Mme Catherine Troendlé. Eh oui !
Mme Françoise Cartron. Mais non !
Mme Colette Mélot. … qui devront user d’inventivité pour compenser le manque de moyens financiers.
La présente proposition de loi aurait justement pour avantage d’accorder un délai aux élus locaux qui n’ont pas trouvé de solution efficiente. Ce serait d’autant plus utile que les élections municipales sont susceptibles d’entraîner des changements dans les orientations de la commune, les élus de mars 2014 rejetant ou amendant celles votées par les élus de la précédente mandature.
Monsieur le ministre, nous demandons un assouplissement de cette mesure : accordons aux communes la liberté de choix ! Une expérimentation sera alors menée par les élus locaux qui le souhaitent – il en existe ! – dans leur commune, en accord avec leurs administrés Dans un second temps, la mise en place d’une évaluation permettra de prendre à terme la décision mûrie et réfléchie de généraliser, ou non, les nouveaux rythmes scolaires sur l’ensemble du territoire national.
Une réflexion pourra conjointement être conduite au sujet du financement et, si nous voulons une égalité de traitement, l’État devra s’engager à donner les mêmes moyens à toutes les écoles de France.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Colette Mélot. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera la proposition de loi de nos collègues, car c’est un texte qui se veut doublement pragmatique : soucieux de l’intérêt de nos enfants et de leur réussite, mais aussi respectueux des élus locaux, donc à leur écoute . (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce soir une proposition de loi qui, sous couvert de donner aux maires la liberté de choix sur la réforme des rythmes scolaires, vise en fait à remettre en cause la nécessaire évolution de ces derniers et à fragiliser le caractère national de notre éducation. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)
Certes, notre école républicaine a des défauts : elle ne permet pas suffisamment à tous les enfants qui lui sont confiés de développer toutes leurs potentialités. Elle compte parmi les plus reproductrices des inégalités sociales, parmi les plus stressantes pour les élèves, particulièrement ceux qui sont en difficulté.
Vous avez eu le courage, monsieur le ministre, d’explorer à fond les pistes évoquées par M. Chatel en matière de rythmes scolaires et de lourdeur des journées. Le diagnostic fait l’objet d’un consensus : l’école primaire stresse et fatigue les enfants sans pour autant leur donner un meilleur niveau que celui de leurs camarades européens – les résultats internationaux ont été cités.
Faut-il, mes chers collègues, rappeler les vives réactions qu’avait provoquées la décision prise brutalement et sans concertation par Xavier Darcos de passer à la semaine de quatre jours ? (M. Pierre Martin proteste.)
M. Jacques Chiron. On s’en souvient !
Mme Françoise Cartron. Il était bien mal inspiré !
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Maryvonne Blondin. Oui, le retour de la semaine à quatre jours et demi est raisonnable. (MM. Daniel Raoul et Claude Dilain applaudissent.)
Contre ce changement est souvent invoquée la fatigue accrue des enfants depuis la rentrée 2013. Mais cette fatigue tient, en fait, à un premier trimestre long, après deux mois de vacances d’été, à quoi s’ajoutent les petites maladies qui émaillent souvent cette période. C’est pourquoi, monsieur le ministre, il importerait aussi de s’attaquer au chantier du calendrier scolaire.
M. André Reichardt. Il fallait commencer par là !
Mme Maryvonne Blondin. Mais je ne pense pas que cette fatigue résulte d’un nouveau rythme qui serait problématique et traumatisant !
En la matière, le rôle des parents ne doit pas être éludé. C’est ce qu’a rappelé Marcel Rufo lorsque la commission commune d’information l’a auditionné, le 3 décembre. En effet, un enfant doit être couché tôt, à heure régulière, même le week-end. Les « bornes du sommeil » doivent être fixées, les règles d’hygiène, appliquées et l’équilibre alimentaire, respecté. (Approbations sur plusieurs travées de l'UMP.) Regarder la télévision, jouer à un jeu vidéo le soir : voilà de véritables causes de fatigue ! (M. Roland Courteau approuve.) L’exposition continue à un écran lumineux entraîne en effet chez l’enfant un trouble de la vision, de l’humeur et du sommeil.
M. Jacques Chiron. C’est cela, la réalité !
Mme Maryvonne Blondin. Ce qui est demandé aujourd’hui, c’est que l’enfant soit envisagé dans sa globalité et que sa vie ne soit pas « saucissonnée » en tranches de temps à vocations différentes. L’enfant est une seule et unique personne, qu’il soit à l’école, à la maison ou à la garderie.
Tout à l’heure, M. Carle a cité un proverbe chinois. Pour ma part, je citerai un proverbe africain qui me paraît d’une grande sagesse : « Il faut tout un village pour éduquer un enfant. »
Mme Maryvonne Blondin. Contrairement à ce que vous disiez, monsieur Carle, le moment d’examiner cette proposition de loi est fort curieusement choisi : juste avant les municipales…
M. Jacques Chiron. Comme par hasard !
Mme Maryvonne Blondin. De plus, avec un tel calendrier, elle préempte en quelque sorte les conclusions de la mission commune d’information !
Vous souhaitez, dites-vous, par cette proposition de loi, donner de la liberté aux maires. Mais celle-ci existe ! Le décret de janvier 2013 donne une latitude aux maires pour adapter le nouveau cadre national au contexte local et procéder à toute une série de choix décisifs, même si je veux bien admettre que, dans certains départements, les DASEN ont été trop rigides, alors que vos mots d’ordre, monsieur le ministre, étaient : écoute, dialogue et conseil.
Si la liberté à laquelle vous songez, chers collègues, est celle de ne pas mettre en œuvre la réforme, de ne pas assurer l’égalité des citoyens sur le territoire national, de fracturer le système de l’éducation nationale, je ne puis y souscrire.
Certes, appréhender la globalité des temps éducatifs et leur articulation est nouveau et suscite quelque peur, mais, au final, c’est tellement enrichissant ! Ces nouveaux rythmes élargissent le champ des possibles pour apprendre autrement, pour innover dans la pédagogie.
Nous avons aujourd’hui une occasion unique de replacer l’enfant au centre de l’école. Rien n’est plus important que sa santé et son éducation, vous en conviendrez. Alors, ne passons pas à côté, mes chers collègues : laissons du temps au temps et n’instrumentalisons pas cette réforme !
Les membres du groupe socialiste ne voteront donc pas cette proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’intérêt des enfants est au cœur de nos préoccupations et doit être le principal impératif du dispositif.
Monsieur le ministre, vous osez qualifier la présente proposition de loi de « texte de contestation », alors que c’est la première fois que le Sénat est saisi de la question des rythmes scolaires !
M. André Reichardt. Tout à fait !
M. Jean-François Husson. Sans doute considérez-vous qu’il est plus démocratique d’enchaîner décrets, circulaires ou arrêtés…
Il ne s’agit ici non pas de contestation gratuite ou d’opposition a priori, mais d’un appel au débat, à l’échange, et cela dans un seul but : vous demander de ne pas oublier l’intérêt des enfants. (M. Dominique Bailly s’esclaffe.)
M. Jacques Chiron. C’est justement le contraire !
M. Jean-François Husson. La mission d’information mise en place à la demande de notre groupe poursuit ses travaux : elle prend le temps d’écouter et de comprendre les spécificités locales. J’ai d’ailleurs hâte qu’elle puisse, prochainement, rencontrer les acteurs de l’éducation et les collectivités : celles qui ont mis en place la réforme, celles qui ne savent pas comment faire, mais aussi celles qu’on peut qualifier de précurseurs parce qu’elles mènent des expériences – il y en a, notamment, dans mon département de Meurthe-et-Moselle.
Écoute et concertation : ce sont là deux principes de méthode qui font cruellement défaut, monsieur le ministre, dans la mise en place de cette réforme ! Adepte, hier, de la démocratie participative, vous avez purement et simplement décrété cette réforme, doctement peut-être, mais à coup sûr unilatéralement !
M. Roland Courteau. Et alors ?
M. Jean-François Husson. Pourtant, le préambule de la Constitution édicte que « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, la formation professionnelle et à la culture », affirmant ainsi les principes d’égalité des chances et l’obligation faite à l’État d’organiser un enseignement public respectueux des principes de gratuité et de laïcité.
Cette réforme semble pourtant oublier la responsabilité pleine et entière de l’État en matière d’éducation.
Dans l’intérêt des enfants, notre objectif prioritaire doit être l’acquisition par chacun d’eux des « fondamentaux ». On ne rappellera jamais assez combien l’échec scolaire est une forme de bombe à retardement pour notre société, que l’on prétend pourtant bâtir sur la connaissance. Nous déplorons tous ce triste bilan : 150 000 jeunes quittent chaque année le système éducatif sans qualification ; 40 % des jeunes élèves quittent l’école primaire, après huit années de scolarité, avec des bases trop fragiles et, parmi ces derniers, 15 % à 20 % sont quasiment illettrés.
L’école aggrave les inégalités dans les faits comme dans l’esprit des Français puisqu’un sur deux pense désormais que l’école n’assure plus l’égalité des chances.
Remédier d’urgence à cette situation relève de la responsabilité de l’État.
À cet égard, je me permets de regretter que la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République de juillet 2013 n’ait donné lieu qu’à un toilettage. Je regrette aussi la confusion engendrée par les « nouveaux rythmes scolaires », aux conséquences bien lourdes.
Cette réforme est, d’abord, source de confusion.
La question de l’heure de fin de l’accueil obligatoire des enfants est restée pendant très longtemps marquée par les ambiguïtés et noyée dans un flou que vous avez entretenu, délibérément ou de bonne foi, tant le cadre normatif a été changeant.
Au total, pour comprendre cette réforme et la mettre en œuvre, il aura fallu : faire abstraction du contenu de la lettre du Premier ministre aux associations d’élus en la mettant en perspective avec le projet de loi de refondation de l’école, présenté en conseil des ministres le 23 janvier 2013 ; considérer le décret du 24 janvier 2013 relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires ; considérer la circulaire relative à l’organisation du temps d’enseignement pédagogique et des activités pédagogiques complémentaires du 6 février 2013 ; considérer la circulaire interministérielle relative au projet éducatif territorial du 20 mars 2013 ; considérer le décret relatif au projet éducatif territorial et à l’assouplissement des taux d’encadrement pour les activités périscolaires du 2 août 2013 ; et, enfin, considérer l’arrêté relatif à l’encadrement des accueils de loisirs du 12 décembre 2013.
C’est là, monsieur le ministre, vous en conviendrez, pour les communes ou leurs groupements, un parcours du combattant qui témoigne du manque d’anticipation de la réforme !
Tout cela parce que vous n’avez pas assumé les conséquences pour les familles d’une fin des classes à quinze heures trente ou seize heures !
M. Jean-François Husson. Car les communes ne sont pas toutes en mesure de proposer des activités péri-éducatives jusqu’à seize heures trente, faute de moyens suffisants et d’équipements adaptés. Pourtant, les exemples proposés par le guide pratique transmis par les services de l’État en février 2013 faisaient systématiquement apparaître seize heures trente comme l’heure à laquelle les enfants pouvaient être récupérés par leurs parents.
Monsieur le ministre, vous avez entretenu la confusion et témoigné d’une profonde méconnaissance de notre organisation territoriale.
Une réforme source de confusion, mais aussi une réforme aux conséquences lourdes.
J’ai consulté, monsieur le ministre, les 594 communes de mon département à travers le questionnaire établi par la mission d’information, légèrement complété pour tenir compte des spécificités locales. Je me permets, à cet instant, de rappeler que quinze communes de notre département ont choisi d’opter pour votre réforme et que l’une d’entre elles, deuxième commune du département avec 33 00 habitants, dirigée par certains de vos amis, a préféré interrompre purement et simplement le dispositif aux dernières vacances de Noël… Nous avons obtenu 200 réponses de commune ou de groupements de communes, ce qui est considérable au regard des délais qui étaient impartis.
Je vous livre rapidement quelques éléments de synthèse sur le ressenti des communes et les difficultés évoquées : crainte d’une hausse des inégalités entre les territoires urbains et ruraux ; difficultés souvent perçues comme insurmontables pour les communes engagées dans des regroupements pédagogiques intercommunaux dispersés, car, aux problèmes de locaux et de recrutement s’ajoutent alors les difficultés de déplacements, notamment de prise en charge du coût des transports quand – cela se produit dans certains cas – les départements adoptent une position de retrait ; crainte, dès lors, de fermeture d’écoles en milieu rural, les parents risquant de délaisser les écoles de ces mêmes communes qui ne pourront pas proposer d’accueil périscolaire ; risque de recours accru aux écoles privées, notamment en milieu urbain ; enfin, coût de la réforme, car, même si elles le souhaitent, les communes pouvant proposer des activités périscolaires gratuites sont extrêmement rares.
Tout cela ne creuse-t-il pas encore les inégalités entre les enfants ?
Mme Sophie Primas. Bien sûr !
M. Jean-François Husson. Les maires et les élus locaux ont véritablement le sentiment que l’intérêt des enfants est bien mal pris en compte !
Parce que l’État ne peut porter la responsabilité d’une telle hausse des inégalités, occultant l’intérêt des enfants, il est indispensable que toute modification des rythmes scolaires donne lieu à compensation intégrale par l’État des charges supportées par les communes, lesquelles doivent aussi, monsieur le ministre, pouvoir disposer du libre choix de l’organisation du temps scolaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois encore, permettez-moi, au nom des représentants des élus locaux et des responsables de terrain que nous sommes, de tirer la sonnette d’alarme. Les parents, les enseignants et les élus locaux sont déroutés ! Comment caler un même projet sur des espaces aussi différents ?
Monsieur le ministre, comme vient de le rappeler ma collègue Catherine Morin-Desailly, il est impératif que cette année scolaire serve à dresser un bilan en mettant à profit la remontée des expériences.
En effet, dans un premier temps, de nombreuses écoles subissent une désorganisation en termes d’horaires, d’encadrement, voire d’enseignements, la réforme se traduisant par un désordre anxiogène pour tous.
Dans un second temps, apparaît une véritable dichotomie territoriale entre les agglomérations urbaines et les différentes zones rurales. Les villes disposant d’universités ou d’une forte densité de population peuvent trouver des intervenants ou des animateurs qualifiés dispensant des enseignements ou des activités de qualité. Les petites collectivités rurales situées à trente minutes ou plus des centres urbains n’ont pas forcément sous la main ce personnel, en tout cas pas dans les mêmes proportions. Les communes sont dans l’impossibilité matérielle de trouver des animateurs compétents, acceptant de parcourir de nombreux kilomètres afin de partager leurs savoirs ou leurs passions, et cela pour à peine quelques heures par jour.
À moins d’offrir aux enfants des activités périscolaires au rabais ou de ne proposer que des heures de garderie ! Ce n’est pas, me semble-t-il, l’esprit affiché de la réforme. Quoique… Si vos textes d’application en laissent la possibilité, c’est que, finalement, vous étiez conscient qu’il y a réellement un blocage physique à l’application de la réforme dans certains villages.
De nombreuses expériences ont démontré l’improvisation de cette réforme et sa nécessaire remise à plat. Combien de communes ou intercommunalités de gauche, de droite, du centre ou sans appartenance politique ont reporté cette réforme à la rentrée 2014 ! Je n’oublie pas les maires qui, ne se représentant pas, laissent le soin à leur successeur d’appliquer les nouveaux rythmes scolaires. On peut les comprendre !
Monsieur le ministre, un bilan est indispensable.
De plus, n’aurait-il pas été judicieux, pertinent, de mettre en œuvre la refonte des enseignements avant celle des rythmes scolaires ? En effet, l’émergence de nombreuses heures périscolaires destinées aux activités artistiques, culturelles et sportives aurait pu avoir une incidence sur le contenu des programmes et sur la concentration des apprentissages fondamentaux. Mais la précipitation dans l’application du décret a évacué cette question.
De surcroît, les enseignants organisaient déjà leurs matières aux moments les plus opportuns, aux heures où les enfants étaient les plus réceptifs.
Vous aviez annoncé une refonte des vacances annuelles et l’éventuel raccourcissement des vacances d’été. Où en êtes-vous de ces réflexions ? Comment appréciez-vous l’avis du Conseil supérieur de l’éducation, rendu à l’unanimité, contre votre nouveau projet de calendrier ?
Un autre élément aurait pu donner plus de corps à cette réforme : les outils numériques. Ils sont susceptibles d’améliorer les activités proposées, d’être un levier de continuité éducative entre le scolaire et le périscolaire, donc de favoriser le flux des contenus et la coordination administrative.
Mais ces équipements, eux aussi, nécessitent des moyens financiers, une couverture optimale de notre pays et un accompagnement accru de l’État. Or l’ensemble de notre territoire n’est pas prêt. Une fois de plus, nous nous trouvons encore devant une inégalité territoriale.
Il est un dernier point essentiel, c’est naturellement le financement de ce dispositif, qui fait l’objet de l’article 3 de la présente proposition de loi.
Les communes sont, pour le moment, indemnisées – et encore est-ce bien en deçà du coût réel –, mais pour combien de temps ? La pérennité sur un an ne va pas être commode, monsieur le ministre !
Le Président de la République a annoncé, lors de sa conférence de presse de la semaine passée, une baisse des dépenses publiques – encore une ! – de 50 milliards d’euros entre 2015 et 2017, s’ajoutant à celles qui étaient déjà prévues l’année dernière. Allez-vous supprimer les compensations de cette réforme ? Allez-vous continuer la baisse des dotations aux collectivités ?
Monsieur le ministre, cessez de prétendre que nous n’avons rien compris…
Mme Françoise Cartron. Il n’a jamais dit cela !
Mme Françoise Férat. … ou, pis encore, que nous faisons de cette question un enjeu de politique politicienne !
M. Yves Daudigny. C’est pourtant la vérité !
Mme Françoise Férat. L’État doit assumer ses directives après avoir fait un diagnostic partagé des expériences locales. L’avenir de nos enfants impose que nous ayons cette exigence !
Pour toutes ces raisons, dans sa grande majorité, le groupe de l’UDI-UC votera ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Sittler.
Mme Esther Sittler. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme des rythmes scolaires est au cœur des préoccupations quotidiennes des représentants des collectivités territoriales que nous sommes, au Sénat.
En tant que maire d’une commune rurale de 928 habitants, j’ai dû moi-même consulter les parents pour la rentrée prochaine et le conseil municipal a décidé à l’unanimité de ne pas appliquer le décret du 24 janvier 2013. Nombre de collègues maires de mon département ont fait de même.
Je n’ai pourtant pas un caractère frondeur et les Alsaciens sont plutôt réputés pour être des gens disciplinés.
Mme Esther Sittler. Nous ne sommes d’ailleurs pas un cas isolé puisque seules 3 852 communes ont adopté la réforme en 2013 et que plus de 80 maires ont déjà annoncé leur refus pour la rentrée 2014.
Ce rejet est donc le reflet de l’inadaptation du décret de janvier 2013 à la situation de communes telles que la mienne et, surtout, de son caractère beaucoup trop uniforme. Il ignore tant les spécificités locales que les besoins des enfants. Il impose de lourdes contraintes aux communes sans concertation ni compensation financière suffisante et pérenne dans un contexte de réduction des dotations de l’État.
Cette réforme porte atteinte au principe de libre administration des collectivités locales. C’est la raison pour laquelle le président Jean-Claude Gaudin et nous-mêmes, sénateurs du groupe UMP, présentons aujourd’hui cette proposition de loi qui vise à rétablir l’équilibre sans remettre en cause la nécessité de revoir la question des rythmes scolaires.
Ce texte offre davantage de souplesse, premièrement, en accordant une liberté de choix aux maires dans l’organisation du temps scolaire en concertation avec les acteurs concernés et, deuxièmement, en posant le principe de compensation par l’État des charges supplémentaires supportées par les communes en raison d’une modification des rythmes scolaires.
Dans ma commune, ainsi que dans de nombreuses communes rurales, le caractère uniforme du nouveau dispositif n’est nullement adapté.
L’école de mon village compte 82 élèves répartis en deux classes élémentaires et une classe maternelle, avec des locaux qui, matériellement, ne nous permettraient pas d’accueillir les activités extrascolaires dans les seules salles de classe. Nous devrions, par conséquent, assurer l’accompagnement des enfants vers la salle communale, avec les difficultés logistiques qui en découlent pour la commune et un temps de trajet qui réduirait comme peau de chagrin la durée des ateliers.
Comme les 40 % de maires interrogés par l’AMF, je confirme que recruter des animateurs qualifiés est un grand souci. La solution de simplicité reviendrait à recourir aux ATSEM – agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles – et aux agents communaux. Or, dans ma commune, il n’y a qu’un seul ATSEM et qu’un employé communal : ils ne pourraient, à eux seuls, prendre en charge autant d’enfants.
Par ailleurs, quid de la qualité des interventions que ces derniers pourraient proposer aux enfants ? Quel intérêt y a-t-il à réduire le temps passé au calme dans la classe sous la responsabilité d’un instituteur qualifié au profit d’heures de simple garderie ?
Enfin, si l’on confie de nouvelles tâches aux ATSEM, qui va assurer les tâches de ménage et de rangement qui leur incombent après la classe ?
Et quel est le rapport bénéfice-coût lorsqu’on sait que les 50 euros du fond d’amorçage ne représentent qu’un tiers du coût estimé et que ce fonds n’a pas vocation à être pérennisé ?
Les parents de ma commune ont refusé catégoriquement de prendre à leur charge le coût supplémentaire de périscolaire que cela impliquerait et les petites communes telles que la mienne n’ont pas les ressources suffisantes.
Si l’intention initiale d’une démocratisation de l’accès à la culture et au sport est louable, la réalité est moins plaisante ! Le résultat, c’est que le fossé entre enfants du monde rural et du monde urbain ne fera que se creuser. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Catherine Troendlé. C’est vrai !
Mme Esther Sittler. Il y aura les enfants des villes et les enfants des champs !
En outre, dans nos petites écoles, si les ateliers devaient se dérouler dans les salles de classe, que deviendrait l’aide personnalisée assurée par les enseignants pour les élèves en difficulté ? Là encore, les inégalités entre les territoires et entre les élèves vont se creuser.
Les enseignants sont, en outre, quelque peu réticents à céder leur salle de classe, pour des raisons de confidentialité. Ils y laissent dossiers scolaires et documents personnels qu’ils ne peuvent rapporter chez eux chaque soir.
Si chacun s’accorde à reconnaître que les petits Français passent trop de temps sur les bancs de l’école par rapport à leurs camarades d’autres pays européens, n’aurait-il pas été plus simple de repenser le temps scolaire sur l’année – c’est aussi une demande des parents de ma commune –, et non sur la semaine, en réduisant la durée des grandes vacances ou le nombre de zones ?
Je regrette, monsieur le ministre, que vous n’ayez pas pris le temps de la concertation avec les acteurs de terrain et que cette précipitation se fasse au détriment de nos enfants, de leurs parents et des collectivités locales.
Vous êtes bien conscient, d’ailleurs, des gros défauts de cette réforme puisque vous avez récemment décidé, face aux difficultés de mise en œuvre, de prolonger le fonds d’amorçage en 2014 et d’assouplir les normes d’encadrement au détriment, là encore, de la qualité des activités. Cela n’est malheureusement pas suffisant pour sauver une réforme mal préparée et inadaptée.
C’est la raison pour laquelle je voterai sans hésiter la présente proposition de loi, qui fait confiance aux communes pour s’organiser au mieux dans le respect des intérêts de chacun et de la concertation, et qui prévoit une juste compensation des charges transférées.
La discussion de cette proposition de loi est également l’occasion pour nous, législateurs et représentants des collectivités locales, de nous exprimer sur un enjeu qui nous concerne directement et dont nous avons été dessaisis à la suite de l’imposition de nouvelles règles par la voie réglementaire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la diversité et la qualité de vos interventions.
Je répondrai uniquement sur deux points, car la suite de la discussion, qui sera sans doute longue, me permettra de revenir sur d’autres questions.
Tout d’abord, depuis le début de cette discussion, j’ai l’impression que nous sommes engagés dans un dialogue de sourds, préjudiciable aux uns et aux autres et qui peut donner lieu à des malentendus. Il s’agit, au fond, d’un point de droit.
Le temps scolaire relève de l’État puisqu’il est assuré par des fonctionnaires de l’État, de même que l’État est responsable des programmes. Ce temps n’a absolument pas changé dans sa durée. Simplement, pour faire droit à beaucoup d’arguments que vous avez vous-même développés, nous l’avons mieux réparti, de façon que les journées soient plus courtes. Le nombre de jours d’école est plus important, l’année scolaire est donc plus étendue, ce qui permet de mieux lire, écrire et compter (M. André Reichardt s’exclame.), en revenant globalement à ce qui existait auparavant. On rajoute le mercredi matin ou le samedi matin. Je ne vois pas là de difficulté, et c’est avant tout le sens de cette réforme.
Par ailleurs, il y a ce qui se passe après le temps scolaire. Aujourd’hui, à cet égard, des expérimentations sont menées – celle qui a lieu en Meurthe-et-Moselle a été évoquée – et certains établissements se sont déjà organisés différemment. L’après-temps scolaire relève, lui, de la libre administration des collectivités locales. Certaines ont mis en place des accueils. Les unes proposent des activités, les autres non.
Il apparaît que l’écart en termes d’activités périscolaires est actuellement de 1 à 10. Ce sera mon second point, mais j’en parle dès à présent puisque vous êtes préoccupés par les inégalités : il est temps quand on voit les résultats !
D’ailleurs, je note que vous ne vous interrogez pas sur ce que faisaient, jusqu’à ma réforme, les enfants le mercredi matin.
Comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, selon l’INSEE, la proportion d’enfants qui vont bénéficier d’activités va passer de 20 % à 80 %, soit une multiplication par quatre.
S’agissant du temps périscolaire, je suis absolument d’accord : c’est votre liberté. De ce point de vue, je ne vois pas où est le problème ! Mais votre proposition ne consiste pas à dire que vous voulez de la liberté sur le temps périscolaire : vous l’avez, et plus encore qu’avant ! (Eh oui ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Ce que vous voulez, c’est fixer vous-mêmes le temps scolaire, et cela constituerait véritablement une rupture avec le principe républicain et constitutionnel. (Protestations sur les travées de l'UMP.) C’est ce qui est écrit dans votre proposition de loi ! Et Xavier Bertrand avait fini par en convenir.
Notre débat repose donc sur un malentendu. Je ne comprends pas votre argumentation. Si vous ne voulez pas faire d’activités périscolaires, si vous voulez libérer les enfants à quinze heures quinze, vous le pouvez et vous n’avez jamais eu autant de liberté pour le faire !
Permettez à l’État de s’occuper de l’instruction publique, du « lire, écrire, compter » ! Cela suppose des enseignants formés et du temps scolaire. Je ne change pas la durée, je la répartis mieux.
Je ne comprends pas d’où vient ce malentendu ! J’ai été très sensible à votre argumentation sur la confusion entre le scolaire et le périscolaire. Sur ce point, vous avez raison. Mais que faites-vous aujourd’hui ? Vous nous soumettez une proposition dont je me demande si vous percevez bien vous-mêmes les incidences.
Sur le périscolaire, il n’y a aucun problème. Les collectivités locales ont davantage de liberté, ce qui pose des difficultés à nombre d’entre elles. Mais nous n’allons pas faire le moindre reproche ni même la moindre réflexion aux collectivités quant à leurs choix en termes de répartition du temps ou d’activités proposées, non plus que si elles décident de ne rien faire du tout. Tout cela relève de leur responsabilité : c'est à leurs administrés qu’elles rendront des comptes !