M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. J’ai dit ma consternation devant un précédent amendement. J’avoue que celui-ci est tout aussi consternant ! Que l’on propose d’exclure les salariés des établissements de santé du champ d’application du compte personnel de prévention de la pénibilité, c’est incroyable !
Mes chers collègues, songeons au travail des infirmières et des infirmiers, ou des aides-soignants, qui sont soumis à de multiples facteurs de pénibilité : travail de nuit par équipes successives, manutention de patients, exposition à des produits dangereux. Il est incompréhensible, et même scandaleux que ces personnels, à l’hôpital ou dans les cliniques privées, puissent être exclus du dispositif.
Madame Deroche, nous voterons fermement contre votre amendement ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC).
M. Jacques Chiron. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis tout à fait d’accord avec M. Domeizel : cette discrimination à l’encontre d’une catégorie de personnels est absolument inadmissible.
Au sein de la commission des affaires sociales, nous connaissons bien les difficultés des personnels de santé et la pénibilité à laquelle ils sont exposés ; je pense en particulier au corps infirmier, majoritairement composé de femmes.
Je ne sais pas s’il faut être consterné ou révolté ; en tout cas, madame Deroche, nous sommes farouchement opposés à votre amendement, qui est très discriminatoire et coupé de la réalité de l’hôpital !
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. À nos collègues qui présentent cet amendement, je veux dire mon étonnement, car on ne peut pas s’en tenir à des données comptables. Évidemment, prendre en compte la pénibilité aura un coût, qui pourra avoir une répercussion sur l’ONDAM. Aussi bien, pourquoi l’ONDAM serait-il exclu de l’effort nécessaire ?
Mme Catherine Génisson. En effet !
M. Gérard Roche. Cette discrimination à l’encontre des maisons de retraite, et surtout des hôpitaux, est insupportable !
MM. Jacques Chiron et Jacques-Bernard Magner. Tout à fait !
M. Gérard Roche. En effet, les horaires de travail sont pénibles et il faut tenir compte du poids des malades.
On parle beaucoup de la médecine d’urgence et de ses gyrophares. Pourtant, la vraie grandeur consiste pour les personnels dont nous parlons ici à travailler au quotidien à préserver la dignité de malades en fin de vie, des malades qui se souillent et qu’il faut faire manger, ce qui prend parfois un temps infini si l’on veut qu’ils s’alimentent correctement. Non seulement ce travail doit être pris en compte, mais il devrait être beaucoup mieux reconnu dans l’opinion !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
M. Gérard Roche. Je connais bien mes amis de l’UMP : je pense qu’ils n’ont pas assez réfléchi, car cet amendement n’est pas tout à fait à sa place ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il faut le retirer ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Catherine Génisson. Retirez-le !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Comme M. Vanlerenberghe l’a signalé, le compte personnel de prévention de la pénibilité n’a pas vocation à s’appliquer au secteur public. Il y a donc là une discrimination entre les établissements de santé publics et privés, et ces derniers risquent d’être mis en difficulté.
M. Claude Domeizel. Alors vous excluez les salariés des établissements privés ? Quelle méthode !
Mme Catherine Deroche. Je le répète, nous n’avons nullement l’intention de nier la pénibilité ; d’ailleurs, c’est le gouvernement que nous soutenions qui, dès 2010, l’a inscrite dans la législation sur les retraites.
M. Gérard Longuet. Absolument !
Mme Catherine Deroche. Nous sommes contre le compte personnel de prévention de la pénibilité, qui suscitera de nombreuses difficultés, ce qui ne veut absolument pas dire que nous sommes hostiles à l’amélioration des conditions de travail et à la prise en compte de la pénibilité !
Nous sommes contre la discrimination qu’introduit le compte personnel de prévention de la pénibilité entre les établissements de santé du secteur public et ceux du secteur privé.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 317, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 4162-2. – Le compte personnel de prévention de la pénibilité est ouvert dans les entreprises de 10 salariés et plus dès lors qu’un salarié a acquis des droits dans les conditions définies au présent chapitre. Les droits constitués sur le compte lui restent acquis jusqu’à leur liquidation ou à son admission à la retraite.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 405 rectifié, présenté par MM. Barbier et Mézard, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Après les mots :
est ouvert
insérer les mots :
dans les entreprises de 10 salariés et plus
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 271, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Remplacer les mots :
dès lors qu’un salarié a acquis
par les mots :
pour chaque travailleur dans les entreprises de dix salariés et plus dès lors qu’il s’est constitué
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Le nouveau compte personnel de prévention de la pénibilité présente deux risques importants pour les très petites entreprises et les petites entreprises.
Le premier risque est lié au surcoût financier, puisque le projet de loi prévoit qu’il sera à la charge intégrale des entreprises.
Le second risque tient à la complexité administrative du dispositif, puisqu’il s’agit d’établir, pour tous les salariés, une fiche de prévention des expositions, et pour les salariés atteignant de nouveaux seuils d’exposition fixés par décret, un compte personnel de prévention de la pénibilité, et d’alimenter ce compte par des points, selon un système différencié, en fonction du moment de la carrière du salarié.
Dès lors, il est nécessaire d’exonérer les plus petites des entreprises de cette nouvelle obligation.
Cet amendement a été rédigé et défendu par mon collègue Jean-Noël Cardoux. Je reprends son argumentation, qu’il maîtrise mieux que moi. Toutefois, en relisant cet amendement, je trouve que notre collègue a entièrement raison de le défendre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Monsieur Longuet, cet amendement vise à exonérer les entreprises de moins de dix salariés de l’obligation d’alimenter le compte personnel de prévention de la pénibilité de leurs salariés.
M. Gérard Longuet. Exactement !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Et pourquoi donc ?
Nous sommes bien sûr défavorables à cet amendement, qui, au prétexte de la complexité nouvelle que susciterait la gestion du compte pour les entreprises, consacrerait en fait une rupture d’égalité entre les salariés. L’exposition aux facteurs de risques professionnels a-t-elle des effets différents sur la santé des salariés selon qu’ils travaillent dans une TPE ou dans une grande entreprise ?
Par ailleurs, comment gérer la situation des salariés qui auraient ouvert un compte en raison de leur activité dans une entreprise de plus de dix salariés, puis qui seraient embauchés sur un poste pénible dans une très petite entreprise ?
Je rappelle, surtout, que ce ne seront pas les employeurs qui alimenteront le compte ou le géreront, mais les CARSAT, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail. Les employeurs n’auront qu’à déclarer les expositions de leurs salariés par le biais de la déclaration annuelle des données sociales.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je ne suis sans doute pas le mieux placé pour soutenir l’argumentation de mon collègue Jean-Noël Cardoux. Toutefois, vous ne m’avez pas convaincu, madame la rapporteur, de la simplicité d’une telle procédure.
Je constate en effet que, sur le terrain, l’emploi est souvent créé par les toutes petites entreprises, dont les responsables sont totalement polyvalents. Ce sont en général des techniciens qui maîtrisent leur métier. On leur demande d’être des commerciaux, ce qu’ils savent être, c’est une évidence. Ils doivent aussi être des financiers, puisqu’ils négocient avec leur banque les conditions du financement de leur trésorerie, et de bons fiscalistes, aussi, car ils n’ont pas toujours les moyens de s’adjoindre les compétences d’experts coûteux. Il leur faut, enfin, se spécialiser dans les relations sociales.
Ils seront désormais obligés de remplir ce compte pénibilité. Bien sûr, vous allez me dire que les CARSAT feront tout le travail et que les employeurs n’auront plus qu’à signer le document. En réalité, ce sera beaucoup plus compliqué ! Ce dispositif donnera lieu à de très nombreux contentieux entre employeurs et salariés, contentieux qui pourront, dans l’immense majorité des cas, s’arranger grâce à la bonne volonté des uns et des autres. Cependant, mon expérience des conseils de prud’hommes – je les fréquente tout comme vous - m’oblige à entrevoir d’incessants conflits s’agissant de la reconnaissance de la pénibilité.
Méconnaître le fait que les entreprises de dix salariés et moins n’ont pas les mêmes moyens que les entreprises plus importantes, c’est vraiment nier une évidence de société, une évidence économique.
Je suis très étonné que vous n’acceptiez pas une telle différence, considérant a priori que tout le monde peut faire la même chose. Pourtant, la complexité est évidente et les employeurs seront sans doute conduits soit à renoncer à l’embauche, soit à avoir à l’égard de l’emploi nouveau une attitude de prudence, ce qui constitue évidemment un facteur de découragement dommageable au regard de la nécessité de développer l’emploi dans notre pays.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Il est exact que les chefs d’entreprise des TPE n’ont pas les mêmes ressources humaines que les chefs d’entreprise des grands groupes. Pour autant, ils ont les mêmes qualités sociales, peut-être même plus que dans les grandes entreprises…
M. Gérard Longuet. Ils sont humains !
Mme Catherine Génisson. Les chefs des très petites entreprises tissent en effet une relation très personnalisée avec les membres de leur équipe, d’autant qu’ils exercent souvent, vous avez oublié de le dire, monsieur Longuet, le même métier que leurs salariés.
M. Gérard Longuet. Absolument !
Mme Catherine Génisson. Par conséquent, les arguments que vous avez développés ne me semblent pas valides pour exclure les TPE du dispositif relatif à la pénibilité.
M. Gérard Longuet. Il est étonnant que, partant d’un même raisonnement, vous tiriez des conclusions totalement inverses !
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je crois que vous êtes rétrograde, monsieur Longuet. Vous en êtes resté à l’idée que la pénibilité ne pouvait être abordée que dans le cadre de l’invalidité, vous référant en cela à la réforme de 2010. Selon moi, il faut changer complètement de vision. J’estime que vous êtes très en retard en ce domaine. Je le rappelle, pour bénéficier des dispositifs que vous aviez votés, il fallait quasiment avoir une main coupée ! Telle est la réalité.
Sur ces mesures relatives à la prise en compte de la pénibilité, vous êtes en train de freiner des quatre fers ! Amendement après amendement, vous vous efforcez d’introduire des discriminations – celui-ci, peut-être ; celui-là, certainement pas -, en vous fondant sur une argumentation immuable qui met en avant le coût du dispositif et les charges administratives qu’il entraînera.
Est-ce ainsi qu’on traite les salariés aujourd'hui dans notre pays ? (M. Gérard Longuet s’exclame.) Il y a là un réel problème ! En présentant dix ou vingt amendements de ce type, vous montrez le vrai visage que vous réservez aux salariés et retraités de notre pays. On a compris votre projet de société, et on ne vous suivra pas !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Dans ce débat, il y a deux vérités, et vous ne vous comprenez pas, chers collègues.
Il est clair, madame Génisson, que cela ne va pas être simple ! Même les petits chefs d’entreprise qui ont beaucoup de considération pour leur personnel devront s’atteler à la tâche et remplir ce compte personnel.
Je rappelle qu’il ne s’agit pas simplement de tenir administrativement ce compte, il faut aussi cotiser. Et vous voyez bien le risque… Car cotiser, c’est mettre de l’argent en jeu,…
Mme Michelle Demessine. C’est un gros mot !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Mais non ! Simplement, dans la mesure où il y a de l’argent en jeu, il peut y avoir des tricheries, d’un côté comme de l’autre. Ainsi, connaissant l’entreprise, j’estime que le texte ne prend pas totalement en compte sa réalité sociale et économique. À cet égard, je pense plus particulièrement aux TPE.
Pour autant, je ne souhaite pas qu’une discrimination soit instaurée entre les salariés. Je considère en effet que la pénibilité concerne tout le monde, et pas seulement les salariés du secteur privé. Il convient toutefois de prendre en compte une réalité compliquée. Et nous n’avons pas les réponses à toutes les questions.
Ainsi, il sera pour moi difficile de voter ce texte. Cependant, je ne m’opposerai pas à ce que les petites entreprises soient appelées à faire bénéficier leurs salariés du compte personnel de prévention de la pénibilité.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 269, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Après la référence :
L. 4161-1
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
ouvre droit à l’attribution de points sur le compte personnel de prévention de la pénibilité dans des conditions définies par un accord national de branche. Cet accord fixe les modalités de prise en compte de la pénibilité en tenant compte des mesures de prévention déjà mises en œuvre le cas échéant par des accords en vigueur à la date de promulgation de la loi n° … du … garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
II. – Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cet accord doit intervenir avant le 30 juin 2014. À défaut d’accord, il appartient au travailleur de demander l’ouverture du compte personnel de prévention de la pénibilité auprès de la caisse mentionnée à l’article L. 215-1 du code de la sécurité sociale dans des conditions fixées par décret. Ce décret détermine notamment les conditions dans lesquelles la commission mentionnée à l’article L. 351-1-4 du même code examine les justifications apportées par l’assuré sur le niveau, la fréquence et la période minimale d’exposition.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Cet amendement procède du même esprit que celui qui a inspiré les précédents amendements de notre collègue Jean-Noël Cardoux. Il consiste à partir d’un principe de réalité : dans le secteur privé, les emplois sont créés par les employeurs, et les employeurs sont des êtres humains, avec leurs capacités, leurs talents et leurs limites ; par conséquent, on ne peut pas leur demander d’être universels, d’avoir toutes les aptitudes, une science infuse et une polyvalence reconnue, à l’image, madame la ministre, des hauts responsables de l’État.
Notre collègue propose donc, par cet amendement, de partir d’un principe plus simple que celui sur lequel se fonde le texte, en confiant aux partenaires sociaux des différentes branches professionnelles concernées le soin de négocier les seuils, et notamment le niveau, la fréquence et la durée minimale de l’exposition aux facteurs de pénibilité. Le décret n’interviendrait qu’à défaut d’un accord.
Cet amendement me paraît extrêmement pertinent. Il repose en effet sur la responsabilité du dialogue social entre représentants des salariés et des employeurs et permet ainsi d’approcher au plus près la réalité vécue.
Le décret, par définition, est un texte réglementaire de haut niveau, certes, mais pris loin des réalités. Il n’interviendrait donc que comme une sorte de menace destinée à éviter une éventuelle paralysie, suffisant à faire se rencontrer les partenaires sociaux sur le chemin d’un accord commun.
M. le président. L'amendement n° 270, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après les mots :
définis par
insérer les mots :
accord de branche ou d’entreprise, conclu avant le 31 décembre 2014, ou, à défaut, par
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Les deux amendements procèdent du même esprit.
Sachant qu’il est difficile de définir des critères de pénibilité universels par décret, il nous semble presque impossible de le faire pour certains facteurs tels que la température, les postures ou les manutentions.
Il convient donc, à la demande des partenaires sociaux, de laisser les branches et les entreprises définir les situations de travail qui doivent être considérées comme pénibles ainsi que les seuils de pénibilité.
Le fait d’associer les partenaires sociaux à la mise en place du dispositif proposé permettrait, en outre, d’assurer une transition avec les accords négociés à la suite de la loi de 2010, laquelle, certes, n’est pas exhaustive et n’a pas couvert la totalité des secteurs professionnels, mais a eu le mérite d’ouvrir la discussion sur le sujet.
M. le président. L'amendement n° 288, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’application des seuils précités à l’alinéa précédent, l’accord collectif de branche étendu visé à l’article L. 4163-4 peut caractériser l’exposition effective des travailleurs à un ou plusieurs des facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 par des « scénarios types d’exposition », faisant notamment référence aux postes occupés ou aux situations de travail.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Je vais encore résumer l’esprit dans lequel notre collègue, retenu loin de l’hémicycle par un souci de santé, a travaillé cet amendement.
L’amendement n° 288 vise à permettre aux branches concernées par les facteurs de pénibilité de définir des « scénarios types d’exposition ». Ceux-ci se substitueraient à l’application de seuils prévus par décret, pour tout ou partie des salariés, pour tout ou partie des entreprises. À défaut d’un tel accord de branche, ces seuils d’exposition définis par décret s’appliqueraient.
Ces trois amendements procédant de la même philosophie, ils seront sans doute tous censurés par le Gouvernement. Ils reflètent pourtant, à mon sens, l’esprit de concertation harmonieuse qui règne au sein des petites entreprises, où patrons et salariés s’efforcent de trouver des solutions et craignent, plus que dans les autres entreprises, les arbitrages extérieurs. Nous avons tous lu la fable de La Fontaine Les grenouilles qui demandent un roi : les entreprises ne veulent pas du roi décret ; elles veulent des accords professionnels !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’amendement n° 269 vise à définir les conditions d’ouverture du compte personnel de prévention de la pénibilité par accord de branche. En outre, il tend à préciser que l’ouverture du compte interviendra à la demande du salarié et sur présentation de pièces justificatives.
Comme je l’ai dit précédemment, à propos d’un amendement de M. Gérard Larcher présenté à l’article 5, renvoyer aux accords de branche la définition des conditions d’ouverture ou des critères d’abondement du compte serait une source d’inégalités entre les salariés. Les facteurs de risques professionnels sont définis, et les seuils le seront après concertation avec les partenaires sociaux.
Par ailleurs, les effets sur l’espérance de vie en bonne santé de l’exposition au bruit ou du travail de nuit sont les mêmes, qu’il s’agisse d’une activité agricole, d’une activité industrielle ou d’une activité de services.
Enfin, l’ouverture du compte doit être automatique pour les salariés exposés à la pénibilité, sur la base des données transmises par l’employeur. Ils ne doivent pas avoir à accomplir de démarches supplémentaires, puisque tout repose sur une approche objective de la pénibilité, assortie de seuils.
La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 270 vise à définir les seuils d’exposition par accord de branche ou d’entreprise. Comme l’a rappelé Mme la ministre tout à l’heure, la définition des seuils d’exposition se fera à l’échelon national, après concertation avec les partenaires sociaux, et non entreprise par entreprise.
La commission émet un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 288 repose sur un concept différent, puisqu’il s’agit de remplacer la notion de « seuils d’exposition » par celle de « scénarios types d’exposition », définis par accord de branche.
Il convient de s’attacher à l’approche objective et égalitaire sous-tendant ce projet de loi en matière de prise en compte de la pénibilité, dont les seuils d’exposition constitueront le socle.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 269.
M. Gérard Longuet. Je vous remercie, madame le rapporteur, d’avoir répondu précisément sur ces trois amendements. J’ai écouté vos arguments avec beaucoup d’attention. Je suis convaincu de votre bonne volonté. Pour autant, j’estime que notre collègue Jean-Noël Cardoux a eu raison de présenter ces amendements, pour défendre cette proximité de l’entreprise que vous méconnaissez et refusez de prendre en considération,…
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas : c’est ce que vous voulez dire ?
M. Gérard Longuet. … préférant vous en remettre à un décret. Soit, mais je crains que les entreprises ne disposant pas des moyens humains nécessaires pour assumer ce type de responsabilité n’entrent en quelque sorte en dissidence et ne soient tentées de biaiser pour contourner ces seuils imposés de l’extérieur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Vous avez une bien piètre idée des chefs d’entreprise, monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. Je pense profondément que l’adhésion des entreprises au dispositif serait bien plus forte si elles avaient le sentiment que les règles du jeu sont fixées en tenant compte de leurs réalités.
Là est toute la différence entre les socialistes et les tenants des conventions, du dialogue, de la participation que nous sommes : vous invoquez l’autorité de l’État, assumez donc vos responsabilités ; nous assumerons les nôtres devant nos mandants.
M. le président. L'amendement n° 272, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il précise également la période minimale d’exposition permettant la validation de points.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Il importe de bien prendre en considération la durée d’exposition aux facteurs de risques professionnels, car c’est souvent le temps qui fait la différence.
Notre expérience, directe ou indirecte, de la vie professionnelle nous a tous permis de constater que tel ou tel métier pouvait, à un moment ou à un autre, s’exercer dans un environnement extrêmement difficile, agressif, en raison du bruit, de la chaleur ou de l’existence de risques, réels ou ressentis. Par cet amendement, nous proposons que le décret fixant les règles d’attribution de points résultant des seuils d’exposition aux facteurs de pénibilité précise quelle période minimale d’exposition autorise l’attribution de points au salarié exposé.
En effet, il convient de bien préciser que c’est non pas l’exercice d’un métier qui entraîne l’attribution de points, mais bien une durée d’exposition à des facteurs de pénibilité.
Il ne faut pas stigmatiser certains métiers et décourager les jeunes de s’orienter vers telle ou telle activité. Pour ma part, j’ai une expérience de la fonderie. Vu de l’extérieur, ce métier peut paraître particulièrement inquiétant. Sans en revenir au mythe de Vulcain, force est de reconnaître qu’il règne toujours, dans une fonderie, une ambiance impressionnante pour le non-initié, alors que celui qui y travaille trouve une véritable satisfaction, une fierté à couler des billettes ou des lingots : c’est certainement un effort, mais un effort maîtrisé. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) Le travail industriel a une noblesse, y compris aux postes en apparence les plus difficiles.