Mme Catherine Troendlé. On est d’accord !
M. Vincent Peillon, ministre. C’est ma responsabilité de ministre de le dire : pour apprendre à lire, écrire et compter aux enfants de ce pays, il faut cinq demi-journées de classe.
La grande réforme à mettre en place, selon vous, serait de diminuer un peu la journée de classe. Vous avez raison ! La journée de six heures est une particularité française, et elle est ancienne. C’est d’ailleurs pour cela que cette réforme crée de tels bouleversements.
S’agissant du mercredi matin, ou du samedi matin pour ceux qui le souhaitent, on peut encore s’arranger. On ne s’occupait pas, depuis quatre ans, de ce que faisaient les enfants lorsqu’ils n’étaient pas à l’école. Aujourd’hui, l’éducation nationale, donc l’État, les prend en charge, en assurant l’enseignement ; et c’est gratuit. Toutefois, nous diminuons, effectivement, la durée de la journée : c’est là que les choses se compliquent.
Nous le faisons parce que tout le monde le recommande. Tout le monde sait, en effet, qu’il n’est pas excellent pour un enfant de six ans qui est au cours préparatoire de commencer les apprentissages fondamentaux à seize heures, alors qu’il a commencé sa journée à huit heures trente.
Mme Catherine Troendlé. Tout à fait.
M. Vincent Peillon, ministre. Le travail que nous menons vise donc à changer une habitude séculaire. C’est en effet la première fois que l’on raccourcit la journée scolaire dans notre pays.
Au lieu de la diminuer de trois quarts d’heure, il aurait fallu ôter une heure, dites-vous. Cette proposition, prévue par mon prédécesseur, figurait d’ailleurs dans un rapport adopté à l’unanimité, donc aussi par les groupes qui sont aujourd’hui dans l’opposition.
Actuellement, la durée de la journée est donc de cinq heures et quart. Le problème que pose la journée de cinq heures, laquelle me semblait également être la bonne solution, c’est précisément que les collectivités locales consultées ne l’ont pas souhaitée, car cela aurait ajouté une heure d’activités périscolaires aux trois heures qu’elles doivent déjà assumer.
La réforme se fait aujourd’hui à temps constant pour le service horaire des enseignants, puisque ces trois heures d’activités périscolaires sont compensées par les trois heures du mercredi matin. S’il y avait eu quatre heures d’activités, il y aurait eu un transfert : on aurait retiré une heure d’enseignement « éducation nationale ». Là, il n’y a pas une minute en moins.
Cette décision est le fruit d’une concertation, qui n’a jamais été aussi longue, avec les collectivités locales. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-François Husson. C’est la meilleure !
M. Vincent Peillon, ministre. Cette concertation nous a conduits, à la demande des collectivités locales, à fixer la durée de la journée scolaire à cinq heures et quart, et non pas à cinq heures. Dans le même temps, nous laissons les collectivités organiser ce temps librement, par exemple en raccourcissant la journée d’une heure et demie, ou de trois quarts d’heure, ou encore en organisant les activités lors de la pause méridienne. Accorder une telle liberté aux collectivités locales, dans la concertation, cela ne s’était jamais produit : cette situation a désemparé de nombreux maires. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
M. Jean-François Husson. C’est extraordinaire !
Mme Maryvonne Blondin. Voilà !
M. Vincent Peillon, ministre. La liberté doit s’accompagner de responsabilité, voire d’intelligence. La liberté suppose d’être éclairée, on le sait depuis Condorcet, et l’école en est le premier garant. Hélas, ces lumières ne s’étendent pas à tous, et certains n’hésitent pas à se contredire d’une année sur l’autre : après avoir milité pour la journée de cinq heures, la semaine de quatre jours et demi et l’allongement de l’année scolaire, ils ont soudain bien du mal à traduire leurs engagements d’hier en actes d’aujourd’hui.
Cette refondation, globale, porte aussi sur le temps scolaire, et ce avec un seul objectif : la réussite scolaire de tous les enfants.
Vous le savez également, un autre sujet s’y est greffé, celui des activités périscolaires, qui concernent aujourd’hui, selon l’INSEE, 20 % des enfants.
Jusqu’à présent, ces activités étaient obligatoirement payantes, même si leur montant était parfois symbolique. Nous nous sommes rendu compte, comme chacun a pu le faire, non seulement que le « mauvais temps » scolaire était préjudiciable – rappelons-nous les performances scolaires de nos élèves –, mais que les inégalités éducatives, qu’elles concernent l’accès au sport, à la musique, ou le temps consacré aux devoirs après la classe, posaient de nombreux problèmes, même si elles font le bonheur d’officines privées, et n’étaient pas prises en charge par la communauté nationale.
Avec cette réforme, toujours selon l’INSEE, la proportion des enfants ayant accès aux activités périscolaires passera de 20 % à 80 %. Les associations s’en réjouissent, et vous verrez que cela constituera pour elles, à terme, un formidable levier de progression.
Demain, quatre fois plus d’enfants auront accès, après la classe, à des activités de qualité,…
Mme Catherine Troendlé. Avec quelles associations ?
M. Vincent Peillon, ministre. … lesquelles, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, pourront être gratuites, puisque nous avons modifié les règles d’affectation des fonds des caisses d’allocation familiale. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. C’est extraordinaire !
M. Bruno Retailleau. Ces activités sont payées par les contribuables !
M. Vincent Peillon, ministre. Animé par la curiosité, je me suis demandé ce que vous aviez fait pour l’école au cours des dernières années. (Ah ! sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Je me suis rendu compte que vous l’aviez essentiellement blessée (C’est vrai ! sur les travées du groupe socialiste.), en supprimant des postes, en mettant fin à la formation des enseignants, en raccourcissant le temps scolaire, en étant incapables de pérenniser les personnels qui accompagnent les enfants en situation de handicap et en mettant la France dans la situation où elle se trouve aujourd’hui, au dernier rang en termes d’inégalités et en pleine détérioration de ses performances scolaires. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Claude Lenoir. Vous devenez polémique, monsieur le ministre !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ne reniez pas votre bilan, chers collègues de l’opposition !
M. Vincent Peillon, ministre. Aujourd’hui, vous ne pouvez plus agir sur les politiques d’État. Aussi, nous créons des postes, nous remettons en place la formation, nous luttons contre la violence et le harcèlement.
Toutefois, il vous reste des responsabilités locales. Je souhaite sincèrement que vous fassiez mieux, à ce niveau, que lorsque vous exerciez des responsabilités nationales.
M. Jean-Claude Lenoir. Cela commençait pourtant bien...
M. Vincent Peillon, ministre. Nous avons fait le choix de la priorité à l’école, du redressement éducatif du pays, de la refondation républicaine, et nous avons voulu, et voulons toujours, y associer les collectivités locales. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Troendlé. « Associer » ?
M. Vincent Peillon, ministre. Pour ce faire, nous avons porté les lois de décentralisation. Aujourd’hui, vous l’avez vu, votre proposition de loi n’est pas soutenue par l’Association des maires de France.
M. Jacques-Bernard Magner. Tout à fait !
M. Vincent Peillon, ministre. L’Association des maires ruraux de France demande que l’on sensibilise mieux les élus locaux à cette réforme, et son président l’a, pour sa part, déjà mise en place.
L’Association des maires de France ayant, après les éructations de quelques-uns (Protestations sur les travées de l'UMP.), mené une véritable enquête, elle a découvert que 70 % des maires qui ont mis en place cette réforme – et ils ne sont pas tous de gauche ! – en sont satisfaits.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, il n’est pas incongru de considérer quelquefois que l’on peut servir le pays autrement qu’en reprenant les postures de son parti politique.
Mme Catherine Troendlé. Cela n’a rien à voir !
M. Vincent Peillon, ministre. Lorsqu’il s’agit de l’école, lorsque l’on dispose des chiffres d’organisations internationales qui jugent un bilan, lorsque l’on a soi-même rédigé des rapports et conclu qu’il fallait revenir à la semaine de quatre jours et demi, il peut y avoir un certain honneur à faire de la politique.
M. Jean-Claude Lenoir. Faites donc de la politique et non de la polémique !
M. Jacques-Bernard Magner. C’est vous qui polémiquez !
M. Vincent Peillon, ministre. Justement, je vous y engage, monsieur Lenoir. Arrêtez la politique politicienne ! Regroupez-vous autour de votre école et essayez d’amender ce que vous avez fait pendant cinq ans.
M. Jean-Claude Lenoir. Vous rabaissez votre fonction.
M. Vincent Peillon, ministre. L’adoption de la présente proposition de loi conduirait à ce que les collectivités locales, qui n’ont jamais eu autant de pouvoirs pour définir, avec l’éducation nationale, le temps péri-éducatif,…
Mme Catherine Troendlé. Elles n’en ont pas les moyens !
M. Vincent Peillon, ministre. … fixent elles-mêmes le temps scolaire.
Monsieur Carle, ce que vous proposez aujourd’hui, ce n’est pas un progrès, c’est la destruction même de l’éducation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Maryvonne Blondin. Absolument !
M. Vincent Peillon, ministre. C’est la mise à bas du cadre commun de la République.
Utilisez les nouvelles libertés locales qui vous sont données et ne vous attaquez pas à la République. Ayez de la cohérence dans vos actions et participez au redressement de la France. Ce sera votre honneur. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Claude Lenoir. C’est incroyable !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
M. Jean-François Husson. Chère collègue, soyez comme M. le ministre, ouverte et tolérante ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Françoise Cartron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, d’exprimer mon étonnement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Dois-je rappeler que, sur l’initiative des membres du groupe UMP, qui sont à l’origine de cette proposition de loi, une mission commune d’information sénatoriale a été constituée au mois de novembre dernier ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Les deux sont complémentaires !
Mme Françoise Cartron. Elle a pour objectif de dresser un état des lieux circonstancié de la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires et d’en évaluer le coût. Je vous remercie d’ailleurs de m’avoir nommée rapporteur de cette mission.
Mme Sophie Primas. On ne l’a pas fait exprès !
Mme Françoise Cartron. Aujourd'hui, je suis quelque peu surprise. Alors que nous sommes au début de nos travaux et qu’il est prévu que le rapport soit rendu à la fin de ce semestre,...
Mme Catherine Troendlé. C’est un bilan d’étape !
Mme Françoise Cartron. ... alors que notre cycle d’auditions se poursuit et qu’aucun déplacement n’a encore été effectué, vous en préemptez déjà les conclusions en déposant une proposition de loi qui « offre une solution souple et pragmatique pour sortir de l’ornière de la réforme des rythmes scolaires ».
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. C’est tout à fait complémentaire, je le répète !
M. David Assouline. C’est de la préemption idéologique !
M. Jacques-Bernard Magner. Il y a un piège !
Mme Françoise Cartron. Ma surprise est d’autant plus grande que la quasi-totalité des personnes auditionnées jusqu’à présent saluent le bien-fondé de la réforme et que, dans mes souvenirs, aucune d’entre elles n’a parlé d’ « ornière » ! Je prends à témoin la présidente de la mission commune d’information.
Mme Catherine Troendlé. Plus de souplesse, voilà ce qui a été souvent demandé !
Mme Françoise Cartron. Des difficultés dans la mise en œuvre pratique ont certes été pointées. Il ne s’agit en aucun cas de les nier. Il s’agit même pour nous, parlementaires, de formuler des préconisations et de proposer des solutions pérennes.
Mme Catherine Troendlé. Ce que nous proposons est une solution !
Mme Françoise Cartron. Sur ce point, soyons honnêtes et reconnaissons que, depuis la publication du décret, le Gouvernement n’a jamais été sourd aux problématiques exprimées par les acteurs de la communauté éducative, en particulier par les élus locaux. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-François Husson. C’est faux !
Mme Françoise Cartron. Je rappelle les décisions prises : report d’une année pour les communes souhaitant bénéficier d’un temps supplémentaire de concertation, pérennisation du fonds d’amorçage à la rentrée prochaine pour toutes les communes,…
Mme Catherine Troendlé. Et ensuite ?
Mme Françoise Cartron. … accompagnement financier de l’État pour les activités périscolaires – c’est inédit –, assouplissement des taux d’encadrement pour les activités périscolaires, liberté octroyée aux communes de choisir entre le mercredi et le samedi, de prévoir un temps périscolaire de 45 minutes ou de 90 minutes et de placer ces activités en fin de journée ou à la pause du midi.
Vous souhaitez accorder plus de liberté aux maires. Pourtant, jamais ils n’ont été aussi libres pour l’organisation des temps péri-éducatifs ! A contrario, monsieur le ministre, certains demandent un cadre plus strict, loin de ce que propose le texte dont nous avons aujourd’hui à débattre.
Cela étant, je souhaite revenir point par point sur les « carences » que vous dénoncez et qui justifieraient, à vos yeux, le dépôt de cette proposition de loi.
Vous regrettez l’absence de dispositifs d’évaluation de la réforme. Je rappelle toutefois qu’un comité de suivi de l’application des rythmes scolaires a été mis en place. Il évalue régulièrement et a présenté un point d’étape mettant en avant les apports essentiels et rappelant les enjeux fondamentaux de la réforme. Il établit par ailleurs les bonnes pratiques qui peuvent d’ores et déjà être diffusées et formule des recommandations pour améliorer, sur le terrain, la mise en œuvre de cette « nouvelle semaine. »
Je vous confirme également que, dans les prochains jours, le Conseil national d’évaluation du système scolaire, prévu dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, verra le jour. En outre, je le répète, la mission commune d’information que préside Mme Troendlé et dont je suis la rapporteur s’inscrit également dans le cadre de cette évaluation.
Vous déplorez l’absence de perspective concrète d’amélioration des résultats des élèves. Vous dénoncez également une méthode autoritaire de mise en œuvre. Une nouvelle fois, je dois le dire, j’ai quelque difficulté à vous suivre.
Si vous entendez par là que la réforme des rythmes n’est pas suffisante pour répondre, à elle seule, aux difficultés de notre système public d’éducation, c’est entendu.
Mme Catherine Troendlé. C’est cela !
Mme Françoise Cartron. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons voté ici même une loi qui entend refonder l’école en envisageant la problématique sous tous ces angles, une loi ambitieuse qui accorde de nouveau la priorité à l’enseignement primaire et qui se donne les moyens budgétaires d’y parvenir.
M. Pierre Martin. Non !
Mme Françoise Cartron. Cependant, cette réforme des rythmes scolaires n’en est pas moins nécessaire et participe pleinement de cette ambition. En 2011, la consultation engagée par M. Chatel, alors ministre de l’éducation nationale, concluait à l’unanimité qu’il fallait alléger les temps éducatifs et mettre fin à la semaine de quatre jours.
À votre tour, monsieur le ministre, vous avez lancé une consultation qui est parvenue aux mêmes conclusions, approuvées par tous les participants. Pourquoi ? Cela a été rappelé, parce que les rythmes d’apprentissage, dans notre pays, sont insoutenables : nous avons la journée la plus longue et l’année la plus courte.
Cette concentration anormale du temps scolaire est préjudiciable en premier lieu aux enfants les plus fragiles socialement. Or la dernière enquête PISA est venue rappeler que, en termes de reproduction des inégalités sociales, notre école était première de la classe. Eh oui ! Sur ce sujet, monsieur le rapporteur, nous ne manquons pas d’évaluation… Que vous l’acceptiez ou non, ces résultats sont, hélas, la traduction de l’échec des politiques mises en œuvre ces dernières années, en particulier par votre majorité pendant dix ans. Ils appellent de votre part comme de celle de tous, je le crois, beaucoup d’humilité et d’autocritique.
Mme Sophie Primas. Nous n’avons pas de leçon à recevoir de vous !
Mme Françoise Cartron. Or la proposition de loi déposée va à l’encontre du consensus dégagé. Si elle était adoptée, elle donnerait en réalité la possibilité aux maires de conserver la semaine de quatre jours. En d’autres termes, elle permettrait que rien ne change.
Mme Maryvonne Blondin. Exact !
M. Jacques-Bernard Magner. C’est l’immobilisme !
Mme Françoise Cartron. Pourquoi le temps scolaire ne pourrait-il pas, demain, sur certains territoires, être concentré plus qu’il ne l’est aujourd’hui ? Ne pourrait-on, par exemple, envisager que, en raison des circonstances locales, touristiques ou autres, il soit prévu sur trois jours et demi, si cela convient à certains ? En défaveur de qui cela se ferait-il, sinon toujours des mêmes, à savoir les enfants les plus fragiles, les plus éloignés de l’école, ceux qui ont besoin de plus temps pour apprendre ?
Mme Sophie Primas. Pour qui prenez-vous les maires ?
Mme Françoise Cartron. Je l’affirme : adopter ce texte serait assurément ouvrir la boîte de Pandore. Les conséquences iraient à l’encontre de tous les travaux menés ces dernières années dans l’intérêt supérieur des enfants.
Concernant les termes d’« impréparation » et d’« autoritarisme », qui ont été employés pour qualifier cette réforme,…
M. Jean-François Husson. À juste titre !
Mme Françoise Cartron. … ils s’appliquent en priorité à la façon dont M. Xavier Darcos a imposé la semaine de quatre jours il y a cinq ans, par voie réglementaire et sans débat ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Maryvonne Blondin. Bien sûr !
M. Jacques-Bernard Magner. Elle a raison !
Mme Françoise Cartron. Cette impréparation, il la reconnaît lui-même, puisqu’il défend désormais le retour à une semaine de quatre jours et demi.
Mme Catherine Troendlé. Vous êtes de mauvaise foi !
Mme Françoise Cartron. Vous pointez ensuite du doigt des modalités pratiques de mise en œuvre « confuses et changeantes », ainsi qu’un manque d’information regrettable. Il est tout à vrai qu’il faut remédier aux problèmes identifiés, territoire par territoire.
M. André Reichardt. Voilà, c’est ce que nous voulons faire, commune par commune !
Mme Françoise Cartron. C’est bien à cela que nous travaillons au sein de la mission commune d’information et, mes chers collègues, faites-moi confiance pour n’éluder aucun problème.
Même si certaines défaillances ponctuelles apparaissent, elles se font jour dans un contexte global de satisfaction. Ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est l’Association des maires de France, présidée par M. Pélissard, député-maire UMP de Lons-le-Saunier.
Mme Catherine Troendlé. Seules 5 % des communes sont satisfaites !
Mme Françoise Cartron. Les chiffres ont été rappelés.
J’en viens au manque d’information dont souffrent les élus. Je l’ai parfois constaté dans mon département, c’est vrai. Certains relais fonctionnent moins bien qu’ils ne le devraient. Sur ce point, nous formulerons des préconisations. Cependant, excusez-moi, cette proposition de loi n’y répond pas.
Ce que réclament les élus, ce n’est pas une nouvelle loi ou un changement de cap,…
Mme Catherine Troendlé. C’est de l’argent !
M. Bruno Retailleau. C’est un moratoire !
M. Jean-François Husson. C’est un capitaine de pédalo ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Françoise Cartron. … c’est un accompagnement de qualité, c’est de pouvoir travailler le plus sereinement possible à l’élaboration de leur projet et à la mise en œuvre pratique de la réforme.
Ce que je crains par-dessus tout, c’est que, sous couvert de donner aux maires la liberté de choix, on ne veuille plus généralement remettre en cause le service public national d’éducation, auquel, pour notre part, nous tenons. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est absolument cela !
Mme Françoise Cartron. Nous le refusons catégoriquement ! En la matière, il existe des précédents très regrettables qui constituent, eux, de véritables « ornières ».
L’assouplissement de la carte scolaire a également été considéré comme une « solution souple et pragmatique » pour remédier à l’homogénéisation sociale croissante de nos établissements. Il s’agissait d’offrir la liberté aux familles d’inscrire leurs enfants dans l’établissement de leur choix. Tout cela était parfait. Quel succès aujourd’hui ! Loin de favoriser la mixité dans les établissements scolaires, cette prétendue liberté n’a fait que creuser les inégalités déjà existantes, profitant en premier lieu aux plus avertis.
Et que dire des résultats de l’enquête PISA que nous avons déjà rappelés ? Nous le savons, l’école française régresse et voit ses résultats reculer. Oui, aujourd’hui, il s’agit de réagir.
L’accompagnement financier des communes est aujourd’hui garanti pour la rentrée prochaine. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Troendlé. Pour un an ! Et après ?
M. Jean-Claude Lenoir. Et en 2015 ?
Mme Françoise Cartron. Chaque chose en son temps, chers collègues.
En conclusion, je rappelle que l’enjeu de cette réforme est aussi de faire travailler ensemble des acteurs de la communauté éducative, qui n’en avaient pas l’habitude. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. André Reichardt. Mais oui, bien sûr !
Mme Françoise Cartron. Ce travail collectif accroîtra la confiance dans l’école de notre pays. De cette confiance, notre école a assurément besoin. Il y va ni plus ni moins de notre cohésion nationale et de notre avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Sophie Primas. Amen ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au mois de décembre dernier, les résultats de l’enquête PISA pour 2012 plaçaient la France dans la moyenne des pays de l’OCDE et mettaient en lumière l’écart grandissant, depuis neuf ans, entre le niveau des élèves très performants et celui des élèves en difficulté.
Je ne souhaite pas accorder une importance excessive aux classements et j’estime pour ma part que la fatalité n’existe pas. Cependant, deux aspects de ces évaluations ont particulièrement attiré mon attention.
D’une part, le système éducatif français est devenu le plus inégalitaire après celui de la Nouvelle-Zélande, ce qui met à mal les principes fondamentaux sur lesquels nous avons bâti notre République, ainsi que notre système d’instruction, et auxquels, vous le savez, les radicaux sont profondément attachés.
D’autre part, les élèves français sont, semble-t-il, devenus anxieux. C’est le constat déjà souligné en 2010 par l’académie de médecine, lorsque celle-ci estimait que la semaine de quatre jours ne respectait pas les rythmes biologiques et psychophysiologiques naturels de l’enfant. Elle recommandait alors d’étaler les enseignements sur quatre jours et demi ou cinq jours.
Conformément au large consensus qui s’était dégagé en faveur de la réforme des rythmes scolaires, vous avez, monsieur le ministre, décidé d’agir en ce sens dès la rentrée 2013-2014, avec la création d’un fonds d’amorçage consacré par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République et grâce aux aides de la Caisse nationale des allocations familiales.
Le nombre de jours d’enseignement est ainsi passé de 144 à 180 et se rapproche de la moyenne de l’OCDE, qui se situe à 187 jours. Cette meilleure répartition horaire des enseignements devrait contribuer au bien-être des élèves et réduire leur état de fatigue et d’anxiété.
Contrairement à ce que prétendent les détracteurs de la réforme, la concertation a eu lieu. Ce n’est donc pas sur ce fondement que peuvent s’appuyer les critiques. Les communes ont été associées, ne l’oublions pas, ce qui ne fut pas le cas en 2008, puisque le passage à la semaine de quatre jours s’était réalisé de manière quelque peu brutale, et pas toujours dans l’intérêt de l’enfant.
Les conséquences de la réforme des rythmes scolaires sont encore difficiles à évaluer en l’état. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une mission commune d’information a été créée en octobre dernier à la demande du groupe UMP. Par respect pour les travaux en cours, il conviendrait d’attendre le rapport de cette commission et d’éviter toute précipitation.
Oui, des incidents ont été relevés dans certains établissements, notamment à Paris, il ne faut pas le nier. Il faut accorder du temps aux communes pour s’organiser, et elles y parviennent après une période de transition parfois complexe.
En Haute-Garonne, la plupart des communes avaient choisi de conserver, avec satisfaction, la semaine de quatre jours et demi. Au niveau national, nous avons connu la semaine de quatre jours et demi jusqu’en 2008. Nous pouvons donc y revenir.
Mme Maryvonne Blondin. Eh oui, ce n’est pas si lointain !
Mme Françoise Laborde. Évaluons avant de céder à la réticence au changement, car le système éducatif a besoin de stabilité et de sérénité.
Les obstacles sont aussi financiers. D’ailleurs, nous aurions davantage compris qu’une proposition de loi soit déposée dans l’intention de pérenniser le fonds d’amorçage après 2015.
Au lieu de proposer des réponses concrètes, les auteurs de la proposition de loi préfèrent de nouveau bouleverser notre système éducatif, sans imaginer un instant les effets néfastes que la liberté de choix des maires en matière d’organisation du temps scolaire pourrait avoir sur l’ensemble du territoire. Ils ont opté pour une remise en cause du principe de l’égalité républicaine.
Nos collègues se méprennent lorsque, par affichage et à la veille des élections municipales, ils oublient que l’éducation doit avant tout revêtir un caractère uniforme et national.
Ce service public national a, bien sûr, de fortes répercussions sur la vie locale, mais cela ne justifie aucunement que son organisation soit éclatée. Qu’est-ce que cela signifierait, mes chers collègues ? Que les élèves des communes riches bénéficieraient de journées plus clémentes et que ceux des communes défavorisées seraient pénalisés par des journées plus chargées ? N’est-on pas en train de proposer de revenir à la semaine de quatre jours ?
En outre, les auteurs du présent texte prétendent qu’il n’existe pas d’outil contractuel entre les collectivités territoriales et l’État, ce qui est faux, car les projets éducatifs territoriaux sont élaborés sur l’initiative des communes ou des EPCI et associent l’ensemble des acteurs éducatifs.