est un peu celui de l’assurance : j’ai travaillé, donc j’ai droit à une assurance chômage ; à l’inverse, je n’ai droit à rien.
Savez-vous, mes chers collègues, à quoi cette question me fait penser ? Je songe aux jeux vidéo consistant à accumuler des « vies » : « tic, tic ! », on devient de plus en plus costaud ! Ici, c’est la même chose. J’ai bien travaillé : « tac, tac ! », j’obtiens des heures de formation et je deviens encore plus fort. En revanche, lorsque je ne travaille pas : « touc, touc ! », je galère et je perds des compétences. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Caffet. C’est un encouragement à l’oisiveté, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, comment justifier un tel système ? Quelle peut en être la logique, au regard des objectifs que vous avez énoncés ?
L’heure tourne, et je crains de ne pas avoir le temps de faire une belle explication. Mais je vais m’efforcer de trouver un raccourci !
Mme Christiane Demontès. Trouvez ! Trouvez !
M. Jean Desessard. Le CPF, assorti de fortes restrictions, a avant tout pour finalité d’adapter les actifs à l’emploi. Mais les personnes qui sont au chômage ou qui subissent des situations de précarité ne sont pas favorisées. On le voit très bien, les uns souhaitent ajouter des dispositions par branche, les autres des heures par-ci, un plafond ou un seuil par là… On peine à cerner la logique de ce compte personnel de formation, qui n’est pas totalement déterminé. S’agit-il d’un outil au service des entreprises et des partenaires sociaux ? S’agit-il au contraire d’un compte personnel citoyen ?
Mme Catherine Deroche. Bien dit !
M. Jean Desessard. Exactement, monsieur le ministre, j’ai épuisé mon temps, et je vous en vois ravi ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L'amendement n° 202, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 49
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserve de dispositions plus favorables prévues par un accord d’entreprise, de groupe ou de branche
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Face à cette nouvelle prestation de M. Desessard, je reste presque…
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Sans voix !
Mme Laurence Cohen. … presque subjuguée ! (Sourires.)
Mes chers collègues, vous l’avez remarqué, le sort réservé aux salariés exerçant un emploi à temps partiel, pour qui le droit à la formation demeure proratisé au temps de travail, ne nous satisfait pas. Plusieurs sénateurs siégeant sur d’autres travées, notamment Mme Demontès, ont d’ailleurs émis les mêmes critiques.
Nous avons eu l’occasion de dire combien cette règle s’apparente à une double pleine : non seulement ces salariés sont contraints de vivre dans des conditions difficiles, mais ils ne bénéficieront que de droits à la formation réduits ! Cette situation est d’autant plus scandaleuse que certains employeurs ou certaines branches professionnelles se sont fait fort d’embaucher le plus de salariés possible à temps partiel, pour réduire les coûts salariaux et sociaux.
Toutefois – nous ne l’ignorons pas –, après une négociation avec les organisations syndicales, d’autres employeurs peuvent avoir fixé des règles dérogatoires plus favorables, permettant aux salariés à temps partiel d’accumuler autant d’heures, et au même rythme, que leurs collègues disposant d’un temps plein.
Afin d’éviter que ces employés soient sanctionnés, que la loi réduise leurs droits, et conformément au principe de faveur que nous avons toujours défendu, nous vous proposons de compléter l’alinéa 49 afin d’introduire clairement la précision suivante dans le présent texte : si un accord comporte des règles dérogatoires plus favorables, ces dernières demeurent applicables.
M. le président. L'amendement n° 296 rectifié, présenté par M. Jeannerot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 49
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserve de dispositions plus favorables prévues par un accord d'entreprise, de groupe ou de branche qui prévoit un financement spécifique à cet effet, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 296 rectifié et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, cet amendement, très proche de celui que vient de présenter Mme Cohen, me semble à même de satisfaire l’ensemble des préoccupations que les orateurs successifs viennent d’exprimer, notamment en apportant une juste réponse à la question des salariés à temps partiel.
À mon sens, il tend à assurer les sécurités juridiques et financières indispensables, ce qui n’est pas nécessairement le cas des autres amendements présentés – je pourrai y revenir, si vous le souhaitez.
Aux termes du projet de loi, l’alimentation du compte personnel de formation doit être calculée, pour les salariés à temps partiel, au prorata du temps de travail effectué. Le présent amendement vise précisément à autoriser la mise en œuvre par accord collectif – de branche, d’entreprise, etc. – de dispositions plus favorables, comme celles que certaines branches ont déjà instaurées à ce jour au titre du droit individuel à la formation. Un financement spécifique devra être prévu via les accords en question.
J’en viens aux avis de la commission sur les huit autres amendements en discussion.
L’amendement n° 200, présenté par Mme Cohen, vise à supprimer le plafond du CPF. Il a été indiqué à plusieurs reprises qu’une telle disposition serait contraire à l’accord. Par ailleurs, comme M. le ministre l’a rappelé, des abondements complémentaires pourront être assurés pour transformer ce plafond en plancher.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Tout à fait, monsieur le ministre !
Une telle disposition permettrait d’aller plus loin. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, de même que sur l’amendement n° 201.
L’amendement n° 156 tend, lui aussi, à supprimer le plafond du CPF. La commission émet donc également un avis défavorable.
L’amendement n° 132 rectifié, présenté par M. Cardoux, a déjà fait débat en commission. Il vise à relever à 250 heures le plafond du CPF pour les demandeurs d’emploi et les titulaires du RSA. Je le répète, cette proposition est tentante. Elle traduit en tout cas une intention généreuse. Néanmoins, elle est parfaitement inapplicable : comme Jean Desessard nous l’a utilement rappelé, les droits au CPF ne sont acquis qu’au titre des périodes d’activité. Autrement dit, un demandeur d’emploi n’acquerra pas de nouveaux droits durant ses phases d’inactivité. En revanche – j’insiste sur ce point –, il pourra utiliser des abondements supplémentaires et complémentaires, notamment pour suivre une formation qualifiante. C’est là tout l’intérêt du CPF !
Pour ces raisons, je vous demande, monsieur Cardoux, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Inutile de dire que je souscris tout à fait aux intentions des auteurs de l’amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme Demontès, au nom du groupe socialiste. Les salariés à temps partiel ne doivent pas être partiellement formés. Ce sont même parfois eux qui ont le plus besoin de formation ! Cela étant, je demande le retrait de cet amendement au profit de celui que je viens de présenter, et qui, je le répète, tend à garantir une sécurité juridique et financière plus grande. Nous ne nous rejoignons pas moins pleinement dans l’esprit !
L’amendement n° 30, présenté par Jean Desessard, a pour objet d’alimenter le CPF sur la base d’un temps plein pour les salariés travaillant au moins vingt-quatre heures par semaine. Je n’ai pas besoin d’argumenter longuement pour émettre un avis défavorable. Chacun le comprendra, ces enjeux ayant déjà été largement débattus.
Enfin, l’amendement n° 202, présenté par Mme Cohen, est très proche du dernier amendement que j’ai défendu. La commission y est favorable, à condition qu’il soit, comme celui-ci, complété par les mots : « qui prévoit un financement spécifique à cet effet, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État ». Il sera ainsi identique.
M. le président. Madame Cohen, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?
Mme Laurence Cohen. J’y souscris, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 202 rectifié, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, identique à l’amendement n° 296 rectifié et ainsi libellé :
Alinéa 49
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserve de dispositions plus favorables prévues par un accord d’entreprise, de groupe ou de branche qui prévoit un financement spécifique à cet effet, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble de ces amendements ?
M. Michel Sapin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’émettrai un avis global.
Nous en sommes parvenus aux dispositions relatives au fameux « plafond-socle ».
Tout d’abord, je vous rappelle la nouveauté que ce dispositif présente par rapport au précédent, à savoir les fameuses 120 heures du DIF. Celles-ci constituaient un plafond au sens strict : c’étaient 120 heures et rien d’autre ! A contrario, les 150 heures du CPF seront le minimum auquel les salariés auront droit. S’y ajouteront les fameux mécanismes de supplément et de complément, permettant de définir des priorités individualisées.
En d’autres termes, hier, avec le DIF, le gâteau était plus petit, et il était nécessairement inférieur à 120 heures. Aujourd’hui, le gâteau est plus grand, et se divise en une part utilisable automatiquement – jusqu’à 150 heures – et une autre qui vient la compléter, au-delà de ce quota.
Je répète la remarque que j’ai formulée en ouvrant la discussion générale, car tous n’y ont pas été nécessairement attentifs : étant donné que la quantité de fonds est fixée à un niveau constant, plus le plafond est rehaussé – et a fortiori s’il est supprimé –, plus vous privez les publics prioritaires de la possibilité des abondements.
Mme Chantal Jouanno. Non !
M. Michel Sapin, ministre. Plus vous augmentez la part automatique, plus vous limitez la part « priorisée » ! Ayez bien cet élément en tête pour comprendre le dispositif !
Certes, d’aucuns peuvent souhaiter aider particulièrement les bénéficiaires du RSA, ou tel ou tel public prioritaire. Mais de telles mesures joueraient précisément en défaveur de ces personnes !
Maintenons bien le dispositif tel qu’il a été souhaité par les partenaires sociaux, et tel qu’il a été fixé par l’accord : le plafond-socle de 150 heures permet de protéger les moyens mobilisés en complément, en vue d’accompagner les publics prioritaires.
M. Desessard a souligné que ce dispositif ne devait pas être trop compliqué pour les demandeurs d’emploi. À Pôle emploi, il y aura toujours un conseiller pour aider les uns et les autres à déterminer leurs suppléments ou leurs compléments de formation, au-delà des 150 heures acquises au cours des périodes d’activité.
En conséquence, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur tous les amendements qui visent soit à faire « sauter » le plafond, soit à l’élever à des niveaux conduisant à priver les publics prioritaires des ressources financières que l’accord en question leur réserve.
S’y ajoute un second débat, lui aussi très intéressant, quoique d’une autre nature : celui du temps partiel. Les salariés à temps partiel pourront-ils bénéficier de droits supplémentaires, et non simplement des droits calculés au prorata du nombre d’heures travaillées ?
Pour répondre à cette question, plusieurs amendements ont été déposés. Le Gouvernement souscrit aux préoccupations exprimées par leurs auteurs.
À ce titre, je privilégie l’amendement n° 196 rectifié, défendu par M. le rapporteur, et auquel l’amendement présenté par Mme Cohen – devenu le n° 202 rectifié – est désormais identique. J’invite les auteurs des autres amendements à s’y rallier en retirant leurs amendements.
En résumé, le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous les amendements qui tendent à faire « sauter » d’une manière ou d’une autre le plafond des 150 heures, et un avis favorable sur l’amendement n° 196 rectifié, dont l’adoption permettrait de répondre aux préoccupations de tous.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 201 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 240 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 240 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote sur l'amendement n° 156.
Mme Chantal Jouanno. Je souhaite simplement répondre, en quelques mots, à M. le ministre. Pour nous, faire « sauter » le plafond permet précisément, à crédits constants, de donner moins aux plus qualifiés et plus au moins qualifiés.
Mme Chantal Jouanno. Tel est le sens du dispositif que nous défendons, via la combinaison des amendements nos 155 et 156.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. le ministre a insisté sur l’importance du plafond. Il a expliqué que s’il autorisait son dépassement,…
M. Jean Desessard. … ce serait au détriment des plus défavorisés, car l’enveloppe globale de un milliard d’euros est constante.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est mécanique !
M. Jean Desessard. Pouvez-vous expliquer cette mécanique à quelqu’un qui peine à la comprendre, monsieur le ministre ?
Par exemple, que se passerait-il si quelqu’un disposait de 170 heures sur son compte personnel de formation ?
M. Alain Néri. C’est votre cas, mon cher collègue ? (Sourires.)
M. Jean Desessard. Oh, sur le mien, il ne reste pas grand-chose, et pourtant, j’en aurais bien besoin pour comprendre ! (Nouveaux sourires.)
Monsieur le ministre, j’ai bien noté votre opposition au dépassement du plafond. Pouvez-vous me l’expliquer ? J’avais compris qu’il serait bon pour nos concitoyens de disposer de plus de temps et de pouvoir suivre des formations plus longues…
Effectivement, les métiers sont de plus en plus complexes, de nouveaux apparaissent, auxquels nos concitoyens ne sont pas formés. De surcroît, des licenciements brutaux se produisent dans certaines régions et j’avais bêtement compris qu’il serait positif, pour des personnes ayant travaillé vingt-cinq ans dans une société, de pouvoir bénéficier d’une formation longue leur permettant de retrouver un emploi dans un autre secteur. C’est pourquoi j’ai souscrit à l’idée d’élever le plafond.
Toutefois, vous nous avez indiqué qu’il était préférable de maintenir le plafond, car, à défaut, ces personnes dans le besoin seraient dans l’impossibilité de bénéficier de cette mesure. Je ne comprends plus, et je vous demande de m’expliquer ce mécanisme.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.