M. Richard Yung. Soutenues !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … je veux me féliciter de ce travail, qui a été considérable et qui a permis de maintenir les dépenses de façon très rigoureuse dans la perspective qui avait été annoncée, tout en apportant un certain nombre d’ajustements nécessaires. Le projet de loi de finances rectificative pour 2013 complète utilement les dispositions que nous avions examinées dans le projet de loi de finances pour 2014.
Mes chers collègues, prenant appui sur les positions que j’ai exprimées pour l’adoption du PLF, je veux vous rappeler que la situation actuelle des finances publiques de notre pays est extrêmement difficile et inquiétante pour l’avenir, puisque, comme nous avons souligné, en ce qui concerne les finances de l’exercice 2013 sur lesquelles nous adoptons les derniers ajustements, les dépenses de notre pays atteignent un total de 370 milliards d’euros, et 21 % d’entre elles ne sont pas financées.
En 2013, après dix années d’une gestion que je qualifierai d’hasardeuse (M. Philippe Dallier s’exclame.)…
M. Richard Yung. D’erratique !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … pour ne pas dire de calamiteuse, avec laquelle le déficit de la France n’a pas été maîtrisé comme il aurait dû l’être (Protestations sur les travées de l'UMP.), nous nous retrouvons dans la situation suivante : 21 % des dépenses du budget de l’État ne sont pas financées, nous obligeant à nous endetter pour le financement de notre quotidien !
C’est inquiétant, cela ne peut durer et cela nécessite des efforts de correction. Je me félicite donc des propos qui ont été tenus à plusieurs reprises par M. Bernard Cazeneuve dans cet hémicycle sur les engagements de l’État en la matière, et qui viennent d'ailleurs d’être rappelés par Mme Nicole Bricq.
Dans ces conditions, je ne puis que regretter les positions exprimées ces derniers jours par l’opposition, qui ne conduisent en rien à améliorer la situation puisque, au travers des amendements votés à son instigation, nous avons eu à déplorer, en plus du dérapage de 10 milliards résultant de ses choix pour le projet de loi de finances pour 2014, un dérapage supplémentaire de 5 milliards d’euros au titre de ce projet de loi de finances rectificative pour 2013, qui serait d'ailleurs très certainement confirmé si nous devions poursuivre la discussion sur ce texte.
C’est la raison pour laquelle j’estime préférable de nous en tenir au projet tel qu’il revient de l’Assemblée nationale. Il traduit bien le sérieux, la rigueur, la volonté et l’ambition du Gouvernement quant au redressement de nos finances publiques. Mes chers collègues, je vous demande donc d’adopter le projet de loi de finances rectificative, tel qu’il nous est présenté aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous apercevons enfin, si je puis dire, la ligne d’arrivée du « marathon » budgétaire annuel, qui comprend la discussion du projet de loi de finances pour l’année à venir et du projet de loi de finances rectificative pour l’année en cours. Ce dernier texte prend en compte les dernières informations économiques et financières disponibles et procède aux ajustements budgétaires nécessaires.
Je regrette pour ma part que, pour la seconde année consécutive, la Haute Assemblée ne se trouve pas en mesure d’adopter ces textes financiers. Certes, nos collègues députés ont repris treize des cinquante amendements adoptés au Sénat avant le rejet de l’ensemble du texte. Tout n’est donc pas perdu, notamment pour notre rapporteur général dont les amendements pertinents ont éclairé utilement l’Assemblée nationale. Toutefois, vous conviendrez, mes chers collègues, que cette situation reste extrêmement insatisfaisante.
De plus, le calendrier et les délais d’examen ne nous permettent pas, de toute façon, d’aborder ces textes dans de bonnes conditions. Je rappelle que le projet de loi de finances rectificative pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, nous a été transmis à l’aube.
En outre, comme l’a souligné excellemment mon collègue François Fortassin la semaine dernière, entre son dépôt et sa sortie de l’Assemblée en première lecture, le nombre d’articles de ce collectif budgétaire avait triplé du fait du dépôt par le Gouvernement de nombreux amendements, et le temps qui nous était imparti pour les examiner n’a pas permis une analyse véritablement approfondie et sereine, malgré les qualités reconnues et le travail acharné de notre rapporteur général.
Quelles sont finalement les principales dispositions de ce projet de loi de finances rectificative pour 2013 ? Faut-il rappeler, comme le faisait à l’instant notre rapporteur général, que l’un des principaux objectifs qu’il vise est l’amélioration du financement de l’économie ?
Ainsi, l’article 7 crée deux nouveaux contrats d’assurance vie, afin d’orienter davantage l’épargne des ménages vers le financement des entreprises, en particulier des plus risquées d’entre elles.
Certes, nous avons entendu ces dernières semaines quelques réserves quant à l’efficacité de ce dispositif, notamment de la part de l’excellent Louis Gallois, qui considère que les incitations prévues sont probablement insuffisantes pour résoudre la très forte « aversion au risque » des épargnants français. J’espère, madame la ministre, que ses craintes ne seront pas avérées et que cette réforme de l’assurance vie sera un véritable outil au service de la croissance.
L’article 8 met en place un régime d’amortissement exceptionnel pour les participations des entreprises au capital des PME innovantes. Les membres du groupe RDSE soutiennent l’ensemble de ces dispositions, qui doivent permettre le retour de la croissance et de l’emploi, mais nous sommes persuadés que les efforts pour relancer la compétitivité des entreprises doivent être poursuivis et renforcés.
Ensuite, plusieurs mesures de ce collectif budgétaire visent à simplifier les obligations déclaratives des particuliers, ainsi que les démarches des entreprises, ce qui nous semble tout à fait utile et sans doute nécessaire.
Enfin, ce texte amorce la réforme attendue de la formation professionnelle, en fusionnant la taxe d’apprentissage et la contribution au développement de l’apprentissage, et en attribuant 55 % du produit de cette nouvelle taxe aux régions.
Je souligne que, au moment où nous discutions de l’article 27, qui porte sur cette question, dans la nuit de vendredi à samedi, me semble-t-il, les partenaires sociaux sont justement parvenus à un accord sur cette réforme de la formation professionnelle, ce qui mérite d’être salué.
M. Yvon Collin. L’Assemblée nationale a apporté quelques modifications à cet article, d’une part, pour garantir aux régions que cette réforme ne se traduirait pas par des pertes de recettes, en leur accordant un produit « plancher » de la taxe, et, d’autre part, pour demander la remise d’un rapport sur la fiabilité et la qualité des circuits de collecte.
Au final, la réforme proposée devrait rendre la collecte de la taxe d’apprentissage plus simple, plus transparente et plus efficace, ce dont nous nous réjouissons, madame la ministre.
Pour conclure, comme en première lecture, la majorité des membres du groupe RDSE votera en faveur de ce projet de loi de finances rectificative pour 2013. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très bien !
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vendredi dernier, après de longues heures de discussion, le Sénat a émis un vote négatif sur le premier et unique collectif budgétaire pour l’année 2013.
Ce vote n’aurait dû étonner personne, puisque le même scénario s’était déjà produit lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 et du projet de loi de finances pour 2014.... Les mêmes causes produisant généralement les mêmes effets, il était plus que probable que le collectif connaîtrait un sort identique.
D’ailleurs, l’adoption de nombreux amendements, contre l’avis du Gouvernement et de M. le rapporteur général, mais aussi, j’en conviens tout à fait, grâce à des majorités de rencontre, a une fois de plus démontré qu’il n’y a plus au Sénat de majorité pour soutenir la politique économique et budgétaire du Gouvernement.
Pourtant, le ministre n’a pas ménagé ses efforts. Seconde délibération, vote bloqué, appel à la raison : tout a été tenté, mais rien n’y a fait et, après une longue interruption de séance demandée par le groupe socialiste, nous avons eu droit à une dramatisation de la situation, fort excessive aux yeux de beaucoup, mettant en cause la prétendue irresponsabilité de ceux qui avaient l’outrecuidance de ne pas obtempérer aux injonctions du Gouvernement.
Nous ne vous en tiendrons pas rigueur, monsieur le rapporteur général. Il était très tard et nous savons que votre charge est lourde, en particulier en cette période de l’année. En outre, vous êtes sympathique. Permettez-moi cependant de vous conseiller de trouver à l’avenir un autre bouc émissaire que l’opposition pour passer votre courroux.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il n’y a que la vérité qui fait mal !
M. Philippe Dallier. Qu’y pouvons-nous, nous, l’opposition, si la courte majorité dont vous bénéficiez théoriquement au Sénat vous fait maintenant régulièrement défaut ? Car enfin, à qui la faute ?
À nous ou à un contrat de majorité qui n’existe pas ?
À nous ou à une sous-estimation de la gravité de la crise qui vous a conduits à prendre des engagements devant les Français que vous ne pouvez pas tenir ?
À nous ou à une politique fiscale illisible, qui fait dire, au mois de janvier 2013, à Jérôme Cahuzac que la réforme fiscale est faite et à Pierre Moscovici, au mois de septembre suivant, qu’il comprend le ras-le-bol fiscal des Français ?
À nous ou au Premier ministre, qui annonce la remise à plat de notre fiscalité et se fait recadrer par le Président de la République, dont on a cru comprendre – ce n’est pas rien ! – qu’il avait été placé devant le fait accompli ?
À qui la faute, monsieur le rapporteur général ? Rendre l’opposition responsable de cette situation, en la taxant de surcroît d’irresponsabilité, c’est manifestement aller trop loin et la ficelle est un peu grosse. En effet, chacun voit bien que vous trouvez là une excuse facile à un problème politique que ce Gouvernement ne sait pas résoudre.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous n’avez rien fait pendant dix ans !
M. Philippe Dallier. Voilà bien le parti socialiste pris au piège de ses promesses et de ses contradictions.
M. Claude Haut. Vous n’en avez pas, vous, des contradictions ?
M. Philippe Dallier. Pour gagner les élections, à gauche toute ! On annonce que les riches paieront, que la finance sera mise au pas, que Berlin cessera de nous dicter notre politique et devra consentir à l’infléchissement de la politique monétaire de la BCE, et bien d’autres choses encore, agréables à l’oreille de l’électeur de gauche et permettant surtout de ratisser large, jusqu’aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon, pour lesquels a été imaginée et concoctée la très fameuse taxe à 75 %, dont on sait ce qu’il advint.
Toutefois, une fois au pouvoir, les brumes de la campagne électorale dissipées, la dure réalité refait surface. Heureusement, pour ne pas effrayer nos partenaires et nos créanciers, dont nous avons tant besoin, mais aussi – j’en suis certain – par conviction, on confie aux plus orthodoxes les rênes de Bercy. L’aile gauche du PS est priée de se taire et les parlementaires du Front de gauche, priés de voter.
Hélas, cela ne se passe pas toujours comme ça.
M. Claude Haut. Vous en savez, des choses ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Dallier. Oui, cher collègue, parce que cela saute aux yeux !
Voilà pourquoi vous en êtes là, monsieur le rapporteur général. Le parti socialiste est encore et toujours tiraillé en son sein entre les réalistes, sociaux-démocrates à l’allemande – il y en a, et c’est heureux – et ceux qui pensent que l’on pourrait laisser filer le déficit et la dette pour relancer la croissance.
Non, l’opposition n’est pas responsable de cette situation.
M. Claude Haut. Mais du passif, oui !
M. Philippe Dallier. Je ne vois vraiment qu’une solution à votre problème : que vous organisiez le prochain congrès du PS, non pas à Reims ou à Rennes, mais à Bad Godesberg. En effet, tant que vous n’aurez pas fait votre aggiornamento et que vous ne serez pas allés devant les électeurs avec un programme clair, vous êtes condamnés à revivre ce genre de situation et à connaître les tréfonds en matière de sondages.
Quant à nous, faute de majorité, nous sommes évidemment dans l’incapacité de présenter un contre-budget qui respecterait les engagements européens de la France, car nous partageons bien cet objectif, est-il vraiment nécessaire de le rappeler pour que vous en soyez persuadés ?
Nous en sommes donc réduits à contester les dispositions que vous nous proposez, lorsqu’elles nous semblent ne pas aller dans la bonne direction. C’est bien là, en tant qu’opposition, notre droit le plus strict, comme celui de voter contre un collectif qui traduit une politique que nous désapprouvons.
Certes, tout cela peut paraître dommageable pour l’image du Sénat. Certains, d’ailleurs, ne manquent pas l’occasion de remettre en cause le rôle et l’existence même de la Haute Assemblée ; la presse de ces derniers jours est remplie de commentaires allant en ce sens.
Est-ce que, pour éviter cela, il nous faudrait nous abstenir, alors que vous avez alourdi, comme jamais encore, la fiscalité sur les entreprises et les particuliers, au risque de voir les impôts ne plus rentrer comme vous l’espériez et de retarder le retour de la croissance ?
Est-ce que nous devrions nous abstenir, alors que vous ne réduisez pas suffisamment les dépenses,...
M. Claude Haut. Il est vrai que, vous, vous les avez réduites ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Dallier. ... que vous n’engagez pas de véritables réformes structurelles et que la modernisation de l’action publique laisse sceptique, y compris dans votre propre camp ? Faut-il rappeler les derniers commentaires de Terra Nova ?
Pouvons-nous nous abstenir, alors qu’il ne se passe pas de mois sans que l’on nous annonce de nouvelles dépenses pour tenir des engagements de campagne électorale, comme le RSA jeune, pour brosser dans le sens du poil telle ou telle catégorie, comme les fonctionnaires avec la suppression du jour de carence, ou pour tenter d’éteindre les incendies à Marseille, en Bretagne ou ailleurs ?
Hier, à cette même tribune, j’ai dressé la liste de toutes ces dépenses nouvelles. Elle est déjà très longue. Elle se chiffre surtout à plusieurs dizaines de milliards d’euros sur le quinquennat. Ces milliards d’euros, à l’évidence, vous ne les avez pas. Ces décisions se traduiront donc par du déficit et de la dette supplémentaire.
M. Philippe Dallier. Malheureusement, ce n’est pas fini, nous en reparlerons au Sénat au mois de janvier prochain. Ainsi, Mme Duflot, empêtrée dans son projet, mal ficelé, de garantie universelle des loyers, vient d’annoncer qu’elle renonçait à l’idée d’une nouvelle taxe sur les propriétaires et sur les locataires, ce qui est plutôt une bonne nouvelle, mais au profit d’une garantie donnée par l’État, qui, selon elle, ne devrait coûter, si j’ose dire, que 500 millions d'euros à 600 millions d’euros par an. Rien que cela !
Comment pourrions-nous donner l’impression de cautionner une telle politique en nous abstenant ? Les Français ne le comprendraient pas et nous donnerions du grain à moudre à ceux qui, aux extrêmes, cherchent déjà à les convaincre que l’UMP et le PS, c’est la même chose, que l’on a tout essayé et qu’il est temps de s’en remettre à ceux qui veulent fermer les frontières, sortir de l’euro, remettre en cause la PAC, faire fonctionner la planche à billets pour rembourser notre dette et autres balivernes qui nous conduiraient assurément à la catastrophe.
Non, l’UMP et le PS, ce n’est pas la même chose !
M. Claude Haut. L’UMP, c’est pire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Dallier. Vos choix économiques et budgétaires ne sont pas les nôtres. Il faut que les Français le sachent et le constatent au travers de nos votes, fût-ce au prix d’une certaine incompréhension de ce qui se passe ici.
Mes chers collègues, la fin de cette situation est peut-être proche. Les élections municipales auront lieu au mois de mars prochain. Les Français vont pouvoir s’exprimer. Que l’opposition retrouve au Sénat une majorité claire, et nous vous démontrerons ici même, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, que nous défendons un projet différent, cohérent, responsable et réaliste qui permettra d’atteindre les objectifs assignés à la France.
M. Jean-Claude Frécon, vice-président de la commission des finances. Projet que vous n’avez pas pu avoir pendant dix ans !
M. Philippe Dallier. J’en reviens au texte que nous examinons. La commission mixte paritaire a logiquement échoué et cette nouvelle lecture n’a pas plus de chance d’aboutir que la précédente. Nous allons le vérifier d’ici peu.
Cette nouvelle mouture a été peu modifiée par l’Assemblée nationale, je ne peux donc que reformuler les critiques qui nous conduiront au même vote. Nous l’avons affirmé maintes et maintes fois au cours du débat : ce collectif budgétaire est marqué par deux aspects essentiels.
En premier lieu, les recettes fiscales sont en retrait de 11 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale. Il s’agit là d’un signe inquiétant, souligné par tous les observateurs, qui pointent là les limites de votre politique, essentiellement fondée sur l’augmentation de la pression fiscale pour réduire le déficit.
Madame la ministre, vous nous dites que c’est mathématique.
M. Philippe Dallier. Comme la croissance n’est pas au rendez-vous, les recettes fiscales sont en baisse. Vous devriez néanmoins vous demander si la pression fiscale n’a pas atteint un niveau tel qu’elle a un impact sur la croissance. À notre sens, c’est là que le bât blesse : « Trop d’impôt tue l’impôt et trop d’impôt tue la croissance ». C’est la grande leçon de cet exercice budgétaire de 2013.
En second lieu, conséquence du premier, le déficit se réduit par rapport à l’année dernière – c’est la moindre des choses avec une telle augmentation de la pression fiscale ! –, mais beaucoup moins que vous ne l’aviez annoncé : il atteint 61,5 milliards d'euros au lieu de 71,9 milliards d'euros. Ce résultat est obtenu grâce à la très utile réserve de précaution, même s’il faut toujours déplorer de voir amputer, en fin d’année, des budgets aussi importants que ceux de la défense ou de l’enseignement supérieur. La promesse a été tenue : vous compensez cette perte de recettes de 11 milliards d'euros en limitant les dépenses.
Parmi les diverses mesures d’ordre fiscal, certaines concernant l’assurance vie et sa réorientation vers les PME nous semblaient intéressantes, mais d’autres, comme celle qui vise à affecter aux régions une plus grande partie des fonds collectés pour l’apprentissage, ne manquent pas de nous inquiéter, à l’instar des chambres consulaires et des écoles aujourd’hui financées par ce biais.
Sur ce point, nous sommes assez surpris de constater que, en nouvelle lecture, nos collègues députés ont cru bon d’ajouter, à l’article 27, une précision indiquant que la part du produit de la nouvelle taxe destinée aux régions ne saurait être inférieure au produit antérieurement perçu.
Ainsi, et c’est assez étonnant, on met en place un dispositif pour donner plus d’argent aux régions et, comme on se demande s’il aura le résultat escompté, on prévoit cette disposition. Nous nous demandons donc si ce mécanisme est correctement calibré...
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Et la taxe professionnelle ? Vous avez des leçons à donner ?
M. Philippe Dallier. Le cycle budgétaire de 2013 se termine donc par l’examen de ce collectif budgétaire que le PS salue, alors même qu’il traduit une réalité très différente de celle que vous escomptiez. Vendredi dernier, Pierre Moscovici, préférant nous parler de l’avenir plutôt que de ces chiffres, n’a pas hésité à nous dépeindre un horizon qui s’éclaircirait déjà : retour de la croissance et baisse du chômage d’ici à la fin de l’année.
L’avenir nous dira s’il a raison, mais une chose est certaine : en 2014, l’excuse de l’héritage, dont vous avez largement usé depuis dix-huit mois, ne pourra plus être utilisée.
Chers collègues de la majorité, vous êtes au pouvoir depuis maintenant plus de dix-huit mois. Vous avez utilisé la boîte à outils du Président de la République, et les Français vous jugeront sur vos résultats. Ceux de 2013, tels qu’ils transparaissent dans ce collectif budgétaire, ne sont pas suffisamment bons. C’est pourquoi le groupe UMP ne peut, une nouvelle fois, qu’émettre un vote négatif. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc réunis pour une nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2013.
Tout à l’heure, madame la ministre, vous avez dit que l’opposition réclamait à cor et à cri des lois de finances rectificatives. Vous pensiez sans doute penser au groupe UMP, car, pour ce qui est du groupe UDI-UC, nous ne nous sommes jamais prononcés sur l’opportunité de présenter des collectifs budgétaires en cours d’année. À titre personnel, je n’y suis pas très favorable. Je pense qu’une loi de finances rectificative de fin d’année est suffisante. C’est d’ailleurs ce qui nous permet, aujourd’hui de constater que le déficit a dérapé de 10 milliards d’euros par rapport à ce que vous nous aviez indiqué voilà un an. La croissance que vous aviez annoncée n’est pas au rendez-vous ; les recettes non plus !
Ce collectif budgétaire affiche en effet une perte de 11 milliards d’euros de recettes par rapport aux prévisions, une erreur à propos de laquelle nous n’avons toujours pas obtenu d’explications convaincantes. S’agissant de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur le revenu et de la TVA, l’erreur par rapport aux produits estimés initialement va de 4 % à 7 %, ce qui n’est tout de même pas négligeable.
Comme je l’ai dit voilà quelques jours au ministre du budget, je souhaiterais que les fonctionnaires de Bercy travaillent activement pour nous fournir des explications pertinentes quant à ces erreurs de prévision. Je souhaiterais également que l’on soit, à l’avenir, un peu plus prudent dans l’évaluation des recettes budgétaires, dont la surévaluation systématique est regrettable.
Le ministre de l’économie a parlé de « ras-le-bol fiscal »; le Président de la République, d’une « pause fiscale » et le Premier ministre, d’une « remise à plat fiscale »… Pourtant, nous sommes régulièrement déçus et nous aimerions y voir plus clair. La prétendue pause fiscale s’est traduite par une augmentation des prélèvements de 9 milliards d’euros au moins dans le budget pour 2014. Nous ne voyons rien venir de concret, ce qui nous semble très dangereux dans la situation actuelle.
Pour votre part, madame la ministre, vous avez parlé de « maîtrise des dépenses ». Je sens poindre là une évolution dans le vocabulaire qui ne manque pas de m’inquiéter. Jusqu’à présent, nous entendions parler d’« économies ». Il est vrai que nous n’étions pas nécessairement d’accord sur le sens de ce terme : pour vous, faire des économies, cela signifie freiner la croissance des dépenses, alors que nous voulons franchement les réduire. Aujourd’hui, il nous semble que la maîtrise des dépenses ne suffit plus ; nous avons besoin d’une vraie réduction.
Certes, les dépenses ne dérapent pas, je vous l’accorde. Mais les suppressions de crédits auxquelles vous procédez portent généralement sur des dépenses d’intervention, tandis que les ouvertures correspondent le plus souvent à des dépenses de guichet. Les dépenses d’intervention sont assez faciles à réaliser. En revanche, en ce qui concerne les dépenses de guichet, on ne réfléchit pas aux réformes qu’il conviendrait de mener pour éviter qu’elles dérapent. Je ne pense pas que l’on puisse continuer très longtemps à les laisser ainsi déraper, tout en se disant que l’on ne peut rien y faire. Je pense notamment à l’aide médicale d’État, dont les crédits progressent cette année de 15 % en tenant compte de la suppression du droit de timbre ; on ne comprend d’ailleurs pas vraiment pourquoi… Et tant pis si, l’année prochaine, le surcoût s’élève à 1 milliard d’euros !
Ce n’est pas ainsi que l’on parviendra à réduire nos dépenses.
M. Vincent Delahaye. Or c’est absolument indispensable.
La politique du Gouvernement nous réserve aussi quelques surprises. La réforme des rythmes scolaires ou la garantie universelle des loyers, laquelle est encore en cours de discussion, engendrent autant de dépenses qui auraient dû être évitées dans la situation budgétaire actuelle.
Je ne parle pas des quelques cadeaux distribués dans ce collectif et dont on aurait pu se passer. Je pense notamment à celui consenti au profit du journal L’Humanité, pour 4 millions d’euros… Mais j’imagine qu’il doit s’agir d’accords passés entre partis. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous n’avons pas vraiment été remerciés ! (Sourires.)
M. Vincent Delahaye. Vous évoquez ensuite la réduction continue des déficits, madame la ministre.
Nous pensons, pour notre part, qu’il ne faut pas confondre prévisions et réalisation. En effet, si l’on suit votre courbe de réduction des déficits, en valeur relative, nous sommes aujourd’hui à 4,1 %, et nous serons à 3,6 % l’an prochain. Mais vous nous disiez l’an dernier que nous serions à 3 % en 2013. J’attends donc de voir vos prévisions se réaliser. Serons-nous effectivement à 3,6 % de déficit à la fin de 2014 ? Je vous donne rendez-vous à ce moment-là.
Ce que j’observe simplement aujourd'hui, c’est que notre niveau de déficit reste extrêmement élevé.
Certes, comme M. le rapporteur général l’a souligné, ce n’est pas uniquement de votre fait. Mais vous êtes tout de même aux affaires depuis maintenant dix-huit mois : nous aimerions donc constater un infléchissement majeur dans l’évolution des déficits…
M. Claude Haut. Il est là !
M. Vincent Delahaye. … et de la dette, la progression de cette dernière étant très inquiétante.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ça bouge !
M. Vincent Delahaye. Quand allons-nous assister à un véritable infléchissement de notre dette ? La situation actuelle ne peut perdurer.
Nous avons des recettes en moins, des dépenses qui sont globalement maîtrisées, mais avec des dépenses de guichet qui flambent et des dépenses d’intervention qui sont supprimées, et une modernisation de l’action publique dont beaucoup critiquent la teneur et dénoncent surtout l’absence de résultats : la MAP ne fait en effet rien ressortir de très significatif pour le moment. Nous pensons qu’il faut aller beaucoup plus loin.
Je reprendrai quelques perspectives parmi celles qui ont été tracées, notamment, par notre collègue Jean Arthuis (Ah ! sur les travées de l'UMP.), telles la création de la TVA sociale ou la suppression des trente-cinq heures, deux mesures qui nous semblent indispensables.
Nous pouvons également nous interroger sur la garantie apportée chaque année par l’État à l’UNEDIC, institution gérée par les partenaires sociaux, comme chacun sait. Le présent collectif budgétaire fait croître cette garantie de 8 milliards d’euros. Va-t-on continuer à laisser les partenaires sociaux décider de ce que l’État, donc la collectivité nationale, doit dépenser ? Si je suis favorable à ce que les partenaires sociaux soient associés à la gestion, en revanche, je considère que ce n’est pas à eux de décider du montant de dette que l’État doit in fine garantir. C’est, en l’espèce, une très mauvaise direction qui est prise.
J’aimerais enfin insister une nouvelle fois sur cette idée que nous défendons depuis longtemps : celle d’avoir une seule et unique loi de finances, regroupant le budget de l’État et celui de la sécurité sociale, c’est-à-dire la totalité des dépenses et des recettes publiques.