M. Roland du Luart, vice-président de la commission des finances. Il a raison !
M. Charles Guené. Il ne faut pas négliger l’effet péréquateur opéré par l’intercommunalité directement ou par le biais d’une dotation de compensation. C’est la raison pour laquelle la péréquation horizontale nouvelle a pris place dans le cadre nouveau d’une intégration territoriale réunissant communes et intercommunalités de manière consolidée, à charge pour les composantes d’y proposer une solidarité adaptée.
Il serait également intéressant de mesurer les effets de la DSR, dont le montant a été considérablement augmenté durant la dernière décennie, tout particulièrement au profit des bourgs-centres et par le biais d’une part cible, parfois égale à la DGF dans certaines communes.
Ainsi que je pense l’avoir démontré, et en accord avec la plupart des observateurs, je crois que, si l’intention est bonne, nous avons besoin de recul pour intégrer l’ensemble des réformes récentes et en mesurer tous les effets.
En outre, la multiplicité des mécanismes mis en place et ceux qu’il faut encore intégrer, comme la révision des valeurs locatives, qui viendra unifier les indicateurs de péréquation, imposent une révolution systémique globale, non seulement des dotations de l’État, mais sans doute également de la ressource d’ensemble des collectivités.
Enfin, il nous appartiendra aussi de réfléchir sur la nature et la composition des indices synthétiques, à défaut de la prise en compte de toutes les charges. Il s’agit là d’un vaste chantier.
Pour toutes ces raisons, et bien qu’à titre personnel j’ai hésité sur le plan formel à suivre le rapporteur, le groupe UMP s’abstiendra sur l’essentiel de ce texte, sans pour autant s’opposer à son principe. Je voudrais également dire à mes collègues du groupe CRC que, si la motion de renvoi à la commission est votée ou si l’ouvrage revient sur le métier, ce qui n’est pas impossible, nous n’esquiverons pas ce débat vital pour nos collectivités locales. À titre personnel, je serai à leurs côtés, actif et volontaire.
M. François Grosdidier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l’intention de nos collègues du groupe CRC est louable et généreuse, l’enfer est pavé de bonnes intentions…
M. Gérard Le Cam. Le chemin de l’enfer seulement !
M. Vincent Delahaye. Il nous faut donc aller au-delà de nos premières impressions.
Ensemble, nous devons réfléchir à élaborer des mesures qui soient justes et responsables.
Cette proposition de loi est-elle juste ?
Mes chers collègues, vous proposez d’augmenter la dotation de base de la DGF pour les petites communes, c’est-à-dire les communes qui peuvent aller, selon vous, jusqu’à 20 000 habitants. Ce seuil pose question. « Petites » signifie-t-il pauvres ? En français non, dans la réalité communale non plus, on le sait bien. La diversité des situations rencontrées dans le monde rural, comme entre les petites communes elles-mêmes, interdit de décider ainsi, à l’aveugle, d’augmenter de façon générale l’ensemble des dotations de base de toutes ces communes.
Il ne me semble donc pas que votre proposition de loi puisse être qualifiée de juste. Si elle vise à considérer les charges de ruralité, qui sont déjà en partie prises en compte dans la dotation de superficie, elle rejette l’argument des charges de centralité, qui ne sont tout de même pas négligeables, ainsi que l’a rappelé Mme la ministre.
À mon sens, contrairement à ce que vient de dire M. Guené, il ne serait pas juste de voter votre proposition de loi.
Cette proposition de loi est-elle responsable ?
On nous parle de pacte de confiance et de responsabilité, mais les collectivités n’ont jamais été autant malmenées qu’aujourd’hui. La diminution de leurs recettes de 1,5 milliard d’euros représente un effort considérable, beaucoup plus important que celui que l’État s’impose à lui-même pour réduire ses dépenses.
M. Roland du Luart, vice-président de la commission des finances. Tout à fait !
M. Vincent Delahaye. De plus, les charges ne cessent de croître : la réforme des rythmes scolaires va créer une nouvelle dépense très onéreuse, la TVA va augmenter au 1er janvier et les frais de personnel, même si le point d’indice a été gelé, s’accroissent sous l’effet du GVT et de la GIPA, dont on ne parle jamais mais qui garantit le maintien du pouvoir d’achat de tous les fonctionnaires de nos collectivités. À cela, s’ajoutent des cotisations retraite en hausse ou encore des frais de formation.
Dans ces conditions, je comprends que votre proposition de loi ne prévoie pas d’imputer aux autres collectivités l’augmentation de la dotation de base des petites communes, que vous appelez de vos vœux, et que vous préfériez demander un effort supplémentaire aux entreprises. À cet égard, le Gouvernement peine à s’exprimer : Mme la ministre n’a pas du tout abordé ce point ! Il faut dire que le Gouvernement vient de renoncer à la création d’une taxe spéciale sur l’excédent brut d’exploitation, qui devait rapporter 2,5 milliards d’euros en 2014, et réfléchit actuellement à un relèvement de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés, faisant passer cette dernière à 11 %, pour les sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros.
Selon moi, ce n’est pas faire preuve d’une attitude responsable que d’imposer plus encore les entreprises en faisant peser sur elles, et donc sur l’emploi, des charges supplémentaires. Ce n’est, je le répète, ni juste ni responsable. C’est pourquoi le groupe UDI-UC votera bien volontiers la motion tendant au renvoi à la commission, non pas pour enterrer cette question, mais, au contraire, pour mener une réflexion.
Je note avec satisfaction que Mme la ministre s’est engagée à conduire une réflexion globale sur la DGF, ce qui est une bonne chose. En effet, on ne saurait s’exonérer de considérer les deux autres dotations. Il convient de revoir également les critères d’éligibilité à la dotation de solidarité rurale, qui touche plus de 90 % des communes, et à la dotation de solidarité urbaine, à laquelle plus de 75 % des communes sont éligibles. Quand il y a tant de communes concernées par la solidarité, c’est non plus de la solidarité, mais de l’assistanat. À un moment donné, il faudra donc revoir ces critères, tout en reconsidérant l’ensemble de ceux qui sont retenus pour bénéficier de la DGF, non seulement celle des communes, des départements ou des régions, mais aussi celle des intercommunalités, sur laquelle je veux insister.
On a parlé précédemment de l’écart de 1 à 2 de la dotation de base pour les communes, mais sachez, mes chers collègues, que l’écart est de 1 à 11 pour les intercommunalités, de 10 euros par habitant à 110 euros ! Cela est non pas lié à une quelconque réforme, mais à l’incitation faite au départ. Si cette incitation était alors justifiée pour encourager les communes à se lancer dans une intercommunalité et la développer, il conviendrait plutôt aujourd'hui de procéder à une mutualisation. Il serait donc intéressant d’en finir avec cette course au CIF, le coefficient d’intégration fiscale, qui, à mon avis, n’est plus d’époque. Nous devons réfléchir à la mise en place de véritables critères pour ce qui concerne cette dotation.
Permettez-moi de formuler quelques propositions, car nous sommes là aussi pour cela.
Mme Éliane Assassi. Pourquoi voulez-vous alors voter la motion ?
M. Vincent Delahaye. Je serai de ceux qui feront des propositions en commission des finances.
Concernant l’intercommunalité, nous pourrions prévoir un système qui prendrait en compte, d’une part, le potentiel financier de la collectivité, corrigé des effets de la péréquation, à la fois positifs et négatifs, et, d’autre part, le revenu moyen des habitants rapporté au loyer moyen du territoire, afin de tenir compte du coût de la vie. Ne considérer que le revenu moyen des habitants ne suffit pas, car le loyer est, selon moi, un élément important de détermination du coût de la vie des territoires.
M. Yvon Collin. Tout à fait !
M. Vincent Delahaye. Ainsi, les critères seraient assez justes. Ce travail devra également être fait au niveau des communes, des départements et des régions.
Par cette proposition, je veux vous montrer que nous sommes d’accord pour travailler sur ce sujet d’importance, qui mérite que les uns et les autres mettent toute leur énergie et leur intelligence au service de cette question, afin de faire des propositions claires pour l’avenir.
En l’état actuel, le groupe UDI-UC ne votera pas ce texte, préférant adhérer à la proposition du rapporteur de le renvoyer en commission. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP, du groupe socialiste et du RDSE. – M. Roland du Luart, vice-président de la commission des finances, applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nombre d’élus locaux de nos communes rurales, ou plutôt de nos petites communes, sont de véritables bénévoles de l’initiative publique, de la vie en société et du maintien du lien social. Ils sont indispensables pour que nos campagnes, nos villages, nos banlieues demeurent des lieux où les habitants ne se sentent pas isolés, oubliés, voire méprisés.
Depuis que la France en a fait le choix il y a plus de deux siècles, nous vivons dans un pays original, où le paysage communal est varié et divers, où nombre d’élus sont des salariés du public ou du privé, des chefs d’entreprise, des artisans, des commerçants, des agriculteurs, en activité ou à la retraite, qui donnent tous de leur temps pour que leur petite collectivité soit un espace de vie, d’échange, de dialogue. C’est ce qui fait aussi la richesse de la France.
Comme l’a rappelé notre collègue Gérard Le Cam, la très grande majorité des 36 769 communes de notre pays comptent moins de 2 000 habitants. Dans l’ensemble – ce n’est pas le cas, on le sait, dans tous les départements –, ces communes ont connu, ces dernières années, un développement démographique non négligeable. Les efforts accomplis dans le développement des services publics de proximité, de l’action sociale et culturelle, de l’assistance apportée aux personnes âgées n’y sont pas étrangers. Ces collectivités s’apprêtent d’ailleurs à prendre en charge les effets de la réforme des rythmes scolaires. Les collectivités locales, et singulièrement les petites communes, mènent cette action sans que leurs ressources correspondent aux coûts engendrés.
Dans le cadre de nos débats budgétaires, nous parlons souvent des collectivités locales de manière générale, notamment quand il s’agit de fixer le montant de la fameuse « enveloppe normée » des concours budgétaires de l’État aux collectivités. Chaque année, l’enveloppe subit une réfaction, une réduction, une diminution toujours présentée, selon le moment, au nom de la « maîtrise des finances publiques », de la « réduction des déficits », de la « solidarité entre collectivités » ou de la « péréquation horizontale », mais je pourrais citer bien d’autres expressions encore entendues durant ces dernières années.
Depuis vingt ans, la part de la dotation globale de fonctionnement dans les recettes des collectivités locales ne cesse de se réduire. J’invite mes collègues qui ne l’ont pas encore fait à regarder l’évolution de cette part dans leur collectivité. Or ce sont les collectivités qui assument les efforts et les sacrifices et qui assurent une péréquation horizontale au travers de la DSR ou de la DSU, dont l’augmentation ampute chaque année l’enveloppe des autres dotations.
J’ai entendu parler de pacte de confiance, mais je veux rappeler ici que nous ne partageons pas la conception de la réduction de la dépense publique qui préside à ce pacte. Ce dernier est, à notre avis, contre-productif si l’on veut redresser le pays. Tout le monde estime que les collectivités territoriales ont été des amortisseurs de la crise financière de 2008. Toutefois, on ne leur permet plus d’assurer dans de bonnes conditions ce rôle que, pourtant, on leur a reconnu.
Aujourd'hui, dans nos départements, nombre de communes rurales n’ont pas le minimum vital pour mener les projets ou les programmes qu’elles ont définis au sein de leurs conseils municipaux avec les habitants, pour répondre aux attentes de la population. Nombre d’entre elles n’ont plus les moyens de mener une politique qui sorte des seules dépenses obligatoires. D’ailleurs, on peut craindre que ces maires n’aient plus envie, au printemps prochain, de poursuivre l’aventure et leur mission au service de tous.
Ce « revenu minimum » des communes, comme nous l’appelons, est destiné à leur permettre d’agir, pour que notre société demeure vivable. D’autres dotations ont pour objet de répondre aux charges de centralité évoquées par certains de nos collègues. La question des critères à retenir pour les charges et les ressources doit être examinée pour d’autres dotations. Par cette proposition, nous nous sommes cantonnés à un aspect particulier des dotations de l’État.
Depuis vingt ans, la DGF a perdu une part importante de son pouvoir d’achat et, au sein de l’enveloppe normée, la hausse enregistrée depuis 2002 a été gagée sur la baisse des autres dotations, en particulier sur les compensations d’exonérations d’impôt correspondant à une politique fiscale nationale. Ces choix touchent d’ailleurs aujourd'hui à la fois les communes industrielles et celles dont les populations ont de faibles revenus.
Alors, que voulons-nous faire ?
Je l’ai dit, nous voulons assurer le minimum vital aux communes les plus modestes, et non les moins estimables de notre pays. Avec 9 000 euros, certaines communes verraient leur capacité d’autofinancement doubler, un projet se boucler ou pourraient envisager un investissement.
J’ai lu que notre proposition allait à l’encontre de la politique du Gouvernement en matière d’imposition, en bousculant notamment l’équilibre des prélèvements obligatoires.
Proposer que l’impôt sur les sociétés soit porté de 33,3 % à 34 %, gage ici invoqué, serait trop élevé et non opportun. La vérité, c’est que nous ne serions qu’au douzième rang européen, avec un taux de 2,5 % du produit intérieur brut, un taux inférieur à celui de la Grande-Bretagne et même de l’Irlande ! Le taux, c’est une chose, et certains ont tôt fait d’agiter notre fameux taux facial à 33,33 % pour faire oublier que, entre dérogations, régimes spécifiques, report en arrière des déficits et modalités de calcul, notre pauvre impôt sur les sociétés est plus faible qu’au Royaume-Uni, pays pourtant réputé plus libéral, ou qu’au Luxembourg, paradis fiscal présumé !
Mme Cécile Cukierman. Absolument !
Mme Marie-France Beaufils. Entre 2006 et 2013, pendant que l’enveloppe normée progressait à structure constante de 600 millions d’euros, soit environ 1,25 % en sept ans, la dépense fiscale occasionnée par le régime des groupes, les rapports mère-filiales et l’allégement de la taxation des plus-values de cession passait de 16,9 milliards d’euros à 51,25 milliards d’euros, soit plus de trois fois plus !
On pourrait comparer le nombre d’emplois utiles créés par le secteur public local sur la même période et celui des emplois détruits par le secteur marchand, singulièrement les grands groupes, bénéficiaires exclusifs de cette manne. Nous payons suffisamment cher et depuis longtemps la prétendue « compétitivité » de notre économie. Aujourd’hui, les collectivités locales, comme les ménages, sont au régime sec !
Notre modeste hausse du taux facial aurait le mérite d’ouvrir un débat, qu’il faudra bien mener, sur l’effort demandé aux entreprises, et ce d’autant qu’elles attendent de la collectivité des équipements et des infrastructures indispensables à leurs activités.
C’est donc une mesure de justice et d’équité que nous vous invitons ici à voter, mes chers collègues.
Il s’agit d’une mesure de justice, parce que rien ne permet de justifier que la démographie des communes soit un élément suffisant pour légitimer une différence de traitement de plus en plus vécue comme une discrimination par tous les élus, bâtisseurs de l’avenir qui agissent en ce moment même dans notre pays.
Il s’agit d’une mesure d’équité et d’efficacité, parce qu’elle est susceptible de porter des investissements nouveaux, de créer des emplois publics comme privés, au moment même où l’on se perd en conjectures à trouver quelque moyen d’« inverser la courbe du chômage ».
Une telle proposition peut être un levier pour l’investissement, pour l’activité économique de ces territoires, qui, en retour, peuvent aussi contribuer aux ressources du budget de l’État et de la protection sociale.
Avant de conclure, je veux dire notre attachement à l’initiative parlementaire. Nous avons toujours veillé à ce qu’aucune motion de procédure ne vienne entraver le débat en séance publique sur les textes proposés par les différents groupes de notre assemblée.
Mme Annie David. Tout à fait !
Mme Marie-France Beaufils. C’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à voter contre la motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, disons-le sans détour : comment ne pas souscrire à l’objectif de cette proposition de loi de notre collègue Gérard Le Cam et des membres du groupe CRC, qui vise à garantir un « traitement équilibré des territoires » et à corriger les inégalités qui touchent nos territoires ruraux ? Si un sénateur ne souscrit pas à cet objectif, qu’il lève le doigt !
Au sein du groupe du RDSE, c’est une cause que nous partageons de façon unanime et que nous défendons avec la plus grande détermination. Pour mémoire, je rappellerai l’adoption, ici même, sur notre initiative, le 13 décembre 2012, à l’unanimité et avec un avis favorable du Gouvernement, d’une proposition de résolution relative au développement par l’État d’une politique d’égalité des territoires. Aussi sommes-nous convaincus que les territoires ruraux sont les premières victimes de la fracture territoriale, qui, loin de se résorber, s’est aggravée ces dernières années ; je le constate chaque jour dans mon département rural du Tarn-et-Garonne.
Paradoxalement, malgré la volonté affichée par les gouvernements successifs de renforcer le processus de décentralisation, certaines réformes, comme la suppression de la taxe professionnelle, ont accru les inégalités entre les territoires et réduit l’autonomie financière des collectivités territoriales. Celles-ci ont été rendues de plus en plus dépendantes des dotations de l’État, dont le projet de loi de finances pour 2014 prévoit qu’elles baisseront de 1,5 milliard d’euros.
Actuellement, aussi bien la dotation de base de la DGF que les mécanismes de péréquation prennent très imparfaitement en compte les inégalités territoriales et les difficultés auxquelles les territoires ruraux sont confrontés. Certes, comme notre collègue Jean Germain le souligne dans son excellent rapport, « ″l’appellation″ de territoire rural recouvre une grande diversité de situations ». De fait, on ne saurait se contenter d’opposer le rural à l’urbain : comme toujours, la complexité des situations ne se laisse pas réduire à une simple opposition binaire. Il en va de nos territoires comme de notre vie politique !
Il y a la ruralité, mais aussi l’« hyper-ruralité » chère à notre collègue Alain Bertrand, maire de Mende et sénateur de la Lozère. Par ailleurs, tous les territoires ruraux ne sont pas nécessairement en difficulté, même si c’est le cas d’une très grande majorité d’entre eux.
Les représentants de ces territoires, dont je suis, le savent : les communes rurales doivent faire face à des charges importantes, avec des ressources généralement très faibles. C’est ainsi que les communes de moins de 2 000 habitants représentent à elles seules plus des deux tiers de la voirie communale. Sans compter que le budget consacré à l’éducation est quelque peu mis à mal par la réforme des rythmes scolaires.
Dans ces conditions, les inégalités entre les communes les moins peuplées et les communes les plus peuplées en ce qui concerne le montant de la dotation de base de la DGF sont indiscutablement injustes.
S’agissant de la péréquation, censée rétablir une certaine équité et tenir compte des difficultés particulières des communes rurales, elle était très attendue, et de nombreux espoirs avaient été placés en elle ; mais force est de constater qu’elle ne produit pas tous les effets escomptés, de sorte qu’il paraît nécessaire de rechercher un meilleur équilibre.
Pour prendre l’exemple de la dotation de solidarité rurale, M. le rapporteur a tout à fait raison de signaler qu’elle « voit son efficacité atténuée en raison de son saupoudrage ».
Quant à la péréquation horizontale, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales monte en puissance, mais il est encore très insuffisant pour assurer une véritable solidarité et un réel équilibre entre les territoires aisés et les territoires plus défavorisés.
Ainsi, nous partageons à la fois le constat dressé par nos collègues du groupe CRC et leur objectif ; comme eux, nous souhaitons trouver une solution aux difficultés des territoires ruraux, afin de pouvoir répondre aux attentes et aux besoins légitimes des populations qui y vivent. Toutefois, la suppression progressive des écarts de dotation de base liés au nombre d’habitants, prévue à l’article 1er de la proposition de loi, ne répond qu’imparfaitement, à notre avis, à l’objectif recherché. Nous pensons qu’une réforme plus approfondie non seulement de la DGF, mais aussi du système de péréquation est indispensable pour assurer une réelle solidarité entre les territoires et garantir ainsi la justice et l’équité. Selon nous, cette réforme devra répondre à deux exigences : la simplicité et l’efficacité.
Madame la ministre, vous qui êtes issue d’un département rural, je suis sûr que vous ne manquerez pas de nous faire connaître les intentions du Gouvernement en la matière et peut-être même le calendrier qu’il envisage. Je sais que vous avez travaillé sur cette question, et nous avons bien entendu les engagements que vous avez pris il y a quelques instants ; nous vous connaissons bien, et nous savons que nous pouvons vous faire confiance, ce qui ne nous empêchera pas de rester très vigilants. En tout cas, nous sommes prêts à travailler avec vous sur la refonte nécessaire.
En ce qui concerne la proposition de nos collègues du groupe CRC de financer cette réforme par une augmentation substantielle de l’impôt sur les sociétés,…
Mme Annie David. Pas substantielle !
M. Gérard Le Cam. Une petite augmentation !
Mme Mireille Schurch. Toute petite !
M. Gérard Le Cam. C’est gagnant-gagnant !
M. Yvon Collin. … elle ne nous semble pas envisageable, particulièrement dans le contexte budgétaire actuel. Nous pensons au contraire qu’il faut favoriser la compétitivité afin de relancer la croissance. Pour cela, il est préférable de réduire la pression fiscale pesant sur nos entreprises.
En définitive, nous remercions nos collègues du groupe CRC de soulever un vrai problème et de poser les bonnes questions au sujet de la prise en compte très imparfaite de ce que l’on pourrait appeler les charges de ruralité ; mais, si nous sommes d’accord avec leur diagnostic, nous n’approuvons pas les solutions qu’ils proposent.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Dommage !
M. Yvon Collin. Il ne nous sera donc pas possible de voter la proposition de loi.
En revanche, je tiens à préciser que l’ensemble des membres du groupe du RDSE voteront contre la motion tendant au renvoi à la commission de la proposition de loi, au nom d’une idée simple à laquelle mon groupe est très attaché : pas de motion sur les propositions de loi inscrites à l’ordre du jour dans le cadre des espaces réservés aux groupes politiques.
Mme Marie-France Beaufils et M. Gérard Le Cam. Très bien !
M. Yvon Collin. C’est pour nous une question de principe, indépendamment des sujets, du contenu des propositions de loi ou de l’appartenance ou non de leurs auteurs à la majorité, qu’elle soit sénatoriale ou gouvernementale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nombre de nos concitoyens vivant à la campagne ont de plus en plus l’impression d’être les grands oubliés de la République.
De fait, le monde rural souffre aujourd’hui de problèmes spécifiques que nous ne devons pas reléguer au second plan, sans quoi nos concitoyens, dépités et délaissés, pourraient être tentés de se tourner vers les idées les plus populistes. Nous devons d’autant moins ignorer ces problèmes que, au sein de la Haute Assemblée, il est de notre responsabilité de représenter nos territoires dans leur diversité et de garantir l’égalité territoriale. C’est pourquoi je tiens à remercier notre collègue Gérard Le Cam et les membres du groupe CRC d’avoir déposé cette proposition de loi.
Bien que la campagne bénéficie de nombreux atouts, personne ne peut nier que les communes rurales subissent de plus en plus la désertification et la paupérisation de leurs territoires. Les maires observent, souvent impuissants, la fuite de la population active, des services publics et des commerces de proximité. Lorsque l’hôpital le plus proche est à une heure de route, la situation devient assez inquiétante !
M. Collin a parlé des problèmes qui se posent dans le Tarn-et-Garonne. Je constate moi aussi les dégâts, dans mon département de l’Essonne : comme vous le savez, celui-ci est à la fois urbain, dans sa partie nord, et rural, dans sa partie sud. C’est ainsi que, par manque de professionnels de santé, Grigny, La Ferté-Alais, Méréville et Vigneux-sur-Seine sont des villes reconnues comme « déficitaires » par l’Agence régionale de santé d’Île-de-France ; quant à Saint-Chéron et Morsang-sur-Orge, ces villes sont considérées comme « fragilisées ».
J’ai interpellé le Gouvernement à plusieurs reprises pour qu’il assume son engagement vis-à-vis des fonctions régaliennes sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, tous les ans, comme nombre d’entre vous, j’utilise la réserve parlementaire – j’assume très clairement cette action – pour aider les maires des communes rurales à réhabiliter des infrastructures très dégradées.
Nous ne pouvons pas nous contenter de soutenir une continuelle fuite en avant. Il faut véritablement repenser le système de financement des collectivités territoriales dans son ensemble.
À la lecture de l’excellent rapport de notre collègue Jean Germain, il nous apparaît que la dotation globale de fonctionnement est devenue à la fois illisible, opaque et inefficace. La réforme proposée par Gérard Le Cam et ses collègues du groupe CRC est donc intéressante ; leur initiative nous pousse à débattre et à proposer des solutions.
La proposition de loi a pour objet d’aligner par le haut les montants de dotation de base par habitant de l’ensemble des communes de moins de 20 000 habitants. En effet, un écart existe aujourd’hui qui peut représenter jusqu’à 64,74 euros par habitant ; madame la ministre, j’ai bien entendu vos arguments à cet égard, mais le fait demeure.
Cette mesure serait financée par une hausse de l’impôt sur les sociétés, certes peu importante (Sourires sur les travées du groupe CRC.), justifiée par le fait que les entreprises bénéficient des services publics et des investissements des communes. Cette idée ne me paraît pas particulièrement scandaleuse, dans la mesure où j’ai cru comprendre que le Gouvernement avait l’intention d’instaurer une surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, pour d’autres raisons et d’autres objectifs.
La dotation globale de fonctionnement doit être réformée, et je crois que nous partageons tous ce constat. Toutefois, j’estime qu’il convient d’adopter une méthode plus globale et de prendre en compte la diversité des situations et des mécanismes déjà existants ; il faut également examiner la péréquation verticale et horizontale, sans oublier de réfléchir aux ressources propres qui garantissent l’indépendance des collectivités territoriales.
Par ailleurs, de préférence au financement isolé de chaque petite ville, les écologistes appellent de leurs vœux une réflexion sur le regroupement des communes sous la forme de communautés de communes ou d’autres établissements publics de coopération intercommunale ; nous en avons débattu avec Mme Lebranchu la semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Je précise qu’il ne s’agit pas de supprimer les villages ou de les diluer, mais de trouver des solutions aux besoins des habitants dans le cadre d’un bassin de vie cohérent. En effet, à quoi sert-il d’avoir une piscine ou une salle polyvalente dans toutes les communes ?