M. Jean-Pierre Caffet. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Il est difficile de parler après M. le rapporteur…
Monsieur Dallier, la thèse que vous soutenez depuis le début de votre réflexion sur Paris et sa métropole est extrêmement intéressante, nous en convenons tous, mais il n’y avait pas de majorité, ni à l’Assemblée nationale ni au Sénat, pour voter la création d’une telle métropole, pourtant parfaitement bien constituée. C’est la seule chose qui nous a arrêtés. Le Gouvernement a donc renoncé à faire adopter votre conception de la métropole, partagée notamment par le président de l’Assemblée nationale, mais le travail que vous menez depuis longtemps a influencé la réflexion conduite entre les deux lectures. Je tenais à saluer votre contribution. Je ne puis soutenir votre amendement, mais je vous remercie de l’avoir présenté.
Monsieur Karoutchi, votre amendement tendait à revenir au projet initial, que vous aviez pourtant rejeté en première lecture. Je comprends donc que vous l’ayez retiré…
M. Roger Karoutchi. Je ne voulais pas du territoire !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je ferai la même observation concernant l’amendement de M. Marseille.
Monsieur Capo-Canellas, je ne répéterai pas tout ce qu’a dit M. le rapporteur. La qualité de votre proposition et de sa présentation n’élimine pas l’interprétation en droit : il s’agit d’un syndicat mixte. Un autre inconvénient de votre dispositif tient à son périmètre : la métropole, telle que vous la concevez, n’aurait pas un périmètre clair et précis, mais pourrait s’étendre ou se réduire en tache d’huile au fil du temps, au gré des adhésions ou des retraits. Votre proposition comporte ce danger, dont nous avons souvent parlé au cours de nos travaux.
En ce qui concerne les ressources, permettez-moi de donner lecture d’un passage du texte de votre amendement, exposant le système que vous prônez : « Le montant de celui-ci correspond à un pourcentage de l’augmentation de la recette fiscale de l’année considérée au regard de la recette fiscale perçue par chacun des membres l’année précédant la création de la métropole du Grand Paris. En cas de baisse des taux, le montant de ce prélèvement sera égal à la différence de recettes fiscales par chacun des membres l’année précédant la métropole du Grand Paris et les recettes fiscales obtenues à partir de la politique de taux de cette année de référence. »
Ce dispositif est extrêmement complexe et serait source d’un débat constant.
M. Jean-Pierre Caffet. Il ne rapporterait rien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Selon nos calculs, la recette représenterait à peu près 1,5 % de la ressource totale. Voilà avec quoi devrait vivre la métropole que vous voulez dynamique et puissante ! Je ne vois pas du tout comment cela pourrait fonctionner.
Par ailleurs, comme l’a noté le rapporteur, ce système conduirait à ce que l’ensemble des communes de la métropole, y compris Paris, bénéficient de la dotation d’intercommunalité. Dans la logique de solidarité territoriale que nous avons voulu établir, cela ne me semblerait pas juste.
Enfin, on nous adresse souvent le reproche d’élaborer des dispositifs trop complexes, mais que dire du vôtre, qui laisse coexister les communes, les EPCI et la métropole ! Je salue la qualité du travail accompli, mais la solution que vous préconisez n’est ni simple, ni juste ; en conséquence, elle ne saurait être efficace. C’est pourquoi je vous invite à retirer l’amendement.
En ce qui concerne les sous-amendements relatifs à la lutte contre les pollutions lumineuses, ils pourraient trouver leur place ailleurs.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier pour explication de vote sur l’amendement n° 193 rectifié.
M. Philippe Dallier. J’avais déposé cet amendement pour rappeler les propositions de mon rapport de 2008 et donner quelques regrets à ceux qui, un peu tard, se sont aperçus que je préconisais alors une solution praticable et peut-être plus aisée à mettre en œuvre que celle qui nous est soumise aujourd’hui.
Cela étant dit, ne voulant pas ajouter à la confusion, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 193 rectifié est retiré.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote sur l’amendement n° 183 rectifié bis.
M. Vincent Capo-Canellas. Je remercie M. le rapporteur de ses compliments, que j’ai écoutés avec plaisir, même s’ils étaient parfois quelque peu empoisonnés… Ma créativité n’égale pas son savoir-faire. Toutefois, il sollicite de ma part des précisions qu’il ne fournit pas lui-même dans son dispositif. En effet, le texte qui nous est soumis renvoie à la loi de finances ou à des ordonnances, mais on me reproche de ne pas avoir tout précisé dans mon amendement. De plus, si je l’avais fait, on m’objecterait que de telles précisions relèvent de la loi de finances et n’ont rien à faire dans le présent texte. C’est assez paradoxal !
Je propose un dispositif reposant sur un principe clair. En première lecture, le Gouvernement défendait la mise en place d’une dotation d’intercommunalité calculée à partir d’une valeur moyenne multipliée par le nombre d’habitants de l’ensemble de la métropole. Je n’ai fait que reprendre cette proposition, sans la modifier !
Par ailleurs, j’utilise le critère du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales pour déterminer l’éligibilité des nouveaux EPCI à la dotation d’intercommunalité. Je me contente donc, là encore, de reprendre une disposition existante.
Concernant la dotation métropolitaine, le Gouvernement a fait en sorte, par voie d’amendement, que le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoie un montant de dotation globale de fonctionnement égal à la valeur moyenne des dotations pour les habitants des EPCI à fiscalité propre, multipliée par le nombre d’habitants de la métropole. Dans notre système, l’enveloppe est strictement la même, à l’euro près, seule la répartition est différente.
Le sujet dérange, manifestement. Je ne cherche pas à vous gêner, mais la voie choisie me paraît donner un train de retard au Sénat. Je m’en explique.
L’Assemblée nationale a voté un système. De nombreux députés reconnaissent maintenant qu’il ne fonctionne pas, pour diverses raisons déjà exposées par mes collègues. Si nous ne le modifions pas, c’est l’Assemblée qui le fera elle-même : nous ne ferons donc pas violence aux députés en intervenant. Vous avez eu l’honnêteté, monsieur le rapporteur, de reconnaître que cela ne soulevait pas de problèmes juridiques ; je vous en remercie. Vous nous objecterez peut-être, en revanche, que ces questions sont trop compliquées pour être traitées au travers d’un amendement et qu’elles relèvent de la loi de finances. Je réponds que nous proposons simplement de poser un principe ; l’élaboration de la loi de finances sera l’occasion d’approfondir.
Nos propositions sont étayées, vous le savez fort bien ; nous nous sommes entourés des meilleurs experts. Le Sénat serait-il donc incapable, sur un domaine, les collectivités locales, qui relève par excellence de son champ de compétence, d’affirmer une position différant de celle de l’Assemblée nationale ?
Je retiens les compliments. Dans le temps qui m’est imparti, il m’est difficile d’aller plus loin dans la réfutation des arguments qui m’ont été opposés. Je vous remercie d’avoir souligné que la modeste expertise d’un parlementaire de base permettait au moins d’ouvrir le débat.
En conclusion, je souligne que je ne cherche pas à mettre en difficulté la commission des lois ou le Gouvernement ; cela ne présenterait aucun intérêt. Mon seul objectif est de poser les termes d’un débat qui devra nécessairement avoir lieu, puisque, vous le savez, votre système ne fonctionnera pas. Il faudra donc y revenir. Je ne vous reproche qu’une chose : ne pas avoir eu le courage d’annoncer qu’il fallait changer le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. C’est bien dommage pour le Sénat !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Quand on veut étouffer quelqu’un, on le noie sous les fleurs… (Sourires.)
Quels reproches adresse-t-on au texte ?
Tout d’abord, il n’est pas accompagné d’une étude d’impact. Lorsque j’étais ministre chargé des relations avec le Parlement, la gauche en réclamait à cor et à cri pour tous les textes ! On verra ce que dira le Conseil constitutionnel de cette absence d’étude d’impact…
Deuxièmement, en matière d’équilibre financier global, le moins que l’on puisse dire est que les choses sont floues, quel que soit le dispositif proposé : on renvoie à des ordonnances, à des évaluations, à la loi de finances… Qu’il s’agisse du texte de la commission des lois, de celui du Gouvernement ou, a fortiori, de l’amendement de notre collègue Capo-Canellas, on ne sait pas exactement, en l’absence d’étude d’impact, comment sera financée la nouvelle structure. C’est comme ça !
Quoi qu’il en soit, j’estime que l’amendement de Vincent Capo-Canellas devrait sinon faire l’unanimité, du moins être largement soutenu. En effet, tous les élus, les maires, les conseillers généraux disent que ce système sera extraordinairement difficile à mettre en place et que l’on ne sait pas si cela marchera. Allez donc sonder les maires socialistes : ils ne sont pas les derniers à affirmer que le dispositif sera abandonné avant même d’avoir été appliqué, en raison de sa complexité, de sa lourdeur. Telle est la vérité. Dans chaque ville, dans chaque conseil général, on adoptera des vœux ou des motions pour le rejeter. Que fera-t-on ? Ira-t-on en guerre contre les élus et les populations ?
Le mérite du système proposé par notre collègue Capo-Canellas est d’enclencher un mouvement. Certains, je le sais bien, voudraient aller plus vite, imposer, trancher, dans un esprit cartésien bien français qui fait souvent peu de cas de la concertation, de la discussion.
La vérité, c’est qu’il s’agit d’un mouvement fort, qui doit être accepté par l’ensemble des collectivités territoriales, des mairies, des EPCI et des conseils généraux. À partir de là, on pourra créer une dynamique.
Je ne sais pas si l’amendement de M. Capo-Canellas est plus structuré, plus sûr financièrement et juridiquement que ce que vous proposez, monsieur le rapporteur. Ce que je sais, c’est que lorsque les choses, demain, se mettront en place, il sera plus facile d’emporter l’adhésion de tous les élus si on les associe à la démarche, comme le permet le dispositif de l’amendement, plutôt que de leur imposer un texte arrivant tout ficelé du Parlement, ce qui ne manquerait pas de nourrir chez eux un sentiment de frustration et de révolte. N’oublions pas que 75 % des élus membres du syndicat Paris Métropole s’opposent au projet ! L’avantage de l’amendement n° 183 rectifié bis, c’est qu’il permet d’avancer dans le respect de la liberté et de l’autonomie des communes. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Avant que M. le rapporteur et Mme la ministre ne s’expriment, je n’avais pas l’intention de voter l’amendement de M. Capo-Canellas…
Cela a été dit, nous sommes arrivés à un tournant dans ce débat. En effet, nous avons peut-être l’occasion d’alléger le millefeuille administratif qui enserre de plus en plus étroitement les Parisiens et les Franciliens. Au lieu de quoi, vous préférez créer une structure supplémentaire, qui coûtera cher aux contribuables et aux entreprises franciliennes !
M. Dallier a sans doute eu raison trop tôt. Voilà quelques années, quand il a exposé pour la première fois sa proposition, j’avais trouvé, en tant qu’élu parisien, que le périmètre retenu était trop vaste. Du moins ne prévoyait-il pas la création d’une structure supplémentaire.
Aujourd'hui, le monstre technocratique que vous êtes en train de créer ne m’inspire aucune confiance. Les relations entre le maire de Paris et le président du conseil régional étant déjà difficiles, vous êtes obligés d’attribuer la compétence transports à la région et la compétence urbanisme à Paris. Et vous allez maintenant confier le développement économique à une troisième entité, tout en maintenant les départements !
Madame la ministre, vous nous avez dit que vous n’aviez pas de majorité. Mais avez-vous essayé d’en avoir une ?
M. Philippe Dominati. Pourquoi ne soumettez-vous pas à notre vote une proposition ? Ayez un peu d’audace !
Monsieur le rapporteur, vous nous avez donné des explications financières extrêmement longues sur l’amendement qui sera mis aux voix dans quelques instants. Il aurait été intéressant que vous expliquiez aux Franciliens combien d’économies d’impôts aurait permis l’adoption de l’amendement de M. Dallier ! Cela aurait mérité la réalisation d’une véritable étude financière : les économies d’échelle étaient là ! Mais vous choisissez de créer une fiscalité supplémentaire. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Dominati. Vous voulez accumuler les chapeaux à plumes, mais, en réalité, vous ne faites aucun effort pour améliorer la gouvernance de la région-capitale. Il est en effet de l’intérêt de l’État d’émietter les pouvoirs, de multiplier les structures. Tous les conseillers de Paris sont conseillers généraux d’office, Paris étant aussi un département. C’était peut-être l’occasion de remettre un peu d’ordre dans tout cela, mais vous ne le voulez pas ! Vous souhaitez simplement créer une métropole, des sièges en plus, une administration en plus, sans d’ailleurs lui donner des moyens suffisants ! Ne parlez donc pas de modernité ! En réalité, avec ce projet de loi, vous êtes à côté de la plaque : vous ne saisissez pas les occasions qui vous sont offertes. Notre débat montre bien que vous n’avez pas réellement l’intention d’avancer sur ce sujet.
Je voterai l’amendement n° 183 rectifié bis, parce que je ne parviens pas à comprendre où vous voulez aller avec votre projet. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour explication de vote.
Mme Hélène Lipietz. Légiférer, c’est faire un choix. Cela est encore plus difficile quand on est minoritaire. Les écologistes le sont d’autant plus qu’ils essaient d’aller voir ailleurs.
Pour Paris, nous voulons la création d’une métropole à l’exécutif élu au suffrage universel direct, d’une collectivité territoriale de plein exercice à l’échelle régionale, accompagnée de la suppression des départements. C’est ce que nous avions proposé vainement en première lecture, mais les propositions des Verts, de toute façon, n’ont par hypothèse aucun intérêt…
Nous devons donc maintenant choisir entre deux propositions, imparfaites parce que discutées uniquement en deuxième lecture : celle du rapporteur et celle de M. Capo-Canellas. Il nous a fallu opter pour celle qui était la moins éloignée de notre idéal, sachant qu’aucune d’elles ne prévoit l’élection au suffrage universel direct, au contraire de l’amendement de M. Dallier, qui a été hélas retiré et qui, en fusionnant les départements, préservait l’élection au scrutin binominal, et donc la parité. S’il avait été maintenu, nous l’aurions voté. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Par ailleurs, nous ne disposons d’aucune étude d’impact, alors que tout projet de loi doit obligatoirement être accompagné d’un tel document. Empiriquement, nous pensons que la proposition qui touche le moins à l’existant est la moins risquée.
L’amendement n° 183 rectifié bis de notre collègue Capo-Canellas, s’il ne prévoit pas l’élection au suffrage universel direct, a au moins l’avantage d’obliger les différents exécutifs à coopérer pour monter des projets. Or la coopération, le fait de se mettre ensemble pour travailler, c’est quelque chose qui nous plaît, à nous les Verts !
Si les exécutifs doivent rendre compte aux électeurs, le pouvoir reste plus proche des citoyens. Les EPCI existants sont invités à coopérer : cela simplifie, à défaut du millefeuille, le rapport politique. Un tel dispositif fait confiance à l’intelligence de territoires qui se connaissent déjà. Cet amendement est certes imparfait, mais la navette se poursuivra et il y aura peut-être, finalement, une commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en commission, j’ai voté, avec une poignée de mes collègues, l’amendement présenté par le rapporteur. (Exclamations amusées.) Je veux dire encore une fois tout le bien que j’en pense. Je l’ai voté afin que nous puissions travailler en séance plénière sur notre propre texte, et non pas sur celui de l’Assemblée nationale. J’ai trouvé extraordinaire la façon dont M. le rapporteur a réussi à élaborer un projet qui est extrêmement satisfaisant intellectuellement,…
MM. Jean-Pierre Caffet et Philippe Dallier. Ben alors ?
Mme Hélène Lipietz. … mais pas politiquement, en tout cas pour les Verts ! (Exclamations ironiques.) C’était le vôtre, monsieur Dallier, qui nous intéressait le plus !
La métropole d’Île-de-France, dans la version proposée par M. le rapporteur, souffre à nos yeux de plusieurs maux.
Elle éloigne le pouvoir du citoyen, en le transférant en partie des intercommunalités vers la métropole, sans légitimation par l’élection directe.
En outre, la création de cette métropole modifie notre millefeuille territorial, sans en diminuer le nombre de strates, une intercommunalité en remplaçant une autre. Nous ne pouvons juger l’efficience de cette nouvelle gouvernance, qui n’a pas été élaborée par l’intelligence des territoires franciliens, à l’inverse de ce qui s’est passé pour la métropole de Lyon.
M. Gérard Collomb. Merci pour Lyon !
Mme Hélène Lipietz. En conclusion, aucune des solutions proposées n’érige la métropole en collectivité territoriale de plein exercice, parce que leurs auteurs ont bien conscience que les élus concernés ne sont pas prêts à faire le saut vers la gouvernance du XXIe siècle. C’est la raison pour laquelle, quelle que soit la forme de métropole qui sera créée, nous devrons reprendre cette discussion dans cinq ou dix ans. Alors, je serai non plus Francilienne, mais Bourguignonne !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Mes propos seront sans doute moins alambiqués que ceux de Mme Lipietz, dont, soit dit en passant, je n’ai pas compris quel sera le vote final. Mais enfin, nous verrons bien au moment du scrutin laquelle des deux solutions notre collègue choisira : celle du Gouvernement, modifiée par la commission des lois et son rapporteur, ou bien celle que nous propose M. Capo-Canellas.
Je ne vais pas me joindre au concert de louanges adressé à M. Capo-Canellas. L’adoption de son amendement ajouterait une couche au millefeuille territorial,…
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Absolument !
M. Jean-Pierre Caffet. … ce qui nous avait été reproché pendant des heures et des heures en première lecture. Dès lors qu’on ajoute une couche au millefeuille territorial, la question est de savoir si celle-ci a une quelconque efficacité. Car le projet du Gouvernement, s’il crée une métropole, supprime néanmoins une couche !
M. Vincent Capo-Canellas. Mais non !
M. Jean-Pierre Caffet. Mon cher collègue, vous le savez bien puisque c’est précisément le cœur de votre amendement.
Je le répète, l’ajout d’une couche supplémentaire au millefeuille territorial est-elle efficace ou non ? C’est à l’aune de ce critère que nous devons juger sa proposition.
Monsieur Capo-Canellas, on peut retourner le problème dans tous les sens, mais vous n’avez pas découvert la pierre philosophale qui permet de transformer le plomb en or. Car, d’un côté, nous avons une métropole avec des compétences et des moyens financiers opérationnels et, de l’autre, que vous le vouliez ou non, nous avons un syndicat mixte doté de compétences, mais uniquement sur le papier, sans moyens financiers !
Je reconnais que vous avez déployé des trésors d’imagination pour essayer de transformer un syndicat mixte sans fiscalité propre en une nouvelle entité juridiquement indéterminée pouvant bénéficier d’une fiscalité provenant des communes et des intercommunalités.
Essayons de quantifier les recettes qui pourraient découler de votre proposition.
Je ne reviens pas sur ce que le rapporteur a dit, mais vous nous affirmez que, indépendamment des dotations, la principale innovation, c’est que la fiscalité dont bénéficiera ce syndicat mixte proviendra de la différence entre certaines recettes fiscales des intercommunalités et des communes perçues l’année n et celles qui ont été perçues l’année de référence – l’année de création de la métropole, j’imagine. Autrement dit, vous proposez de prélever un pourcentage de la différence de recettes entre l’année n – par exemple 2018 – et 2016, année de création de votre syndicat mixte. Car c’est bien d’un syndicat mixte qu’il s’agit !
Il faut essayer de quantifier ce que ça représente. Je n’ai pas eu le temps de voir à combien se montaient précisément les recettes des communes et des intercommunalités sur le périmètre, mais supposons qu’elles représentent environ 10 milliards d’euros – ce doit être à peu de choses près l’ordre de grandeur. Supposons également que ces recettes croissent de 3 % par an. C’est peut-être beaucoup,…
M. Christian Cambon. Mais c’est une supposition !
M. Jean-Pierre Caffet. … mais 3 % de 10 milliards d’euros, ça fait 300 millions d’euros. Et vous allez prélever une fraction de ces 300 millions d’euros au profit de votre syndicat mixte !
Je ne sais pas ce qui sera décidé en loi de finances, mais j’imagine que les intercommunalités et les communes accepteront un prélèvement de l’ordre de 10 %. Eh bien, 10 % de 300 millions d’euros, ça fait 30 millions d’euros ! Croyez-vous, monsieur Capo-Canellas, qu’avec 30 millions d’euros une métropole puisse mener une politique ambitieuse en matière d’urbanisme, de logement et d’environnement, sans compter les autres compétences dont vous souhaiteriez voir doter ce syndicat mixte ?
M. Vincent Eblé. CQFD !
M. Jean-Pierre Caffet. Je ne sais pas si le Gouvernement, de son côté, a fait des calculs, mais c’est l’ordre de grandeur auquel j’arrive pour ma part.
Monsieur Capo-Canellas, est-il vraiment nécessaire d’ajouter une strate supplémentaire en créant un syndicat mixte dont les recettes seraient à peine supérieures à celles de l’actuelle Paris Métropole ?
M. Vincent Eblé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Le provincial que je suis a quelque scrupule à se mêler à ce débat francilien, pour ne pas dire à cette querelle, mais ce qui se passe à Paris et en région parisienne ne peut laisser personne indifférent.
J’avais cru – parce que je regarde de temps en temps la télévision – que la modernité était dans les villes.
M. Philippe Dallier. C’est mieux dans les campagnes !
M. Pierre-Yves Collombat. Je constate en effet qu’on est plutôt mieux loti dans les campagnes s’agissant de l’intercommunalité, car cette querelle nous l’avons eue il y a vingt ans.
M. Philippe Dallier. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. Nous l’avons réglée, et nous n’en sommes pas morts !
Pour parodier, Talleyrand, je dirai ceci : quand je vois où l’on est, je m’inquiète. Quand je vois d’où l’on vient, je suis rassuré.
La solution que propose le rapporteur est, selon moi, une voie moyenne. En tout cas, ce n’est pas une voie sans issue. C’est dans cette direction qu’il faut aller pour tendre vers la solution préconisée depuis longtemps par Philippe Dallier. D’habitude, il vaut mieux ne pas être trop en avance sur son époque, mon cher collègue, car cela ne crée que des inconvénients : à la fin, on vous pique votre idée, et l’on vous oublie ! (Sourires.)
Le fait même que cette proposition ait une chance de rencontrer une majorité, ce n’est pas rien, sachant ce qui s’est passé. J’aurais sans doute préféré que l’on parvienne à un résultat différent, compte tenu de l’enjeu que représente la région parisienne, mais, au moins, cela nous permettra d’évoluer vers un dispositif qui sera peut-être mieux assis que celui qu’on nous propose aujourd’hui.
L’examen du texte en seconde lecture par l’Assemblée nationale permettra certainement d’y apporter des améliorations. En attendant, le groupe du RDSE ne votera pas l’amendement n° 183 rectifié bis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote.
M. Hervé Marseille. Monsieur le rapporteur, j’ai écouté avec intérêt les talentueux commentaires que vous avez faits sur les aspects financiers de l’amendement de mon collègue Vincent Capo-Canellas. Je dois dire qu’ils m’ont quelque peu étonné.
On nous dit, depuis le début de ce débat, qu’il ne faut pas que le Sénat rende une copie blanche. Or, fait rare, l’Assemblée nationale a adopté un amendement autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de nature législative propres à préciser les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à cette métropole. Et l’on nous dit maintenant qu’il ne faudrait pas indisposer les députés ! En effet, on ne sait jamais comment ces gens-là peuvent réagir… Bientôt, il faudra s’excuser chaque fois qu’on s’exprime !
N’ayant pas la même culture que M. Collombat, je ne citerai donc pas les mêmes auteurs que lui ; je me contenterai de me référer à Michel Audiard, qui faisait dire à l’un de ses personnages : « J’m’en vais lui faire une ordonnance, et une sévère ! » (Sourires.) Dans votre texte, justement, il n’est question que d’ordonnances – qui ne sont pas médicales, celles-là. Autrement dit, vous nous dites : « Votez d’abord et l’on vous dira ensuite comment ça va marcher ! »
À l’article 12, par exemple, le Gouvernement est autorisé, toujours par ordonnance, « à compléter et à préciser les règles relatives à l’administration des territoires ainsi que celles relatives aux concours financiers de l’État applicables à cet établissement public de coopération intercommunale ». On ne sait donc rien de ce que va faire l’État, on ne sait rien des règles qui vont nous être appliquées. Une fois que nous aurons voté, on nous dira « Maintenant, on éteint les lumières », et le monde merveilleux de la métropole que vient de nous décrire M. Caffet va arriver de façon très sombre. On est donc prié de lire l’horoscope ou de fréquenter les cartomanciennes ! On était en droit d’attendre autre chose d’un débat qui concerne nos collectivités.
On nous demande de voter un texte, sachant que c’est dans dix-huit mois qu’on nous dira comment nous allons être « assaisonnés ». Mais on le sait déjà puisque le Gouvernement va prendre 4,5 milliards d’euros aux collectivités locales au cours des trois prochaines années. Malgré cela, on nous explique que les règles qui vont nous être appliquées sont tout à fait charmantes et nous permettront de fonctionner de la meilleure façon qui soit. Je ne le crois pas un seul instant et si quelqu’un, ici, le croit, qu’il se lève pour le dire !
On connaît le contexte budgétaire et financier actuel des collectivités territoriales, et l’on sait très bien que nous sommes amenés, à enveloppe constante, à nous débrouiller par nous-mêmes. Bien sûr, l’État continuera à nous aider, mais pas dans les mêmes proportions. Nous le savons parfaitement, les uns et les autres, puisque tout est déjà écrit. Ainsi, le FCTVA passerait de 50 % à 47,5 %. Chaque jour, on apprend que de nouvelles règles vont nous être appliquées, qui sont des dotations en moins.
L’amendement de M. Capo-Canellas n’est pas parfait, mais il a le mérite d’exister. Il reprend vos propres préoccupations et décrit le système tel qu’il existe. Ce que je comprends, moi, en lisant le projet de loi, c’est qu’il faut faire confiance et nous en remettre aux ordonnances pour savoir ce qui nous va nous arriver. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)