M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. « Une victoire pour la France ! », s’est exclamée sur son compte Twitter la ministre de la culture, Mme Aurélie Filipetti.
En effet, notre pays, par la voix de sa ministre du commerce extérieur, Nicole Bricq, a remporté, après treize heures de négociation, son bras de fer européen sur l’exception culturelle : les vingt-sept ministres du commerce européens ont exclu le cinéma, la télévision, l’internet et des contenus numériques du mandat de la négociation commerciale avec les États-Unis.
Je salue, à cet égard, la détermination du Gouvernement, soutenu par nombre d’artistes, puisqu’il n’a pas hésité à brandir la menace d’un véto de la France.
Non, nous ne sommes pas les seuls en Europe, quoi qu’en dise M. Barroso, à combattre le « tout marchand » et la mondialisation à outrance. Aujourd’hui encore, ce sont quatorze pays européens, mais aussi la très large majorité des députés européens, qui se battent pour la défense de la diversité culturelle.
La France a donc tout simplement convaincu une majorité de ses partenaires. Ces derniers auraient-ils tous une vision « réactionnaire » ? Bien sûr que non ! En revanche, les propos consternants du président de la Commission, en dénigrant cet accord, témoignent, d’une part, de son profond mépris pour les pays qui lui ont confié son mandat et leur population et, d’autre part, s’il en était besoin, de son ultralibéralisme.
Le commissaire au commerce, M. Karel De Gucht, est sur la même ligne. Il s’est même vanté que l’audiovisuel pourrait être ajouté « plus tard » dans le mandat de négociation, et qu’il discuterait donc bien de cette question avec les États-Unis.
Je félicite encore le Gouvernement pour sa détermination, et je ne doute pas que la France maintiendra sa position sur cette question qui, comme le rappelait le Premier ministre, est « notre identité, notre combat ».
Toutefois, sans vouloir bouder notre plaisir, nous savons tous que ce futur accord de libre-échange peut aussi laisser craindre une harmonisation par le bas de la réglementation, notamment sociale ou environnementale. Monsieur le ministre, la France saura-t-elle et pourra-t-elle défendre avec la même détermination notre modèle européen, face à un modèle américain que nous savons, ô combien, moins protecteur ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. La France s’est toujours exprimée en faveur du principe d’un accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Europe, sur la base de la réciprocité, pour autant que les gains pour l’Europe et la France soient réels. Nous attendons, globalement, des bénéfices nets de ce long processus de négociation, qui prendra sans doute deux ou trois ans.
Vendredi dernier, vous l’avez dit, la Commission est enfin parvenue à un accord portant sur le mandat de négociation.
Cet accord exclut de manière explicite les services audiovisuels. Seule cette exclusion, réclamée sans cesse par la France au cours des derniers mois, peut assurer une préservation efficace de notre exception culturelle.
Nous avons tenu bon ! Ce faisant, nous avons répondu à l’appel du Sénat, qui avait voté une résolution sur ce point, à laquelle Simon Sutour a fait référence. Je dois aussi préciser que la France a bénéficié d’un très fort soutien du Parlement européen.
Si l’on en croit les propos qui lui sont prêtés, le président de la Commission européenne aurait qualifié de « réactionnaires » les partisans d’une exclusion des services audiovisuels. Laissez-moi rire !
Préserver la richesse culturelle de notre continent dans un monde divers, ce n’est pas réactionnaire, c’est au contraire aller dans le sens du progrès et de l’ouverture. L’ultralibéralisme et la recherche d’une ouverture aveugle aboutissent au recul de la culture : voilà qui est réellement réactionnaire.
S’agissant d’autres choix de société, tels que la sécurité alimentaire, nous avons aussi remporté une victoire. Nous veillerons à empêcher des reculs dans ces domaines à l’avenir.
J’ajoute que cet accord devra être signé et ratifié par tous les États membres. Dans ces conditions, nous ne doutons pas que la Commission aura à cœur, lors de la négociation, de respecter notre demande, exprimée avec netteté et détermination.
En tout état de cause, même si la Commission est notre négociateur, avec le mandat que nous lui avons confié, nous surveillerons l’avancement des travaux au sein du Comité de politique commerciale. Nous y reviendrons in fine dans deux ou trois ans, une fois les négociations achevées, lors de la ratification – État par État, mais aussi par le Parlement européen – de cet accord.
Nous aurons donc dans l’avenir les moyens de vérifier que nos demandes seront respectées au pied de la lettre, que cela plaise ou non à certaines personnes qui se sont exprimées dans la presse.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le ministre, comme le président de la commission, j’espère que la situation en Turquie sera évoquée lors du Conseil européen. Bien que vous en ayez déjà dit quelques mots dans votre réponse à notre collègue, je souhaite revenir sur le sujet.
Vous le savez, la Turquie est secouée depuis plus de quinze jours par des manifestations antigouvernementales. Une partie importante de la population estime en effet que le Premier ministre turc fait preuve de dérive autoritaire, qu’il souhaite islamiser la société et qu’il s’introduit dans la vie privée des citoyens de cette république, laïque depuis 1937.
Le mouvement de protestation s’est heurté à l’intransigeance du gouvernement turc et à une répression policière d’une très grande violence.
Aujourd’hui, le bilan est très lourd. Selon l’Union des médecins de Turquie la répression des manifestations a fait quatre morts et plus de 7 700 blessés, et ce à travers tout le pays. Parmi les blessés, on dénombre notamment dix personnes ayant perdu la vue. L’Union des médecins de Turquie souligne notamment la dangerosité des gaz utilisés contre les manifestants. Ces gaz auraient d'ailleurs causé la mort de nombreux animaux.
Plusieurs centaines de manifestants ont été arrêtés lors de ces manifestations. Au moins une Française se trouve parmi eux. Depuis dimanche dernier, la police a procédé à des arrestations de militants politiques à leur domicile, au siège d’un journal et d’une agence de presse. Tous attendent désormais leur jugement – comme vous le savez, cela peut durer longtemps en Turquie. Aujourd'hui, 94 d’entre eux sont passés devant le procureur. Beaucoup risquent des peines de prison, quatre sont déjà écroués.
Cette répression porte gravement atteinte aux principes fondamentaux des droits de l’homme et de la démocratie. Le Parlement européen, le Conseil de l’Europe ont protesté. Même la chancelière allemande s'est émue. En revanche, monsieur le ministre, je vous avoue avoir trouvé le gouvernement français plutôt discret en la matière.
Le 6 juin dernier, cependant, en réponse à une question posée ici-même par notre collègue Esther Benbassa, vous avez tenu des propos fermes à l’égard du gouvernement turc. Vous avez également indiqué rencontrer la semaine suivante votre homologue turc.
Ne pensez-vous pas qu’un geste fort du gouvernement français pourrait consister à retirer le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la sécurité intérieure entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Turquie ? En effet, comment peut-on soutenir une coopération policière sans prendre le risque de complicité avec un gouvernement qui ne respecte ni la démocratie ni les droits de l’homme ?
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vous confirme que Laurent Fabius et moi-même avons condamné à différentes occasions l'usage excessif de la force destinée à réprimer les manifestations sur la place Taksim.
Pour ma part, je l’ai fait de vive voix, de visu si je puis dire : j’ai reçu la semaine dernière M. Egemem Bağış et lui ai rappelé que l'adhésion à une grande démocratie qu'est l'Union européenne supposait des gages sur le respect des règles de droit et sur la citoyenneté européenne. Cela doit se traduire en actes, notamment en garantissant totalement la liberté de manifestation.
Nous avons confirmé à la Turquie que nous ne fermions néanmoins pas la porte de la discussion rouverte au mois de février dernier par le Président de la République sur un rapprochement à terme de la Turquie et de l'Union européenne.
En effet, il faut mesurer les répercussions qu’aurait une telle décision à l’aune de la situation interne du pays. Je suis convaincu que celles et ceux qui ont manifesté sur la place Taksim mettent tous leurs espoirs dans l'Europe ; c'est la raison pour laquelle nous ne devons pas, en adoptant une position trop dure, donner l’impression que nous leur tournons le dos. Cela pourrait nourrir un sentiment nationaliste et hostile à l'Europe.
Nous poursuivons donc les discussions sur l'ouverture potentielle du chapitre 22 sur la politique régionale et la coordination des instruments structurels. Pour autant, nous avons aussi clairement affirmé que cela devait se traduire, de la part des autorités turques, par un engagement dans la voie des réformes et de l'alignement sur l'acquis communautaire, par une coopération avec nous et l'Union européenne sur les questions migratoires et par une autre attitude à l'égard de la communauté chypriote et de l'État de Chypre.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous avons tenu les mêmes propos au président chypriote que nous avons reçu la semaine dernière. Nous tentons en quelque sorte de renouer le lien entre ces deux États. En effet, in fine, aucune avancée ne sera possible sans qu’une solution soit trouvée entre eux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau.
M. Jean-Pierre Chauveau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous aimerions croire le Gouvernement lorsqu'il annonce le redressement de la courbe du chômage à partir de l’an prochain. Nous demeurons toutefois très sceptiques, car la situation de nos entreprises est bien trop délicate, de même que celle de nos finances publiques.
Oui, il faut tout faire pour lutter contre le chômage. Oui, il faut tout faire pour que nos jeunes puissent entrer sur le marché du travail. Oui, l’initiative européenne en la matière au prochain Conseil européen mérite notre attention.
Dans cette perspective, monsieur le ministre, mon interrogation sera triple.
Au cœur de la question de l’emploi, il y a celle de la flexisécurité et de l’ouverture, à tous, du marché du travail. Quelles mesures envisagez-vous de prendre à ce titre, au-delà de l'accord national interprofessionnel ?
Au cœur de la question de l’emploi, il y a celle des charges sociales qui pèsent sur les entreprises. Vous avez déjà augmenté les impôts et vous laissez entendre que le financement des retraites pourrait augmenter le coût du travail. N’est-ce pas contradictoire si l’on veut défendre l’emploi ?
Au cœur de la question de l’emploi, il y a celle des emplois du secteur marchand, qui sont les seuls viables pour nos finances publiques et pour la pérennité des emplois eux-mêmes. Il y a les emplois d'avenir, qui n'ont d'avenir que le nom... Comment allez-vous corriger cela ?
Monsieur le ministre, sur toutes ces questions, quels seront les engagements de la France au prochain Conseil européen ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire que les emplois d'avenir n’ont d'avenir que le nom !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C'est une caricature !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Les emplois d'avenir, pris en charge à 75 % par l'État, imposent d’offrir une formation diplômante ou une formation qualifiante à tout jeune qui signe un tel contrat. Ce n'est jamais arrivé dans l'histoire du droit du travail.
Il s’agit donc de préparer leur avenir non seulement en leur donnant une expérience professionnelle de trois ans, ce qui est un gage d'expérience professionnelle, mais en exigeant de leur employeur un accompagnement et un programme de formation qui tienne compte à la fois du niveau de base de formation du jeune et de l'emploi qu'il doit assumer. Jusqu’à présent, cela ne figurait pas dans le code du travail.
Vous posez également la question du secteur marchand. Depuis quelques jours, les emplois d'avenir y sont davantage ouverts.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est une bonne chose !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Aujourd'hui, Nous constatons des retours très positifs de décollage dans le secteur marchand. Cette nouvelle peut intéresser certains élus.
Parmi les recommandations de la Commission européenne, une disposition est un peu passée inaperçue. La Commission européenne nous demande de prendre des mesures pour favoriser le maintien dans l'emploi des seniors. En effet, à l'échelle européenne, cette difficulté a été pointée par les services.
Cela tombe plutôt bien, puisque le contrat de génération dans les entreprises privées est en train de se mettre en place. J’en rappelle le mécanisme : apporter une subvention à l'entreprise dès lors qu’elle maintient dans l'emploi des seniors de plus de 55 ans – 52 ans dans certaines catégories –, et qu'elle embauche en même temps des jeunes de moins de 25 ans.
On m'a demandé tout à l'heure ce que j'allais annoncer à la Commission européenne. Je répondrai que nous allons mettre en place des contrats de génération dans le monde des entreprises privées, ce qui correspond à un engagement de la France.
Vous le voyez, il nous arrive même d'anticiper les recommandations de l'Union européenne ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le ministre, je souhaite tout d’abord vous interroger sur la position que compte adopter le Gouvernement au regard de l’attitude de la Commission européenne, qui outrepasse ses prérogatives et sort de son rôle de plus en plus fréquemment.
Les propos de son président, qui appelle la France à baisser le coût du travail ou à procéder à la réduction de la dépense publique au travers de « tous les postes de dépenses » en témoignent, tout comme ses dernières déclarations outrancières. En atteste également la décision du commissaire européen Karel De Gucht, en charge des négociations sur le partenariat transatlantique, de discuter de l’audiovisuel avec les États-Unis.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement a pour projet de contrôler plus étroitement et avec ses partenaires le travail de la Commission européenne et qu’il a adopté une vigilance extrême, concernant le respect par les commissaires européens de leur mandat dans le cadre des négociations sur le partenariat transatlantique ?
Sur l’accord auquel les Vingt-Sept pourraient parvenir avec les États-Unis, monsieur le ministre, je vous serai reconnaissant de nous indiquer quelle stratégie le Gouvernement a arrêtée pour diminuer le risque d’aboutir à un accord déséquilibré. Il s’agit là d’un enjeu d’importance, puisqu’il permettrait de freiner le glissement des échanges commerciaux des États-Unis vers l’Asie-Pacifique, l’ensemble États-Unis-Europe représentant encore 40 % des échanges commerciaux et plus de la moitié du PIB mondial.
Il est très problématique que, contrairement aux États membres de l’Union européenne, les États fédérés soient susceptibles de se soustraire aux engagements pris par l’État fédéral américain.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaite connaître votre sentiment concernant les prochains élargissements de l’Union européenne. Ne pensez-vous pas que, après avoir procédé à des élargissements en cascade dans le but tout à fait louable d’arrimer un certain nombre de pays à une communauté démocratique, il serait plutôt nécessaire, aujourd’hui, de procéder d'abord à un approfondissement et à une amélioration de la gouvernance européenne ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, pour répondre à vos questions, je vais sans doute devoir répéter mes propos sur l'accord entre l’Union européenne et les États-Unis. Il est vrai qu’il vaut mieux se répéter que se contredire ! (Sourires.)
Je vous confirme donc que nous avons donné un mandat clair et définitif, sans interprétation possible sur le caractère éventuellement transitoire ou temporaire du mandat, comme le laisse entendre le commissaire européen De Gucht. Il convient à la Commission européenne de le respecter, d’autant qu’elle n’a pas la capacité de changer de sa propre initiative le mandat que lui ont confié les États à partir de ce qui a été indiqué le 14 juin dernier. Le Conseil européen des 27 et 28 juin prochain sera sans doute l’occasion de réaffirmer ce principe.
Monsieur le sénateur, vous avez bien compris qu’il ne s’agissait là que du commencement d'une longue négociation, au cours de laquelle nous aurons un négociateur unique, la Commission européenne. Comme je l’ai indiqué tout à l'heure, nous suivrons – nous contrôlerons, pour être plus franc – l'évolution de ces négociations à travers une commission, qui nous permettra de disposer des éléments au jour le jour.
Bien évidemment, je le rappelle, les marges de négociations et d'approfondissement positif pour l'économie européenne se situent aussi dans l'analyse très précise des barrières non tarifaires. Bien évidemment, les négociations concernent également les États fédérés. En effet, il n'est pas concevable d’engager une négociation à un échelon et, une fois l’accord signé, d’entendre les États fédérés se déclarer non concernés par ce qui a été signé à l'échelle fédérale. Rassurez-vous, nous avons bien vu ces subtilités.
J'en viens à l'élargissement. La position de la France est assez constante. Pour l'Union européenne, choisir d'intégrer de nouveaux États, tout en continuant à fonctionner mieux, implique un examen rigoureux des mérites individuels de chacun des pays candidats et, surtout, de leur capacité effective à respecter les conditions d'adhésion. Au vu des difficultés économiques et institutionnelles actuelles, il est également indispensable de mieux prendre en compte la capacité d'absorption de l'Union européenne.
Chaque fois que l'Union européenne prend des décisions et qu’elle est plus intégrée, pour tous les États qui n’en sont pas encore membres, l'adhésion devient beaucoup plus difficile qu'elle ne l'a été pour leurs prédécesseurs. En effet, chemin faisant, nous devenons plus exigeants que pour les pays qui en ont été les pères fondateurs.
En tout état de cause, je me réjouis qu'un vingt-huitième pays intègre l’Union européenne le 1er juillet prochain. J'espère que la rencontre avec Mme Ashton les 27 et 28 juin prochain permettra des avancées positives pour la Serbie. C'est dans cette perspective que nous continuerons à travailler vis-à-vis d'États qui frappent à la porte de l'Union européenne.
Parfois, au sein de l'Union européenne, on se demande si cette organisation apporte des solutions positives. Pourtant, de façon significative, ceux qui n'en font pas partie veulent y entrer. C'est bien la preuve que nous avons intérêt à en être membre, parce que nous sommes plus forts ensemble !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes propos de tout à l'heure ne visaient pas à provoquer des convulsions chez mes collègues socialistes. J'ai simplement rappelé les analyses et les recommandations de la Commission européenne, du FMI et de l'OCDE.
Je souhaite que le Gouvernement réussisse. En effet, cela signifiera que la France gagne.
M. Aymeri de Montesquiou. Cependant, les méthodes employées et la politique mise en œuvre me semblent produire l’effet inverse !
Je ne demande pas que l'on suive en tout point l'Allemagne, mais, à certains égards, ce pays constitue tout de même un modèle.
Dans l'énumération qu'a faite M. le ministre, je suis tout à fait favorable à la taxation des transactions financières, qui avait d’ailleurs été lancée sous la précédente majorité. De même, le Fonds européen d'aide aux plus démunis répond à une mission de générosité qui me semble aller de soi.
Monsieur le ministre, puisque nos relations sont cordiales, permettez-moi de vous parler ouvertement. J'ai été quelque peu surpris que vous ouvriez tout à l’heure votre intervention sur le poulet chloré et la qualité de la viande. Bien sûr, ce sont des dossiers importants dans notre négociation avec les États-Unis, mais, à l'échelon européen, l'essentiel reste tout de même la compétitivité. Que faites-vous pour restaurer la compétitivité des entreprises françaises ?
Je commence la plupart de mes interventions en reconnaissant que vous avez hérité d'une situation difficile. Toutefois, de grâce, ne l'aggravez pas !
M. Sutour a eu raison de parler tout à l'heure de subsidiarité. Il est en effet essentiel que chaque pays puisse mener la politique qu'il souhaite. Pour autant, nous ne devons pas perdre de vue la convergence et la gouvernance européennes.
Monsieur le ministre, puisqu’il faut choisir un chemin français, je vous demande quel est celui que vous comptez emprunter pour baisser les dépenses, les impôts et les charges.
Pensez-vous que la taxation à 75 % soit véritablement stimulante et contribue à donner une bonne image de la France ? La conséquence de cette mesure n’est-elle pas la diminution de 13 % des investissements étrangers ?
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire encore pour les retraites ? Le bon sens commanderait assurément d’aligner leurs règles sur celles de nos partenaires.
Je serais heureux d'avoir, sur ces points précis, des réponses précises de votre part.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le sénateur, si je vous ai parlé tout à l'heure du poulet chloré ou des contaminations chimiques de la viande, c'est parce que des questions très précises ont été posées pour savoir si, dans l'accord de négociation entre l’Union européenne et les États-Unis, nous avions préservé nos intérêts en matière agricole et agroalimentaire. Je me devais donc de vous répondre sur ce point.
M. Aymeri de Montesquiou. Mais l'essentiel reste la compétitivité !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Le poulet chloré est aussi un sujet important.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. S’agissant de la compétitivité, comme vous le savez, la baisse de la masse salariale s’accentuera l’an prochain, pour passer de 4 % à 6 %. Voilà une première réponse, très précise, qui sera apportée à l'échelle européenne.
Mon rôle, que je ne confonds pas avec celui de Pierre Moscovici, est de trouver, à l’échelle de l’Union européenne, des leviers économiques et des soutiens budgétaires pour relancer l'économie, en France comme en Europe.
C'est pourquoi je m’assurerai, par exemple, que la ligne « Recherche et développement » soit, à partir du mois de juillet prochain, c’est-à-dire dans quelques jours, portée de 53 milliards d'euros à 70 milliards d'euros pour les entreprises françaises, ce qui permettra à celles-ci d'investir.
Je dois aussi m'assurer que les arbitrages qui seront rendus dans quelques jours sur la ligne « Mécanisme pour l’interconnexion en Europe », qui concerne toutes les infrastructures de transport, y compris en matière d’énergie, répondent à notre souhait d’une augmentation des crédits de 19 milliards d'euros.
Je souhaite également que toutes les mesures relatives à la formation permettent aux jeunes, en France et en Europe, d'avoir une meilleure « employabilité », pour répondre aux demandes des entreprises.
Je dois aussi m'assurer que le retour sur la table des négociations relatives à la politique agricole commune, sujet ô combien fondamental pour l’économie française, ne se traduise pas, au cours de la période 2014-2020, par moins d'accompagnement pour les entreprises agricoles et les agriculteurs, qui font partie intégrante de l'économie française et européenne.
Avec tous ces moyens mis bout à bout, nous serons au rendez-vous de la relance, dans différents secteurs.
J’indique aussi qu’un programme de recherche de 6 milliards d'euros sur les satellites géostationnaires a été signé la semaine dernière avec l'Agence spatiale européenne, qui devrait permettre la création de 140 000 emplois et le lancement de 69 satellites par Arianespace. Cela aussi, c’est de l'activité !
C'est donc concrètement, monsieur le sénateur, que je me bats chaque jour pour peser sur les décisions européennes et accompagner les entreprises.
Je vous ai parlé tout à l'heure de la Banque européenne d'investissement : les 7 milliards d'euros qui seront, l'été prochain, consacrés aux petites et moyennes entreprises permettront aussi de créer de l'emploi sur nos territoires respectifs. Rien ne doit être négligé !
M. Yannick Vaugrenard. Ça, c'est du concret !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, le sommet des 27 et 28 juin comportera, bien entendu, une forte dimension financière et budgétaire, avec en ligne de mire l’Union économique et monétaire, ainsi que la régulation dont nous avons très largement besoin aujourd'hui dans le monde et en Europe.
J'ai apprécié, comme d'autres collègues, votre détermination à défendre la position de la France sur tous ces sujets et à mettre en avant une logique fondée sur la recherche de la croissance.
Vous avez parlé de la recherche, des jeunes et de la nécessaire régulation, monsieur le ministre : nous partageons cette position et nous sommes sûrs qu’elle sera défendue avec beaucoup de pugnacité.
À titre personnel, je voulais aussi mettre en avant une préoccupation d’ordre social.
Je viens d'une région où des questions majeures se posent aujourd'hui dans le secteur de l'agroalimentaire, puisque de nombreuses entreprises en difficulté sont aujourd'hui recensées dans les filières du poulet, du porc ou du saumon.
La question récurrente qui nous est adressée par les populations et les décideurs économiques est celle du coût du travail. Ils se demandent pourquoi, chez certains de nos voisins européens, les coûts horaires sont aujourd'hui de 4 ou 5 euros, avec une main-d’œuvre qui vient parfois des pays alentours, alors que le coût chez nous avoisine 13 ou 14 euros de l'heure ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous, sur ce terrain également, nous assurer de votre détermination ? Vous avez déjà évoqué tout à l'heure les orientations fortes que vous comptiez promouvoir sur le plan social, notamment la volonté du gouvernement français de fixer un salaire minimum à l'échelon européen.
Il nous faut convaincre nos concitoyens de l'utilité de l'Europe, et nous pourrons d'autant mieux le faire que des réponses concrètes seront apportées à ce type de questionnements.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, de l’appréciation que vous avez portée sur la qualité du débat.
Compte tenu de votre expertise, vous auriez pu me questionner sur l'évolution et l'approfondissement de l'union bancaire. Je vous sais gré de ne pas l'avoir fait à cette heure tardive… (Sourires.)
Oui, nous sommes résolument déterminés à lutter contre le dumping social, et cette lutte passe, pour nous, par la recherche d'une convergence sociale par le haut. Une autre solution consisterait à remettre en cause toutes les avancées sociales qui ont été capitalisées au cours des dernières décennies. Nous faisons au contraire le choix de tirer progressivement vers le haut les socles sociaux.
Nous allons pour cela mettre à profit les débats qui vont s'ouvrir, en particulier sur la directive « Détachement des travailleurs », pour éviter de subir une concurrence totalement déloyale qui risquerait de condamner certains secteurs, notamment celui des abattoirs, que vous connaissez bien, monsieur le rapporteur général.
Nous allons également travailler d'arrache-pied sur la directive « Marchés publics », pour nous assurer que des pays qui, aujourd'hui, ne respectent pas un minimum de droit social ne pourront pas venir décrocher des marchés dans des pays qui, comme la France, ont une assise sociale plus élevée.
Nous souhaiterions in fine que la Commission puisse interdire à des entreprises ressortissantes de pays dont nous aurions la certitude qu'ils font du dumping social de soumissionner dans d'autres pays de l'Union européenne. Cette discussion est actuellement en cours.
En ce qui concerne la directive « Détachement des travailleurs », nous avons engagé un débat avec l'ensemble de nos partenaires sociaux représentant les salariés et les entreprises de France. Nous nous retrouvons demain matin pour savoir si nous pouvons porter à l'échelle européenne une position qui soit non seulement celle du politique, mais aussi celle des partenaires sociaux, ce qui nous donnera d'autant plus de force, à l'image de ce que nous avons fait avec l’accord national interprofessionnel. Les décisions seront en effet d’autant mieux respectées qu’elles seront élaborées de concert avec celles et ceux qui font l'économie.
J’ai d’ailleurs d'ores et déjà indiqué au commissaire László Andor l’importance que nous attachions, dans les mois qui viennent, et tout particulièrement dans le dernier semestre de l'année 2013 – dernier semestre avant les élections européennes –, à ce que des mesures concrètes soient adoptées, afin que nos concitoyens aient le sentiment que l'Union répond à leurs attentes.
Nous ferons en sorte que ces mesures puissent être prises. Cela m'a d'ailleurs valu le plaisir de passer récemment une journée à Vilnius, afin de sensibiliser la présidence lituanienne sur nos priorités.
La deuxième priorité, après l'emploi des jeunes, est bien la lutte contre le dumping social. Vous pouvez en effet compter sur notre détermination, monsieur le rapporteur général.