Mme la présidente. L’amendement n° 96, présenté par M. Tandonnet, Mmes Dini, Létard et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants-UC, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Cet amendement a pour objet de supprimer la désignation de tribunaux spécialisés pour traiter des actions de groupe. Je l’avais déjà présenté en première lecture et le Sénat l’avait adopté à une large majorité. Malheureusement, une fois de plus, les députés n’ont pas entendu notre voix et, surtout, n’ont pas voulu entendre la voix des territoires. Or il s’agit d’une proposition qui peut et doit faire exister notre Haute Assemblée face à l’Assemblée nationale.
Pourquoi créer des tribunaux de grande instance spécialisés, des tribunaux d’exception en quelque sorte ? Comme je le rappelais lors de la discussion générale, j’y suis fermement opposé. Cette spécialisation aurait en effet plusieurs conséquences négatives.
Tout d’abord, elle serait inutile, car tous les tribunaux de grande instance, aujourd’hui, sont capables de traiter des affaires de droit de la consommation : cela fait partie de leur quotidien et, d’ailleurs, ce projet de loi ne crée pas un droit nouveau.
Ensuite, cette spécialisation contribuerait à éloigner encore davantage la justice de nos concitoyens, alors que cette matière touche tous les consommateurs ordinaires, pour des actions collectives, mais de portée locale ou régionale.
En spécialisant certains tribunaux, on crée aussi une source nouvelle de contentieux que les juristes spécialisés ne manqueront pas d’exploiter au détriment des intérêts des consommateurs, en soulevant des exceptions d’incompétence.
Enfin, certains contentieux locaux se verront délocalisés dans des métropoles régionales, éloignées des affaires traitées. Or il faut bien avoir à l’esprit que les actions de groupe ne sont pas réservées à de grandes affaires qui ne manqueront pas de défrayer la chronique, s’agissant des opérateurs téléphonique notamment, mais qu’elles concerneront aussi des affaires plus locales.
Selon le rapport de nos collègues, huit tribunaux seulement seraient spécialisés dans les actions de groupe, dont sept en métropole et un seul outre-mer. On éloigne donc encore la justice des citoyens et de tels choix ne sont pas tenables.
Je vous propose donc de supprimer ces tribunaux de grande instance spécialisés et de revenir au droit commun pour l’action de groupe. Si on pousse le raisonnement encore plus loin, on nous a annoncé des actions de groupe en matière d’environnement ou de santé : faudra-t-il désigner de nouveaux tribunaux spécialisés ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Martial Bourquin, rapporteur. Cet amendement reprend un amendement déposé en première lecture et adopté par le Sénat, contre l’avis du Gouvernement et de la commission. Il vise à supprimer la désignation de tribunaux spécialisés pour traiter le contentieux des actions de groupe. Je souhaite prendre un peu de temps pour répondre aux auteurs de cet amendement.
Tout d’abord, j’indique que cette disposition a été réintroduite dans le projet de loi sur l’initiative conjointe des groupes socialiste et UMP de l’Assemblée nationale. Comme l’ont notamment souligné les députés du groupe UMP, les organisations professionnelles estiment que le fait de confier l’action de groupe à des tribunaux spécialisés est un élément d’équilibre du dispositif.
Ensuite, la commission des affaires économiques est favorable à la désignation de tribunaux spécialisés pour trois raisons essentielles.
Premièrement, les actions de groupe pourront constituer des contentieux de masse : il est donc indispensable de disposer de juridictions dotées de moyens et de compétences suffisants pour traiter de ce type de contentieux.
Deuxièmement, renoncer à désigner des tribunaux spécialisés conduirait à s’en remettre aux règles de compétence de droit commun et, ainsi, à confier certains contentieux, notamment en matière de crédit à la consommation, aux tribunaux d’instance. Ces derniers ne sont pas en mesure de gérer des contentieux susceptibles de concerner plusieurs milliers de consommateurs. À l’inverse, la désignation de tribunaux spécialisés permettra le regroupement des actions de groupe et l’harmonisation des décisions.
Troisièmement, l’argument de la proximité n’a pas de portée. En effet, les consommateurs lésés ne pourront engager une action de groupe que par le biais d’une association de défense des consommateurs représentative au niveau national.
Je rappelle que le rapport rendu en 2010 par MM. Richard Yung et Laurent Béteille au nom de la commission des lois, qui fait référence aujourd’hui, recommandait de faire relever les actions de groupe de la compétence d’un nombre limité de tribunaux de grande instance spécialisés.
Nos collègues indiquaient alors que, « dans un souci de rationalisation des compétences et des moyens, il serait pertinent de réserver la compétence en matière d’action de groupe à un nombre limité de tribunaux spécialisés. Les greffes disposeraient d’une taille suffisante pour traiter les procédures les plus massives, et les juges développeraient une expertise particulière. En outre, la question de la proximité entre le justiciable et son juge ne se pose pas pour une action conduite, au nom des justiciables, par une association agréée de niveau national : la concentration des contentieux dans quelques juridictions est neutre pour le consommateur. »
Enfin, je rappelle que la proposition de loi déposée le 5 avril 2013 par notre collègue Jean-Pierre Plancade et la plupart des membres du groupe RDSE, qui a été présentée sous forme d’un amendement à l’article 1er, prévoit également de réserver les contentieux d’actions de groupe à quelques TGI spécialement désignés.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Éclairé par la proposition de loi de M. Plancade et du groupe RDSE, je partage évidemment l’avis du rapporteur… (Sourires.)
Notre objectif est de rechercher l’efficacité et la réactivité. Nous ne disons pas que les tribunaux d’instance en sont dépourvus, mais que les juridictions en charge de ces contentieux de masse doivent disposer des moyens nécessaires pour mener à bien des procédures d’une telle envergure.
Je rappelle que la plupart des actions de groupe porteront sur des contentieux régionaux, interdépartementaux ou nationaux. Dans ces conditions, nous préférons réserver cette compétence à sept TGI spécialisés en métropole et un outre-mer, plutôt qu’aux 300 tribunaux d’instance.
Notre objectif est aussi d’harmoniser les conditions de prise de décision, la jurisprudence, d’éviter les doubles saisines, ainsi que l’éparpillement. Permettre la saisine des 300 tribunaux d’instance ajouterait beaucoup de la complexité, notamment dans le déroulement des procédures.
C’est la raison pour laquelle nous avons privilégié, à l’instar de la plupart des propositions « historiques » en matière d’action de groupe, cette modalité des TGI spécialisés. Nous voulons pouvoir nous appuyer sur une mise en œuvre de la justice plus réactive, plus efficace, plus harmonieuse, à même d’établir une jurisprudence utile.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est également défavorable à cet amendement du sénateur Tandonnet.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec intérêt faire référence à une proposition de loi déposée par un membre du groupe RDSE, ce qui est rare est cher, donc, je vous en remercie. (Sourires.)
Cela étant, il peut arriver que, sur un point précis d’une proposition de loi, on se rende compte, à la lecture d’un certain nombre d’éléments et après avoir entendu les uns et les autres, qu’il est préférable d’envisager une solution différente.
Pour ma part, j’ai toujours été très réticent à l’égard des juridictions spécialisées. Nous ne cessons d’en créer au fil des mois : aujourd’hui, les TGI spécialement désignés pour les actions de groupe, hier, le procureur financier… Ce n’est pas une bonne chose. Cette multiplication des systèmes spéciaux est non seulement contraire à la bonne administration de la justice, mais aussi dommageable pour l’aménagement du territoire. Nous avons déjà des déserts médicaux.
M. Jean-Jacques Mirassou. Exact !
M. Jacques Mézard. Au train où vont les choses, le Gouvernement – mais le précédent en avait autant à son débit – est en train de créer des déserts juridiques.
M. Jean-Jacques Mirassou. Absolument !
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, tous nos territoires ont besoin de matière grise, d’intelligence, de professionnels. Or vous êtes en train de vider ces territoires. Vous vous trouvez dans une assemblée qui, pour quelque temps encore, représente les collectivités locales et les territoires (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.). Ce ne sont pas les urbains qui vont nous expliquer comment fonctionnent nos territoires enclavés ! Pas encore, en tout cas !
De telles dispositions sont des errements. Nombre d’administrations – j’allais dire la technocratie dans son ensemble – témoignent de la volonté de multiplier ces systèmes. Ainsi, vous proposez de désigner sept juridictions spécialisées en métropole, et une outre-mer. Faudra-t-il aller plaider à la Guadeloupe quand on habite à La Réunion, ou l’inverse ? Que d’aberrations ! Pourquoi ne pas installer une telle juridiction à Clipperton ?
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Jacques Mézard. Je peux également vous conseiller les Îles Crozet, Saint-Paul, et Kerguelen, ou encore la Nouvelle-Amsterdam !
M. Christian Cointat. Les Îles Éparses !
M. Jacques Mézard. Au moins, cela y mettrait un peu d’animation. (Sourires.)
Tout cela est une très mauvaise chose. Les magistrats, formés de la même manière par l’École nationale de la magistrature, sont et doivent être capables, qu’ils soient juges d’instance à Maubeuge, à Aurillac, à Mende ou à Bordeaux, de connaître de ce type de litiges.
La première juridiction saisie pourra bien évidemment traiter de l’ensemble des procédures. Nous devons mettre un terme à cette multiplication de juridictions. (M. Christian Cointat applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. En cas de litispendance, il faudra procéder à un regroupement. Telle est la règle. Que se passera-t-il en cas de double, triple, quadruple, voire quintuple saisine ? Comment gérer le déclenchement et la poursuite des procédures d’action de groupe dans un cadre aussi complexe ? Il s’agit de questions très concrètes.
Nous ne privilégions pas le recours aux tribunaux spécialisés par défiance envers les territoires ! Cela serait d’autant plus absurde que la politique du Gouvernement – vous pouvez lui rendre justice à cet égard, monsieur le président Mézard – consiste à remettre des moyens là où ils avaient été retirés,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Saint-Gaudens !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. … et les choix opérés aujourd’hui en matière de carte judiciaire ne sont pas exactement les mêmes que ceux qui étaient faits auparavant.
Le consommateur d’un service de téléphonie mobile à Aurillac, à Trappes, à Clichy-sous-Bois, à Paris, à Nîmes ou à Saint-Renan souhaite simplement être indemnisé rapidement, de manière effective et efficace.
Or il est évident que les tribunaux d’instance ne pourraient garantir la même réactivité ni la même efficacité que les tribunaux spécialisés. Ce n’est en rien la condamnation du travail – remarquable – des juges d’instance. Il s’agit d’une question de moyens. En attendant que ces moyens soient rétablis, si nous voulons que l’action de groupe ne déçoive pas, il faut privilégier ses juridictions spécialisées. Tel est le choix du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.
M. Henri Tandonnet. Les tribunaux de grande instance ordinaires ne disposeraient pas des moyens suffisants pour connaître des actions de groupe ? Le propre d’une telle procédure est justement de regrouper toutes les victimes et de n’engager qu’un seul recours devant le tribunal. Un seul avocat, dont la présence est obligatoire, représentera l’association des victimes. Aucun moyen complémentaire n’est nécessaire pour diriger cette action de groupe : même pour 30 000 victimes, vous n’aurez qu’une seule mise au rôle, une seule action, un seul avocat et une seule association.
Par ailleurs, vous avancez un nouvel argument, celui du risque d’assister à la saisine des 300 tribunaux d’instance, puisque l’on est en matière de contrat de consommation. Vous cherchez à faire peur. En effet, le tribunal de grande instance est obligatoirement saisi dès lors que le préjudice subi dépasse 10 000 ou 15 000 euros.
Si le tribunal d’instance devait être saisi, il ne faut pas oublier qu’il est le spécialiste du droit de la consommation et qu’il fut le précurseur de la défense des consommateurs, bien avant les premières lois de protection. Ce serait faire preuve d’ingratitude que de lui retirer aujourd’hui cette compétence.
Je le répète encore : le droit commun s’applique devant tous les tribunaux ; en l’occurrence, il n’y a rien de dérogatoire à ce droit commun ; aussi, les tribunaux ordinaires sont compétents pour examiner de telles demandes.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Mazars, pour explication de vote.
M. Stéphane Mazars. Je ne comprends pas l’argumentation du Gouvernement.
Il n’y a pas d’opposition entre le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance. Rien n’empêche de réserver ces contentieux aux TGI, si vous le souhaitez. Nous contestons seulement le fait de restreindre la saisine à huit TGI, alors que l’ensemble des TGI, en France comme outre-mer, sont en mesure de gérer ce type de contentieux.
Je fais crédit à ce gouvernement, qui a remaillé le territoire en redéployant des moyens enlevés par le précédent gouvernement. Vouloir redonner du contenu dans tous les départements en matière de justice est un signe fort. Aussi, il serait regrettable de faire machine arrière aujourd’hui à propos d’un type de contentieux qui, selon moi, a vocation à être traité par tous les tribunaux.
Par ailleurs, à l’occasion de ce redéploiement de moyens sur l’ensemble du territoire, qu’il s’agisse de la réouverture de certains TGI comme ceux de Tulle ou Saint-Gaudens – cité à l’instant –, ou de la création de chambres délocalisées comme ce sera le cas dans mon département, à Millau, les études ont démontré que les petites juridictions avaient les meilleurs délais de traitement des dossiers. L’argument selon lequel les grands tribunaux auront plus de moyens n’est pas recevable, puisque, aujourd’hui, les petits TGI dans les départements dits ruraux traitent les dossiers dans des délais raisonnables.
Enfin, si plusieurs consommateurs veulent se joindre à une action de groupe, ils le feront par le biais d’une association. Il n’y aura donc qu’un seul dossier : celui de l’association ayant engagé une procédure contre tel industriel ou professionnel. Nous n’avons pas à redouter l’ouverture d’une multiplicité de nouveaux dossiers.
Sur le plan purement technique comme sur le plan de la pratique judiciaire, aucun argument ne peut aujourd’hui s’opposer à ce que tous les tribunaux connaissent de ce type de contentieux. Le premier tribunal saisi connaîtra de l’ensemble du contentieux qui s’élèvera en la matière sur le territoire national.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Si nous ne désignons pas de TGI spécialisés, l’ensemble des tribunaux d’instance seront compétents en matière d’action de groupe. Cela signifie que les dossiers de crédit logement, par exemple, seront traités selon la procédure du juge unique, sans obligation d’assistance par un avocat. Pourquoi prendre un tel risque ? Nous voulons assortir cette nouvelle procédure de toutes les garanties possibles quant à son efficacité et son effectivité. C’est la raison pour laquelle nous sommes favorables au maintien de ces tribunaux de grande instance spécialisés.
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 96.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Peut-être pourrions-nous accorder sur une position de repli réservant le contentieux à l’ensemble des TGI ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme la présidente. Monsieur Tandonnet, que pensez-vous de la proposition du Gouvernement ?
M. Henri Tandonnet. Je l’accepte volontiers, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 356, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Alinéa 2
I. Remplacer le mot :
Des
par le mot :
Les
II. Supprimer les mots :
spécialement désignés
M. Henri Tandonnet. Dans ces conditions, je retire mon amendement n° 96, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 96 est retiré, et la demande de scrutin public le concernant n’a donc plus d’objet.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 356 ?
M. Martial Bourquin, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 248 est présenté par M. Doligé.
L’amendement n° 301 rectifié est présenté par MM. Husson, Pierre, Grignon et Bernard-Reymond et Mme Deroche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4, deuxième alinéa du III bis (non modifié)
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’ouverture d’une procédure devant l’Autorité de la concurrence, une autorité nationale de concurrence d’un autre État membre de l’Union européenne ou la Commission européenne suspend la prescription de l’action civile. La suspension résultant de l’ouverture de cette procédure produit ses effets jusqu’à la date à laquelle la décision de ces autorités ou, en cas de recours, de la juridiction compétente est définitive.
Ces amendements ne sont pas soutenus.
Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 249 est présenté par M. Doligé.
L’amendement n° 302 rectifié est présenté par MM. Husson, Cléach, Pierre, Grignon et Bernard-Reymond et Mme Deroche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – L’action prévue à l’article L. 423–1 du code de la consommation ne peut être engagée pour des manquements survenus antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi.
Ces amendements ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 250, présenté par M. Doligé, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – L’action prévue à l’article L. 423–1 du code de la consommation ne peut être engagée pour des manquements survenus antérieurement au 1er janvier 2012.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 317, présenté par M. César, Mme Lamure, M. Cornu et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - En ce qui concerne les actions visées au 1° de l’article L. 423–1, le chapitre III du titre II du livre IV du code de la consommation ne s’applique qu’aux manquements à des obligations légales ou contractuelles survenus au plus tôt un an avant l’entrée en vigueur de la présente loi.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement vise à encadrer dans le temps l’application des actions de groupe en matière de consommation, afin qu’elles ne puissent s’exercer qu’en cas de manquements à des obligations légales ou contractuelles survenus au plus tôt un an avant l’entrée en vigueur des articles 1er et 2 de la présente loi.
Une loi dénuée des dispositions que cet amendement tend à introduire affecterait gravement la sécurité et la stabilité juridiques essentielles à la compétitivité des entreprises et à l’attractivité de la France.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 63 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
L’amendement n° 316 est présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Cornu, Husson et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – En ce qui concerne les actions visées au 1° de l’article L. 423–1 du code de la consommation, les dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de la consommation, dans la rédaction résultant de l’article 1er de la présente loi ne s’appliquent qu’aux manquements à des obligations légales ou contractuelles survenus au plus tôt deux ans avant l’entrée en vigueur des articles 1er et 2 de la présente loi.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 63 rectifié.
M. Jacques Mézard. La majorité des amendements déposés sur l’article 2 en deuxième lecture concernent l’entrée en vigueur et l’application dans le temps du dispositif d’action de groupe institué par le présent projet de loi.
L’amendement n° 63 rectifié vise, lui aussi, à limiter la rétroactivité de l’action de groupe, en ne permettant l’introduction d’une action de groupe que pour des manquements intervenus au plus tôt deux ans avant l’entrée en vigueur de la loi.
Dans la mesure où la rétroactivité du dispositif ne serait pas encadrée dans le projet de loi, cette précision nous semble nécessaire pour garantir la sécurité juridique de l’action de groupe.
Nous attendons les explications qui nous seront apportées à ce sujet par M. le ministre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 316.
Mme Élisabeth Lamure. Il s’agit, à travers cet amendement, d’encadrer dans le temps l’application des actions de groupe aux manquements passés en matière de consommation, sans modifier les possibilités d’action individuelle.
Là encore, sans les dispositions que cet amendement tend à introduire, le présent projet de loi affecterait gravement la sécurité et la stabilité juridiques essentielles à la compétitivité des entreprises et à l’attractivité de la France.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Martial Bourquin, rapporteur. L’amendement n° 317 s’inscrit dans la même logique que les deux autres : il vise à ce que toute action de groupe ne puisse être engagée que pour des manquements survenus au plus tôt un an avant l’entrée en vigueur de la loi.
De manière générale, la commission n’est pas favorable à ces trois amendements. L’article 1er ne crée pas de nouveaux manquements ou de nouvelles peines : il institue seulement une nouvelle procédure pour sanctionner des manquements déjà susceptibles d’être sanctionnés aujourd’hui, par le biais d’actions individuelles. Autrement dit, si nous votions l’un de ces amendements, nous introduirions une forme d’amnistie.
Enfin, je rappelle que, si l’action de groupe s’appliquera à des manquements antérieurs à la publication de la loi, elle ne s’appliquera qu’aux manquements qui ne sont pas prescrits, autrement dit ceux qui ont eu lieu depuis cinq ans.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ces trois amendements tendent à introduire ce que l’on appelle une « clause de grand-père »…
Mme Catherine Procaccia. Attention à ce que vous dites, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Benoît Hamon, ministre délégué. … une clause de grand-père et de grand-mère (Nouveaux sourires.), si vous préférez, madame Procaccia, une clause de grand-parent en quelque sorte.
Les clauses que ces amendements tendent à introduire, qui portent sur une durée d’un ou deux ans, existent déjà à travers les règles de prescription, qui, elles, courent sur cinq ans.
Là encore, le Gouvernement a fait le choix de l’équilibre. Pour ce qui relève du champ de la concurrence, le Gouvernement a choisi d’introduire une clause de ce type, les effets macroéconomiques des actions de groupe pouvant être potentiellement très importants et déstabiliser l’économie française.
En revanche, le Gouvernement a refusé d’instaurer une telle clause pour les litiges en matière de consommation, les effets macroéconomiques n’étant clairement pas les mêmes. De plus, si une clause de grand-père venait à être instituée dans ce champ, certaines affaires pourraient être jugées rapidement et déboucher sur une indemnisation importante de certains consommateurs. Cela leur ferait perdre le bénéfice de l’indemnisation du préjudice subi, et ne manquerait pas de nourrir leur ressentiment à l’égard de la représentation nationale. Certaines affaires relativement récentes nous donnent l’intuition qu’il pourrait effectivement en être ainsi.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement fait le choix de l’équilibre, en instituant une clause de grand-père en matière de concurrence, et en ne la retenant pas en matière de consommation.
Par ailleurs, j’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une règle procédurale nouvelle, et que le problème de la rétroactivité ne se pose donc pas.
Par conséquent, le Gouvernement demande aux auteurs de ces trois amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Lamure, l’amendement n° 317 est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Mézard, l’amendement n° 63 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Oui, il est maintenu, madame la présidente.
Mme la présidente. Madame Lamure, qu’en est-il de l’amendement n° 316 ?
Mme Élisabeth Lamure. Je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 rectifié et 316.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote sur l’article.
Mme Élisabeth Lamure. Les amendements déposés par les membres du groupe UMP sur l’action de groupe, aux articles 1er et 2 du présent projet de loi, sont, dans l’ensemble, identiques à ceux qu’ils avaient présentés en première lecture.
Cependant, nous avons choisi de ne pas redéposer certains d’entre eux. Je pense notamment à celui qui tendait à limiter l’action de groupe à « un groupe significatif et identifiable de consommateurs ». M. le rapporteur nous avait alors indiqué que cet ajout n’était pas assez précis juridiquement, argument que nous avons pris en compte.
En revanche, le choix de déposer de nouveau tous les autres amendements s’est imposé à nous. En effet, nous considérons que les réponses du rapporteur et du ministre, sur l’encadrement des mesures de publicité à la charge du professionnel et sur la procédure d’action de groupe simplifiée, sont insuffisantes.
Nous pensons que les mesures de publicité ne protègent pas suffisamment la réputation des entreprises. Nous pensons également que l’action de groupe simplifiée ne présente aucune garantie, notamment en matière de droits de la défense, et que cette procédure deviendra la procédure de droit commun.
Dès lors, je voudrais répondre à la critique qui nous a été faite selon laquelle nous voudrions une action de groupe a minima. Il y a là une contradiction : comment des amendements essentiellement rédactionnels peuvent-ils « casser » l’action de groupe ? Pourquoi penser que l’encadrement des mesures de publicité à la charge du professionnel est une exigence trop intrusive pour les juges ?
Il est encore du ressort du législateur de s’assurer que la loi est appliquée selon sa volonté.
Notre seule véritable exigence de fond est la suppression de l’action de groupe simplifiée. Ne nous rétorquez pas, monsieur le ministre, qu’en supprimant l’action de groupe simplifiée nous dénaturerions le texte. C’est justement l’action de groupe simplifiée qui dénature le projet de loi initial.
Cette procédure, je le signale, a été intégrée par un amendement déposé en première lecture à l’Assemblée nationale.
Je regrette que nous ne puissions pas nous entendre sur cette procédure d’action de groupe. La non-suppression de l’action de groupe simplifiée aura été, pour nous, déterminante.
L’avancée que représente l’action de groupe pour les droits des consommateurs ne saurait méconnaître les droits de la défense.
Je vous confirme donc, mes chers collègues, que les membres du groupe UMP sont défavorables à cet article 2, comme ils ont été défavorables à l’article 1er.