M. le président. L'amendement n° I-480, présenté par MM. Delahaye et Maurey, est ainsi libellé :
Après l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 41 du 2 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est abrogé.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement vise à rétablir le droit de timbre pour l’accès à l'aide médicale de l'État, l’AME, droit supprimé en juillet 2012.
En effet, le rapporteur spécial des crédits de la mission « Santé » à l’Assemblée nationale a noté une dérive importante du coût de l’AME, qui atteindrait aujourd'hui 800 millions d’euros et s’acheminerait tranquillement vers le milliard d’euros chaque année. Selon lui, il y aurait 50 000 nouveaux bénéficiaires par trimestre. Je pense que ces informations méritent que l’on en débatte.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter des précisions sur ces chiffres ?
Il me semble que le droit de timbre permettait de limiter quelque peu le nombre de bénéficiaires. Si je salue la générosité et l’humanisme qui inspirent l’aide médicale de l’État, je me demande si la France n’est pas le seul pays à s’être doté d’un tel dispositif. Dès lors, je considère que nous devrions regarder ce que font nos voisins en la matière pour, peut-être, tenter de nous aligner sur la pratique européenne.
Monsieur le ministre, maîtrise-t-on à peu près l’évolution du coût de l’aide médicale de l’État sur la durée ou s’agit-il d’une de ces aides qui fonctionnent « à guichet ouvert » ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Mon cher collègue, le droit de timbre n’a pas permis de maîtriser les dépenses d’AME et a même entraîné une aggravation des pathologies constatées chez les étrangers en situation irrégulière.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. L’établissement du droit de timbre a occasionné des retards dans la prise en charge d’un certain nombre de patients relevant de l’AME et, par là même, un renchérissement du coût de cette prise en charge. Il était donc humainement contestable et budgétairement inefficace.
C'est la raison pour laquelle l’avis du Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Mon explication de vote vaudra en même temps présentation de l’amendement n° I-386, que j’ai déposé au nom du groupe UMP et qui porte sur le même sujet, tout en étant légèrement différent.
Pour reprendre les arguments de M. Delahaye, l’AME sera de toute manière réformée. Ne nous voilons pas la face : le système qui a été mis en place est aujourd'hui hors de contrôle. Le dispositif, qui coûtait 75 millions d’euros en 2000, coûte 800 millions d’euros en 2013 et coûtera 1 milliard d’euros en 2014. Rendez-vous compte : en quatorze ans, nous sommes passés de 75 millions d’euros à 1 milliard d’euros !
Dans ces conditions, l’aide médicale de l’État sera inévitablement réformée, probablement dans le cadre global de la réforme du droit d’asile et des textes sur l’immigration que le ministre de l’intérieur doit présenter après les élections municipales.
En tout état de cause, je le répète, le système est aujourd'hui hors de contrôle. En 2014, la dépense aura augmenté de près de 400 millions d’euros en trois ans ! Monsieur le rapporteur général, vous devriez être sensible à cette évolution du coût de l’AME : on a le sentiment que plus personne ne la maîtrise !
Cette évolution s’explique par la réduction considérable – pour ne pas dire la « suppression » – du délai de présence sur le territoire national requis pour bénéficier du dispositif et par celle, en 2012, du droit de timbre, dont le montant était pourtant extrêmement réduit, puisqu’il s’élevait à 30 euros.
Tout citoyen participant forfaitairement à ses remboursements de sécurité sociale, on ne comprend pas bien ce qui justifie ces choix… Peut-être y a-t-il là une forme de démagogie, mais je ne souhaite pas entrer dans ce genre de polémique. En tout cas, les options prises sont excessives !
Aujourd'hui, les gestionnaires du système eux-mêmes avouent qu’ils ne savent pas combien coûtera l’AME dans les cinq ans qui viennent.
De toute façon, le Gouvernement réformera l’AME. De toute façon, il recadrera le dispositif. Il n'y a pas d’autre solution !
En réalité, monsieur le ministre, ni M. Delahaye ni moi-même ne nous faisions d’illusion sur l’avis que vous alliez donner à nos amendements. Nous le savons, la question dépasse le simple cadre budgétaire, et c’est au ministère de l’intérieur qu’il appartient de revoir le dispositif de l’aide médicale de l’État, dans le cadre d’une réforme du droit d’asile ou de l’immigration.
Par conséquent, veuillez considérer nos amendements comme des amendements d’appel, témoignant d’une inquiétude: Comment peut-on laisser dériver le système de l’AME à ce niveau ?
Sans doute le Gouvernement peut-il au moins commencer à nous indiquer ce qui est envisagé pour essayer de maîtriser le dérapage actuel de l’AME.
Le problème n’est pas de savoir si l’on remet en cause le principe même de ce dispositif. Le problème, ce sont ces 75 millions d’euros qui sont devenus un milliard, entre le projet de loi de finances pour 2000 et le projet de loi de finances pour 2014 !
Qui imaginerait que l’on puisse laisser la dépense continuer de dériver ainsi, sans que l’on se dote d’un minimum d’encadrement ?
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, je n’attendais pas du tout que, ce soir, vous nous donniez votre accord au rétablissement du droit du timbre.
M. Roger Karoutchi. Évidemment !
M. Vincent Delahaye. Au reste, tel n’était pas le but de mon amendement.
Toutefois, j’attendais un peu plus de votre réponse. Les propos que vous tenez et les objectifs que vous avez en tête, objectifs que nous partageons pour partie, me laissaient tout de même espérer que vous nous annonceriez le lancement d’une réflexion, au sein du Gouvernement, pour chercher à maîtriser cette dépense, qui devient démentielle – je vous renvoie aux chiffres qu’a cités Roger Karoutchi.
Nous ne devons plus tarder à assumer nos responsabilités et à nourrir une réflexion collective sur le sujet. À une époque où l’on cherche des économies un peu partout, on ne peut se permettre de laisser dériver une dépense de la sorte, au gré de la demande ! Si l’on procède ainsi, on ne s’en sortira jamais !
Monsieur le ministre, j’attendais, et j’attends toujours, une réponse plus cohérente, traçant des perspectives pour l’avenir !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le rapporteur général, vous avez établi une corrélation entre l’existence du droit de timbre et l’augmentation des pathologies des immigrés. Pensez-vous sérieusement que l'on serait passé de 75 millions d’euros à 800 millions d'euros – ce sont les chiffres cités par Roger Karoutchi - pour soigner les pathologies de ces immigrés, si l'on avait rétabli le droit de timbre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur de Montesquiou, je préfère la manière, plus juste, dont Roger Karoutchi aborde le sujet, soucieux qu’il est de ne pas céder à de mauvais réflexes et de ne pas convoquer dans notre débat de mauvais thèmes…
Je partage votre sentiment : aucune dépense publique ne peut augmenter à ce point sans préoccuper un gouvernement dont l'un des objectifs est de redresser les comptes du pays. Les chiffres qui ont été donnés sont exacts, et nous gardons à l'esprit que le problème doit être traité.
En revanche, je ne pense pas que le rétablissement du droit de timbre soit l'outil adéquat pour limiter les dépenses. Je m'adresse ici à la fois à Aymeri de Montesquiou et à Vincent Delahaye : au lendemain de la suppression de ce droit de timbre, un certain nombre de malades se sont tournés vers les hôpitaux et il a bien fallu leur administrer des soins qui, compte tenu du type et surtout de l'ancienneté des pathologies dont étaient victimes ces personnes, ont coûté plus cher aux finances publiques que si elles s'étaient fait soigner sans attendre.
Comprenez bien le sens de ma réponse : je ne nie pas le problème – la dépense augmente dans des proportions telles qu’aucun ministre responsable ne pourrait l’ignorer. Je dis simplement que, pour traiter le problème comme il se doit, le droit de timbre ne me paraît pas être la solution. Seul un travail articulé entre le ministre de l'intérieur, le ministère des affaires sociales et le ministre du budget permettra d'arrêter un dispositif qui soit humainement irréprochable et budgétairement maîtrisé, et qui s'inscrira dans une politique globale de la France – politique dont le ministre du budget n’a pas la charge.
Je pense que cela justifie effectivement une information du Parlement. Des échéances ont été rappelées ici même : le ministre de l'intérieur présentera certaines réformes au cours des prochains mois. Devant le Sénat, nous pouvons donc prendre l'engagement que, à l'occasion de la présentation de ces réformes, nous rendrons compte à la représentation nationale des dispositions prises pour satisfaire aux objectifs que je viens d'indiquer.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Tout d’abord, puisque notre collègue Roger Karoutchi a profité de son explication de vote pour présenter l’amendement n° I-386, j’indique que la commission a émis également un avis défavorable.
Ensuite, je précise le coût du dispositif, notre collègue Vincent Delahaye ayant parlé de 800 millions d'euros pour l'année 2013, et même de un milliard d’euros pour 2014. Pour cette année, le coût est précisément évalué à 743 millions d'euros.
M. Roger Karoutchi. On arrivera bien à 800 millions !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Enfin, à Aymeri de Montesquiou, qui a évoqué les questions sanitaires, je précise que le droit de timbre a, certes, entraîné une baisse du nombre de bénéficiaires, de 4 % en 2012, mais sans pour autant réduire les dépenses d'aide médicale de l’État, qui ont même augmenté de 8 % en 2012. En effet, une aggravation des pathologies a été constatée, entraînant une hausse du nombre d’hospitalisations. C'est bien là où je voulais en venir : les cas deviennent plus lourds…
L’expérience montre donc que le durcissement des conditions d’accès à l’AME non seulement va à l’encontre de la vocation sanitaire de ce dispositif, mais encore ne constitue pas non plus une voie efficace de maîtrise de la dépense.
Je confirme donc l’avis défavorable de la commission sur ces deux amendements.
M. le président. L'amendement n° I-386, présenté par M. Karoutchi et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de quatre mois, sans remplir la condition de régularité mentionnée à l’article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l’article L. 861-1 du même code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge au sens de l’article L. 161-14 et des 1° à 3° de l’article L. 313-3 du même code, à l’aide médicale de l’État, sous réserve, s’il est majeur, de s’être acquitté, à son propre titre et au titre des personnes majeures à sa charge telles que définies ci-dessus, du droit annuel mentionné à l’article 968 E du code général des impôts. »
Cet amendement a été précédemment défendu.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 23 bis (nouveau)
I. – Le premier alinéa du I de l’article 244 quater G du code général des impôts est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« I. – Les entreprises imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 octies, 44 decies ou 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre de la première année du cycle de formation d’un apprenti dont le contrat a été conclu dans les conditions prévues au titre II du livre II de la sixième partie du code du travail.
« Ce crédit d’impôt est égal au produit du montant de 1 600 € par le nombre moyen annuel d’apprentis n’ayant pas achevé la première année de leur cycle de formation dans l’entreprise et qui préparent un diplôme ou à un titre à finalité professionnelle équivalent au plus à un brevet de technicien supérieur ou un diplôme des instituts universitaires de technologie, enregistré au répertoire national des certifications professionnelles mentionné à l’article L. 335-6 du code de l’éducation.
« Ce montant est porté à 2 200 € dans les cas suivants, quel que soit le diplôme préparé : ».
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2014.
III. – À titre transitoire et par dérogation au I, pour les crédits d’impôt calculés en 2013, les entreprises mentionnées au I de l’article 244 quater G du code général des impôts peuvent bénéficier :
1° Pour les apprentis préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalent au plus à un brevet de technicien supérieur ou un diplôme des instituts universitaires de technologie, enregistré au répertoire national des certifications professionnelles mentionné à l’article L. 335-6 du code de l’éducation, d’un crédit d’impôt égal à la somme entre, d’une part, le produit du montant de 1 600 € par le nombre moyen annuel d’apprentis en première année de leur cycle de formation et, d’autre part, le produit du montant de 800 € par le nombre moyen annuel d’apprentis en deuxième et troisième année de leur cycle de formation ;
2° Pour les apprentis préparant d’autres diplômes, d’un crédit d’impôt égal au produit de 800 € par le nombre moyen annuel d’apprentis, quelle que soit l’année de leur cycle de formation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, sur l'article.
M. Jean-Paul Emorine. Cet article prévoit de recentrer le crédit d’impôt bénéficiant aux employeurs d’apprentis en le limitant à la première année du cycle de formation et pour la préparation de diplômes de niveau inférieur ou égal à bac+2.
Il s’agit donc d’un véritable « article rabot », qui aura pour effet de réduire les aides publiques pour l’apprentissage de 20 % !
Cette mesure est en complète contradiction avec les objectifs affichés. J’avais cru comprendre que la priorité du Président Hollande était la jeunesse et j’avais aussi compris, lorsque Mme Fioraso débattait à l’Assemblée nationale de l’enseignement supérieur, que le Gouvernement allait faire des efforts pour soutenir financièrement l’apprentissage.
En confinant l’apprentissage aux entreprises de moins de dix salariés, cet article apparaît comme le point d’orgue d’une politique consistant à le réduire plutôt qu’à le développer.
La logique qui prévalait jusqu’alors était de faire en sorte que l’apprentissage, occasion incontestable de passage à l’emploi, gagne également, au-delà du seul monde de l’artisanat, les entreprises les plus importantes, offrant un vivier de formations gigantesque !
Le président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises ne s’y est pas trompé. Selon lui, il s'agit d’un mauvais coup porté aux entreprises s’engageant en faveur de l’apprentissage, et l'on n’agirait pas autrement si l'on cherchait à les décourager…
Nous ne pouvons donc que nous opposer vigoureusement à cette mesure, et voter contre cet article.
M. Francis Delattre. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-461 est présenté par MM. Zocchetto, Maurey et Merceron, Mme Férat, M. Détraigne, Mme Létard, MM. Dubois, Guerriau et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° I-492 est présenté par MM. Savary, Bécot, Bizet, Bordier et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Cointat et Cornu, Mmes Debré et Deroche, MM. Doligé, B. Fournier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Huré, Husson, Laménie et Lefèvre, Mmes Masson-Maret et Mélot, MM. Milon, Pillet et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia et MM. Reichardt et Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour défendre l’amendement n° I-461.
M. Vincent Delahaye. L'article 23 bis n’est pas sans présenter un caractère paradoxal. Introduit à l’Assemblée nationale par voie d’amendement, donc sans aucune étude d’impact, cet article réduit de 50 % le crédit d’impôt pour l’apprentissage en limitant son bénéfice, pour les entreprises qui prennent en charge des apprentis, à la première année de formation.
Si nous avions mauvais esprit, nous dirions que l'on pénalise les apprentis pour financer les emplois d’avenir, c’est-à-dire que l’on sanctionne le secteur productif au profit du secteur associatif.
Nous ne pouvons donc soutenir cette mesure – surtout ici, au Sénat, où se tient chaque année une journée dédiée aux meilleurs jeunes apprentis de France. C’est la transmission mêmes des savoir-faire et de métiers entiers qui est en jeu.
Une telle disposition est parfaitement inopportune en ce qu’elle fragilisera le statut des apprentis et la situation financière des entreprises qui les forment. Du reste, cet article suscite d’ores et déjà de vives réactions des acteurs économiques concernés.
Aussi, afin de procurer un soutien sans faille à la cause du renforcement du statut des apprentis, le présent amendement tend à supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour défendre l’amendement n° I-492.
M. René-Paul Savary. L’objet de cet amendement est identique : supprimer l'article 23 bis, qui restreint le champ d’application du crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage.
Son montant actuel – 1 600 euros par année d’apprentissage – serait maintenu, mais, à compter du 1er janvier 2014, son bénéfice serait limité à la première année du cycle de formation des apprentis, et à ceux qui préparent un diplôme d’un niveau inférieur ou égal à bac+2.
En l’état, la modification envisagée s’appliquerait à tout employeur d’apprentis, sans distinction selon l’activité – qu’elle soit, par exemple, artisanale ou commerciale – ou selon l’effectif.
En modifiant le crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage, le Gouvernement envoie un signal opposé à la volonté, inscrite dans la décision n° 23 du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, d'avoir 500 000 apprentis de plus en 2017.
Il s’agit donc d’une très mauvaise nouvelle pour l’artisanat et le commerce, d’autant plus que les entrées en contrat d’apprentissage ont reculé de 10 % sur les neuf premiers mois de 2013…
Par ailleurs, il faut tout de même rappeler qu’un apprenti représente un coût pour l’entreprise. Aussi, si elle n'est pas aidée dans cette démarche - et pendant toute la durée de l'apprentissage, si l'on veut que les apprentis aillent jusqu'au bout -, une entreprise, notamment artisanale, renoncera à former des apprentis, du moins dans ces conditions et compte tenu d'un contexte économique par ailleurs incertain.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous souhaitons supprimer cet article.
J’avoue que M. le ministre chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation m’avait, au fil de nos échanges, convaincu de l'existence d'une volonté de faire avancer les choses dans les domaines donnant lieu à discussion. C'est ainsi que j'ai retiré des amendements, par exemple, sur l'écotaxe ou bien, pour la fiscalité écologique, sur les sacs en plastique, au bénéfice de ces lois nouvelles et de ces groupes de travail que l’on nous a promis.
Alors, ici, monsieur le ministre, à votre tour : puisqu'un projet de loi sur la formation nous sera présenté dans quelques mois, il est important, en attendant, de ne pas toucher à l'apprentissage. Nous vous demandons donc de retirer cette proposition. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Revet. Très bon amendement, monsieur Savary !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances, qui en comprend le principe et les motifs, est cependant défavorable à ces deux amendements, ne serait-ce que parce qu’ils seraient coûteux, et vous savez, mes chers collègues, combien cela inquiète toujours la commission des finances…
Surtout, ils remettraient en cause le difficile équilibre auquel est parvenu le Gouvernement pour financer l'apprentissage. Rappelons-le, dans le contexte tendu qui caractérise les finances publiques, le Gouvernement a procédé à une remise à plat des ressources des régions en matière d’apprentissage, et le présent article n’est qu’un élément d’un dispositif d’ensemble.
On sait que, pour l’année 2014, le financement des primes d’apprentissage reposera sur une affectation du produit de la TICPE – la taxe intérieure de consommation de produits énergétiques – à hauteur de 117 millions d’euros, sur le fondement de l’article 24 quater que nous examinerons, ce montant étant gagé par l’économie dégagée sur le crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage résultant des dispositions du présent article 23 bis . Ce financement reposera aussi sur une ressource de 50 millions d’euros provenant du fonds de roulement du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ». Enfin, il reposera sur un versement de 264 millions d’euros provenant du budget du programme 103 de la mission « Travail et emploi », par redéploiement de crédits.
Tout cela a été évoqué au sein de la commission des finances.
Augmenter la dépense fiscale concernant le crédit d’impôt pour l’apprentissage reviendrait à remettre en cause cette architecture de financement et donc à augmenter soit le montant de l’affectation de recettes de TICPE, soit le montant de la dépense budgétaire par rapport au dispositif proposé par le Gouvernement.
Dès lors, il nous a semblé préférable de nous investir dans la discussion à venir du collectif budgétaire où doivent se trouver des éléments de réflexion sur l'évolution de l'apprentissage – M. le ministre nous en précisera certainement les contours.
En attendant, nous sommes défavorables à ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous nous trouvons ici au cœur des questions qui animent nos débats depuis le début de l'examen de ce projet de loi de finances.
Tout d’abord, comment, dans un contexte où l'on doit redresser nos finances publiques, procéder à des économies qui soient pertinentes ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard César. Ce n’est pas là qu’il faut les faire !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Avec vous, ce n’est jamais là, et ce n’est jamais le bon moment ! Depuis le début du débat dans cet hémicycle, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons engagé 13 milliards d'euros de dépenses supplémentaires…
M. Francis Delattre. Et alors ?...
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je constate que les grands théoriciens de la diminution de la dépense publique sont les mêmes qui, en quelques amendements, ont réussi à déclencher une augmentation de cette dépense qui, si elle devait être confirmée au terme du débat parlementaire, conduirait à un dérapage massif de nos déficits !
Si nous voulons maîtriser la dépense, c’est partout que nous devons faire en sorte qu’un euro dépensé soit un euro utile. Qu’avons-nous fait en ce sens ? Je veux rappeler quelle a été notre philosophie, afin que nous partagions tous les termes du débat.
Premièrement, nous voulons clarifier les compétences en matière d’apprentissage. Nous avons décidé de faire en sorte que le rôle des régions, qui sont au plus près des acteurs locaux, soit confirmé. Dans le cadre de la réforme de la fiscalité, nous avons reçu avec le Premier ministre l’ensemble des partenaires sociaux qui ont tous, y compris les organisations patronales, insisté sur le fait que la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences serait d’autant plus efficace qu’elle serait déclinée territorialement, au plus près des entreprises.
Donc, le fait que les régions aient une compétence reconnue en la matière va dans le sens de la modernisation et de l’efficacité du dispositif.
Donner des compétences aux régions en matière de formation professionnelle et d’apprentissage, de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences sans leur donner les moyens d’assumer ces responsabilités eût été de notre part à la fois irresponsable et déloyal, au moment où nous signons avec elles un pacte de confiance.
Nous avons donc décidé de transférer aux régions des frais de gestion adossés à des impôts perçus par les collectivités territoriales dont le dynamisme, de l’ordre de 4 % à 6 % par an, leur garantit qu’elles seront en situation – les présidents de région reconnaissent d'ailleurs qu’ils ont durement négocié – d’assumer les responsabilités nouvelles qui leur ont été données.
C’est donc le premier point sur lequel je voulais insister pour rassurer les sénateurs sur la possibilité d’aller au bout de la logique qui préside à notre action : nous voulons clarifier et nous donnons les moyens aux régions de le faire.
Deuxièmement, nous souhaitons que ce que nous faisons en matière d’apprentissage soit mieux piloté et davantage ciblé. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de concentrer le dispositif sur les entreprises qui en ont le plus besoin, non pas celles qui ont les marges les plus importantes, mais celles qui ont parfois le plus besoin de recourir aux apprentis et, en même temps, en raison de leur taille, peuvent consacrer à leur formation une attention et un temps significatifs. De ce point de vue, ce que nous maintenons pour les entreprises de moins de dix salariés est perçu par le secteur de l’artisanat comme très important. Par ailleurs, le fait de modifier le dispositif du crédit d’impôt permet d’avoir la gestion la plus fine, la plus près du terrain possible.
Bref, nous clarifions et, pour une gestion optimale des deniers publics, nous procédons à des modifications qui garantissent à la fois la bonne gestion budgétaire et l’efficacité du dispositif.
Troisièmement, à vous qui me demandez si tout cela nous garantit d’atteindre le but, je réponds que nous devons au Sénat comme à l’Assemblée nationale des retours réguliers sur la manière dont la réforme se met en place. Si nous constatons ensemble, soucieux que nous sommes du développement d’une politique ambitieuse de l’apprentissage, des décalages entre les objectifs que nous nous assignons et les résultats que nous obtenons, nous ajusterons et ferons évoluer le dispositif.
Comprenez bien l’esprit dans lequel nous agissons, en toute transparence et en pleine responsabilité, dans un contexte où il faut réaliser des économies en dépenses, mais sans sacrifier une priorité réaffirmée par le Président de la République, à savoir le développement de l’apprentissage, qui est une chance pour nos jeunes et pour nos entreprises.