M. Jean-Pierre Caffet. C’est obscur !
M. Richard Yung, rapporteur. Il nous semble en effet que le plafond général présente un risque important, celui d’être fixé à un niveau trop élevé pour protéger les clients les plus fragiles. La commission des finances est donc revenue à la rédaction retenue par le Sénat sur l’initiative de Jean-Pierre Caffet.
À l’article 17 quinquies, l’Assemblée nationale a rétabli le texte qu’elle avait adopté en première lecture, alors que nous avions supprimé cet article, qui prévoit une obligation de signer une convention pour la gestion des découverts bancaires des TPE et des PME. Or il nous est apparu que cette obligation risquait de renchérir le coût du crédit à ces entreprises, compte tenu des règles de fonds propres applicables aux lignes de crédit.
L’article 23, relatif à l’accès au compte bancaire d’une personne défunte, avait été assez largement amputé de ses dispositions initiales. Notre collègue Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois, avait mis en lumière l’insécurité juridique causée par ces dispositions et les risques de conflits de succession qu’elles pourraient engendrer. L’Assemblée nationale a rétabli le texte initial du Gouvernement, mais sans répondre aux objections soulevées par le Sénat. Aussi proposons-nous d’en revenir à notre position de la première lecture.
Enfin, la commission des finances du Sénat a rétabli l’article 33 relatif aux modalités de remboursement de la monnaie électronique, supprimé par l’Assemblée nationale.
En définitive, les divergences qui subsistent entre les deux chambres devraient pouvoir être surmontées en commission mixte paritaire. En attendant, mes chers collègues, je vous invite à voter le texte ainsi modifié par l’Assemblée nationale et par la commission des finances du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous entamons l’examen en deuxième lecture d’un projet de loi dont j’avais estimé ici même, le 20 mars dernier, qu’il ne méritait sans doute ni excès d’honneur ni excès d’indignité.
Certes, ce n’est pas un texte qui propose une grande réforme structurelle, ce n’est pas un texte qui mettra au pas le monde de la finance, mais c’est un texte réaliste, monsieur le ministre, constitué d’une série de mesures techniques – au demeurant utiles – ou de mises en conformité avec le droit communautaire.
C’est un texte qui s’inscrit dans la continuité de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière ou de la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, et qui prolonge le travail incessant de perfectionnement et d’adaptation de notre droit financier, matière qu’il faut aborder avec modestie en raison du caractère très évolutif des règles qui la régissent. En définitive, en ce domaine, nous sommes amenés à faire de la législation à durée déterminée.
En outre, le droit financier est aujourd’hui caractérisé par une assez faible autonomie du législateur national, en raison du poids du droit communautaire, mais aussi, et peut-être surtout, de la propension à l’extraterritorialité des régulateurs américains, comme nous avons pu le constater lors de l’intéressante mission qu’une délégation du bureau de notre commission a effectuée aux États-Unis, au mois d’avril.
Entrant maintenant dans le vif de mon propos, je soulignerai que les deux principaux aspects du texte ne font plus l’objet de la navette. Nous n’avons plus à en délibérer, puisque les dispositions correspondantes ont été adoptées conformes par les deux assemblées.
L’élément principal du présent projet de loi est la règle de séparation des activités bancaires.
Après les règles Vickers, Volcker et Liikanen, il y aura désormais une règle française – la règle Yung ou Moscovici ! –, adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées et qui devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2015. Le dispositif voté vise à obliger les banques françaises, y compris pour leurs filiales à l’étranger, à filialiser leurs activités réalisées pour leur compte propre, celui-ci faisant l’objet d’une définition dans la loi.
Cette règle appelle deux remarques.
En premier lieu, espérons que sa mise en œuvre sera plus aisée que ne l’a été celle de la règle Volcker, annoncée avec force aux États-Unis, mais qui n’y est toujours pas appliquée en raison de sa complexité technique.
En second lieu, les grandes banques françaises devront concilier la création de ces nouvelles filiales cantonnées avec non seulement les nouvelles règles de la directive et du règlement CRD IV, mais aussi la règle américaine extraterritoriale dite « Tarullo », qui soumet les filiales américaines de banques étrangères aux mêmes exigences en capital que les groupes bancaires américains et conduira la Réserve fédérale à contrôler, de facto, la capitalisation des maisons mères européennes. Cela dénote, de la part de la FED, une attitude que je qualifierai de réservée à l’égard des superviseurs européens…
Il serait souhaitable, monsieur le ministre de l’économie et des finances, que le Gouvernement nous présente son analyse de cette règle qui, de notre point de vue, peut créer une distorsion de concurrence entre banques européennes et banques américaines, mais qui, surtout, constitue un empiètement du régulateur américain sur les compétences des régulateurs nationaux européens, en France l’Autorité de contrôle prudentiel aujourd’hui, l’union bancaire demain. Il y a là des enjeux commerciaux et de souveraineté – à l’avenir, il s’agira d’une souveraineté partagée – qu’il convient d’expliciter.
Puisque nous évoquons les règles américaines extraterritoriales, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous présentiez la position de notre pays sur un sujet très important, sur les plans tant politique que technique : la réglementation des dérivés.
L’Europe vient de légiférer pour mettre en œuvre les conclusions des sommets du G20 de 2009, notamment en adoptant le règlement EMIR. Or – je simplifie pour les besoins de ma démonstration –, les établissements financiers européens devront, à compter du 15 juillet, respecter également la réglementation de l’un des régulateurs américains, la CFTC, même lorsqu’elle n’est pas identique à la réglementation européenne, voire contradictoire avec elle, ce qui peut se produire.
Là encore, il serait utile de savoir quelle est la position du Gouvernement sur ce nouveau cas d’empiètement du régulateur américain sur les compétences des régulateurs européens.
Pourquoi l’Europe ne parvient-elle pas à endiguer l’expansionnisme réglementaire américain, alors même que, nul ne peut l’ignorer, c’est bien des défauts de la régulation américaine qu’est née la crise financière, qui fut si lourde de conséquences pour toutes nos économies ?
J’en viens au second volet essentiel du texte : la gestion des faillites bancaires, autrement dit la procédure de résolution.
Nous avons arrêté notre dispositif au niveau national, mais nous observons que l’Union européenne peine à se mettre d’accord sur sa conception d’un dispositif de résolution à l’échelle européenne. Monsieur le ministre, peut-être aurez-vous le temps, avant de rejoindre une réunion où l’on traitera sans doute de ce sujet, de nous livrer quelques informations à ce propos ? Le dispositif que nous allons voter est-il susceptible d’être remis en cause par les discussions engagées à l’échelle européenne ? S’il y a des débats et des désaccords entre États européens, sur quels points portent-ils et quel est votre pronostic pour la suite ?
J’aborderai maintenant les dispositions introduites par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, qui feront l’objet de notre débat.
Premièrement, l’Assemblée nationale a donné une base législative aux règles de gouvernance dérogatoires du Comité de gestion des œuvres sociales des établissements hospitaliers publics, le CGOS. Le plus important à mes yeux est qu’elle n’ait pas remis en cause les dispositions relatives à l’information des affiliés de ce régime qui avaient été adoptées par le Sénat en première lecture.
Deuxièmement, l’adaptation de notre législation à la mise en œuvre de la loi américaine FATCA doit retenir l’attention.
Nous restons dans le domaine des réglementations extraterritoriales américaines. La France doit manifestement s’organiser pour recueillir auprès de ses banques toutes les informations demandées par la loi américaine sur les avoirs détenus par des contribuables américains et les transmettre aux États-Unis.
L’accord avec les États-Unis devrait théoriquement intervenir avant le 1er janvier 2014. Par le biais de l’adoption d’un amendement du Gouvernement, l’Assemblée nationale a donné un cadre légal à cette collecte d’informations.
À ce stade, trois séries de questions se posent, monsieur le ministre.
Tout d’abord, de quel véhicule juridique relèvera l’accord avec les États-Unis ? Le Parlement sera-t-il concerné ? Aurons-nous à nous prononcer par un vote ou par une ratification ?
Ensuite, quel sera le calendrier d’examen des accords et des textes qui constitueraient leur support juridique ?
Enfin et surtout, quelle réciprocité pouvons-nous attendre ?
Jusqu’à présent, la France observait une position exigeante, car nous aussi pouvons être intéressés par les soldes des comptes détenus aux États-Unis par des contribuables français. Or, il nous a été dit, lors de notre mission aux États-Unis, qu’il n’y aurait pas de réciprocité avant 2016, ce qui est très inquiétant. Pourquoi renoncer à la simultanéité de l’application de l’accord de part et d’autre de l’Atlantique ? Monsieur le ministre, il serait particulièrement utile que vous nous éclairiez sur ce point.
Troisièmement, je veux évoquer le say on pay, autrement dit le vote de l’assemblée générale des actionnaires sur les rémunérations versées dans les banques. Ce dispositif a été introduit dans le projet de loi sur l’initiative de la commission des affaires économiques du Sénat et de son rapporteur, notre collègue Yannick Vaugrenard.
L’Assemblée nationale, prudemment, a suivi les recommandations de l’AFEP et du MEDEF, en prévoyant que le vote de l’assemblée générale interviendrait a posteriori. Or, lors de notre mission aux États-Unis, nous nous sommes rendus chez Citigroup, une grande banque dont le paquet de rémunérations a récemment été rejeté par les actionnaires à la suite d’un vote préalable, et non point d’un vote a posteriori.
Voyons le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide : ces dispositions sont un premier pas, mais, sur le fond, je partage tout à fait, à titre personnel, le point de vue présenté voilà quelques instants par M. Richard Yung. Il est clair qu’un vote indicatif sur les rémunérations dans les banques n’a véritablement de sens que s’il est préalable.
Quatrièmement, l’Assemblée nationale a anticipé l’application du règlement CRD IV en prévoyant un plafonnement des rémunérations variables dans les banques au niveau des rémunérations fixes, sauf décision de l’assemblée générale.
Chacun est choqué par le montant des bonus parfois perçus dans le secteur financier. Il importe cependant de veiller à ce que des réglementations de ce type ne conduisent pas à des augmentations importantes des rémunérations fixes, ce qui pourrait être un effet pervers, ou pire à des transferts de personnel vers d’autres pays européens ou vers les États-Unis, qui semblent voir d’un bon œil cette réglementation européenne et ses exigences. Autrement dit, nous devons rester très attentifs à la compétitivité du secteur financier européen au regard notamment de celui des États-Unis.
Cette remarque me conduit à mon dernier point : l’avenir de la place financière de Paris.
Les enjeux sont bien entendu importants. J’évoquerai deux dossiers prioritaires : d’une part, les conséquences du rachat de Nyse Euronext – l’ancienne bourse de Paris fédérée avec d’autres bourses européennes – par le groupe ICE s’agissant de ses activités européennes ; d’autre part, la taxe sur les transactions financières dans sa version actuelle – peut-être deviendra-t-elle un jour européenne.
Les deux dossiers sont liés, car plusieurs acteurs français ont refusé de s’engager dans le rachat d’Euronext en raison de la taxe sur les transactions financières et, en général, du niveau de fiscalisation du secteur financier, qui, selon eux, conduit à douter de la volonté du Gouvernement de maintenir à terme un centre financier à Paris.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire si une solution de place est envisageable sur le dossier Nyse Euronext et si la Banque publique d’investissement est susceptible de jouer un rôle ? Son directeur général nous a en effet déclaré, lors d’une récente audition, qu’Euronext « fait partie du périmètre d’action de la BPI » et « qu’il y a potentiellement là un sujet intéressant et stratégique ». Cette déclaration est intéressante quant à son orientation, mais empreinte de la prudence qui sied au directeur général d’une institution financière.
En conclusion, sous réserve que notre discussion n’aboutisse pas à modifier substantiellement le texte établi par la commission des finances, j’estime, à titre personnel, qu’il n’y a pas lieu de s’opposer à ce projet de loi et qu’il serait préférable de le voter dans les termes du Sénat, de telle sorte que la commission mixte paritaire puisse se dérouler dans les meilleures conditions possibles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. François Fortassin applaudit également.)
M. Jean-Claude Lenoir. Excellente analyse !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la dernière étape de l’examen de ce projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires est l’occasion de nous interroger une nouvelle fois sur la distance entre les discours et les faits. Nous ne pouvons en effet qu’être déçus par le texte tel qu’issu du débat parlementaire.
Pourtant, l’intention était là. L’adversaire désigné était le monde de la finance, en particulier celui de la finance folle, dérégulée, celle qui parasite l’ensemble de l’économie. Un discours fort affirmait la volonté de tracer un chemin vers une régulation, une forme de justice devenue nécessaire au vu des conséquences de la crise, que nous mesurons quotidiennement.
L’idée était de mettre les banques « au service de l’économie ». Le constat étant fait, le rétablissement de la séparation entre activités de dépôt et activités d’investissement dans les banques est devenu l’un des axiomes majeurs d’une « rénovation du système financier ». En effet, le mélange des activités de dépôt et des activités d’investissement, de plus en plus spéculatives, combiné à la crise financière débutée en 2008, faisait peser des risques énormes sur les dépôts de millions de citoyens.
Cette réforme du système bancaire et financier, qui faisait l’objet du point n° 7 du programme du candidat Hollande, devait s’accompagner de mesures de lutte contre les paradis fiscaux. D’autres dispositions, telles que la suppression pure et simple des stock-options, figuraient dans ce programme ; nous constatons qu’elles n’ont pas encore trouvé de traduction concrète.
Qu’en est-il donc de cette grande loi destinée, en quelque sorte, à « réhumaniser » la banque en faisant de la banque de dépôt celle de la majorité de nos concitoyens, en prenant soin de cantonner les activités spéculatives les plus délétères ? Comme souvent, c’est l’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide.
M. Jean-Claude Lenoir. Tout dépend du liquide !
M. Thierry Foucaud. Au-delà de l’aspect parfois « fourre-tout » de ce texte, il est en effet indéniable que le Gouvernement a cherché à répondre, à sa façon, aux problèmes posés par la finance folle.
Du reste, il est également vrai que le texte sort plutôt enrichi de son parcours parlementaire : je pense ici particulièrement au volet relatif à la lutte contre les paradis fiscaux et à l’élargissement du reporting pays par pays aux entreprises à vocation internationale, ainsi qu’à la prise en compte du phénomène grandissant du trading à haute fréquence, pratique tellement néfaste qu’elle devrait être tout bonnement interdite.
Il faut aussi relever une avancée sur la question de l’assurance emprunteur, obtenue grâce au soutien de tous les sénateurs. Elle permettra une meilleure information des emprunteurs en amont de la décision.
Enfin, nous devons saluer les progrès faits en matière de protection du client, particulièrement du client fragile, avec le plafonnement, perfectible il est vrai, des commissions d’intervention, qui, rappelons-le, s’élèvent à plus de 2 milliards d’euros, sans compter les agios.
Nous devons reconnaître au Gouvernement et à la majorité le mérite d’avoir clairement versé ces questions au débat. En effet, bien que l’ampleur des mesures votées soit limitée, le discours a changé par rapport à l’époque, pas si lointaine, où un Président de la République prétendait vouloir « moraliser le capitalisme », sans rien changer…
Toutefois, la prise en compte de ces questions ne s’accompagne pas des décisions les plus efficaces.
La séparation des activités bancaires en deux branches, regroupant l’une les activités de dépôt, l’autre les activités d’investissement, reste le point majeur de ce texte. Présentée comme un Glass-Steagall Act « à la française », la mesure a même donné son nom au projet de loi, qui comprend de nombreuses autres dispositions. Cette mesure, définitivement entérinée, ne sera pas réexaminée. Pourtant, sa portée beaucoup trop limitée rend l’ensemble du texte bien trop timide, bien trop tiède, et très certainement perfectible.
Pour arriver à une véritable séparation des deux branches d’activités, il fallait définir un critère permettant de distinguer le bon grain de l’ivraie. Vous avez choisi le critère d’« utilité ». Or votre définition, par trop restrictive, fait entrer dans le champ des activités de dépôt de nombreuses activités spéculatives risquées. Nous l’avons déjà relevé, nombre de professionnels du secteur de la banque considèrent que moins de 2 % des activités bancaires seront concernées par la séparation et filialisées.
Ce simple constat nous amène à nous interroger sur la portée réelle de ce texte. Comme nous l’avions soulevé lors de la première lecture, il est nécessaire de définir plus largement l’activité spéculative, qui, si tant est qu’elle soit utile, est par nature risquée. Au-delà de l’élasticité du critère d’utilité, qui a l’inconvénient de ne pas apporter de sécurité juridique, ce texte ne définit pas réellement l’activité spéculative. C’est bien le principe même du mélange de l’activité spéculative à l’activité de dépôt qu’il faut combattre, comme cela était initialement prévu. La banque universelle suppose l’exposition des dépôts des épargnants aux vicissitudes des marchés financiers. C’est à ce péril que prétendaient parer le candidat Hollande avec sa septième proposition, le Gouvernement avec le présent texte. Nous devons malheureusement considérer que la réponse apportée n’est pas suffisante.
Du reste, nous ne pouvons que nous étonner que, tout en prétendant séparer les activités bancaires, le Gouvernement ait confirmé la fusion du fonds de garantie des dépôts avec le fonds de résolution. Il s’agit d’une mesure parfaitement contradictoire, puisqu’elle réunit un fonds destiné à protéger les déposants à un fonds dont la vocation est clairement d’éponger une éventuelle faillite liée à une opération spéculative. Le Gouvernement a expliqué qu’il s’agissait ainsi de grossir artificiellement le fonds de garantie, mais cette réponse n’est pas satisfaisante. Pourquoi ne pas tout simplement augmenter l’encours de ce fonds au-delà des 2 milliards d’euros actuels, sachant qu’il est supposé garantir 1 500 milliards d’euros de dépôts ?…
En l’état, vous l’aurez compris, le texte ne nous satisfait pas suffisamment pour que notre abstention de la première lecture se transforme en un vote favorable. Certes, il contient des mesures positives, notamment en matière de régulation, mais leur portée est grandement limitée et la séparation entre activités de dépôt et activités spéculatives demeurera très marginale.
Pourtant, dans un souci constant d’amélioration du projet de loi, nous avons déposé plusieurs amendements visant précisément à renforcer le dispositif. Ainsi, nous considérons que le reporting des sociétés à vocation internationale doit être mis en œuvre dès à présent. De même, en ce qui concerne la régulation des rémunérations des dirigeants de banque, sur laquelle le texte est bien trop timide, nous estimons plus que jamais nécessaire d’instaurer un plafonnement.
D’autres amendements viseront à protéger plus encore les clients des banques contre les abus de celles-ci, particulièrement en matière de frais. Cela revient à combattre la spéculation, puisque ces frais sont précisément utilisés par les banques pour sécuriser leur bilan, et donc leurs investissements spéculatifs.
Renforcer un texte que nous considérons perfectible, tel est le sens de notre engagement et de nos interventions. Si nos amendements devaient ne pas être adoptés, nous ne pourrions émettre un vote favorable.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou
M. Aymeri de Montesquiou. M. le ministre de l’économie et des finances a souligné son plaisir, et même sa fierté, de voir le Gouvernement et la représentation nationale travailler main dans la main pour élaborer cette réforme bancaire.
Madame le ministre, si la politique économique et fiscale du Gouvernement fait régulièrement l’objet de nos justes critiques et de nos sages avertissements, la discussion de ce projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires se singularise par un climat consensuel et apaisé. Lorsque 1es objectifs sont partagés, le consensus peut être atteint.
L’assainissement du système bancaire et du fonctionnement des marchés financiers était indispensable pour se prémunir contre les risques systémiques. Le comportement inconsidéré de certains établissements bancaires ne pouvait plus être couvert par l’État, et donc soutenu, à leur corps défendant, par les épargnants et les contribuables : c’était choquant, c’était injuste.
Ce projet de loi, en isolant les activités spéculatives des banques, vise à protéger les épargnants au travers de nouvelles garanties.
Le Sénat a considérablement amélioré la rédaction initiale du texte, sous l’égide de notre rapporteur, Richard Yung. La séparation et la régulation bancaires sont désormais entérinées par les deux chambres.
L’encadrement des marchés des matières premières agricoles, engagé lors du sommet du G 20 de Cannes, en 2011, est une mesure responsable et importante dans un contexte de grande volatilité des prix agricoles. Ces denrées, qui représentent un enjeu alimentaire et stratégique, ne peuvent être soumises à des spéculations entraînant des conséquences sociales parfois catastrophiques.
Restent en discussion des dispositions à propos desquelles des interrogations subsistent.
Ainsi, le titre III bis du projet de loi, dont les dispositions tendent à encadrer les conditions d’emprunt des collectivités et des EPCI, a pour objet de lever le risque lié aux emprunts toxiques en régulant les flux, mais il ne résout pas la question du stock. Quelles mesures comptez-vous prendre pour trouver une solution pérenne à la problématique essentielle du financement des collectivités territoriales, de leurs dépenses sociales et de leurs investissements ? Quelle sera l’articulation avec le fonds de soutien pluriannuel, et quel sera le rôle de celui-ci ?
Vous avez décidé de créer une agence de financement des collectivités territoriales. Cette nouvelle structure de crédit se distingue des banques, dont les capacités de financement, affectées par une contraction des liquidités à la suite des accords de Bâle III, ne répondaient plus aux besoins des collectivités. Ce type de véhicule, qui existe déjà dans les pays d’Europe du Nord, a résisté à la crise et permet aux collectivités de bénéficier d’une offre diversifiée, d’un mode de financement attrayant et autogéré. Ce projet, élaboré en concertation avec l’Association des maires de France, qui le porte depuis des années, permettra de satisfaire les besoins de financement des collectivités, mais les plus grandes d’entre elles devront continuer d’avoir recours au marché.
Cependant, la création de cette instance par voie d’amendement, permettant d’éviter la production d’une étude d’impact, est un peu cavalière. De plus, la formulation retenue ouvre en théorie la possibilité de multiplier les agences : n’est-ce pas là une source d’inquiétude ?
Enfin, l’institution de cette agence ne répond pas à la vraie question, à savoir celle de la réforme du financement des collectivités territoriales par la péréquation et les ressources propres.
Les textes relatifs à la décentralisation, de façon inéquitable et contraire à l’intérêt de notre pays, favorisent les zones urbaines au détriment des zones rurales. Ces dernières éprouvent les plus grandes difficultés financières. Elles représentent pourtant un véritable potentiel de développement, pour implanter des PME et équilibrer ainsi notre territoire. Madame le ministre, quelles sont vos propositions en la matière ?
Concernant les pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’inquiétude du groupe UDI-UC est toujours aussi vive qu’elle ne l’était lors de la première lecture. Nous avions alors soulevé la question de la conformité de ses attributions aux principes constitutionnels. M. le rapporteur a souligné qu’un désaccord persistait sur l’article 14, lequel vise à renforcer les pouvoirs de l’ACPR. Quelles garanties apporterez-vous aux différentes parties ?
Par ailleurs, nous avons déposé sur cet article un amendement concernant les banques coopératives, dont la structure et les objectifs diffèrent de ceux des banques traditionnelles, car elles associent les épargnants à leur gouvernance. Quel sort lui réserverez-vous ?
Le fait que nous légiférions avant nos partenaires européens et l’entrée en vigueur de la directive CRD IV, en janvier 2015, nous a beaucoup inquiétés. Comme pour les exigences posées par Bâle III, le fait de se soumettre par anticipation à des obligations qui ne s’imposent pas encore à nos partenaires, et encore moins à nos concurrents américains, place nos banques en position d’infériorité. Or notre rapporteur a précisé en commission que « cette transposition par anticipation entrera en vigueur en même temps que la règle européenne ». Sera-ce bien le cas, madame le ministre ? Nos banques et nos entreprises seraient alors soumises aux obligations européennes dès l’entrée en vigueur de la directive, avant leurs homologues de l’Union.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui !