M. Patrice Gélard. Une absolution !
Mme Hélène Lipietz. … une amnésie populaire.
Après ces – j’espère – belles paroles, mes chers collègues, vous pourriez croire que les écologistes aiment nager en eaux troubles et se satisfont de ce texte. Eh bien non ! Non pas parce que nous voulons laver plus blanc que Vert, mais parce que nous n’aimons pas faire les choses à moitié.
De deux choses l’une : soit, comme certains l'ont proposé, on se contente de la législation actuelle en ne la retouchant qu’à la marge, comme pour le cumul des mandats (Mme Cécile Cukierman s’exclame) ; soit on dévide l’écheveau des intérêts, des revenus et des patrimoines pour mieux l’analyser, car l’écologie est la science de l’interaction des vivants.
C’est pourquoi, alors même que certains d’entre nous, sans attendre les rebondissements de ces derniers temps, ont fait le choix, libre et éclairé, de publier leur patrimoine, l’utilisation de leur réserve et autres affaires d’argent, les écologistes présenteront des amendements visant à moins d’opacité. Rappelons que les écologistes sont pour la publication de toutes les déclarations sous forme de données ouvertes, bien entendu de manière totalement anonyme.
J’en viens à la collusion avec les entreprises. Il est évident que les sphères économiques ont bien plus d’influence sur nos concitoyens que les petites décisions que nous pouvons prendre ici. C’est cela qu’il faut surveiller de près : l’influence des groupes, entreprises, lobbies sur nos votes qui vont parfois à l’encontre de l’intérêt général, de l’environnement, de la santé, de l’éducation. Je sais, je radote, mais c’est exprès !
C’est là que doit se concentrer l’exigence de transparence.
Où sont déclarés les cadeaux, si courants qu’ils sont omis par tous : invitations à des voyages, dans des restaurants de luxe, y compris par des sociétés de fast food ? Comment faire de la peine à quelqu’un, un groupe ou une société devenu un familier ?
Personne n’est parfait. Le conflit d’intérêts est toujours possible, mais il faut l’afficher. C’est pour cela qu’au Conseil de l’Europe les conflits d’intérêts doivent être déclarés.
Nous défendrons également un amendement sur les assistants parlementaires qui sont ou seraient mis à disposition par des groupes de pression. Il est nécessaire que le public le sache et n’ait pas à deviner de qui il s’agit.
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
Mme Hélène Lipietz. Cependant, dans le même temps, il faut donner à nos collaborateurs, que je remercie du travail qu’ils accomplissent pour nous, un véritable statut et élaborer une convention collective qui les protège des abus inhérents à leurs missions d’assistance, en tout lieu et à toute heure, de leurs parlementaires.
Nous souhaitons que différentes chartes de déontologie soient mises en place pour chacun des trois pouvoirs et nous espérons que le quatrième pouvoir, le pouvoir journalistique, fera de même.
M. Henri de Raincourt. Ah ben oui !
Mme Hélène Lipietz. Quant aux sanctions contre les élus, si elles doivent avoir lieu, elles doivent d’abord venir des pairs : c’est à chaque assemblée, chaque gouvernement, chaque ministère, ne plus tolérer en son sein des brebis galeuses.
Enfin, si nous aurions aimé que la peine d’inéligibilité soit non relevable, nous n’avons pas maintenu l’amendement que nous avions rédigé à cette fin car son adoption aurait créé un fâcheux précédent pour les simples citoyens condamnés. C’est pourquoi nous y avons renoncé !
En effet, nous savons être magnanimes, et le peuple, lui, est souverain. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – M. Jean Boyer et M. le rapporteur applaudissent également.)
(M. Didier Guillaume remplace M. Jean-Patrick Courtois au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
vice-président
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis deux heures, nous entendons des interventions brillantes, étincelantes, percutantes. Beaucoup d'entre elles visent un seul objet : ébranler la majorité et le Gouvernement.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Oh là là !
M. Alain Gournac. Impossible !
M. Charles Revet. C'est juste qu’ils ne sont pas d'accord !
M. Alain Anziani. En réalité, ces interventions auront pour effet d'ébranler la maison qui nous abrite, le Sénat lui-même.
M. Jean-Claude Lenoir. Il ne faut pas inverser les rôles !
M. Henri de Raincourt. On est habitué !
M. Alain Anziani. Pourquoi une telle véhémence…
Un sénateur du groupe UMP. Oh !
M. Alain Anziani. … au sujet d'un texte qui a pour unique ambition de rétablir la confiance entre nous et les citoyens ? Cela devrait au contraire nous réunir !
Mme Cécile Cukierman. Nous n'avons rien à cacher !
M. Alain Anziani. À cette méfiance de nos concitoyens, nombre de parlementaires répondent par de la défiance envers les citoyens. Ce n'est évidemment pas la bonne réponse.
Je reprendrai certains des arguments qui ont été avancés.
D'aucuns ont parlé de texte de circonstance. Étonnamment, je partage ce point de vue et vous donne raison, mes chers collègues : c'est bien de cela qu'il s'agit. Cependant, si vous réfléchissez à l'histoire qui est la nôtre, tous les textes de moralisation – le terme n'est pas apprécié, je le retire aussitôt –, en tout cas tous les textes qui ont tendu à donner un peu plus de vertu en politique sont nés des circonstances.
Le ministre a ce matin rappelé qu'en 1971 le scandale de la Garantie foncière avait vu un député mélanger ses intérêts avec ceux d'administrateur d'une société. L'année suivante, un texte de circonstance était présenté, qui se voulait fortement déontologique, puisqu’il renforçait les incompatibilités – déjà ! – et obligeait les parlementaires à une déclaration de leurs activités.
Des années plus tard, sur toutes les travées, nous avons tous vécu ces douloureux scandales liés au financement des partis politiques et des campagnes électorales. Immédiatement nous ont été présentés des textes que nous pouvons qualifier de circonstance, mais qui ont permis de rendre la France exemplaire en matière de financement de la vie politique. C'est encore le cas aujourd'hui : dans aucun pays, la législation n’est aussi ferme que la nôtre.
Je conclurai par un dernier exemple que l'on appelle « l'affaire Woerth-Bettencourt », c'est la presse qui l’appelle ainsi, ce n'est pas moi. Cela a donné naissance à un projet de loi du gouvernement Fillon relatif à la déontologie. J’en relisais ce matin l’exposé des motifs : « La confiance des citoyens dans ceux qui gouvernent, jugent ou administrent est au fondement même de la République et de la démocratie. Cette confiance ne peut prospérer que si l’intégrité et l’impartialité des responsables publics ne peuvent être mises en doute. » Nous pouvons faire nôtre ces deux phrases.
Pourtant, ce projet de loi est resté dans les tiroirs. Aujourd'hui, d'une certaine façon, nous reprenons le chantier. Je rappelle que ce texte prévoyait déjà des déclarations d'intérêts, des mécanismes de déport ou encore la création d'une autorité de la déontologie de la vie publique – on ne parlait pas encore de Haute Autorité –, avec un président nommé par décret. Aujourd'hui, la création d'une telle instance fait parfois sourire ; pourtant, elle figurait déjà dans ce texte.
M. Alain Gournac. Vous étiez contre !
M. Alain Anziani. Et je n’évoquerai pas le rapport d’information de Jean-Jacques Hyest sur lequel, avec quelques-uns, nous avons pu travailler.
Je le dis sans provocation : il suffit d’examiner la chronologie pour s’apercevoir que le seul à avoir voulu légiférer sur ces questions en dehors du contexte – certes, le contexte l’a depuis rattrapé ! –, c'est François Hollande. En effet, à peine élu Président de la République, celui-ci a demandé à ses ministres de signer une charte de déontologie prévoyant que « le Gouvernement a un devoir de transparence ». (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. On voit le résultat !
M. Alain Gournac. Quelle efficacité !
M. Alain Anziani. Ne mélangez pas tout, mes chers collègues, nous allons y venir !
En tout cas, lorsque François Hollande pose cet acte, il le fait alors que les circonstances ne l’y poussent pas.
Vous avez raison, la réalité est toujours plus forte : elle a rattrapé la volonté très forte du Président de la République avec le mensonge de Jérôme Cahuzac, que nous avons tous condamné.
Un sénateur du groupe UMP. Ce n'est pas le seul !
M. Alain Anziani. Aujourd'hui, il faut un nouveau texte. Je vous promets que d'autres textes viendront par la suite, parce que, demain, il y aura l'affaire Karachi,…
M. Pierre-Yves Collombat. Voilà !
M. Henri de Raincourt. Ne vous avancez pas trop !
M. Jean-Claude Gaudin. Ce n'est pas sûr !
M. Charles Revet. Vous avez une façon de détourner les problèmes !
M. Alain Anziani. … ou tout autre scandale. À chaque fois, il nous faudra progresser. Il n'y a jamais de texte définitif, surtout pas en la matière !
On nous oppose qu’il s’agit de textes de méfiance. Mes chers collègues, nous partageons tous le même sentiment : nous supportons mal ce soupçon qui nous frappe, tous, quelles que soient les travées que nous occupons. Nous en avons assez de ces accusations selon lesquelles nous sommes trop payés pour ne rien faire, corrompus, absents, inutiles ! (M. Henri de Raincourt acquiesce.) Personne ici n'accepte ce reproche qui est adressé aux parlementaires.
M. Jean-Claude Gaudin. C’est vrai !
M. Alain Anziani. Face à cela, deux solutions s'offrent à nous. La première semble relever de la magie. Elle consiste à penser qu'il suffit de hausser les épaules et que la rumeur passera. Personne ne pense cela possible ; personne ne croit à la magie. La seconde solution consiste à trouver des outils pour tenter de faire front.
Un autre courant nous reproche d'en faire trop, parce qu'il n'y a rien à voir. Vérifions si cela est vrai. Ensemble, nous observons que les Français pensent exactement le contraire. Un sondage réalisé en 2011, qui est cruel pour nous tous, révèle que 72 % des personnes interrogées estiment que les dirigeants politiques sont plutôt corrompus. Il est vrai qu'un sondage ne rend pas forcément compte la réalité.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Heureusement !
M. Alain Anziani. Vous voyez que nous sommes encore d'accord ! (M. Éric Doligé s’exclame.)
Je ne parlerai pas ici des parlementaires qui font l'objet de poursuites pénales, car les faits qui leur sont reprochés ne relèvent généralement pas de leur mandat de parlementaire. Ne nions pas que les conflits d'intérêts existent. Je me contenterai de citer trois exemples.
Le premier, c'est l'affaire du Mediator. Comment admettre une telle affaire ? Dans ce dossier, un individu, mandaté par les laboratoires Servier, est venu dans les bureaux du Sénat, corriger le rapport qui devait être rendu sur ce médicament, pour minorer le rôle des laboratoires Servier et détourner les soupçons sur une autre instance. C'est ici même que cela s'est passé, pas ailleurs ! Évidemment, des mises en examen ont eu lieu, l’une d’entre elles concerne une ancienne collègue sénatrice.
Le deuxième exemple concerne un rapport du député Christophe Sirugue, dont on ne fait pas assez mention, qui a été remise au nom du groupe de travail sur les lobbies à l'Assemblée nationale. Il relève que beaucoup – le mot n'est pas exagéré – de collaborateurs de parlementaires sont rémunérés par des sociétés qui pratiquent le lobbying. C'est la réalité ! Dès lors, que fait-on ? Faut-il faire comme si de rien n'était et passer à autre chose, ou faut-il essayer de réglementer l'activité des groupes d’intérêts dans nos assemblées ?
Enfin, troisième exemple, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, comment pouvons-nous accepter qu'un parlementaire perçoive dix ou vingt fois plus de réserve parlementaire qu'un autre ? Est-ce équitable et acceptable en république (M. Alain Gournac s’exclame.) qu'un parlementaire puisse recevoir vingt fois plus de réserve que ses collègues, y compris au sein d’un même département ?
M. Pierre Martin. On noie le poisson !
M. Jean-Claude Gaudin. Il ne doit pas y avoir beaucoup de parlementaires dans ce cas !
M. Alain Anziani. Ils sont déjà de trop, monsieur Gaudin !
Mais enfin ! Ne voyez-vous pas que ces pratiques bafouent non seulement la justice, mais aussi l'équité en matière électorale.
Nous essayons de trouver des outils : c'est le sens même de ce texte.
Le premier outil, classique, s’appelle les incompatibilités : voilà un siècle que nous savons l’utiliser, depuis le trafic des médailles.
M. Gérard Longuet. Wilson !
M. Alain Anziani. Nous allons renforcer ces incompatibilités. Comment peut-on s'y opposer ?
Nous allons notamment renforcer celles qui frappent ceux de nos collègues qui voient subitement s'éveiller en eux une vocation de conseil, alors qu'ils n'ont jamais exercé une telle activité avant de devenir parlementaire. Mais, soudain, frappés par la grâce, ils se découvrent un talent particulier pour donner des conseils,…
M. Gérard Longuet. Ils ne les donnent pas, ils les vendent !
M. Alain Anziani. … contre forte rémunération, bien évidemment, mon cher collègue.
Ils trouvent le temps de se livrer à cette activité en plus de leur mandat parlementaire, qui ne doit sans doute pas franchement les épuiser.
Il faut donc renforcer les incompatibilités ; c’est ce que prévoit votre texte, monsieur le ministre. Qui peut être contre ?
M. Gérard Longuet. Nous !
M. Alain Anziani. Il faut aussi aller plus loin, et rendre publiques un certain nombre de déclarations.
Y a-t-il vraiment un drame ?
Nos déclarations d'intérêts sont déjà publiées sur le site du Sénat, comme le soulignait tout à l'heure notre collègue. À cet égard, il est intéressant de constater que, la première année, ces déclarations ont été consultées 40 000 fois. Aujourd'hui, nous sommes sur un rythme annuel de 4 000 consultations. La curiosité aussi s’érode avec le temps.
Qui dans cette enceinte a été blessé par la publication de sa déclaration d'intérêts ? Qui en a ressenti de la honte ? Qui a considéré que sa vie privée avait été bouleversée ? Il me semble qu'aucun drame n’est survenu depuis cette publication.
Ne dramatisons pas ce qui devient finalement monnaie courante – le terme est bien choisi ! (Sourires.) – une fois passée la curiosité des premiers temps.
On peut en revanche discuter du pas supplémentaire que franchit ce texte en prévoyant de rendre publiques les déclarations de patrimoine. Cela existe déjà dans de nombreux pays.
Et je me permets d’attirer votre attention sur le paradoxe dans lequel nous nous enfermons. Nous nous arc-boutons sur ce refus alors que les plus exposés des politiques, les membres du Gouvernement, ont publié de telles déclarations.
M. Henri de Raincourt. Elle est bien bonne !
M. Jean-Claude Gaudin. Quand on voit ce qu’ils ont déclaré !
M. Charles Revet. Dites-nous que vous croyez à la sincérité de ce qui a été publié !
M. Éric Doligé. Il en manque !
M. Alain Anziani. Là non plus, il n'y a pas eu de séisme, en dépit de nombreuses publications dans la presse, notamment dans les quotidiens régionaux. Et il ne me semble pas avoir vu les membres du Gouvernement perturbés dans leur action – tout au plus certains d'entres eux ont-ils pu être agacés. Je ne crois pas en tout cas que notre République ait été atteinte par ces publications.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Alain Anziani. À partir de là, avec Jean-Pierre Sueur, nous avons imaginé que la transparence ne souffrait pas de demi-mesures et que, dès l'instant que l'on autorisait une publication à la préfecture, avec la possibilité de consulter ces déclarations, il fallait aussi en accepter les conséquences et être parfaitement cohérents. C'est pourquoi nous avons supprimé l'interdiction de divulguer ces déclarations et les condamnations qui lui étaient attachées. Nous pensons que cela ne devrait pas poser beaucoup de problèmes.
Bien sûr, cette mesure peut se discuter, mais je souhaite attirer l'attention de ceux qui la discutent.
Ceux qui souhaitent le maintien des sanctions – un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende – vont-ils demain poursuivre leur quotidien régional s’il lui vient à l'idée de publier leur patrimoine ?
M. Patrice Gélard. Ça n’a aucune chance d’aboutir !
M. Alain Anziani. J'aimerais aussi qu'ils me disent s'ils souhaitent que ce soit à chaque fois le Gouvernement qui poursuive les différentes publications – de par notre statut, les poursuites pourraient en effet relever de l'initiative du Gouvernement.
M. Gérard Longuet. Normalement ! C’est l’action publique !
M. Alain Anziani. Quoi qu'il en soit, je souhaite bien du plaisir à ceux qui voudraient poursuivre ces organes de presse ! En effet, une fois que le quotidien régional aura publié votre patrimoine et que vous aurez déposé plainte, ce n'est pas un article que vous aurez, mais des dizaines, dans toute la presse nationale. Et vous aurez même droit de surcroît à un petit procès, au cours duquel vous devrez vous expliquer sur votre patrimoine, ce qui donnera lieu à d'autres articles… Quant à la décision finale du tribunal, je ne mettrai pas ma main à couper qu'elle donnera satisfaction au plaignant.
M. Henri de Raincourt. Ça, c’est sûr !
M. Alain Gournac. C’est le problème !
M. Alain Anziani. C'est donc le principe de réalité qui nous conduit à faire preuve de prudence en la matière.
Pour conclure, j'ai entendu des personnes pour qui j'ai beaucoup d'estime dire que ces textes avaient été imposés par le Président de la République, ou encore que nous n'avions pas à donner de leçons de morale.
Il s’agit, à mon sens, de contrevérités. Ces textes nous sont tout simplement imposés par la réalité, comme l’ont été les textes sur le financement de la vie publique et beaucoup d'autres textes. Ils sont aussi guidés par la volonté de rétablir cet indispensable lien de confiance entre les élus et les électeurs, qui malheureusement continue de se défaire, et dont le délitement ne favorisera aucun des groupes politiques de cet hémicycle, mais ceux qui, à l'extérieur, comptent les coups avec beaucoup de gourmandise. Demain, ils auront beau jeu de dire : « Regardez-les, ils sont incapables de faire preuve de la moindre transparence ! »
M. Charles Revet. Vous l'avez détruite, la confiance !
M. Alain Gournac. Ce texte n’améliorera rien du tout !
Mme Cécile Cukierman. Quand on ne respecte pas les plafonds de dépenses, on détruit aussi la confiance !
M. Alain Anziani. J'attire aujourd'hui votre attention sur ce point.
Je sais les interrogations qui existent sur ce texte, mais imaginons qu'il soit rejeté : l'opinion va immanquablement penser que, décidément, nous avons beaucoup de choses à cacher ! (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé. Elle dira ce qu’elle voudra !
M. Alain Anziani. Et elle ajoutera même que, décidément, les sénateurs ne veulent rien dévoiler.
M. Alain Gournac. Elle le dit déjà !
M. Francis Delattre. Nous ne sommes pas socialistes, nous !
M. Alain Anziani. J’aimerais faire partager cette vérité : il est de notre responsabilité de regarder avec beaucoup d'attention ce texte, parce que c’est notre relation avec l'opinion qui se joue à travers lui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Ah ! un peu de sérieux.
M. Éric Doligé. Dis-leur ce que tu penses !
M. Henri de Raincourt. Éclaire-nous !
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je suis maintenant sénateur, j'emploierai des mots policés pour parler des réserves que je nourris à l'encontre de ce texte. Mais vous verrez au final que l'addition de ces réserves fait de moi un opposant déterminé à ces projets de loi.
Je suis tout d'abord réservé sur les circonstances qui ont conduit à l'élaboration de ce texte.
Franchement, monsieur le ministre, il fallait oser le faire ! Car tout part au fond du mensonge d'un ministre du budget, qui cache l'existence de fonds placés en Suisse.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Effectivement !
M. Jean-Claude Lenoir. Il commence par nier l’existence de ces avoirs au Président de la République, au Premier ministre et à l’Assemblée nationale, avant que l'on apprenne finalement qu'il a menti à toutes ces autorités.
La recette trouvée par votre gouvernement, inspirée d'ailleurs par celle qu'utilisait régulièrement un président de la République en fonction de 1981 à 1995, est de faire diversion.
Il existe de beaux ouvrages sur la question, notamment celui de Machiavel. Relisez dans Le Prince les passages où il instruit Laurent de Médicis des choses qui touchent la vie publique, notamment quelques-uns des passages consacrés aux Florentins.
Tartuffe est venu plus tard, monsieur Mézard, mais quel art consommé du détournement d’attention !
Il fallait sauver les apparences ! Le Gouvernement était atteint ; c’était un séisme politique. Rappelez-vous la une des quotidiens, les titres des journaux télévisés. Il fallait créer une diversion pour protéger le Gouvernement et sa majorité. Et les victimes de cette diversion, ce sont les parlementaires !
M. Charles Revet. On les met en accusation !
M. Jean-Claude Lenoir. À en croire ceux qui alimentent aujourd'hui ce débat, ils seraient responsables des dysfonctionnements, des désordres et des mensonges qui ont été dénoncés.
Certes, le Gouvernement a péché par naïveté et par légèreté. Mais, si j’en crois certains propos entendus voilà quelques instants à cette tribune, cette naïveté est franchement contagieuse. Comment pouvez-vous croire un seul instant que le dispositif que vous nous proposez aurait pu empêcher M. Cahuzac de dissimuler la vérité ?
M. Alain Gournac. En effet !
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président de la commission des lois, l'article 1er du projet de loi organique prévoit l'obligation pour un parlementaire de déclarer les fonds qu’il détient à l'étranger. Croyez-vous que l'ancien député du Lot-et-Garonne aurait mis une croix dans cette case et communiqué le nom du dépositaire ? Pourquoi être naïfs à ce point ?
La deuxième réserve porte sur la méthode. Elle conduit à jeter l'opprobre sur les parlementaires.
Je me suis replongé dans l'histoire des grands scandales qui ont jalonné la vie parlementaire. On prétend que chaque scandale a engendré une loi. Je ne partage pas ce point de vue. En réalité, ce sont souvent les électeurs qui ont tranché en lieu et place du législateur ou des magistrats.
Rappelez-vous cette affaire qui a momentanément écarté Clemenceau de la vie publique et parlementaire,…
M. Gérard Longuet. Panama !
M. Jean-Claude Lenoir. … après que la chambre unanime se fut levée en criant : « Panama ! Panama ! »
Ce n'est pas une loi qui a empêché qu'un autre scandale du même type puisse se reproduire, mais bien les électeurs.
MM. Jean-Claude Gaudin et Gérard Longuet. Les électeurs du Var !
M. Jean-Claude Lenoir. Et croyez-vous que dans un autre scandale, l'affaire Stavisky, c'est une loi qui fit barrage à de nouvelles affaires du même ordre ? Non ! C’est la foule qui défila place de la Concorde le 6 février 1934 en vociférant ces mots lus dans Rivarol : Tous des voleurs !
Mme Jacqueline Gourault. Rivarol, en voilà une référence !
M. Jean-Claude Lenoir. Prenez garde, vous alimentez avec ce texte une opinion (Mme Cécile Cukierman s’exclame.) toujours plus hostile aux parlementaires, accusés de tous les maux. Et je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit, afin de ne pas prolonger mon propos.
Certes, il y a des brebis galeuses. Mais retenez que, dans l'histoire parlementaire, un seul député a été condamné pour avoir commis un délit dans l'exercice de ses fonctions. Il s’appelait André Rives-Henrÿs, et c’était en 1974.
Certes, des parlementaires ont été condamnés depuis, mais pour des raisons extérieures à leur mandat de parlementaire.
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !
M. Jean-Claude Lenoir. L'un a été emprisonné pour une affaire de mœurs, les autres ont été condamnés pour des trafics d'influence ou des trucages de marché, mais dans l'exercice d'autres mandats.
Je vous en prie, chers collègues, contrairement à l'opinion exprimée par l'orateur qui m'a précédé à cette tribune, il me semble que vous portez la responsabilité d'avoir ouvert un débat qui nous met tous en accusation. Et, croyez-moi, l'opinion ne s'arrêtera pas là.
Croyez-vous que l’opinion, dans le cirque romain, va se contenter de ce que vous lui proposez ? Mais demain, elle réclamera plus ! « Ce n’est pas assez ! » dira-t-elle.
Par ailleurs, j’ai trouvé déplacé votre propos selon lequel si l’on est opposé au présent projet de loi organique, c’est que l’on a quelque chose à cacher. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Anziani. C’est l’opinion qui le dit ; ce n’est pas moi !
M. Jean-Claude Lenoir. Non, mon cher collègue, vous l’avez dit à la tribune et l’opinion le répétera !
Nous sommes tous devenus des pénitents, habillés par pudeur et par décence d’une robe de bure. Vous vous doutez bien que nous devrions normalement tous être dévêtus, avec de la cendre sur les cheveux…
M. Patrice Gélard. Et la corde au cou !
M. Jean-Claude Lenoir. Et se joignent à notre cortège de pénitents des flagellants, que l’on trouve parmi nous, qui estiment qu’il faudrait aller beaucoup plus loin encore et beaucoup plus vite et qui aliment eux aussi le sentiment négatif éprouvé à l’égard des parlementaires.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Francis Delattre. Il manque le gibet !
M. Jean-Claude Lenoir. J’émets enfin une réserve sur l’objectif recherché et les résultats qui vont être obtenus.
Comme cela a été souligné dans cette enceinte, il existe déjà des règles relatives à notre patrimoine, à nos intérêts et que nous appliquons. Il faut le rappeler à l’opinion car, à vous entendre, on a l’impression que tout est à créer, tout est à inventer.
M. Charles Revet. Exactement !
M. Jean-Claude Lenoir. Aujourd’hui, la finalité recherchée est de moraliser la vie publique, et non de caresser l’opinion dans le sens du poil.
Un jour, vous irez sans doute plus loin. Peut-être bientôt allez-vous sanctionner des parlementaires qui auraient renié leurs convictions lors d’un vote.
Mme Cécile Cukierman. Cela n’a aucun rapport ! C’est aux électeurs de le faire.
M. Francis Delattre. Écoutez !
M. Jean-Claude Lenoir. Ne seront-ils pas soupçonnés de recevoir un avantage en raison de leur vote ? Surtout, et je le dis sciemment dans une assemblée où la majorité est aussi courte,…
M. Bruno Sido. Inexistante !
M. Jean-Claude Lenoir. … allez-vous empêcher un élu de faire profiter l’assemblée à laquelle il appartient de son expérience professionnelle ? Évidemment, celui qui sait ne doit pas s’exprimer !
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. Celui qui connaît un dossier doit se taire ! Telles sont les conséquences pernicieuses du texte qui nous est aujourd’hui soumis.
Mme Françoise Cartron. Franchement !
M. Jean-Claude Lenoir. En réalité, que veut-on ?
M. Bruno Sido. On ne sait pas !
M. Jean-Claude Lenoir. Nous savons ce que souhaite la majorité dans ses différentes composantes : des élus hors-sol, élevés sous serre, qui n’ont exercé aucune activité professionnelle. En effet, évoquer des questions de santé serait condamnable pour un médecin ! Et ne parlons pas des agriculteurs !
M. Henri de Raincourt. Oh là là oui !