Mme Éliane Assassi. Mais si ! Assumez un peu cela !
Mme Laurence Cohen, rapporteur. … ainsi que la coordination nationale de défense des hôpitaux et maternités de proximité, dont les membres souhaitaient même que notre texte aille plus loin en interdisant les fermetures, les regroupements, ou les restructurations. D’autres comme la Fédération hospitalière de France – FHF – souhaitent que soit décidé un moratoire différent, s’appliquant aux fermetures de lits en médecine dans les trois cents centres hospitaliers locaux.
Je tiens à votre disposition les différents témoignages répondant à nos débats en commission, ainsi que les nombreux soutiens qui me sont parvenus depuis, en particulier celui du syndicat SUD de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris, celui du président de l’Association nationale des centres hospitaliers locaux, celui de médecins, d’urgentistes, d’infirmiers, d’usagers, ou bien encore d’élus. Cette proposition de loi est bien attendue : tous affirment en effet l’urgence de ce moratoire. J’espère qu’ils seront comme nous entendus ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le sénateur, auteur de cette proposition de loi, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’y a pas de sujet de plus grande importance que l’avenir de notre hôpital.
Cette question mobilise sur toutes les travées, et dans l’ensemble de la population. À ce titre, madame la sénatrice, vous avez eu raison de rappeler que les parlementaires, en particulier, se placent souvent à la pointe des combats pour la défense de leurs hôpitaux, de leurs services, et, en tout cas, de l’accès aux soins de la population qu’ils représentent. Ce combat est, bien entendu, très fort et parfaitement légitime.
Je veux le souligner, à travers votre proposition de loi – que j’appellerai à ne pas voter –, vous exprimez un attachement extrêmement fort à notre service public hospitalier, et un véritable engagement en sa faveur. C’est une façon de reconnaître à nouveau et de marquer l’excellence qu’incarne ce service public hospitalier. Excellence, bien sûr, en matière de soins et de recherche et d’innovation, mais également dans le domaine social, et je veux insister sur ce point. L’hôpital public permet en effet à chacun d’être pris en charge sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sans distinction de revenus ou d’origines.
Il nous appartient de maintenir et de consolider cette excellence, afin qu’elle continue d’être reconnue dans sa diversité. J’ai eu l’occasion d’insister à plusieurs reprises sur ce fait : l’excellence ne peut pas s’apprécier uniquement au regard de la pratique médicale, de la recherche et de l’innovation. Une des marques de fabrique du système de santé français se trouve dans notre capacité à la mettre à disposition de la population.
Au-delà de ces points sur lesquels nous nous retrouvons facilement avec engagement et implication, des divergences existent, qu’il ne s’agit pas de cacher, au travers tant de la présentation de la proposition de loi que de son exposé des motifs, quant à la manière de concevoir l’avenir du système public hospitalier, notamment son organisation.
Même si vous dites vouloir adapter le service public hospitalier aux évolutions de la société, notamment aux besoins de la population, sachez qu’un moratoire aurait un effet strictement inverse, celui de figer les situations, ce qui ne correspond pas aux exigences de la période actuelle.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Watrin, vous avez, non pas exhumé – la période n’est pas si ancienne que cela ! –, mais rappelé avec malice que j’avais signé un communiqué lorsque j’étais dans l’opposition, et que je signerais encore aujourd'hui sans difficulté !
Eu égard à la politique d’ensemble,…
Mme Éliane Assassi. C’est la même ! Elle n’a pas changé !
Mme Marisol Touraine, ministre. … une politique de démantèlement qui remettait en cause la place et le rôle du service public hospitalier, il était absolument nécessaire – c’était une urgence ! – de limiter les dégâts, si vous me permettez l’expression, en coupant le fil des réorganisations enclenchées, d’autant que celles-ci avaient pour unique objet de créer des économies.
Contrairement à ce que vous laissez entendre – vous prenez d’ailleurs soin de rappeler très régulièrement dans vos propos les actions mises en place en faveur de l’hôpital public –, la politique hospitalière a changé depuis mai 2012 : des mesures ont été prises et des orientations nouvelles ont été marquées. C’est précisément parce que le cadre d’ensemble de notre politique est différent qu’un moratoire ne se justifie plus.
Nous ne conduisons pas, comme nos prédécesseurs, une politique de fermeture des hôpitaux. J’ai moi-même souligné l’intérêt que je porte au rapport de l’IGAS que vous avez, tous les deux, évoqué, madame, monsieur les sénateurs, et que j’ai approuvé.
Des restructurations ou des réorganisations qui n’ont d’autre objet que de faire des économies ne répondent pas aux critères d’exigence qui peuvent être les nôtres. Il ne s’agit pas de mener une politique de restructuration systématique, comme si la restructuration en elle-même était porteuse d’éléments bénéfiques. Il ne s’agit pas de fixer, dans notre pays, au travers d’un objectif quantitatif, un nombre de services hospitaliers et d’établissements de santé à ne pas dépasser.
L’objectif du Gouvernement est clairement affirmé : l’offre de santé doit correspondre aux besoins de la population en termes de santé. C’est au regard de cette exigence que nous avons engagé certaines réorientations.
À cet égard, certains exemples témoignent de la rupture avec la politique précédemment suivie.
Tout d’abord, je vous appelle, madame, monsieur les sénateurs, à regarder ce que font nos voisins européens. Les comparaisons internationales mettent toutes en évidence l’importance de l’équipement hospitalier français et des moyens qui lui sont alloués.
Ensuite, les projets de réorganisation engagés ne sont pas téléguidés de manière abstraite au niveau national, sans lien avec les acteurs de terrain. En amont, les instances des établissements publics de santé sont chaque fois consultées. Tous les choix sont définis en fonction d’une évaluation des besoins de santé, qui est notamment conduite par les agences régionales de santé.
En outre, la recomposition de l’offre hospitalière prend aujourd'hui, pour l’essentiel, la forme de coopérations nouvelles entre les établissements. Il s’agit non pas de mettre en avant des fermetures en série de services, ce qui semblait ressortir de vos deux interventions, mais bel et bien de permettre la coopération entre des services, avec précisément pour objet le maintien de la présence d’un service public hospitalier dans des territoires dans lesquels sans une telle coopération cette présence se trouverait menacée.
Madame la sénatrice, il ne suffit pas d’invoquer la sécurité ou l’organisation. Il faut également invoquer la capacité de certains territoires à attirer des professionnels.
Ainsi, un chirurgien ne se demande pas s’il a envie de travailler à la campagne ou en ville ; il a besoin de réaliser annuellement un certain nombre d’actes pour maintenir et garantir sa maîtrise professionnelle.
Quelle réponse peut-on apporter à ces professionnels ? Nous proposons, comme nous l’avons déjà fait dans un certain nombre de territoires depuis un certain temps, de mettre en place des coopérations entre des établissements de référence et des structures de proximité, ce qui permet d’assurer un partage. Ainsi, les professionnels de santé peuvent à la fois réaliser le nombre d’actes nécessaires au maintien de leur qualification et servir y compris des publics éloignés des villes-centres. Ces coopérations ont un objectif qualitatif et de présence dans les territoires.
À cet égard, permettez-moi de rappeler quelques chiffres.
Certains pourraient imaginer que le service hospitalier est aujourd'hui réduit aux acquêts, voire abandonné, ne disposant d’aucun moyen pour fonctionner.
En 2013, nous avons attribué 1,6 milliard d’euros de plus aux hôpitaux publics. Même si cela s’est fait dans le cadre de la politique de maîtrise des dépenses, il s’agit très concrètement d’une augmentation des ressources des services publics hospitaliers.
Vous avez dit, madame la sénatrice, que vous attendiez toujours la réinscription de la notion de service public hospitalier dans la loi, tout en expliquant d’ailleurs, quelques instants plus tard, qu’il ne suffit pas d’une loi pour changer les choses. Prenons acte du fait qu’il ne suffit pas d’une loi pour changer les choses. Mais je vous indique qu’une loi a d’ores et déjà réinscrit cette notion : la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 permet notamment de sanctuariser les ressources affectées aux missions d’intérêt général, ce qui n’était pas possible sans reconnaissance du service public hospitalier.
La suppression de la convergence tarifaire a bel et bien eu lieu, et nous avons la volonté de poursuivre le travail en ce sens, en reconnaissant le service public hospitalier au niveau territorial. Vous le savez, une mission a été confiée à Bernadette Devictor pour préciser les contours de ce que pourrait être ce service public territorial en matière hospitalière.
Comme je m’y étais engagée lors de la discussion parlementaire, des crédits supplémentaires ont été dégelés à la fin de l’année dernière : 90 millions d’euros ont été affectés à l’hôpital public, et ce sans compter les efforts spécifiques, à hauteur de 377 millions d’euros, engagés tout au long de l’année 2013 en faveur de la cinquantaine d’établissements qui avaient des besoins financiers particuliers. Eu égard aux efforts réalisés – ils s’inscrivaient dans une trajectoire de retour à l’équilibre –, il était nécessaire de les soutenir.
Qui plus est, la sécurisation des investissements a été mise en œuvre au travers de la signature – c’est la première fois dans notre histoire ! – d’une convention avec la Banque européenne d’investissement, qui s’engage à financer des établissements publics hospitaliers ou à participer à leur financement. C’est là un point extrêmement positif.
Dans le cadre de la procédure de soutien à l’investissement, quinze établissements ont d’ores et déjà fait l’objet d’une décision favorable à leur projet de réorganisation ou de reconstruction, pour des sommes qui engagent l’État à hauteur de 1 milliard d’euros, ce qui n’est pas négligeable.
C’est la raison pour laquelle on ne peut pas dire, madame la rapporteur, que l’on assiste à la multiplication des cas de fermeture d’hôpitaux, de services hospitaliers ou de maternités de proximité, qui s’apparenterait, pour reprendre vos propres termes, à un véritable plan social. Au contraire, nous menons une politique de maillage du territoire, d’investissements financiers dans les services de proximité, afin de permettre à notre service public hospitalier de s’adapter.
Un moratoire aurait pour effet de contredire la nécessité de l’adaptation de notre service public hospitalier, à la mise en place de parcours coordonnés, adaptés, qui permettent un retour rapide au domicile. À cet égard, on ne peut souhaiter que le retour à domicile soit rapide et considérer dans le même temps que l’ensemble des réponses doivent être trouvées au sein de l’hôpital. Notre service public hospitalier doit également s’adapter aux attentes ou évolutions des besoins des professionnels de santé eux-mêmes, qui ne veulent plus travailler comme avant. À ce sujet, je prendrai pour seul exemple les sages-femmes, qui font l’actualité.
Pour toutes ces raisons, l’offre hospitalière ne peut rester figée : elle doit s’adapter en permanence.
Nous n’avons rien à craindre de cette exigence d’évolution, d’adaptation. La responsabilité politique est d’accompagner ces évolutions, voire de les anticiper, pour améliorer encore et toujours la qualité des soins.
Nous devons donc déterminer nos politiques en fonction des objectifs que nous voulons atteindre, et non par rapport au nombre d’établissements.
La qualité et la sécurité des soins, l’égalité entre les patients, entre les territoires, la réduction de la durée des séjours, le développement de la prise en charge à domicile, telles sont les priorités que j’ai fixées dans le cadre de la stratégie nationale de santé, et c’est en fonction de ces objectifs que doit se déterminer l’organisation hospitalière.
Cette stratégie porte une vision globale de long terme à l’échelle des territoires, et c’est en ce sens que nous allons poursuivre notre action.
Depuis plus de dix-huit mois, la priorité qui est la mienne est précisément de permettre à chaque Français d’avoir accès à des soins de proximité.
À cet égard, j’ai d’abord renforcé l’organisation territoriale de la prise en charge des urgences. L’engagement présidentiel a commencé d’être mis en place : 100 % de nos concitoyens devront avoir accès avant 2017 à des soins urgents en moins d’une demi-heure. Depuis un an, les résultats sont là : nous avons d’ores et déjà permis à 1 million de personnes supplémentaires d’accéder aux soins urgents en moins de trente minutes.
Ensuite, j’ai mis en place une politique en faveur des services hospitaliers d’urgence, en assurant le financement des besoins des services en tension et en mettant en place une réorganisation au travers d’un programme dit « gestion de lits d’aval », qui doit permettre une meilleure structuration des services d’urgence. Même si les transformations ne peuvent se faire en quelques semaines, ni même en quelques mois, des progrès ont d’ores et déjà été enregistrés.
Par ailleurs, pour garantir l’accès de tous nos concitoyens à nos hôpitaux, j’ai apporté mon soutien à de nombreux établissements isolés, dont la présence est essentielle pour maintenir une offre de proximité. J’ai déjà évoqué cette question à plusieurs reprises. Pour ne citer qu’une seule région – les citer toutes serait long et quelque peu fastidieux ! –, la région Aquitaine, je suis intervenue pour soutenir le centre hospitalier d’Orthez, la clinique mutualiste du Médoc, ainsi que le centre hospitalier Saint-Nicolas de Blaye, qui auraient progressivement disparu de l’offre de proximité.
En parallèle, je veux vous rappeler que, si vous aviez accepté de débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (Mme Gisèle Printz applaudit. – Murmures sur plusieurs travées du groupe socialiste.),…
Mme Michelle Meunier. Eh oui !
Mme Laurence Cohen, rapporteur. Ah nous y voilà !
Mme Marisol Touraine, ministre. … vous auriez constaté, comme l’ont fait les députés, que j’ai proposé une disposition, qui a d’ailleurs été adoptée, prévoyant un financement adapté pour les activités isolées, pour lesquelles la tarification à l’activité n’est pas suffisante.
Enfin, pour adapter l’offre hospitalière aux nouveaux besoins de santé, il nous faut poursuivre le dialogue social. Ce sont plus de 1 million de personnes qui travaillent à l’hôpital public et sont engagées au quotidien. La confiance a été engagée avec la modification de la gouvernance de nos établissements, ce qui est une façon de revenir sur la loi HPST au regard de cette gouvernance. Les instances de représentation des personnels ont été confortées dans leurs prérogatives, et c’est le sens de toute une série de décrets que j’ai signés en septembre dernier, à la suite des travaux menés par Édouard Couty avec l’ensemble des représentants du monde hospitalier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’objectif doit être de maintenir le haut niveau d’excellence du modèle hospitalier français. Pour l’atteindre, nous devons accompagner l’hôpital dans sa transformation. L’immobilisme n’a jamais été un gage de qualité, ni le statu quo une bonne réponse à l’évolution des besoins !
Or la stratégie nationale de santé, qui fait actuellement l’objet d’intenses débats dans tous nos territoires, est précisément animée par l’ambition de prendre en considération l’évolution des besoins de santé, des attentes en matière de santé et, tout simplement, de notre société.
Aujourd’hui, il est urgent de transformer l’hôpital public pour l’adapter et pour le moderniser : c’est pourquoi je vous appelle à ne pas voter la proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier Laurence Cohen et Dominique Watrin, ainsi que l’ensemble des membres du groupe CRC, de nous donner l’occasion de discuter d’une question urgente, douloureuse et très polémique, au plan local comme au plan national : les fermetures de services hospitaliers.
Cette question, nous y avons toutes et tous été confrontés en tant que parlementaires : toutes et tous, en effet, nous avons vécu la fermeture d’un service hospitalier et participé à la mobilisation aux côtés des usagers et des personnels. Parfois, nous avons trouvé cette décision injuste et manqué de moyens de recours ; de fait, on se retrouve souvent très démuni face à un mode de prise de décision très vertical et très peu transparent.
Reste que, selon nous, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur toute modification ; il ne faut pas davantage figer la carte hospitalière telle qu’elle est ou telle qu’elle a été, en refusant toute amélioration ou toute adaptation aux évolutions des techniques médicales, de la population et des besoins de celle-ci. L’inertie ne saurait constituer une solution en soi !
C’est pourquoi j’apprécie assez que la proposition de loi n’interdise pas les fermetures de service, mais prévoie plutôt un certain nombre de garde-fous.
Plus précisément, elle rend obligatoire l’existence d’une offre de santé au moins équivalente, avec une garantie de tiers payant et de tarifs opposables ; en outre, elle prévoit un avis consultatif obligatoire des commissions médicales et des comités techniques d’établissement concernés ; enfin, elle conditionne la levée du moratoire à un avis favorable du conseil de surveillance de l’établissement et de la conférence de santé du territoire.
En commission, nombre de nos collègues ont estimé que ces garde-fous étaient trop nombreux, de sorte qu’ils risquaient d’entraîner le blocage de tout projet de recomposition hospitalière. Nous en reparlerons.
L’important, pour le groupe écologiste, est de garder à l’esprit un triple objectif : l’accès aux soins, la sécurité et la proximité.
L’accès aux soins doit rester satisfaisant pour tous nos concitoyens, quel que soit leur revenu. À cet égard, je suis bien évidemment très sensible à la garantie d’accès aux soins, avec tiers payant et tarif opposable, que la proposition de loi prévoit.
La sécurité doit être assurée afin que chacun, où qu’il réside, puisse accéder à un plateau technique de très grande qualité.
Quant à la proximité, elle doit être réalisée au moins pour les soins urgents.
Ne nous y méprenons pas : il est clair qu’il faut fermer un service qui mettrait en danger les patients qui y sont admis ; du reste, la proposition de loi le prévoit.
Toutefois, quand j’apprends, à la lecture du rapport de Mme Cohen, que, dans trois départements, plus de la moitié des habitants ne peuvent être hospitalisés en moins de 40 minutes, je suis préoccupée et je pense : dans ces situations aussi, les populations sont en danger !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
Mme Aline Archimbaud. De même, je partage les interrogations de Mme la rapporteur sur la pertinence des seuils minimaux d’activité, selon l’expression en vigueur, en deçà desquels la sécurité des femmes et des bébés ne serait pas assurée dans certaines maternités. En effet, pour le calcul de ces seuils, le volume d’activité est évalué au niveau du service et non, par exemple, au niveau individuel, ce qui mérite d’être débattu.
Que l’objectif de sécurité doive nous guider est une évidence ; mais il doit être considéré pour lui-même, et non servir de prétexte à des décisions purement économiques.
Selon nous, trouver l’équilibre délicat entre les objectifs d’accès aux soins, de sécurité et de proximité nécessite d’appliquer une méthode : la démocratie sanitaire, à laquelle on accorde aujourd’hui trop peu d’attention.
Encourager la démocratie dans le développement de la stratégie sanitaire suppose de faire primer la transparence et la concertation dans toute décision de recomposition hospitalière. Mettre en place cette démarche ne réclame pas forcément plusieurs années ; cela peut être fait rapidement !
En tant que parlementaire, j’ai vécu certaines situations de réorganisation, aux Lilas et à l’Hôtel-Dieu. Je suis actuellement préoccupée par les interrogations qui entourent l’institut de radiothérapie de hautes énergies de l’hôpital Avicenne de Bobigny.
Je suis d’accord avec Mme la rapporteur lorsqu’elle écrit ceci : « les décisions de fermetures de lits, de services ou d’établissement de santé sont prises, dans une très grande majorité des cas, sans concertation préalable avec les populations – j’ajouterai : les élus locaux – et les acteurs concernés, notamment la communauté hospitalière. L’expérience montre que des ″consultations″ ont bien lieu, mais après que la décision a effectivement été prise ».
Nous, écologistes, l’affirmons très clairement : nous ne pouvons pas voter contre la proposition de loi, parce qu’elle soulève de vraies questions, parce qu’il est urgent de renforcer la démocratie sanitaire et parce que nous ne croyons pas que c’est le rationnement de l’offre de soins, au moyen des numerus clausus et des fermetures de lits, qui comblera le déficit de la sécurité sociale.
Toujours est-il que nous n’aurions pas rédigé l’exposé des motifs de la proposition de loi, ni son dispositif, dans les termes qui sont les leurs. Le temps me manque malheureusement pour être plus précise ; je dirai seulement que nous aurions mis l’accent sur la concertation et sur l’avis de la conférence de territoire.
Sans doute, la proposition de loi n’est pas parfaite ; mais les problèmes de notre système de santé sont trop complexes, et les règles encadrant l’initiative parlementaire trop rigides – je pense notamment à l’article 40 de la Constitution –, pour que nous puissions proposer nous-mêmes une réforme d’ampleur et de portée générale.
Aussi bien, madame la ministre, nous sommes suspendus à la grande réforme de santé que vous annoncez ; même si vous avez déjà commencé à vous attaquer à certaines difficultés, en particulier le problème de la convergence tarifaire, c’est à l’occasion de la discussion de cette réforme que nous pourrons envisager l’ensemble des mesures nécessaires pour conforter l’hôpital public ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mmes Gisèle Printz et Anne Emery-Dumas applaudissent également.)
M. Jean-Louis Carrère. Quel sera votre vote ?
M. Jean Desessard. Suspense !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. René-Paul Savary. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi vise à instaurer un moratoire sur les fermetures de service et d’établissements de santé ou leur regroupement.
L’organisation de l’offre de soins sur le territoire national est depuis longtemps au cœur des préoccupations des pouvoirs publics, qui tentent de répondre aux besoins sanitaires des Français tout en utilisant le plus efficacement possible les moyens humains et matériels.
En 2008, notre collègue Alain Milon a été chargé par la commission des affaires sociales d’établir un rapport sur l’avenir de la chirurgie en France. Il y démontrait que des inégalités se creusaient – à l’époque déjà – entre territoires et entre spécialités.
Comme la Cour des comptes l’a rappelé dans son rapport public annuel de 2013, les restructurations hospitalières – puisque ce sont elles que vise la proposition de moratoire – peuvent prendre plusieurs formes. En particulier, elles peuvent consister en une réorganisation de services pour adapter ceux-ci à la demande, aux nouvelles technologies et à la démographie médicale, tous facteurs qui évoluent.
Elles peuvent aussi consister en une fermeture de services du fait du non-respect des normes – nous sommes spécialistes de leur modification ! – ou d’une activité trop faible ; dans ce cas, la restructuration peut conduire à la reconversion du site, à un transfert d’activité vers un autre établissement ou à la construction d’une structure neuve regroupant les anciennes activités des établissements fermés.
Plus largement, les restructurations hospitalières tendent à améliorer la qualité de l’offre de soins au meilleur coût, dans une logique de coopération et de partage d’activité entre les établissements d’un territoire de santé.
Comme l’a souligné notre collègue Alain Milon en commission, il n’est jamais simple de fermer un hôpital : ce n’est pas parce que le taux de fuite, signe de la défiance des usagers, est élevé que la population ne se mobilise pas si l’on évoque une fermeture !
M. René-Paul Savary. Preuve qu’il est difficile d’apporter au problème une réponse standardisée, comme un moratoire.
À propos des restructurations hospitalières, et des hôpitaux de manière générale, je désire présenter quelques observations touchant à trois thèmes importants : la T2A, l’ONDAM et le rapport de l’IGAS.
En ce qui concerne l’hôpital, la réforme de la T2A qui obsède tant la majorité risque de nous ramener dix ans en arrière. Pour limiter les développements abusifs d’activité, le ministère de la santé semble s’orienter vers une réforme de la tarification consistant à instaurer des seuils à partir desquels les tarifs deviendraient dégressifs, au risque de recréer des dotations globales qui ne permettront plus de se fixer sur la performance.
Faudrait-il optimiser l’offre de soins seulement jusqu’à certains seuils ? En vérité, la pertinence de cette réforme est sujette à caution. Soyons pragmatiques : il ne faut pas revenir à la dotation globale, mais adapter la T2A afin d’améliorer le financement des hôpitaux sans pénaliser leurs activités.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. René-Paul Savary. Je vous rappelle également que le périmètre de l’ONDAM hospitalier est instable : il englobe principalement les charges des établissements et, contrairement à l’indicateur appliqué aux soins de ville, ne se fonde pas sur une appréciation correcte de l’effet sur les dépenses de la progression ou de la régression de l’activité.
Au sujet du rapport de l’IGAS de février 2013, nous tenons à signaler que les soins d’urgence, comme on l’a déjà fait remarquer, sont accessibles en moins de 30 minutes pour près de 95 % de la population.
Des progrès doivent encore être accomplis, mais il faut aussi considérer que d’autres formes d’hospitalisation se développent de plus en plus. Je pense en particulier à l’hospitalisation à domicile, qui est importante pour la prise en charge du patient, pour son bien-être et pour celui de son entourage ; cette formule mérite vraiment d’être encouragée.
Si la proximité est déterminante dans la prise en charge, n’oublions pas que la qualité du réseau d’organisation des soins l’est tout autant. Or ce facteur, madame la rapporteur, ne me semble pas pris en compte dans la proposition de loi.
Je tiens à insister sur les belles avancées de notre médecine française, qui ont déjà été signalées ; elles structurent l’offre de soins en amont et en aval de l’hospitalisation, permettant d’améliorer et d’adapter au mieux le parcours du patient. De fait, notre système de soins est largement envié par nombre de pays !
Permettez-moi de faire état du point de vue exprimé par Claude Évin dans le journal Libération du 13 janvier dernier. L’ancien ministre des affaires sociales, dont je rappelle qu’il est socialiste, y explique à juste titre qu’il faut revoir les prescriptions médicales inadaptées, mais surtout repenser l’organisation de notre système de santé pour mieux garantir la qualité des services.
Nous pouvons souscrire à un certain nombre de propositions présentées par M. Évin : « introduire plus de prévention, organiser la médecine de premier recours et son articulation avec l’hôpital, travailler au repositionnement même de chacun des acteurs dans l’offre de soins, sortir de l’hospitalo-centrisme, établir une gouvernance plus efficace de notre système de santé au niveau central comme au niveau régional ».
J’ajoute qu’il est indispensable d’opérer la prise de conscience sur laquelle insiste le rapport Couty de février 2013 : il faut une refondation de l’hôpital public pour les années qui viennent. Cette refondation devra être adaptée à notre époque et aux attentes des patients ; elle devra être centrée sur les missions de l’hôpital public, en particulier les soins, le médico-social, la santé publique, l’enseignement et la recherche.
Comme je l’ai dit en commission, les auteurs de la proposition de loi ont omis de traiter des recettes, ce qui est dommage, mais aussi des parcours de soins, des réseaux, de l’ouverture sur l’extérieur et du rôle des 35 heures dans la tarification et l’organisation ; ils ont également ignoré que les hôpitaux locaux comptent plus de lits d’hébergement pour personnes âgées dépendantes que de lits actifs.
Madame la ministre, il faut suffisamment de médecins pour tous les territoires !