M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser mon retard, mais j’ai été retenue à l'Assemblée nationale par un impératif. Je tiens à vous remercier, monsieur le président, d’avoir adapté, en conséquence, le déroulement du début de la discussion générale.
M. le président. Je vous en prie, madame la ministre.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Je vous remercie tous de votre compréhension, de votre patience et de votre indulgence. (Sourires.)
Monsieur Daudigny, je regrette de ne pas avoir entendu le début de votre intervention, d’autant que je connais la qualité des travaux de la commission des affaires sociales et, d’une manière générale, de ceux de la Haute Assemblée.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 que nous présentons aujourd’hui poursuit, dans un double objectif, la maîtrise des dépenses dans la justice sociale, dont nous tenons le cap.
Cet effort de redressement est indispensable. Alors que le déficit cumulé de la sécurité sociale entre 2002 et 2012 s’élevait à 160 milliards d’euros, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis, le déficit a été ramené de 17,5 milliards d’euros en 2012 à 13 milliards d’euros en 2014.
Dans ce contexte budgétaire extrêmement contraint, le taux de progression de l’ONDAM médico-social consacré à l’accueil des personnes en situation de handicap, soit 3,1 %, reste supérieur à celui de l’ONDAM général. C’est un marqueur fort que nous avons voulu maintenir.
En effet, nous avons fait du handicap une priorité depuis 2012. Il est très clair que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale est parfaitement cohérent avec ce choix politique, ce choix de société que nous avons fait.
Certes, des économies sont réalisées, mais elles ne portent jamais, j’y insiste, sur les plus fragiles.
Nous poursuivons le rattrapage de l’offre médico-sociale, en augmentant l’ONDAM médico-social pour les personnes handicapées de plus de 275 millions d’euros par rapport à l’année dernière.
L’objectif général de dépenses dans le champ du handicap augmente même de 3,45 %, soit 300 millions d’euros par rapport à 2013.
Derrière ces chiffres, ce sont des avancées concrètes pour les personnes en situation de handicap et pour leurs familles qui méritent d’être soulignées.
L’objectif général de dépenses permet déjà de financer 80 000 places pour adultes et plus de 150 000 places pour enfants dans le secteur médico-social.
De plus, 207 millions d’euros supplémentaires seront consacrés à la création de places, soit 57 millions d’euros de plus que l’année dernière. Cela se traduira concrètement par la création de 16 000 nouvelles places d’ici à 2016, avec un rythme de 3 000 à 4 000 places par an, selon, bien entendu, les appels à projets, et ce rythme sera tenu ! Nous maintenons cet objectif et ce cap.
Enfin, 50 millions d’euros seront dédiés à l’aide à l’investissement pour les établissements médico-sociaux.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 atteste également les premières réalisations du troisième plan Autisme.
Vous le savez, nous en avons beaucoup parlé avec vous, notamment au sein de la commission des affaires sociales, un effort financier inédit est consenti pour l’accompagnement des personnes autistes et de leur famille.
En la matière, ce texte consacre 7,5 millions d’euros au renforcement des centres d’action médico-sociale précoce, ainsi qu’au développement des unités d’enseignement scolaire, dont nous assurons un complément de financement, car celles-ci sont majoritairement financées via une ligne budgétaire du ministère de l’éducation nationale.
Grâce au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, des enfants autistes pourront être accueillis dès l’année prochaine au sein même d’écoles maternelles ordinaires, avec, à leurs côtés, un maître et une équipe médico-sociale. C’est une avancée importante, sur laquelle j’appelle votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, car il s’agit là du démarrage du troisième plan Autisme, tant attendu et sur lequel nous avons tant travaillé.
Dès cette année, nous avançons également sur le diagnostic et l’orientation précoces, mais aussi, comme je le disais à l’instant, sur l’inclusion des enfants autistes à l’école maternelle grâce aux équipes polyvalentes que nous finançons.
Vous le savez, les prochains projets de loi de financement de la sécurité sociale verront régulièrement une montée en puissance de ce troisième plan.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 donne donc clairement la priorité au handicap. Il est parfaitement cohérent avec les décisions du Comité interministériel du handicap, réuni par le Premier ministre le 25 septembre dernier, pour la première fois depuis sa création… en 2009 !
Ce comité interministériel a notamment décidé d’accompagner la consolidation des places existantes – c’est ce que nous faisons ! –, de créer des places nouvelles – c’est encore ce que nous faisons ! – et de mieux appréhender les besoins en la matière – nous y travaillons.
Oui, monsieur Labazée, la tarification des établissements médico-sociaux sera réformée dans le cadre du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique. Je vous informe de la mise en place d’un groupe de travail, qui s’attellera à la tâche dans les tout prochains jours, en vue de formuler des propositions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la construction d’une société inclusive est aujourd’hui une réalité qui prend corps, accompagnée par l’ensemble du Gouvernement, et au plus haut niveau. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale en est la preuve. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après avoir entendu les onze intervenants qui se sont succédé à la tribune, comment ne pas être convaincu que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 est parfait ? (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous n’avons pas dit qu’il était parfait ! Nous avons dit qu’il était très bon !
Mme Catherine Procaccia. Cela commence bien !
M. Gilbert Barbier. Avant d’aborder cette discussion, je me suis reporté aux débats de l’an dernier sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et j’ai relu avec intérêt les propos du ministre, M. Cahuzac. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
« Le redressement des finances publiques est, disait-il, une nécessité […] d’abord parce que la France a donné sa parole et qu’un grand pays doit respecter ses engagements, ensuite car notre pays se doit de rétablir sa souveraineté, qui a été au moins en partie aliénée au profit d’institutions financières et d’agences de notation. » Il poursuivait en évoquant le devoir moral vis-à-vis des générations futures.
Or, au moment même où je lisais ces lignes, est tombée la nouvelle de la dégradation de la note de la France par l’une de ces agences. Comment ne pas en déduire que l’effort de redressement de nos finances, en l’espèce des finances sociales, n’a pas été à la hauteur des promesses ?
Je me suis demandé en quoi le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 se différenciait du précédent. À l’évidence, il est de la même trempe : même politique de petits ajustements, même refus des réformes structurelles, même recours à de nouveaux prélèvements sur toutes les catégories de nos concitoyens !
Vous nous parlez de réformes d’ampleur sur toutes les branches et de votre souci – je cite là l’annexe B du projet de loi – de modérer la pression fiscalo-sociale sur les entreprises et les ménages.
Doit-on voir dans le énième épisode du feuilleton des retraites que vous nous avez présenté la semaine dernière une réforme d’ampleur ? La lamentable conclusion de ce débat au Sénat prouve le contraire. Vous refusez une réforme systémique, qui serait pourtant la seule à ouvrir des perspectives durables, vous contentant de réduire temporairement les déficits de cette branche. Sans doute avez-vous évité les cortèges de mécontents, mais on est loin du compte !
Par ailleurs, peut-on parler de modération de la pression fiscale quand vous taxez tour à tour les retraités, en reportant de six mois la revalorisation des retraites ; les actifs, en augmentant les cotisations vieillesse ; les familles, en modulant la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, en fonction des revenus et en abaissant le quotient familial ; les épargnants, en augmentant les prélèvements sociaux sur les produits de placement ? Pour ce qui concerne ces prélèvements, nous sommes dans le flou, car nous n’avons toujours pas eu connaissance du fameux amendement que le Gouvernement doit nous présenter en commission…
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous en disposerons ce soir en commission !
M. Gilbert Barbier. Peut-être ce soir, alors !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est sûr !
M. Gilbert Barbier. Si nous avions pu en prendre connaissance avant le début de cette discussion générale, cela aurait peut-être évité certains propos désagréables…
M. Georges Labazée. Modifiez votre discours !
M. Gilbert Barbier. Nous verrons bien ce soir !
Mais, comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement s’acharne sur le monde du travail. Tout le monde y passe : les professions libérales, les exploitants agricoles, les artisans et les commerçants. On voudrait décourager les entrepreneurs que l’on ne s’y prendrait pas autrement !
À l’heure où l’économie française traverse une période difficile, il faudrait, au contraire, encourager les PME et alléger leurs charges, car elles sont essentielles au soutien de la croissance et au maintien des emplois dans notre pays.
Franchement, madame la ministre des affaires sociales, je ne vois rien, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui reflète la volonté d’assumer vos responsabilités que vous affichiez en arrivant au pouvoir.
Augmenter les recettes ne fait pas une politique !
Sans réformes structurelles, sans véritables économies sur les dépenses, comment pourrions-nous maintenir le déficit en dessous de 3 % en 2015 ? Malgré les assurances du Gouvernement, l’engagement paraît d’ores et déjà difficile à tenir ; les premiers résultats de l’année 2013 risquent de démontrer la fragilité des prévisions de l’exécutif.
Hormis de nouvelles recettes, madame la ministre, que proposez-vous ici ?
Cette année, contrairement à l’année dernière, vous prévoyez les modalités d’une reprise par la CADES d’une partie des déficits des branches maladie et famille. Cette disposition contribuera, certes, à alléger la contrainte financière pesant sur l’ACOSS, mais elle n’évitera pas, malheureusement, une nouvelle augmentation du plafond d’avances de l’Agence.
Prenons garde : les taux d’intérêt auxquels se refinancent les organismes publics, aujourd’hui attractifs, ne le seront pas forcément demain, surtout après la dégradation de la note de la France. Personnellement, je pense qu’il aurait été plus réaliste de transférer l’ensemble des déficits de ces deux branches à la CADES, en relevant à due concurrence la CRDS.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous ne l’avez pas fait non plus !
M. Gilbert Barbier. Monsieur le rapporteur général, je l’ai proposé chaque année, avec M. Vasselle.
M. Jacky Le Menn. Peut-être, mais la mesure n’a jamais été votée !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Les amendements ont toujours été retirés !
M. Gilbert Barbier. Mais je ne vais pas bouder ce qui peut apparaître comme l’une des rares dispositions positives du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Jean-Pierre Caffet. Tout de même !
M. Gilbert Barbier. Je parle du transfert à la CADES, même partiel, de la dette des branches maladie et famille.
Le Gouvernement propose également un mécanisme dérogatoire pour le financement des activités isolées réalisées au sein d’établissements de santé situés dans des zones à faible densité de population. Cette disposition n’a de sens que si elle s’inscrit dans le cadre d’une véritable refonte de l’offre hospitalière dans les territoires.
L’objectif ne doit pas être de maintenir artificiellement des hôpitaux de petite taille ayant une faible activité, ou des activités qui ne correspondent ni aux besoins de santé de la population ni, surtout, aux exigences de qualité et de sécurité. Au contraire, il faut rechercher une complémentarité entre les établissements existants, ce qui suppose une restructuration plus contrainte ; je pense en particulier aux plateaux techniques, qui sont non seulement dispendieux, mais quelquefois très insuffisants sur le plan de la qualité.
Je constate que cette question est taboue, quoique nous en ayons déjà beaucoup débattu. Pourtant, aujourd’hui, nos concitoyens veulent l’excellence et la spécialisation plutôt que la proximité : ils n’hésitent pas à parcourir quelques kilomètres pour se faire soigner dans les meilleures conditions.
Que dire, ensuite, de la mise en œuvre de tarifs dégressifs dans les établissements de santé en fonction du volume de l’activité de soins ? Que la T2A présente peut-être des défauts, notamment celui d’être inflationniste, c’est une chose ; mais le système proposé par le Gouvernement, complexe, ne prend pas en compte certaines situations. Je pense notamment à l’établissement qui serait seul à pratiquer certains actes sur un territoire donné ou à certains établissements spécialisés dans des domaines où la demande de soins est en forte progression.
Vous reportez une nouvelle fois la facturation individuelle des séjours hospitaliers, au seul motif que certains établissements sont incapables d’adapter leur système d’information. Pourtant, ce dispositif va dans le sens de la transparence et de la rationalisation des finances sociales.
Quant au médicament, autre cible habituelle d’économies, il subit une cure d’amaigrissement de 1 milliard d’euros en dépenses. J’y suis évidemment favorable, ayant souvent dénoncé une consommation excessive à un prix exorbitant. Reste que le Gouvernement prévoit de réaliser la plus grande part des économies, à hauteur de 700 millions d’euros environ, sur les médicaments princeps. Ce choix découragera d’investir dans notre pays les entreprises innovantes, créatrices d’emplois dans la recherche et le développement. Ce secteur a pourtant été récemment reconnu comme un secteur d’avenir !
Les dispositions relatives au médicament m’inspirent deux autres réserves.
S’agissant de la délivrance à l’unité, s’il faut évidemment lutter contre le gaspillage et contre l’automédication, l’expérimentation lancée par le Gouvernement pour la classe des antibiotiques a été décidée sans réelle concertation avec les professionnels concernés, et soulève de nombreuses questions que l’étude d’impact n’aborde pas. En particulier, qu’en est-il de l’information et de la traçabilité, de la responsabilité des pharmaciens, des économies potentielles ou encore des conséquences pour l’activité de l’industrie pharmaceutique ?
Ma dernière réserve porte sur la promotion des médicaments biosimilaires. Contrairement à ce qui existe pour les génériques chimiques, l’autorisation de mise sur le marché de ces médicaments est délivrée sur le fondement d’une similarité des résultats thérapeutiques, et non pas uniquement sur le fondement de la bioéquivalence. Je ne suis donc pas convaincu que la substitution par le pharmacien, prévue à l’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur le modèle de la procédure en vigueur pour les génériques chimiques, soit très adaptée.
Je pense que cette décision mériterait un peu plus de réflexion. Les médicaments biologiques sont notamment prescrits dans le cadre de pathologies lourdes, par des médecins qui connaissent avec précision le profil de leurs patients, selon un protocole de soins technique et spécifique. La substitution par le pharmacien devrait être encadrée et adaptée aux diverses classes de médicaments biosimilaires. Il est dommageable pour la sécurité du patient de mêler tous les biosimilaires dans le même système ; de grâce, agissons avec prudence, surtout concernant un secteur en pleine évolution !
En conclusion, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 est bien loin de ce que le Gouvernement nous annonçait, madame la ministre. La diminution de la croissance des dépenses – cet oxymore est la manière la plus adaptée de décrire la réalité – devrait non pas porter sur l’objectif de dépenses pour 2013, mais prendre en compte le montant des exécutions prévisibles, inférieur de 500 millions d’euros ; on aurait aimé entendre M. le rapporteur pour avis de la commission des finances présenter ce calcul.
J’ai espoir que le Sénat ne sera pas renvoyé dans ses buts comme lors de l’examen du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, et qu’il pourra être entendu sur certains points ! (Applaudissements sur quelques travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, si la France a pu, mieux que d’autres pays, encaisser le choc causé par la crise en 2008 et en 2009, c’est grâce à ses amortisseurs sociaux, qui ont stabilisé un peu la situation et offert une relative protection contre la crise. Il faut s’en souvenir au moment où nous entamons l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, dans une situation économique et sociale très difficile.
Il faut également en avoir conscience, ce sont les mêmes personnes qui sont les plus exposées à tous les risques - chômage, maladie, accidents du travail - et ce sont encore les mêmes qui, lorsque ces risques se réalisent, sont les moins bien armées pour y faire face.
D’où l’importance de l’engagement, réaffirmé par Mme la ministre des affaires sociales il y a quelques instants, de maintenir le cap de la solidarité nationale et de garder comme premier objectif la lutte contre les inégalités en matière de santé et contre toutes les injustices sociales en général.
Nous soutiendrons nombre d’articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, en particulier ceux qui touchent à l’offre de soins de premier recours, à la promotion des génériques, au recours à l’expérimentation pour tester de nouvelles méthodes et à l’élargissement de l’expérience concernant les nouveaux modes de rémunération.
Seulement, madame la ministre, si nous souscrivons aux objectifs du Gouvernement dans ces domaines, nous pensons qu’il est possible d’aller plus loin, et dès ce projet de loi de financement. Bien sûr, nous attendons le projet de loi de réforme du système de santé, prévu pour 2014, suivant les objectifs de la stratégie nationale de santé présentés en septembre dernier ; mais pourquoi ne pas mettre en œuvre dès à présent des mesures urgentes, attendues par beaucoup et qui sont à notre portée ? (Mme la présidente de la commission des affaires sociales acquiesce.)
Les sénateurs écologistes ont déposé une cinquantaine d’amendements visant à répondre à plusieurs de ces urgences, d’une manière – j’insiste sur ce point – qui est à notre portée. Nous sommes en outre convaincus qu’ils peuvent enclencher une dynamique très positive.
Dans un rapport remis au Premier ministre en septembre dernier, j’ai présenté quarante propositions « pour un choc de solidarité » en matière d’accès aux droits sociaux – aide médicale de l’État, CMU complémentaire, aide à l’acquisition d’une complémentaire santé –, mais aussi en matière d’accès aux soins et à la santé. Ces propositions, mesdames les ministres, sont « libres de droits », selon l’expression consacrée ; elles n’ont pas vocation à rester les conclusions d’un énième rapport, sagement remisé dans un tiroir !
Mes chers collègues, vous pouvez compter sur ma ténacité…
Mme Catherine Génisson. Bravo !
Mme Aline Archimbaud. … pour travailler à leur mise en œuvre, non seulement dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, de la préparation de la prochaine stratégie nationale de santé et de la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, mais aussi via diverses mesures réglementaires, tout à fait possibles, ou, plus directement, par décision interne de la Caisse nationale d’assurance maladie.
Du reste, l’application de certaines de ces propositions est déjà engagée, notamment par la CNAM, qui cherche à simplifier certaines démarches de ses usagers. La réflexion se poursuit à propos d’autres propositions, s’agissant notamment des indemnités journalières des travailleurs précaires, sur lesquelles mon attention a été attirée, en avril dernier, par une motion émanant des présidents de six caisses primaires d’assurance maladie de la région Nord – Pas-de-Calais.
D’un côté, la réglementation, ancienne, exige des salariés souhaitant bénéficier d’indemnités journalières en cas d’arrêt de travail ou de congé de maternité de justifier de 200 heures de travail au cours des trois mois civils ou des 90 jours précédant l’arrêt, un aménagement étant prévu en cas d’activité saisonnière ou discontinue.
De l’autre, le marché du travail est frappé par la montée de la précarité : de fait, on assiste à une multiplication des situations de travail à temps très partiel contraint, de contrats à durée déterminée très courts, de cumuls d’emplois, d’alternances entre périodes de chômage et périodes de travail et autres ruptures.
Il en résulte une augmentation des décisions de rejet des demandes d’indemnités journalières. Sans doute, ces situations restent minoritaires en proportion ; mais chaque refus est un déni de droit, car les personnes visées ont cotisé. Sans compter que ces rejets aggravent de façon brutale, parfois dramatique, la situation des personnes concernées.
Il est urgent que la réglementation soit réformée pour tenir compte de la précarisation croissante du marché du travail. Nos collègues de l’Assemblée nationale ont adopté un amendement qui prévoit la remise d’un rapport sur le sujet : ce n’est qu’un début, mais déjà un signal favorable.
Plusieurs autres propositions figurant dans mon rapport ont trait à la simplification de l’accès aux droits. Leur mise en œuvre profiterait non seulement aux bénéficiaires des aides sociales, qui attendent souvent pendant de nombreux mois l’ouverture de leurs droits, mais aussi aux travailleurs sociaux et aux personnels des caisses primaires d’assurance maladie, inutilement surchargés par le contrôle de dossiers fastidieux et complexes.
Pourquoi les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, qui remplissent par définition tous les critères d’accès à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS, doivent-ils remplir un deuxième dossier complexe, et renouveler cette démarche tous les ans ? Comment s’étonner, avec une telle procédure, que plus de 70 % des personnes éligibles à l’ACS n’y aient pas recours ?
Pour remédier à ce problème, les députés écologistes et le rapporteur de l’Assemblée nationale pour la branche santé ont fait adopter un amendement grâce auquel les bénéficiaires de l’ASPA qui auront rempli une première fois le dossier pour l’ACS et qui auront obtenu cette aide la conserveront tant qu’ils bénéficieront de l’ASPA. Cette mesure, que je préconisais, simplifiera la vie de toutes et tous.
Néanmoins, il est possible et nécessaire d’aller plus loin, en instaurant une automaticité réelle entre l’ACS et l’ASPA, et même entre l’ACS et l’allocation aux adultes handicapés, ainsi que, selon le même principe et pour les mêmes raisons, entre le RSA socle et la CMU complémentaire. Ainsi, l’obligation de remplir à chaque fois un nouveau dossier serait supprimée, une obligation chronophage et qui, de surcroît, est à une véritable trappe à non-recours, ce qui a des conséquences sur le recours aux soins, sur l’état de santé général de notre population, et par conséquent aussi sur nos finances publiques, puisque les personnes qui ne sont pas soignées à temps doivent recevoir des soins plus lourds. C’est le sens de trois des amendements qui ont été déposés par les sénateurs de mon groupe.
Mais poussons plus loin : plutôt que de demander aux candidats à la CMU complémentaire ou à l’ACS de justifier de toutes leurs ressources sur douze mois glissants, ce qui peut exiger de produire des pièces très nombreuses, surtout pour ceux qui cumulent plusieurs emplois à temps partiel, il serait préférable de prendre en compte uniquement le revenu fiscal de référence : tel est l’objet d’un autre de nos amendements, auquel M. le rapporteur général a fait référence.
Tout récemment, le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, le SGMAP, a publié une étude évaluant les gisements d’économies dits « moins de maladie ». Selon cette étude, très sérieuse, il apparaît qu’en diminuant le taux de renoncements aux soins, l’État augmente certes les dépenses relatives aux consultations médicales, mais diminue fortement les coûts liés aux hospitalisations d’urgence et aux traitements lourds de certaines pathologies, qui nous coûtent des sommes colossales.
Dans un scénario prudent, et toujours selon cette étude, le recours à la CMU complémentaire permet une économie de 1 000 euros par an et par foyer, alors que l’utilisation de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé représente une économie de 300 euros par an et par foyer. Ce n’est qu’un exemple, mais la question posée concerne l’ensemble de nos concitoyens, et pas seulement les plus modestes : l’accès réel à la prévention dans toute la société ne pourrait-il constituer à moyen terme une source importante de réduction des dépenses ? Nous sommes bien au cœur du sujet débattu aujourd'hui.
L’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé souffre d’un déficit de notoriété et d’un manque d’attractivité, cela a été dit à cette tribune, notamment par Mme la ministre. Le taux de non-recours en la matière avoisine ainsi les 70 %. Outre le reste à charge que l’ACS laisse subsister, le risque est élevé de devoir se contenter d’un contrat très souvent doté de garanties insuffisantes, se traduisant par un reste à charge sur les prestations elles-mêmes. Nos concitoyens se perdent dans un maquis d’offres souvent opaques, et pour des prestations très décevantes quand ils doivent y avoir recours.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a souhaité réfléchir à un encadrement plus strict des contrats d’assurance complémentaire de santé individuels auxquels les bénéficiaires de l’ACS pourraient souscrire. C’est l’objet de l’article 45, dont je salue les objectifs courageux, mais que je ne peux m’empêcher de trouver inquiétant à certains égards, car il risque de favoriser l’émergence d’un oligopole régulé sur le marché de la complémentaire santé. Par ailleurs, il offre peu de visibilité aux parlementaires sur la qualité du panier de soins, question pourtant fondamentale.