M. René Beaumont. Décidément, la route Centre-Europe Atlantique, la RCEA, passionne de plus en plus les élus de Saône-et-Loire ! En effet, après la question orale posée par Jean-Patrick Courtois en octobre dernier, celle dont je fus l’auteur au mois de janvier 2013 et une autre, qui n’est peut-être pas le fruit du hasard, posée il y a cinq jours par le nouveau député du Mâconnais, je reviens une nouvelle fois sur ce sujet. Permettez-moi, monsieur le ministre délégué, de regretter l’absence de M. Cuvillier, dans la mesure où il connaît bien ce dossier assez lourd.
Je m’étonne qu’il ait fallu treize mois au ministre délégué chargé des transports pour décider unilatéralement que « la concession autoroutière serait une solution juridiquement inacceptable pour certaines sections et notamment en Saône-et-Loire ».
Le problème a été de nombreuses fois abordé avec ses prédécesseurs, ainsi que lors du grand débat sur la concession autoroutière entre Mâcon et Montmarault, et aucune interdiction juridique n’a été jusqu’à présent prononcée sur ce dossier. En effet, des compensations avaient été proposées en tenant compte de la mauvaise qualité des liaisons alternatives et du financement très important apporté par les collectivités locales pour les tronçons déjà réalisés. Ces compensations se traduisaient par des gratuités pour tous les déplacements locaux.
Par ailleurs, nous attendons désespérément que soient enfin publiées les conclusions du rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGDD, qui avait été chargé par le ministre délégué chargé des transports d’étudier des solutions alternatives. Ces conclusions, qui devaient être rendues publiques d’abord avant la fin de 2012, puis au début de 2013, ne sont toujours pas connues.
On peut s’interroger sur ce retard de publication, qui pourrait n’être dû qu’à une volonté de taire des conclusions n’allant pas dans le sens de certains élus de Saône-et-Loire et dénonçant clairement le caractère totalement irréaliste, sur le plan financier, de la construction d’une route à deux fois deux voies entre Mâcon et Montmarault grâce au produit de l’écotaxe poids lourds et à des apports de l’État et du conseil général.
Si l’on ne réalise pas rapidement une vraie route à deux fois deux voies, gratuite ou non, sur la totalité de cet itinéraire, nous continuerons à déplorer entre vingt-cinq et trente décès par an sur cet axe. Parallèlement, nous priverons tout l’ouest de la Saône-et-Loire et la totalité du département de l’Allier d’une desserte autoroutière dont la construction est pleinement justifiée par l’importance du trafic – de 16 000 à 18 000 véhicules par jour – et une densité de poids lourds proche de 50 %. Il est amusant de noter que l’on a réalisé, dans le même secteur, l’autoroute A 77 reliant Montargis à Cosne-sur-Loire, qui n’est fréquentée que par quelques milliers de véhicules par jour. Il est vrai que la Nièvre n’est ni la Saône-et-Loire ni l’Allier…
M. le ministre délégué chargé des transports a proposé, jeudi dernier, un plan de relance pour la RCEA. Celui-ci ne pourra nous satisfaire que s’il prévoit un financement de 950 millions d’euros, ce qui correspond au coût du passage à deux fois deux voies sur la totalité de l’itinéraire. Je doute cependant que l’on puisse trouver ce montant de crédits publics aujourd’hui…
En conclusion, je poserai une fois encore, naïvement sans doute, la question suivante : dans quel délai précis ce plan de relance qui, je le dis franchement, me semble tout à fait utopique, nous sera-t-il présenté ? Par « délai précis », j’entends une échéance moins vague que les « quelques semaines » évoquées jeudi dernier, par exemple la rentrée de septembre.
Je terminerai par ces vers de Jean de La Fontaine :
« Ne faut-il que délibérer,
« La cour en conseillers foisonne ;
« Est-il besoin d’exécuter,
« L’on ne rencontre plus personne. »
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Je vous prie tout d’abord, monsieur le sénateur, de bien vouloir excuser l’absence de Frédéric Cuvillier, retenu ce matin au salon du Bourget.
La route Centre-Europe Atlantique mêle en effet des trafics locaux à un important trafic longue distance, ce qui entraîne de grandes difficultés en termes tant de circulation que de sécurité. Elle joue un rôle déterminant dans l’accessibilité et la desserte de nombreux territoires. Le Gouvernement est donc déterminé, je vous le confirme, à moderniser cette infrastructure.
Les investissements nécessaires pour achever la mise à deux fois deux voies de cette partie de la RCEA sont évalués aujourd’hui à 1 milliard d’euros.
Le précédent gouvernement avait décidé, vous l’avez dit, de recourir à la mise en concession de cet axe, ce qui avait suscité l’inquiétude des usagers locaux, du fait de l’instauration d’un péage.
S’agissant de la mission confiée au Conseil général de l’environnement et du développement durable, les conclusions définitives de ce travail devraient être rendues très prochainement. Sur la base des premières orientations identifiées, Frédéric Cuvillier a engagé une concertation avec les collectivités concernées sur les solutions d’aménagement à retenir et les moyens de financer leur mise en œuvre.
Je puis donc vous dire que ce dossier avance et qu’une décision devrait pouvoir intervenir dans les prochaines semaines. L’objectif est bien d’établir enfin, en partenariat avec les collectivités locales de l’Allier et de la Saône-et-Loire, un projet réaliste et donc réalisable.
Vous pouvez compter, monsieur le sénateur, sur l’engagement du Gouvernement et sur celui du ministre délégué chargé des transports pour faire aboutir ce projet et mettre fin à une situation qui perdure depuis trop longtemps.
M. le président. La parole est à M. René Beaumont.
M. René Beaumont. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre délégué. Elle vient confirmer les déclarations faites par M. Cuvillier devant l’Assemblée nationale voilà quelques jours, qui ne me satisfont pas…
Vous avez évoqué l’inquiétude des populations locales, liée à l’instauration d’un péage. Curieusement, les habitants de la Saône-et-Loire sont inquiets, mais pas ceux de l’Allier ! Peut-être les premiers ont-ils été incités à protester… Cette agitation tend à masquer quelque peu la réalité du dossier.
Quoi qu’il en soit, j’ai bien noté l’engagement du Gouvernement. J’attends avec impatience qu’il soit suivi d’effet.
accueil des gens du voyage et scolarisation des enfants
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, auteur de la question n° 445, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Michel Le Scouarnec. La refondation de l’école a été au cœur de nos récents débats. Depuis la loi de 1998 instaurant un contrôle renforcé du respect de l’obligation scolaire, nos enfants ont les moyens de s’instruire, d’apprendre, de se former et de réussir.
Néanmoins, tous les enfants ne sont pas touchés au même degré par cette avancée sociale qu’est la démocratisation de l’accès aux connaissances. Ainsi, le taux de réussite scolaire des enfants des gens du voyage est encore bien trop faible.
Si la seconde loi Besson a fait bouger les choses depuis 2000, elle n’a malheureusement pas atteint tous ses objectifs. Alors qu’elle aurait dû faciliter l’accès à l’habitat, elle n’a été que partiellement respectée à l’échelon des communes. Trop d’itinérants n’ont ni les moyens ni la possibilité de créer un foyer sain et valorisant pour leurs enfants, dans le respect de leur culture et de leurs traditions. J’en veux pour preuve le bilan établi en 2010 par la Cour des comptes, faisant apparaître que seulement 52 % des aires d’accueil et 29,4 % des aires de grand passage prévues avaient été réalisées.
Du fait de leur vie nomade, les gens du voyage sont souvent renvoyés de commune en commune sans se voir proposer de solution de logement ; leurs conditions de vie sont donc extrêmement précaires. Dans le Morbihan, de surcroît, l’application de la loi littoral, en introduisant la notion de « rupture d’urbanisme », a retardé la création de certaines aires d’accueil. Leur réalisation est subordonnée aux plans locaux d’urbanisme des communes, qui éprouvent d’ores et déjà des difficultés financières et foncières pour répondre à leurs obligations. Ainsi, pour la ville d’Auray, dont j’ai été le maire durant dix-sept ans, cela s’est traduit par quinze ans de démarches et de retards accumulés.
Pouvoir disposer d’un lieu où éduquer ses enfants est un droit primordial. Il faut faire cesser une forme de discrimination à cet égard, en réalisant et en sécurisant les aires d’accueil, afin que les itinérants puissent réellement offrir un avenir meilleur et digne à leurs enfants.
Dans le seul Morbihan, nous accueillons environ 2 500 itinérants, dont 40 % sont des mineurs. Nous devons non pas manifester à leur égard une volonté d’intégration fictive, mais leur donner les moyens de cohabiter en harmonie avec les populations locales.
Cela passe, avant tout, par une facilitation des relations entre la famille et l’école. Vous le savez, monsieur le ministre délégué, les gens du voyage se méfient quelquefois de l’institution scolaire, vue comme un agent intégrateur par une population qui veut sauvegarder son identité propre.
Par ailleurs, que dire de la suppression de postes au sein du Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, le RASED, dont la spécificité permettait d’offrir à ces enfants davantage de chances de réussite ?
En réalité, la préfecture du Morbihan ne dispose pas de moyens suffisants pour effectuer des recherches approfondies sur les conditions de vie de ces enfants, ni pour établir un état des lieux précis et actualisé de leur scolarisation. Pourtant, le droit à la formation ne peut se concevoir indépendamment du droit à la santé ainsi que de celui à un logement décent.
Dans certains bassins de vie, lorsque les aires d’accueil prévues par la loi existent, des progrès significatifs ont été constatés, surtout en primaire. La scolarisation au collège, en revanche, demeure très problématique. Nombre d’enfants sont ainsi inscrits au CNED, le Centre national d’enseignement à distance, ce qui ne les place pas dans les meilleures conditions pour apprendre.
Eu égard à cette situation délicate et hétérogène, je vous demande, monsieur le ministre délégué, de bien vouloir préciser quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour améliorer la scolarisation de ces jeunes, notamment en termes de poursuite de la création des aires d’accueil des gens du voyage et d’adaptation des règlements départementaux au calendrier scolaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Je vous prie, monsieur le sénateur, de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur, qui m’a chargé de répondre à votre question, portant sur les aires d’accueil destinées aux gens du voyage et, surtout, sur la scolarisation des enfants.
L’obligation de scolarisation des enfants de familles itinérantes dans l’école de la commune sur le territoire de laquelle ils sont temporairement accueillis est un principe républicain inscrit dans la loi.
Il appartient aux personnes responsables des enfants en âge d’être scolarisés d’effectuer les démarches nécessaires à leur inscription scolaire auprès du maire de la commune sur le territoire de laquelle ils résident. Le critère du lieu de résidence est donc celui qui est habituellement utilisé pour déterminer la compétence du maire en matière d’inscription scolaire, même si ce critère n’est pas applicable stricto sensu dans le cas des enfants de familles itinérantes.
Je tiens à rappeler qu’aucune discrimination ne doit être faite, lors de la procédure d’inscription, à l’égard des enfants de familles non sédentaires. Dans l’hypothèse où un maire refuserait de satisfaire à l’obligation de scolarisation d’un enfant d’une famille itinérante, il appartient au préfet de se substituer à lui pour prononcer l’inscription de l’enfant.
La circulaire du 2 octobre 2012 relative à la scolarisation et à la scolarité des enfants issus des familles itinérantes et des voyageurs apporte de nombreuses précisions sur ce sujet. La circulaire du 3 août 2006 relative à la mise en œuvre des prescriptions du schéma départemental d’accueil des gens du voyage prévoit, quant à elle, la possibilité pour une famille de prolonger le séjour sur une aire d’accueil afin d’achever l’année scolaire.
Ces dispositions supposent bien évidemment l’existence d’une aire d’accueil. Or, vous l’avez dit, la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est demeurée trop souvent inappliquée.
Pour remédier à cette situation, un travail, aujourd’hui largement avancé, est en cours entre les parlementaires, le ministère de l’intérieur, le ministère des affaires sociales et le ministère du logement. Il doit trouver un aboutissement rapide et, nous l’espérons, consensuel.
En conclusion, je tiens à réaffirmer devant vous que l’éducation reste, plus que jamais, une priorité de l’action du Gouvernement. La scolarisation de tous les enfants de la République doit être assurée. À nos yeux, il s’agit là d’un principe non négociable.
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse et de l’intérêt manifesté par le Gouvernement pour ce dossier.
La situation des Roms est des plus préoccupantes. Le Gouvernement pourrait-il présenter un bilan de celle-ci et tracer des perspectives ?
Ceux qui sont accueillis sur des aires d’accueil doivent théoriquement, selon les règlements départementaux, se déplacer tous les quatre mois. Ne serait-il pas nécessaire de faire évoluer ces textes ? Il serait bon de faire un état des lieux en matière de réalisation des aires d'accueil, de conditions de vie et de scolarisation des enfants des gens du voyage.
Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, l'école doit être en mesure d'accueillir tous les enfants de France. L'école pour tous ne sera une réalité que lorsque tous les enfants de la République bénéficieront du même accès au savoir. L'égalité étant indivisible, l’effort de solidarité devra être accentué tant qu'un seul enfant ne bénéficiera pas d’un droit réel, et non pas seulement théorique, à l'instruction.
publication des décrets sur l'intégration des ouvriers des parcs et ateliers
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 405, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Daniel Laurent. Ma question porte sur la publication des décrets d’intégration des ouvriers des parcs et ateliers. Elle témoigne de ma ténacité à suivre ce dossier, puisqu’il s’agit de ma troisième question orale sur le sujet depuis 2010. Pour l’heure, je n’ai pas obtenu de réponse définitive…
L’intégration des ouvriers des parcs et ateliers, les OPA, dans les cadres d’emploi de la fonction publique territoriale est prévue par la loi n° 2009-1291 du 26 octobre 2009, qui a transféré les parcs de l’équipement aux départements.
Les articles 10 et 11 de cette loi précisent que, à la date du transfert de compétence, les OPA sont mis à disposition, à titre individuel, de l’exécutif de la collectivité territoriale et que, dans un délai de deux ans à compter de la publication d’un décret en Conseil d’État, ils seront intégrés dans la fonction publique territoriale.
Or les décrets portant sur les conditions d’intégration des ouvriers des parcs et ateliers dans la fonction publique territoriale et les droits à pension de ces derniers n’ont toujours pas été publiés. Cette situation qui perdure préoccupe les personnels et les services concernés des départements.
Le 9 mai dernier, Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a apporté, dans le cadre d’une réponse à une question écrite de notre collègue Christian Namy, la précision suivante :
« La publication du décret d’intégration est actuellement suspendue dans l’attente de la révision du projet de décret de retraite, les deux décrets étant indissociables. En effet, une expertise de la direction générale de l’administration et de la fonction publique a mis en évidence que le dispositif dérogatoire au droit commun de double retraite, prévu par l’article 11 de la loi de transfert de 2009, pension du fonds spécial des ouvriers des établissements industriels de l’État pour la période d’activité passée au sein de l’État, et pension de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales à partir de l’intégration dans la fonction publique territoriale pouvait, notamment du fait des nouvelles dispositions introduites avec la réforme des retraites en 2010, se révéler financièrement pénalisant pour les agents. »
J’entends bien cette réponse, mais il n’en demeure pas moins que, sur ce dossier, il convient d’avancer. Par conséquent, monsieur le ministre, pouvez-nous préciser le calendrier de publication des deux décrets, afin de clarifier la situation des OPA ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Delphine Batho, qui participe actuellement au Conseil des ministres de l’environnement de l’Union européenne.
Dans ce dossier, comme dans bien d’autres malheureusement, nous héritons d’une situation n'ayant pas été réglée par le précédent gouvernement. Comme vous le rappelez, la loi relative au transfert aux départements de parcs de l’équipement et à l’évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers date du 26 octobre 2009. Le ministre de l’environnement de l’époque avait annoncé la publication en 2010 des deux décrets d’application que vous mentionnez. Ces engagements n’ont pas été tenus.
Delphine Batho a, pour sa part, considéré qu’il s’agissait d’une question de justice sociale et a fait du traitement de ce dossier une priorité de l’agenda social du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Dès l’automne 2012, un nouveau processus de concertation avec les organisations syndicales a donc été engagé afin de reprendre la discussion dans son ensemble. Depuis lors, les réunions se sont enchaînées à un rythme régulier. Cette concertation a débouché sur l’examen de l’ensemble des solutions possibles en matière de régime de retraite.
L’élaboration de la solution la plus adaptée est en cours. Elle nécessitera de revoir la rédaction de l’article 11 de la loi du 26 octobre 2009. Delphine Batho s’engage à inscrire cette révision dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. L’objectif est de parvenir à la publication des deux décrets en 2013, afin d’ouvrir le droit d’option des OPA le plus tôt possible.
Sur le projet de décret d’intégration, des amendements ont pu être apportés dans le cadre de la discussion avec les autres ministères, ce qui a permis de répondre à plusieurs demandes des organisations syndicales.
Concernant la réflexion sur les compétences spécifiques justifiant le recrutement d’OPA, une démarche d’analyse des missions a été engagée. Un examen des besoins opérationnels des services est mené avec les directions métiers et les opérateurs comme Voies navigables de France, VNF, afin de bâtir une vision prospective des ressources humaines à moyen terme.
Il est nécessaire de réfléchir à des modes de recrutement pérennes de personnels disposant de compétences spécifiques et à des conditions de gestion adaptées. Il s’agira également, pour les OPA aujourd’hui en activité, d’engager la réflexion sur la révision du décret statutaire du 21 mai 1965.
Dans l’attente de l’aboutissement rapide de ces évolutions, Delphine Batho a obtenu le recrutement à titre exceptionnel de quatre-vingt-huit OPA supplémentaires destinés à exercer des fonctions techniques à VNF, à la Direction générale de l’avion civile et à Météo France.
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. Vous avez souligné à juste titre qu’il s’agissait d’une question de justice sociale. Les collectivités locales attendent en outre de pouvoir régulariser toutes les situations.
Les précisions que vous avez apportées vont dans le bon sens. Si les engagements sont tenus, cette affaire devrait être réglée d'ici à la fin de l'année : tant mieux pour les OPA et pour les collectivités locales !
innovation, éco-matériaux et filière ouate de cellulose
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 419, transmise à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Jean-Luc Fichet. L’économie française a de nombreux atouts, tenant en grande partie à l’activité des petites et moyennes entreprises qui maillent nos territoires. Ce sont ces entrepreneurs qui créent des emplois et font le dynamisme de notre pays. Quand une entreprise innovante alerte les élus parce qu’elle craint pour sa pérennité, c’est d’abord à la sauvegarde des emplois locaux que ceux-ci pensent.
C’est ainsi que la société Cellaouate, dont le siège est installé à Morlaix, m’a fait part de ses grandes inquiétudes quant à l’avenir de la filière de matériaux écologiques à base de ouate de cellulose. Elle est l’une des huit usines françaises qui fabriquent ce produit.
L’innovation est le maître mot de la politique industrielle française, depuis le « nouveau modèle français » annoncé par le Premier ministre jusqu’aux objectifs fixés à la Banque publique d’investissement. Or la réalité de la vie des entreprises montre que la route de l’innovation est parfois semée de nombreuses embûches. C’est le cas pour la filière de la ouate de cellulose, secteur clef de l’économie verte dans notre pays et facteur capital de la réussite du plan bâtiment Grenelle et du plan de rénovation énergétique des bâtiments annoncé le 21 mars dernier par le Président de la République. Le marché français de la ouate de cellulose représente un volume annuel de 45 000 tonnes, dont 15 000 tonnes importées. Il faut savoir que si cet isolant est nouveau en France, il est utilisé depuis soixante-dix ans aux États-Unis et quarante ans en Allemagne. Cette filière représente aujourd'hui de 3 % à 4 % du marché des isolants.
En 2011, la commission chargée de formuler les avis techniques, la CCFAT, a suspendu les avis techniques pour les ouates de cellulose contenant des sels de bore, alors même qu’elle les autorise pour les laines de verre « biosolubles », qui contiennent également de l’acide borique. Par ailleurs, la législation européenne concernant les substances chimiques restreint l’usage de ce produit si sa concentration est supérieure à 5,5 %, ce qui n’est pas le cas pour la ouate de cellulose.
Entré en vigueur le 30 juin 2012, cet avis technique pousse les professionnels à remplacer les sels de bore par des sels d’ammonium. Cette nouvelle formule a été validée par la CCFAT, mais, dès le mois d’octobre 2012, des émanations d’ammoniaque se produisent sur certains chantiers, conduisant à l’arrêt de la fabrication. Des entreprises du bâtiment et, bien évidemment, des consommateurs se trouvent alors particulièrement lésés.
Le 5 novembre 2012, la CCFAT a ré-autorisé les sels de bore ! Le 17 mai dernier, la France aurait notifié à la Commission européenne un projet d’arrêté relatif aux isolants à base de ouate de cellulose qui interdit toute adjonction de sels d’ammonium. Or, selon les professionnels, les ouates de cellulose comportant à la fois des sels de bore et un pourcentage minime de sels d’ammonium sont stables. Ce type de formulation est utilisé dans d’autres pays européens sans que des retours négatifs aient été enregistrés.
En tout état de cause, les entreprises concernées, majoritairement des PME, regrettent que ces décisions soient prises sans concertation et ont dénoncé une distorsion de concurrence devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Je suis pour ma part attentif aux arguments relatifs à la protection des consommateurs, laquelle doit primer sur toute autre considération. Cependant, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir si le Gouvernement a engagé des actions visant à la mise en place d’un système impartial de certification des matériaux d’isolation. En outre, est-il prévu d’instituer, dans le cadre du plan de rénovation énergétique des bâtiments, une aide particulière pour favoriser le développement dans notre pays des entreprises de fabrication d’éco-matériaux ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Delphine Batho.
Vous avez raison de souligner que la priorité du Gouvernement est de créer des emplois verts, notamment grâce au développement de filières vertes pour les matériaux de construction. Cette volonté se traduit en particulier par un plan de développement stratégique de ces filières, associant toutes les parties prenantes et ayant pour triple objectif de structurer, de soutenir, d’accompagner : structurer, sous l’impulsion de l'association Constructions et bioressources ; soutenir, avec le financement de programmes de recherche, le plan bois, le lancement du label « bâtiment biosourcé » ; accompagner, pour amener ces filières à répondre aux attentes du marché.
Notre ambition est bien évidemment que ces filières se développent et s’implantent durablement sur l'ensemble du territoire.
Notre devoir est également de protéger nos concitoyens, pour qui le logement représente l'investissement d'une vie.
Les problématiques apparues récemment pour les isolants à base de ouate de cellulose, en lien avec leur traitement chimique de protection, illustrent bien l’importance de l’enjeu.
Au mois d'août 2011, la directive européenne Biocides interdisait l'utilisation des sels de bore en tant qu'agent antifongique. La CCFAT, conformément à sa mission, a retenu alors comme objectif de ne plus délivrer à terme d'avis techniques pour les produits à base de ouate de cellulose avec sels de bore, autorisant l'utilisation de sels d'ammonium comme substituants.
Cependant, des plaintes sont ensuite remontées au ministère de l'écologie, du fait de dégagements de vapeurs d'ammoniac consécutifs à la pose dans les logements de produits d'isolation thermique. Le syndicat professionnel ECIMA évoque quelque 150 cas de chantiers ayant donné lieu à de tels signalements par les habitants ou par les ouvriers. Une trentaine de signalements sanitaires étant intervenus entre novembre 2011 et décembre 2012, les services du ministère de l'écologie ont commandé au mois de novembre 2012 des tests d’émission en laboratoire sur des échantillons fournis par les fabricants. Les résultats, publiés au mois d'avril 2013, montrent que tous les échantillons présentent des dégagements d'ammoniac dans des proportions variables et ne sont pas stables. Au vu de ces problèmes sanitaires, les autorités ont récemment préconisé l’interdiction de ces produits.
Parallèlement, le règlement REACH modifié, applicable au 30 juin 2012, a autorisé la présence de sels de bore dans des produits destinés au grand public jusqu'à une concentration de 5,5 %, taux qui rend possible l’ignifugation des ouates de cellulose. De nouveaux fabricants sont ainsi revenus à l'utilisation de sels de bore, avec un avis technique à ce jour encore valable.
Dans cette situation, les services de l'État se sont attachés à créer les conditions du dialogue, au sein d’un groupe de suivi qui se réunit régulièrement, et à inciter les différentes parties, dont les entreprises de la filière, à définir des solutions de substitution.
Delphine Batho souhaite encourager ces démarches de substitution des substances dangereuses, en laissant bien évidemment le temps aux acteurs économiques de trouver des solutions pérennes.