M. Philippe Marini. L’UMP !
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Je puis très bien prononcer son nom moi-même : ce n’est pas un mot grossier !
M. Alain Gournac. Pas du tout !
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. J’y compte d’ailleurs quelques amis…
Monsieur Marini, pour observer le fonctionnement de cette délégation depuis plus de deux ans, je crois que, tout fétichisme mis à part, le chiffre de huit est très harmonieux. Cette composition a permis l’instauration d’un véritable climat de confiance entre les quatre représentants de l’Assemblée nationale et les quatre représentants du Sénat.
Or il me semble que, compte tenu de la dimension du secret-défense et du climat de confiance qui s’est déjà établi entre les directeurs de services et la délégation, augmenter de deux le nombre des membres pourrait peut-être poser certains problèmes – notez que je ne suis pas affirmatif.
Du reste, il s’agit d’une question récurrente ; elle a déjà été posée en 2007, dans les mêmes termes, et le gouvernement que M. Marini soutenait a conclu à la non-présence des présidents des commissions des finances.
M. Philippe Marini. Les gouvernements sont rarement parfaits !
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Je le sais, mon cher collègue, c’est pourquoi je ne me sers pas de cet argument contre votre proposition.
Votre groupe pourrait décider de toujours désigner, pour siéger au sein de la délégation parlementaire au renseignement, un membre de la commission des finances ; je vous signale que cette possibilité existe, mais la décision vous appartient.
Dès lors que votre légitime aspiration peut être satisfaite par ce moyen, je ne vois pas au nom de quoi les présidents des commissions des finances devraient être nommés membres de droit de la délégation parlementaire au renseignement, en plus des présidents des commissions des lois et de la défense, même si je comprends l’intérêt que vous portez aux travaux de la délégation, justifié par l’intégration au sein de celle-ci de la commission de vérification des fonds spéciaux.
M. Philippe Marini. Et voilà !
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Les membres de cette commission, dont je fais partie, font excessivement attention au travail qui leur est confié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Je serais tout à fait prêt, monsieur Carrère, à accepter une rectification de l’amendement visant à substituer un membre de la commission des finances au président de cette dernière, si c’est cela qui vous gêne.
Je crois que nous assurerions une représentation adéquate en renvoyant à la commission elle-même le choix de son représentant.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Il est important que nous nous comprenions bien, monsieur Marini. Je ne veux surtout pas que vous interprétiez mal ce que je suis en train de vous dire.
C’est sur le quota de l’UMP que vous pourriez choisir un membre de la commission des finances. D’ailleurs, si vous voulez mon point de vue, je considère qu’une telle mesure serait fondée. Toutefois, on ne peut pas l’inscrire dans le texte de ce projet de loi, parce que, de cette manière, la représentation de votre groupe pourrait être majorée artificiellement. La règle actuelle vous permet d’avoir, au sein de la DPR, un membre de l’UMP appartenant à la commission des finances. C’est donc à vous d’agir en ce sens.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 50, présenté par M. Carrère, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
aa) La seconde phrase du deuxième alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Sauf opposition motivée du Premier ministre, ces informations et ces éléments d’appréciation peuvent porter sur les activités opérationnelles de ces services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités. Ces informations et éléments d’appréciation ne peuvent porter sur les opérations en cours, ni sur les échanges avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. À ce moment du débat, je voudrais ajouter, en m’adressant plus particulièrement à M. Hyest, qu’en tant que membre débutant de la délégation parlementaire au renseignement, sous un gouvernement précédent, que nous connaissons bien les uns et les autres, j’ai eu la sensation que le Président de la République, c'est-à-dire le haut de l’exécutif, était en prise directe avec l’opinion sur ces questions de renseignement. Par ailleurs, les services courent le risque d’une demande sans cesse renouvelée de judiciarisation.
Ces deux réalités, la judiciarisation, avec ses aléas susceptibles de paralyser l’action des services, et un Président de la République en prise directe avec l’opinion, m’ont incliné à penser que, s’il fallait confier au renseignement des prérogatives et des pouvoirs nouveaux, afin de lutter encore plus utilement contre le terrorisme et les fléaux qui nous menacent, il convenait, proportionnellement mais non pas mathématiquement, de trouver des modalités de contrôle parlementaire à la hauteur des enjeux, notamment au regard de l’opinion.
Bien évidemment, nous avons veillé avec soin à trouver un système démocratique parfaitement adapté à la situation de notre pays. Nous nous sommes ainsi posé la question de savoir si le fait d’avoir instauré entre nous, par livre blanc et groupe de travail n° 4 interposés, un climat de confiance et d’harmonie rendait possible la création de ce nouvel échelon de contrôle parlementaire.
Force a été de le constater au cours des débats, auxquels ont participé les chefs des services, les responsables des grandes administrations – je pense à M. Jean-Claude Mallet – et des ministères, ainsi qu’un certain nombre de personnalités, telles que le SGDSN, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, le président de la commission du Livre blanc, le coordonnateur du renseignement, nous ne pouvions pas continuer en laissant le haut de l’exécutif en quelque sorte en apesanteur.
Il fallait introduire une notion de contrôle, en veillant avec soin à ce que celui-ci ne se transforme pas en voyeurisme intrusif, dérangeant l’action des services alors que l’objectif était au contraire de préserver ces derniers par la possibilité de rendre compte, dans le cadre du secret défense.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons œuvré en ce sens. Aucune autre raison n’a guidé notre volonté d’accroître ce contrôle.
Le Gouvernement me demande de modifier cet amendement, en en retranchant l’adjectif « motivée ». Mes chers collègues, je vous consulte du regard, vous proposant de suivre le Gouvernement sur ce point. Il me semble en effet que nous avons commis un léger excès en prévoyant une « opposition motivée du Premier ministre ».
M. le président. Le sous-amendement n° 63, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Supprimer le mot :
motivée
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises ce matin et cet après-midi, le Gouvernement est favorable à un accroissement des prérogatives de la DPR, afin qu’un véritable contrôle démocratique de l’activité des services de renseignement puisse se développer et, ainsi, légitimer une activité indispensable à la défense de nos intérêts fondamentaux.
À ce titre, j’ai indiqué que nous étions disposés à revenir sur l’interdiction complète d’accès aux informations portant sur les activités opérationnelles qui figurent dans le texte actuel de l’ordonnance régissant les compétences de la DPR.
Cela étant, nous avons estimé, et je remercie M. Carrère d’accepter que son texte soit sous-amendé en ce sens, qu’en raison de la séparation des pouvoirs, telle qu’elle a été interprétée par le Conseil constitutionnel, et pour la sécurité de nos agents, il était indispensable qu’aucune information sur les opérations en cours ou sur les relations avec les services étrangers ne soit communiquée. Tout cela doit impérativement être protégé.
Pour le reste, le Gouvernement n’est pas favorable à ce que pèse sur le Premier ministre une obligation de justification des raisons qui le conduiraient à s’opposer à des transmissions d’informations opérationnelles, et non pas, je le précise de nouveau, sur des opérations en cours.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
aa) A la seconde phrase du deuxième alinéa, les mots : « activités opérationnelles de ces services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités » sont remplacés par les mots : « opérations en cours » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois. Les dispositions de cet amendement constituent évidemment une solution de substitution à l’amendement n° 50 présenté par M. Carrère.
La position de notre commission est la suivante. Le Conseil constitutionnel s’est exprimé avec beaucoup de clarté lors de l’examen de la loi de finances pour 2002. Il a clairement exclu des informations transmises à la DPR celles qui sont relatives aux opérations en cours. Nous proposons de nous caler sur cette position très claire.
La règle, c’est que la délégation parlementaire au renseignement n’a vocation ni à intervenir ni à contrôler ni à demander des explications pendant que les opérations ont lieu. Il serait en effet tout à fait étrange de vouloir contrôler au fur et à mesure du déroulement des opérations.
En revanche, il va de soi que les opérations achevées peuvent donner lieu à toute investigation, demande de contrôle, d’information ou d’explication aux directeurs des services.
À notre sens, il est plus simple et plus logique d’affirmer que la DPR ne peut pas traiter les affaires en cours. Il s’ensuit que cette délégation peut traiter les opérations achevées, et nous ne pensons pas que cela doive être subordonné à une décision du Premier ministre.
Si tel ou tel directeur de service croit ne pas devoir donner une information, il a toujours la possibilité de le faire. Il peut avoir des raisons d’agir ainsi, et le Gouvernement peut tout à fait lui avoir donné des instructions en ce sens. Néanmoins, nous pensons pour notre part qu’il est plus clair que la loi pose la restriction voulue par le Conseil constitutionnel, en affirmant que tout le reste peut donner lieu à nos travaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 63 et l’amendement n° 3 ?
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 63 du Gouvernement.
Sur l’amendement n° 3, je n’ai pas d’avis ! En effet, si l’amendement n° 50 de la commission, une fois sous-amendé, est adopté, il deviendra sans objet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 50, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 63. Il est défavorable à l'amendement n° 3.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Chevènement. L’adjectif « motivée » venait d’une discussion, une sorte de brainstorming mené au sein de la commission des affaires étrangères. La suggestion, je le confesse, venait de moi ; elle a été reprise par M. Carrère.
Ceux qui me connaissent savent que je suis très attaché aux prérogatives de l’État régalien. Il se trouve que l’on a créé, à tort ou à raison, une délégation parlementaire au renseignement. Il faut maintenant lui octroyer quelques prérogatives ! Que le Premier ministre motive son opposition à la transmission d’informations ne signifie pas qu’il doive entrer dans les détails. Il peut refuser, en arguant que cela mettrait en jeu la vie de certaines personnes. Face à un tel motif, nous ne pourrions que nous incliner.
Toutefois, si l’on décide de n’accorder aucune prérogative à cette délégation, peut-être vaudrait-il mieux la supprimer ! Du reste, on s’en est passé pendant très longtemps. Néanmoins, comme les moyens d’investigation ne cessent de croître, on se croit obligé de créer une structure.
Par conséquent, je m’abstiendrai, ma réflexion étant en quelque sorte suspendue.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 3 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
ba) A la seconde phrase du dernier alinéa, les mots : « seuls les directeurs en fonction de ces services peuvent être entendus » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « la délégation peut entendre les directeurs en fonction de ces services. Elle peut également entendre les autres agents de ces services, sous réserve de l’accord et en présence du directeur du service concerné. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois. Si le présent amendement était adopté, la délégation pourrait entendre non seulement les directeurs des services, mais aussi, avec l'accord de ces derniers, les agents en fonction.
Toutefois, nous avons été extrêmement sensibles aux différentes discussions que nous avons eues et à la nécessité de ne pas placer les agents ou les directeurs de services dans une situation qui serait à bien des égards fausse ou difficile. C’est la raison pour laquelle je me suis permis de donner mon accord à une rectification proposée par la commission des affaires étrangères prévoyant que l’on puisse entendre les agents des services avec l’accord et en présence de leurs directeurs.
Il m’a semblé qu’une telle mesure, parfaitement cohérente, ne trahissait pas l’esprit des délibérations menées par la commission des lois. De plus, le droit rejoindrait ainsi le fait, puisqu’il est arrivé que des directeurs viennent devant la délégation parlementaire au renseignement accompagnés d’agents ayant des connaissances ou des compétences techniques particulières.
M. le président. Le sous-amendement n° 60, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
la délégation peut entendre les directeurs en fonction de ces services. Elle peut également entendre les autres agents de ces services, sous réserve de l’accord et en présence du directeur du service concerné
par les mots :
la délégation peut entendre les directeurs en fonction de ces services, qui peuvent se faire accompagner des collaborateurs de leur choix
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement et M. Sueur ont ici une divergence d’appréciation. Je suis extrêmement réservé quant à la possibilité d’auditionner directement les agents des services, parce que, compte tenu de leur métier très spécifique, j’estime qu’il est de notre responsabilité de leur assurer une protection qui est quasi inhérente à leur statut.
Dans son amendement, la commission des lois propose que la délégation puisse entendre « les autres agents de ces services, sous réserve de l’accord et en présence du directeur du service concerné ». Pour sa part, le Gouvernement préfère s’en tenir à la possibilité pour les directeurs en fonction de ces services de se faire accompagner par les collaborateurs de leur choix. Cette faculté leur serait offerte sans qu’elle s’impose à eux, ce qui est tout à fait différent. C’est là une position de fond, à laquelle je me tiens.
Comme l’a rappelé tout à l’heure Jean-Pierre Chevènement, le Gouvernement, au travers de ce projet de loi de programmation militaire, a élargi assez sensiblement le rôle de la commission. Il n’en demeure pas moins que, sur un certain nombre de sujets, je ne transigerai pas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Au risque que l’on finisse par croire que nous avons des désaccords de fond, alors que nous sommes d’accord sur pratiquement tout, je ne partage pas du tout l’analyse de M. le ministre ! C’est la commission des affaires étrangères et de la défense qui a demandé à Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois et rapporteur, de rectifier son amendement, sur lequel elle a ensuite émis un avis unanimement favorable.
Cet amendement rectifié est rédigé comme suit : « La délégation peut entendre les directeurs en fonction de ces services. Elle peut également entendre les autres agents de ces services – écoutez bien, mes chers collègues – sous réserve de l’accord et en présence du directeur du service concerné. » Cela veut bien dire que, si les directeurs en question ne souhaitent pas qu’une personne de leurs services soit entendue, eh bien elle n’est pas entendue et elle ne sera entendue qu’en présence du directeur concerné !
Cette personne est donc protégée. À la limite, nous serions peut-être même dans l’incapacité de faire ce que nous aurions dû faire dans le cadre d’une affaire récente, qui aurait pu nous éclairer par rapport à ce qui avait été indiqué localement par les membres de la SDIG, la sous-direction de l'information générale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 5 rectifié, sous réserve de l’adoption de l'amendement n° 60.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.
M. Jacques Gautier. Nous nous sommes abstenus en commission, y compris sur l’amendement dans sa version rectifiée à la demande de la commission, sur lequel nous sommes très réservés. Nous pensons en effet que son adoption pourrait mettre les directeurs de ces services en porte-à-faux. C’est la raison pour laquelle nous voterons le sous-amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Peut-être n’entend-on jamais certaines personnes, en raison des rôles qu’elles tiennent et des missions qu’elles assurent. Au moment de voter, pensons aux agents de base et prenons garde que notre demande légitime de transparence ne les mette en difficulté. Au nom tout simplement de la sécurité de ces fonctionnaires, veillons à mettre en place une procédure équilibrée.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 60.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas le sous-amendement.)
M. Robert del Picchia. C’est dommage !
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer les mots :
, avec l’accord préalable des ministres sous l’autorité desquels ils sont placés,
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois. L’article 6 nonies de l’ordonnance de 1958 prévoit que la délégation parlementaire au renseignement peut entendre les directeurs des services de renseignement, sans qu’il soit précisé que ces auditions ont lieu avec l’accord de leur ministre.
Le présent projet de loi de programmation prévoit, et c’est une bonne chose, que nous puissions également entendre les directeurs d’administration centrale ayant à connaître des activités des services spécialisés de renseignement. Par cohérence, ces fonctionnaires doivent eux aussi pouvoir être entendus sans l’accord de leur ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Comme elle l’indique d’ailleurs dans ses rapports publics, la délégation parlementaire au renseignement a déjà procédé, par le passé, afin de compléter son information, à l’audition de directeurs d’administration autres que les directeurs des six services de renseignement, par exemple le directeur général de la police nationale.
Le projet de loi de programmation permet donc d’entériner une pratique désormais bien établie au sein de la délégation parlementaire au renseignement, et il n’est pas nécessaire de préciser que ces auditions nécessitent un accord préalable du ministre sous l’autorité desquels ces directeurs sont placés.
Mes chers collègues, il ne faudrait pas mettre à mal tout ce dont il a été question tout à l’heure, c'est-à-dire l’accroissement des prérogatives des services, la lutte contre une judiciarisation excessive et un meilleur contrôle du Parlement. En effet, c’est à l’opinion publique qu’il faudra rendre des comptes, c’est à elle qu’il faudra démontrer la réalité du contrôle parlementaire sur les services de renseignement, c’est devant elle qu’il faudra prouver que ces services ne sont pas en apesanteur totale, sans autre lien que celui qui les relie directement au haut de l’exécutif, comme ce fut le cas lors d’affaires récentes, ce qui avait contribué d’ailleurs à affaiblir le haut de l’exécutif.
C’est pourquoi je tiens absolument à ce que cette précision soit apportée, et il ne faut y voir aucune vilenie à l’encontre des ministres de tutelle.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Sueur, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle prend connaissance, sous réserve, le cas échéant, de l'anonymisation des agents, des rapports de l’inspection des services de renseignement, ainsi que des rapports des services d’inspection des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois. Il s’agit certes d’un amendement de la commission des lois, mais, à vrai dire, la commission des affaires étrangères et de la défense y a apporté une contribution importante.
Dès lors qu’est créée une inspection des services de renseignement, monsieur le ministre, la commission des lois considère qu’il serait logique que la délégation parlementaire au renseignement puisse prendre connaissance des rapports de cette inspection, ainsi que des rapports des services d’inspection des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence.
Toutefois, la commission des affaires étrangères et de la défense nous a fait observer, fort judicieusement, qu’il était très important de préserver l’anonymisation des agents. C’est pourquoi j’ai rectifié mon amendement initial – et je pense, là encore, monsieur Hyest, ne pas trahir la commission des lois –, de telle sorte que soit respectée cette anonymisation. C’est ainsi que, en raison de cet impératif, des rapports ou des parties de rapports pourront ne pas être transmis ou bien des noms pourront être biffés.
Je le répète, nous devons impérativement respecter les conditions de travail, difficiles et exigeantes, des agents de ces services.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Carrère, rapporteur. Sous réserve de l’anonymisation des agents, nous sommes tout à fait favorables à la proposition de la commission des lois. Nous avons forgé notre opinion à la suite de ce que nous avons vécu récemment ; elle est ni plus ni moins le fruit de l’expérience que nous avons acquise au sein de la délégation parlementaire au renseignement.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Autant j’étais favorable à l’amendement n° 8 rectifié bis de la commission des lois, dont les auteurs demandaient, légitimement, que le Gouvernement transmette à la délégation parlementaire au renseignement les communications de la Cour des comptes aux ministres portant sur les services de renseignement – en effet, aux termes du nouvel article 47-2 de la Constitution, « la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement » –, autant, au nom de la séparation des pouvoirs, j’estime qu’il n’est pas souhaitable que les rapports de ces services d’inspection, qui sont placés sous la responsabilité du ministre, donc de l’exécutif, soient transmis automatiquement à la DPR. Le Gouvernement appréciera, en fonction des demandes, s’il peut ou non les transmettre.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié ter, présenté par MM. Gorce, Leconte, Patriat, Mohamed Soilihi et J.C. Leroy, Mme Alquier et MM. Sutour et Anziani, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La délégation procède, le cas échéant, aux vérifications lui permettant de s’assurer que les traitements automatisés de données personnelles mis en œuvre par les services spécialisés de renseignement le sont conformément aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Si les traitements automatisés mis en œuvre par les services spécialisés de renseignement relèvent de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et, à ce titre, doivent être autorisés par un décret soumis à l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, en revanche, il n’existe aujourd’hui aucun moyen de s’assurer du respect par ces mêmes services des dispositions légales auxquelles ils sont soumis, notamment en matière de création de fichiers.
À la suite des premières révélations de l’affaire PRISM, le journal Le Monde s’est à son tour inquiété de l’existence possible d’un programme de surveillance de la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, qui examinerait, chaque jour, le flux du trafic Internet entre la France et l’étranger en dehors de tout cadre légal.
Le Monde précisait que les sept autres services de renseignement, dont la DCRI, la Direction centrale du renseignement intérieur, les douanes ou Tracfin, l’organisme de Bercy chargé de lutter contre le blanchiment d’argent, y auraient accès « en toute discrétion, en marge de la légalité et hors de tout contrôle sérieux ».
Cette information, malgré sa gravité, n’a cependant pu être vérifiée. La CNIL a dû se déclarer incompétente, et la délégation parlementaire au renseignement, créée le 9 octobre 2007, n’a eu d’autre choix que de s’en remettre aux déclarations des hauts fonctionnaires chargés du dossier, sans pouvoir procéder par elle-même à aucun contrôle.
Cet amendement vise donc à permettre à la délégation parlementaire au renseignement de s’assurer que les traitements automatisés des données personnelles mis en œuvre par les services spécialisés de renseignement le sont conformément à la loi du 6 janvier 1978 et de procéder aux vérifications nécessaires.
S’il ne saurait être question de mettre en doute la loyauté et l’attachement aux lois de la République des fonctionnaires chargés de ces questions, qui font un travail essentiel et risqué, il est indispensable, dans une démocratie, qu’existent des dispositifs permettant de s’en assurer en cas de doute. À défaut, des aberrations du type de celles qu’a révélées l’affaire PRISM pourraient survenir dans notre pays sans que nous puissions ni les prévenir, ni les arrêter, ni même savoir qu’elles ont lieu.
Après les révélations du Monde daté du 22 octobre, qui ont suscité dans cet hémicycle une indignation générale, il importe que la France mette en place des procédures de contrôle lui permettant d’éviter d’encourir les mêmes reproches.