M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, vous avez regretté tout à l'heure de ne pas m'avoir entendu précédemment…
M. Jean-François Husson. Cela m'étonnerait, car j’ai l'habitude d'exprimer mes convictions avec un minimum d'argumentation !
Je comprends bien qu’il s'agit d'un débat sur la consommation, mais, comme un certain nombre de mes collègues, y compris Mme Génisson, je pense que le problème qui nous occupe relève du domaine de la santé. Nous l'avions évoqué au travers des réseaux de soins, que j'ai soutenus, et, comme M. le rapporteur l'a rappelé, le point de départ est ici une prescription médicale.
Tout à l'heure, vous avez usé d'un raccourci laissant entendre que les organismes complémentaires étaient responsables, d'une certaine façon, du caractère inflationniste des dépenses d'optique. Répétons-le, il y a d'abord une prescription médicale ! Le régime obligatoire intervient ensuite ; il représente en gros 4 % du montant de la dépense : sur une paire de lunettes, verres et monture, la base de remboursement du régime obligatoire représente à peu près 11 euros... Quel que soit le débat, y compris celui sur les réseaux de soins, je pose la question : de qui se moque-t-on ?
Si l’on est vraiment responsable, si l'on estime qu’un remboursement de 4 % est indécent, un premier effort pour améliorer la prise en charge pourrait être fourni par les régimes obligatoires. Ensuite, on pourrait décider d’un plafond de remboursement, le prix des marques relevant du domaine de la consommation. La combinaison d’un plancher et d’un plafond, voilà qui ne serait pas illogique.
Je veux également rappeler que les organismes complémentaires, à moins que vous ne me démontriez le contraire, monsieur le ministre, sont aujourd'hui des payeurs aveugles, qui arrivent après la prescription et le remboursement des régimes obligatoires. En effet, ils ne font que proposer des assurances offrant différents niveaux de remboursement ; elles sont souscrites par les assurés, ces derniers ou leurs ayants droit bénéficiant ensuite de tout ou partie de ces remboursements.
Monsieur le ministre, vous avez aussi parlé d'économies. Je vous ferai une proposition toute simple : aujourd'hui, le taux de TVA sur l'optique est de 20 %, et il ne me semblerait pas déplacé de le ramener, dans le cadre de mon système de plancher et de plafond, au taux de 5,5 %.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Et pourquoi pas une TVA générale à 5,5 % ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-François Husson. On y gagnerait 15 points, ce ne serait pas indécent ! J'ai écouté votre démonstration ; avec la mesure que je propose, nous aurions un effet deux fois plus important sur les prix !
M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, je vous ai écouté, et vous savez que je ne m'avance pas sans donner quelques arguments.
M. Jean-François Husson. Vous ne les jugez peut-être pas recevables, mais puisque l'on parle de consommateurs et de patients, je mets sur la table des éléments tangibles et incontestables : un gain de 15 points de TVA.
Vous nous dites que, globalement, le prix de l'optique en France est deux fois plus élevé que dans la moyenne des pays européens et que tout le monde gagnerait à une baisse des prix de 20 % ou 30 %. Toutefois, même avec une telle diminution, on n’arriverait pas tout à fait à la moyenne européenne !
M. Jean-François Husson. Enfin, monsieur le ministre, j’ai soutenu les réseaux de soins, une démarche qui n’est pas toujours partagée, même sur nos travées – le traitement du cas des opticiens est différent de celui des ophtalmologistes, qui réalisent des actes médicaux.
Pour m'être impliqué dans le débat sur l'accord national interprofessionnel, je veux dire au responsable de l'économie sociale et solidaire que vous êtes aussi, monsieur le ministre, que vous ne vous êtes pas fait que des amis avec les 10 000 à 40 000 emplois ainsi menacés dans ce secteur !
Je n’ai peut-être pas compris, mais il me semble bien que ce soit pour avoir laissé priver les mutuelles de proximité régionales de l'accès aux réseaux de soins dans l’accord national interprofessionnel – vous l’avez à peine corrigé – que, dans les tables rondes et dans les régions, le monde mutualiste est vent debout contre votre mesure, qui fera du mal à l'emploi.
Non seulement les « abeilles », mais aussi les acteurs du monde de la mutualité ne comprennent pas votre position, qui consiste à favoriser les institutions de prévoyance au détriment des emplois de proximité, des mutuelles et des assurances complémentaires. Pourtant, les institutions de prévoyance représentent finalement peu d'emplois par rapport à l'enjeu, bien plus important, des montants et de la capacité à souscrire au bénéfice des entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Les lunettes sont en effet trop chères, et je continue à m'interroger quand on m'offre deux paires de lunettes quand j’en achète une ! Je suis myope, presbyte, astigmate, j'ai des lunettes et des lentilles, et je paye donc très cher.
Néanmoins, je n’irai jamais acheter mes lunettes sur internet – je réserve la question des lentilles de contact, qui est abordée au travers d’un amendement ultérieur. J’ai demandé à plusieurs opticiens si je pouvais le faire. Leurs réponses m'ont fait comprendre que, dans la perspective de faire baisser le prix des montures, c'était possible et sans danger pour la santé. Toutefois, il faut bien monter les verres !
Que se passera-t-il une fois que l'on aura commandé comme on le peut ses lunettes complètes sur internet et qu’elles n’iront pas ? Eh bien, l'on se rendra chez l'opticien de proximité – du moins les citadins, car c’est plus difficile pour ceux qui habitent la campagne. Et si les opticiens voient qu’une part de marché trop importante leur échappe, ils refuseront de réparer ou d'ajuster des lunettes qui n’ont pas été commandées chez eux.
M. Jean-Claude Lenoir. Exact !
Mme Catherine Procaccia. À moins d'introduire d'autres éléments, ce que je ne souhaite pas, je pense ainsi que, en matière de santé, on ne rendra pas service aux acheteurs de lunettes, sauf à confondre la consommation avec la santé, comme pour la vente de médicaments sur internet.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je souhaite simplement dire à M. le ministre qu’il n’est pas question de faire du corporatisme, de défendre qui les ophtalmologues, qui les opticiens, etc. Nous savons très bien, monsieur le ministre, que vous étiez favorable à un partage des tâches et que vous souhaitiez que l'on réexamine vraiment le fonctionnement de la filière visuelle. Sur ce point, tout le monde est d'accord !
Puisqu'un travail est fait dans ce sens – c'est l'objet du rapport que nous ont présenté cet après-midi Catherine Génisson et Alain Milon – pourquoi introduire de facto une part médicale dans cette loi sur la consommation ?
Vous nous affirmez que le dispositif permet d'obtenir des lunettes sans ordonnance, mais il ne permet pas de faire d'achat sur internet sans passer chez l'ophtalmologue. Il était question de mesurer via internet l'écart pupillaire à partir de photos, puis l'on s'est rendu compte que cela ne marchait pas, et c'est pourquoi vous réintroduisez le volet médical de la prescription.
On demande donc aux ophtalmologues de mesurer cet écart... Encore, cette mesure ne représente-t-elle qu’une partie de ce qui doit être fait, notamment pour les verres progressifs.
Sans vouloir nous taxer de personnes d'un certain âge (Dénégations amusées sur plusieurs travées.), chacun, parmi nous, a dû passer chez l'opticien et constater ce qu’est une prescription de verres progressifs : outre la mesure de l’écart pupillaire, on adapte la monture à la morphologie du visage, et on fait la même chose pour les verres.
La situation est très différente lorsqu'il s'agit d'acheter – par exemple, dans une pharmacie – une paire de lunettes à deux ou trois euros quand on a oublié les siennes. Pour l'acquisition de verres que l'on porte en permanence, et non pour une solution de dépannage, je doute qu’internet soit un canal adapté.
En définitive, cette obligation imposée aux ophtalmologues, à la va-vite, dans un texte sur la consommation, révèle un réel mépris pour les professions médicales.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
M. Hervé Marseille. Monsieur le ministre, j’entends bien vos arguments, mais je ressens une certaine gêne. L'« effet internet », que l'on essaie de mettre en avant pour atteindre l'objectif d'une baisse des prix, affecte déjà beaucoup de nos commerçants.
On sait très bien que, dans nos communes, de nombreux consommateurs se rendent dans les magasins pour examiner les produits, prennent les références et ensuite passent commande sur internet.
Internet récolte donc les fruits du service rendu par le commerçant. De même, ici, comme on nous l'a dit, le médecin fera la préparation oculaire, l'opticien donnera la référence et le bénéficiaire final sera internet.
Si, après tout cela, on ne parvient pas à une baisse des prix, c'est que l'on s'y sera vraiment mal pris ! Comme l'a dit mon collègue Jean-François Husson, la première lame, c'étaient les réseaux de santé. On nous a dit, pendant de très longs débats, que ces réseaux avaient pour vocation de faire baisser le prix des montures facturées aux patients. Aujourd'hui, on revient sur le sujet en nous disant que ce n’est pas suffisant, qu’il faut aussi faciliter la vente sur internet pour que les prix baissent encore… Si cela continue, on parviendra à la gratuité ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Ce soir, nous avons ouvert une porte. Un tel débat sur la consommation à propos de problèmes de santé est très dangereux, car, la prochaine fois, on abordera la question des corrections auditives, pour lesquelles les mêmes problèmes se rencontrent,…
M. Jean-François Husson. C'est même encore pire !
M. Hervé Marseille. … en pire, en effet.
Pourquoi ne pas déposer tout de suite un amendement afin que les produits auditifs soient accessibles via internet, après que les otorhinolaryngologistes se sont occupés de tout ?
En réalité, nous sommes en train d'ouvrir une porte dont on ne voit pas bien comment elle peut être refermée. Ce soir, je suis donc extrêmement préoccupé par nos débats, qui nous conduisent très loin.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, il me semble qu’il y a une contradiction dans votre position. Tout à l'heure, vous disiez que l'on allait déléguer aux opticiens des actes réalisés par les ophtalmologistes et, dans votre amendement, c’est le mouvement inverse qui est proposé : alors que, jusqu’à présent, c’étaient les opticiens qui mesuraient l'écart pupillaire, vous voulez que les ophtalmologues le fassent ! Franchement, j’ai du mal à comprendre !
Ce que je comprends, c’est que vous voulez faire baisser le prix des lunettes, et, pour vous, cela passe par internet.
Justement, le prix des lunettes, parlons-en !
À l’origine, il n’y avait que des opticiens indépendants. On leur a dit qu’ils géraient mal leur magasin, que chacun d’eux était seul à avoir un diplôme d’opticien dans son magasin, qu’ils avaient trop de charges et que, au final, ils étaient trop chers. Pour essayer de baisser les coûts, ensuite, on a développé les franchises. Et puis on a mis les mutuelles dans le jeu, en expliquant qu’avec elles les lunettes deviendraient pratiquement gratuites ! Mais je n’ai pas l’impression que tout cela ait beaucoup fait baisser le prix des lunettes.
Pourquoi donc ce prix ne baisse-t-il pas ? Parce que le consommateur a certaines exigences. On pourrait pourtant très facilement fabriquer une monture de grande série pour 30 ou 40 euros. Le problème, c’est que le consommateur ne veut pas porter les mêmes lunettes que tout le monde, de la même manière qu’il ne veut pas être habillé comme tout le monde !
M. Gérard Cornu. Voilà pour les montures.
S’agissant des verres, le prix reflète essentiellement les coûts de main-d’œuvre : celle-ci représente environ 60 % du coût du verre brut et quasiment 100 % du coût du verre façonné par l’opticien. La matière première, depuis que les opticiens n’utilisent plus de verre minéral, n’est pas très chère. L’élément principal du prix d’un verre est donc constitué par la main-d’œuvre, dont le coût n’est évidemment pas le même selon que l’on produit en France ou en Asie, en Chine ou au Bangladesh.
Si vous vous voulez conduire tout le réseau optique à ne plus se fournir auprès d’entreprises garantissant une haute qualité, comme Essilor, les opticiens peuvent très bien abandonner du jour au lendemain les usines françaises. Les prix baisseront, mais alors, il ne faudra pas vous plaindre qu’il n’y ait plus de made in France !
Mme Catherine Procaccia. Pauvre M. Montebourg ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Cornu. Faire baisser les prix des lunettes peut donc être très facile, mais un autre problème se pose, celui de la responsabilité en cas d’erreur dans la prise de mesure.
Actuellement, cette responsabilité est assumée par l’opticien. S’il se trompe d’un ou deux millimètres dans l’écart pupillaire, il risque de commander un palet de verre brut dont l’épaisseur ne conviendra pas – cinquante millimètres au lieu de soixante-dix, par exemple – et il ne pourra pas centrer convenablement les verres, qui finiront à la poubelle parce que les lunettes seront inutilisables.
Avec l’achat sur internet, selon le nouveau dispositif, cette responsabilité relèvera, d’une part, de l’ophtalmologiste qui a mesuré l’écart pupillaire et, d’autre part, du vendeur à distance. Que se passera-t-il en cas de problème, maintenant qu’il ne s’agit plus de la même personne ?
Il y a deux ans, M. Fauconnier et moi avions auditionné les vendeurs de lunettes sur internet. Ils nous avaient alors certifié pouvoir mesurer l’écart pupillaire à distance, grâce à de nouveaux logiciels extrêmement performants, ce qui m’avait malgré tout beaucoup étonné. Mais il semble que ce ne soit pas aussi simple que cela puisqu’on veut maintenant que la prise de mesure soit effectuée par un ophtalmologiste !
Alors, les vendeurs sur internet peuvent-ils, oui ou non, mesurer l’écart pupillaire à distance ? Il y a deux ans, j’étais sceptique, mais, les techniques évoluant très vite, je me disais qu’après tout ce n’était peut-être pas impossible…. Apparemment, maintenant, ils sont moins sûrs d’eux.
Si le lobby de la vente à distance vous a convaincus qu’on pouvait mesurer l’écart pupillaire à distance, eh bien, faites-leur confiance et n’allez pas embêter des ophtalmologistes déjà surchargés, notamment en province ! On l’a dit, il faut parfois attendre six mois pour obtenir un rendez-vous !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 224 rectifié bis, 271 rectifié et 318 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 232 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 229 rectifié est présenté par M. Cornu, Mme Lamure et MM. César et Gilles.
L'amendement n° 291 rectifié est présenté par Mmes Procaccia et Deroche, M. J. Gautier, Mme Cayeux, M. Cambon, Mme Bruguière, MM. Pointereau, Milon et Laménie, Mme Farreyrol, MM. Chauveau et Dallier et Mmes Sittler et Masson-Maret.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le colportage ou la vente itinérante des verres correcteurs ou de lentilles de contact oculaire correctrices sont interdits. » ;
La parole est à M. Gérard Cornu, pour présenter l’amendement n° 229 rectifié.
M. Gérard Cornu. Le colportage s’entend comme l’action visant à solliciter physiquement le client à son domicile dans l’objectif de lui vendre un produit sans qu’il en ait fait la demande. Il s’agit donc d’une vente en porte-à-porte.
Le colportage de lunettes à domicile se pratiquait beaucoup après-guerre et je croyais que ce mode de vente avait complètement disparu depuis, mais plusieurs opticiens m’ont dit qu’il refaisait surface. D’abord un peu dubitatif, je me suis renseigné : il semble que le colportage de lunettes connaisse effectivement un nouvel essor.
Pourtant, le colportage des verres correcteurs est aujourd'hui interdit par le code de la santé publique, afin de protéger les consommateurs d’un démarchage sauvage, en maison de retraite, auprès de comités d’entreprise, en proposant une prestation à domicile dite « sur rendez-vous ».
Ces personnes peuvent être des opticiens, ou non.
M. Gérard Cornu. Oui, mais l’obligation d’être diplômé n’est pas une garantie !
Du reste, il est extrêmement difficile de contrôler ces personnes qui ne disposent pas d’un local commercial. Dans ces conditions, comment s’assurer de la qualité du matériel utilisé pour réaliser les prises de mesures ou la réfraction – c’est-à-dire l’examen de la vue –, ou encore de celle du montage des équipements et des conditions d’approvisionnement, c’est-à-dire la traçabilité des verres ?
Les opticiens installés en magasin, eux, sont régulièrement contrôlés sur site et doivent répondre à de nombreuses obligations concernant leur matériel, leur local de réfraction et la présence de personnel qualifié.
L’interdiction de ce colportage avait été introduite dans le présent texte par le Sénat en première lecture, mais l’Assemblée nationale l’a supprimée. Je propose de la réintroduire, car je considère qu’il est important d’interdire la pratique sauvage de l’activité d’opticien sous la forme de vente itinérante ou de colportage. Cette pratique, qui constitue une dérive de l’exercice du métier, est en effet potentiellement nuisible à la sécurité sanitaire des patients.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l'amendement n° 291 rectifié.
Mme Catherine Procaccia. Gérard Cornu a tout dit du colportage.
J’ai, moi aussi, découvert l’existence de cette pratique et je me suis demandé si des opticiens pourraient, en dépit de l’interdiction du colportage, se rendre auprès des personnes résidant en maison de retraite, sachant que celles-ci sont souvent dans l’incapacité de se déplacer. Les opticiens que j’ai contactés, y compris dans ma ville, m’ont assuré qu’ils pouvaient déjà se rendre dans les maisons de retraite et prendre les mesures nécessaires sans que cela soit considéré comme du colportage. Si je l’avais su quand ma mère était en maison de retraite, cela m’aurait épargné bien des difficultés !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Je ne vous cache pas que je me suis moi-même interrogé quant à l’opportunité de supprimer cette interdiction, laquelle est le corollaire, dans le droit actuel, de l’absence de réserve d’activité des opticiens-lunetiers, c’est à dire l’absence de monopole sur la délivrance des verres correcteurs et des lentilles de contact.
Ainsi, l’obligation pour le directeur ou le gérant d’un établissement d’optique-lunetterie d’être opticien-lunetier imposait d’interdire le colportage.
À partir du moment où l’article 17 quater supprime, pour des raisons de mise en conformité avec le droit européen, l’obligation de diplôme et consacre le monopole de délivrance des opticiens-lunetiers, il n’est pas illogique de supprimer l’interdiction du colportage.
Autrement dit, ceux qui se lancent dans le colportage ou dans la vente itinérante ne pourront délivrer des verres correcteurs ou des lentilles de contact qu’à la condition d’être opticiens-lunetiers.
Par ailleurs, dans un contexte de vieillissement de la population, la vente itinérante – dans les maisons de retraite, par exemple – peut constituer une précieuse solution de dépannage, permettant à certaines personnes âgées, notamment en milieu rural, de se procurer l’équipement optique nécessaire.
Si certaines ventes itinérantes se développent aujourd’hui, d’après les informations qui m’ont été fournies et que M. le ministre pourra très certainement confirmer, elles ne s’organisent pas dans des conditions défavorables aux personnes âgées. Les services de la DGCCRF n’ont pas de signalements sur le sujet.
Pour toutes ces raisons, la suppression de l’interdiction du colportage ne paraît pas poser de difficultés ni présenter de risques. La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. On ne sait peut-être pas assez que les agents de la DGCCRF, placés sous mon autorité, assurent le contrôle de la sécurité des dispositifs médicaux grand public.
Une fois votée, la loi va remettre en cause le monopole de gestion des opticiens, mais aussi consacrer leur monopole de délivrance. Dans la mesure où ils seront les seuls habilités à délivrer des lunettes, il nous paraît légitime de les autoriser à se déplacer dans les maisons de retraite, notamment dans les maisons de retraite médicalisées, compte tenu du phénomène de vieillissement de la population.
Le personnel médical présent dans ces établissements sera naturellement en mesure de vérifier si l’opticien auquel il est fait appel est véritablement diplômé ou non. Les cas que vous évoquiez ne se produiront plus, une fois ce texte voté.
Je vous demande donc, monsieur Cornu, madame Procaccia, de bien vouloir retirer vos amendements. Le projet de loi offre de nouvelles garanties : le personnel des maisons de retraite et, le cas échéant, la DGCCRF seront à même de contrôler la qualité d’opticien de la personne se déplaçant auprès des personnes âgées.
M. le président. Monsieur Cornu, l'amendement n° 229 rectifié est-il maintenu ?
M. Gérard Cornu. Je ne vise pas du tout les opticiens qui ont des magasins et qui rendent service en allant dans les maisons de retraite.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Si votre amendement était adopté, ils ne pourraient plus le faire !
M. Gérard Cornu. Ces opticiens ont des magasins, respectent les règles et sont contrôlés. Ils doivent évidemment pouvoir continuer à rendre ce vrai service de proximité.
Le colportage, c’est autre chose. Il est le fait d’opticiens, ou de non-opticiens, mal identifiés. Il peut y avoir des opticiens diplômés – où l’ont-ils été, on n’en sait rien, mais au moins ils sont en règle à cet égard ! – qui ne veulent pas s’installer en magasin parce qu’ils ne veulent pas être soumis aux différentes règles et obligations que cela implique. Ce sont ces personnes-là que nous visons, de même, bien sûr, que les tricheurs, qui n’ont même pas de diplôme !
La sécurité sociale n’étant généralement pas informée de la vente de lunettes dans de telles conditions – car tout cela se passe plus ou moins en catimini, chacun voit ce que je veux dire… –, pas plus que la DGCCRF, il n’y a pas de contrôles ; c’est ce qui explique que cette pratique se répande actuellement. Nous devons la tuer dans l’œuf, raison pour laquelle je maintiens mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 229 rectifié et 291 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 329, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 13 à 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. L’article L. 4362-10 du code de la santé, qui autorise l’opticien-lunetier à adapter, dans certains cas, une prescription médicale, déroge aux règles réservant aux seuls médecins l’établissement d’un diagnostic et l’élaboration d’une prescription.
Aux yeux du Gouvernement, une telle dérogation doit être limitée. Dans le droit en vigueur, d’ailleurs, elle l’est à la fois dans le temps et dans son objet.
Ainsi, cette dérogation ne concerne que les verres correcteurs et ne s’applique pas aux lentilles oculaires de contact. Pour le Gouvernement, l’extension de la dérogation à ces dernières n’est pas opportune : elle ferait peser un risque sur la santé du patient dès lors que les consultations du médecin ophtalmologiste seraient espacées dans le temps. La mauvaise utilisation de lentilles peut être la source d’affections que seul le médecin est à même de diagnostiquer.
Par ailleurs, l’extension de trois à cinq ans de cette faculté d’adaptation pour l’ensemble des patients de plus de seize ans fait peser un risque pour la santé du patient, sans pour autant présenter un intérêt pratique significatif pour le consommateur. Par exemple, l’aggravation d’une amétropie nécessitant un changement de verres correcteurs peut être le symptôme d’une pathologie que seul le médecin est à même de diagnostiquer.
M. le président. Les amendements nos 16 rectifié bis et 273 rectifié sont identiques.
L’amendement n° 16 rectifié bis est présenté par Mme Deroche, M. Bizet, Mmes Boog et Bruguière, MM. Cambon, Cardoux et Chauveau, Mme Debré, MM. B. Fournier, Grosdidier, Laménie, Lefèvre, Lenoir, Longuet, Milon, Pinton et Savary, Mme Sittler, M. Paul, Mme Procaccia, M. Pierre, Mme Duchêne et MM. Cointat et Cléach.
L’amendement n° 273 rectifié est présenté par M. Marseille, Mme Férat et MM. Delahaye et Bockel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Catherine Deroche, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié bis.
Mme Catherine Deroche. En première lecture, je m’étais déjà opposée à l’allongement à cinq ans de la validité de l’ordonnance délivrée par l’ophtalmologiste.
Une durée de trois ans me paraît raisonnable. Avant la fin de cette échéance, en effet, le patient pourra voir sa prescription initiale adaptée par l’opticien. Il restera donc déjà environ six ans sans devoir consulter un ophtalmologiste. Étendre la validité de l’ordonnance à cinq ans, c’est porter à presque dix ans la durée qui sépare deux consultations chez l’ophtalmologiste, ce qui, cette fois, ne me paraît pas raisonnable.
Bien sûr, l’opticien qui adapte l’ordonnance s’intéresse à la correction et examine le patient. Mais, on le sait très bien, certains diagnostics relèvent essentiellement des compétences de l’ophtalmologiste et ne peuvent être établis par un opticien, quelle que soit la qualité de celui-ci. Certaines pathologies, notamment des glaucomes, évoluent à bas bruit et ne sont pas perceptibles dès lors que le patient souhaite seulement un changement de correction.
Il est vrai que les délais sont longs pour obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmologiste. Mais, en cas d’accident, si les verres sont cassés, par exemple, l’ophtalmologiste recevra le patient en urgence. Dans les autres cas, il vaut mieux, à mon sens, attendre six mois pour renouveler ses lunettes plutôt que prendre le risque de rester dix ans sans voir l’ophtalmologiste.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour présenter l’amendement n° 273 rectifié.