M. Ronan Dantec. Ah !
M. Vincent Capo-Canellas. Prenez tout votre temps sur ce sujet !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. À cet égard, il nous faut faire preuve d’un peu d’originalité pour trouver des financements innovants. J’ai demandé la mise en place d’une mission de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable, mission chargée d’anticiper la fin des concessions autoroutières.
L’objectif est de nous permettre de mobiliser des moyens financiers de manière à définir les conditions de la pérennité du financement des infrastructures de transport dans les années prochaines.
Il est important d’anticiper les conditions de financement des infrastructures. Elles seront peut-être difficiles, compte tenu des contraintes qui pèsent sur les budgets publics. Il nous revient donc de définir des solutions financièrement favorables et juridiquement recevables. Elles devront notamment être compatibles avec un droit européen qui, pour être parfois exigeant, n’est pas pour autant paralysant. La Commission européenne prête en effet une grande attention à ces questions. Il nous faudra parvenir à une discussion ouverte sur ce sujet.
Le premier axe vise donc la recherche de financements innovants : une mission d’étude est engagée. Le deuxième axe s’appuie sur les infrastructures susceptibles d’être financées autrement que par des ressources budgétaires. Par exemple, le CDG-express, dont le coût atteint 1,6 milliard d’euros, peut être financé par une société publique dédiée, rassemblant RFF et Aéroports de Paris. Là où d’autres auraient envisagé un partenariat public-privé, nous privilégions un partenariat public-public, sans sacrifier concomitamment l’enjeu du transport du quotidien.
Nous devons, selon moi, mettre également à contribution les concessionnaires autoroutiers. Cela a été fait : j’ai souhaité augmenter de 100 % la redevance domaniale. Le Conseil d’État a calmé mon enthousiasme en limitant cette hausse à 50 %. Il reste que c’est la première fois que cette redevance est réactualisée. Or il s’agit, je vous le rappelle, de la contrepartie de la gestion d’un bien public. Il est légitime qu’en échange de cet usage d’un domaine public, la redevance soit révisée, alors même que l’activité des concessionnaires dégage des sommes importantes.
Je ne reviendrai pas sur les conditions de privatisation de ce secteur. Vous avez dit tout le mal que vous en pensiez, et vous avez raison. Peut-être êtes-vous un peu plus indulgents sur certaines travées… Oui, ces milliards d’euros nous auraient été utiles. Oui, ils nous auraient permis de financer des infrastructures. Nous mesurons, aujourd’hui, en période de difficulté budgétaire, le poids de l’erreur stratégique qu’ont été la privatisation, surtout dans les conditions où elle a été réalisée, et le choix de ne pas affecter l’essentiel du vil prix obtenu au financement de l’AFITF. On peut même parler d’une forme de dilapidation du bien public.
L’AFITF doit être maintenue : cela n’est plus un sujet de débat. À ce titre, je considère que les conclusions de la Cour des comptes ne sont pas fondées. Au contraire, cette agence me paraît présenter une utilité réelle pour obtenir des ressources au-delà de la subvention budgétaire : redevances domaniales, taxe d’aménagement du territoire, recettes tirées des radars, etc. Les financements de l’agence sont donc divers.
Il n’en demeure pas moins que le financement du plan concernant les infrastructures s’appuyait sur l’écotaxe poids lourds…
Nous avons eu à ce sujet un très bon débat, exigeant. Il était d’autant plus important que cette réforme initiait une démarche de transition environnementale, une vision équilibrée du changement sociétal que doit apporter l’infrastructure routière, et cela autour d’une idée très simple : l’utilisation des infrastructures à des fins économiques doit faire l’objet d’un financement de la part de ceux qui en bénéficient. Cela est parfaitement légitime, notamment lorsqu'il s’agit de valoriser l’atout que constitue la situation géographique notre pays.
Il ne faut pas laisser à la charge des seuls contribuables la modernisation et le renouvellement des infrastructures. Au contraire, lorsqu’il y a utilisation à visée économique, le transport de marchandises doit donner lieu à une redevance liée à l’usage. (M. Ronan Dantec opine.) On évite ainsi de faire peser sur le seul budget de l’État ou des collectivités des sommes pouvant être rassemblées par d’autres moyens.
Vous connaissez le contexte et les difficultés rencontrées, vous avez entendu les revendications qui ont amené le Premier ministre, en toute sagesse, à suspendre la mise en place de ce dispositif. Au demeurant, elle avait déjà été retardée à plusieurs reprises : la société concernée nous avait fait savoir qu’elle n’était pas en situation de livrer ses prestations en temps et en heure, c'est-à-dire le 20 juillet. La date a donc été reculée, une première fois au mois d’octobre, puis une seconde fois à la fin de l’année.
Finalement, le contexte a conduit à une instabilité qui a porté atteinte à la crédibilité du dispositif. Il fallait donc reprendre les choses à la base, afin de donner des chances à la réussite de cette écotaxe. Pour ce qui me concerne, c’est la seule chose qui me préoccupe. À ce titre, il est heureux que les parlementaires en soient saisis.
Le sujet est complexe : dès que l’on touche à l’une des dispositions, cela emporte des conséquences sur d’autres secteurs. Il en va ainsi, par exemple, des préconisations concernant le tonnage : elles induisent une concurrence des véhicules utilitaires légers, et c’est un problème qu’il faudra bien régler. De même en ce qui concerne le rayon d’action et d’éventuelles exonérations : il faut les confronter au droit européen, susceptible d’autoriser, ou non, certaines de ces dispositions.
Les choses sont donc plus compliquées qu’il n’y paraît. Pour autant, il est important que les parlementaires prennent leur part du problème : c’est la vocation de la mission d’information qui a été constituée, mais aussi celle du débat de ce soir. Celui-ci illustre d’ailleurs l’entente existant, au-delà des instrumentalisations politiciennes, autour de la nécessité de franchir le pas et de fonder cette redevance destinée à financer les infrastructures.
Il est dommage, à mes yeux, que quelques-uns de ceux qui ont porté cette mesure lorsqu’ils étaient dans la majorité en fassent, une fois dans l’opposition, une utilisation tactique ou politicienne. Cette réforme constitue pourtant un enjeu de société !
Oublions donc cela, pour tenter de nous mobiliser sur l’utilité de l’écotaxe pour les territoires. Je reçois les élus, je connais leurs attentes et je sais combien toutes les problématiques touchant aux infrastructures – modernisation, renouvellement, sécurisation – et tous les enjeux liés aux transports sont suspendus à la mise en place de ce dispositif.
Je ne peux que tenir ce discours de vérité aux élus que je reçois et qui revendiquent à juste titre telle ou telle amélioration d’infrastructure destinée au désenclavement de leur territoire, à son développement économique, à sa compétitivité, à l’amélioration de la vie quotidienne de ses habitants…
Nous devons donc parvenir à établir ce dispositif.
Il appartient au président Jean-Paul Chanteguet de présenter des propositions en ce sens au Gouvernement.
Une subvention budgétaire a d’ores et déjà été attribuée à l’AFITF, à titre de complément budgétaire de financement. Le conseil d’administration de l’AFITF a voté un budget qui prévoit 1,814 milliard d’euros de crédits de paiement et 646 millions d’euros d’autorisations d’engagement. La subvention de base sera abondée par une subvention complémentaire, afin de donner un peu de lisibilité à l’AFITF et d’assurer une certaine activité pendant la période de suspension de la mise en place de l’écotaxe. Certes, ce n’est pas suffisant, mais cela répond aux préoccupations exprimées par les membres de l’AFITF et son président.
Les préconisations de la mission d’information sur l’écotaxe poids lourds devront être au plus proche des territoires. En effet, l’écotaxe doit permettre d’apporter des solutions efficaces.
Aujourd'hui, je le dis, l’écotaxe poids lourds n’est pas abandonnée. Je n’ai d’ailleurs reçu nulle consigne de plaider en faveur de l’abandon total ou partiel de cette taxe. Non, il s’agit de mettre en place un dispositif robuste, qui soit acceptable et accepté.
À cet égard, plusieurs pistes peuvent être envisagées pour faire en sorte que l’application de cette taxe soit, notamment, au plus près des territoires. Je ne suis pas membre de la mission d’information, …
M. Vincent Capo-Canellas. Mais vous êtes ministre !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. … mais je soumets volontiers au président Chanteguet l’idée d’examiner la possibilité d’affecter les recettes de l’écotaxe par zone géographique, en vue d’assurer la modernisation des infrastructures. Nous devons réfléchir à une forme de fléchage régional de ces recettes en fonction des projets d’investissement. Voilà une piste qui permettrait de donner du sens à la fois à l’écotaxe et à l’investissement.
De même, il ne serait pas inutile d’étudier la possibilité de demander, par exemple, d’éventuels centimes additionnels pour faire financer le ferroviaire par les régions, en vue de lancer assez rapidement une marche à blanc pour assurer la solidité de ce dispositif.
Voilà quelques pistes rapidement esquissées, mais les parlementaires ont évidemment toute liberté pour faire des suggestions au Gouvernement. Ce qui importe, c’est que, au final, nous puissions mettre en place cette taxe.
Je terminerai mon intervention en revenant sur l’enjeu européen que j’ai évoqué au début de mon propos.
Il est nécessaire que nous n’abandonnions les filières industrielles du transport. En effet, derrière les transports, les moyens qui y sont consacrés et les investissements, il y a des structurations, souvent insuffisantes, de filières industrielles, des pôles d’innovation et d’excellence à développer. Ce sont autant de soutiens à l’activité de nos territoires en même temps qu’à la compétitivité de tout notre pays.
À cet égard, les initiatives que le ministère des transports prendra dans les toutes prochaines semaines seront de nature à apporter une visibilité et à donner des perspectives d’avenir dans le domaine des transports.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez abordé toute une série de sujets : le ferroviaire, le routier, l’aérien, le maritime, le désenclavement, la dimension sociale, l’enjeu européen. Ce sont là autant de thématiques enchevêtrées qui nous obligent à avoir une vision globale de la politique publique des transports. Toutefois, il nous faut aussi aller dans le détail de cette politique, et considérer parallèlement les enjeux des transports en Europe, ainsi que les politiques engagées par chacun de nos partenaires.
La Haute Assemblée accorde, je le sais, une attention toute particulière à ces questions et vous êtes d’une grande exigence quant aux réponses. Aussi je ne doute pas que vous me solliciterez à nouveau pour me demander des précisions sur tel ou tel pan de l’activité du ministère des transports, de la mer et de la pêche.
Mme la présidente. Nous vous remercions, monsieur le ministre, de votre réponse extrêmement fournie.
Nous en avons terminé avec le débat sur l’avenir des infrastructures de transport.
10
Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Pierre Cantegrit membre de la Commission permanente pour la protection sociale des Français de l’étranger.
11
Décisions du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 6 février 2014, deux décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
– les dispositions du c) du 1° de l’article L. 115-7 du code du cinéma et de l’image animée (décision n° 371189 du 6 novembre 2013) (Taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision) (2013-362 QPC) ;
– l’article 80 quinquies du code général des impôts (Définition des revenus imposables) (n° 2013-365 QPC).
Acte est donné de ces communications.
12
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 11 février 2014 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
1. Suite de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage (n° 818, 2012-2013) ;
Rapport de M. Jean-Yves Leconte, fait au nom de la commission des lois (n° 197, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 198, 2013-2014) ;
Avis de M. Claude Dilain, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 193, 2013-2014).
2. Suite de la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire (n° 355, 2011-2012) ;
Rapport de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois (n° 122, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 123, 2013-2014).
À dix-huit heures trente :
3. Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART