M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On est là pour ça…
Mme Éliane Assassi. Oui, mais permettez-moi de noter que tous ne sont pas là ce soir…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’est pas exceptionnel, hélas !
Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un texte dont chacun désire se préoccuper. Or, à l’évidence, peu d’élus semblent vouloir y consacrer du temps, du travail et de la réflexion !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut le dire à ceux qui sont absents...
Mme Éliane Assassi. Bien sûr, mais, proportionnellement, vous en conviendrez, les élus de mon groupe sont présents.
Revenons-en au texte. Dans ces conditions, il a été difficile, pour ne pas dire impossible, aux sénateurs qui ont déposé des amendements d’en exposer les objets et de les défendre.
C’est donc finalement un nouveau texte, celui que nous examinons aujourd’hui, qui est sorti laborieusement des travaux de la commission des lois. Ce nouveau texte n’est disponible que depuis neuf jours, week-end de la Pentecôte compris. Les sénateurs de la commission, mais aussi tous les autres, n’ont eu alors qu’une toute petite semaine pour examiner ce nouveau texte et proposer des amendements pour la séance.
Monsieur le président de la commission des lois, le Président de la République dans son discours de Dijon, il y a quelques semaines, déclarait qu’il faisait confiance au Sénat pour réécrire, s’il le fallait, ce texte. C’est fait : reste à savoir si c’est bien fait…
De plus, le rapporteur et vous-même, monsieur le président de la commission des lois, expliquiez dès les premières auditions, devant la contestation soulevée par certaines parties du texte, que celui-ci allait être profondément modifié. Finalement, il avait été annoncé depuis plusieurs semaines que le texte serait réécrit, mais il n’a pas été prévu pour autant d’accorder des délais supplémentaires pour l’examiner. Le président du Sénat annonçait même l’ouverture d’une large concertation avant l’examen du projet de loi par la Haute Assemblée, rappelant les très intéressants États généraux des collectivités territoriales qui ont eu lieu à l’automne dernier.
En définitive, le Gouvernement n’a tenu compte d’aucune de ces propositions, les a balayées d’un respectueux revers de main et a inscrit cette réforme à l’ordre du jour du Sénat, à une date rapprochée, sans tenir compte des délais nécessaires à son examen. La nouvelle concertation annoncée, reprenant l’esprit des rencontres d’octobre, s’est en fait traduite par une simple multiplication d’auditions – soixante-dix au total – en un peu plus de trois jours par la commission des lois. Ce travail a débouché sur une réécriture du texte par le rapporteur, sans qu’aucune nouvelle consultation n’ait été possible ni même envisagée !
Sur le premier texte, soixante-dix auditions ont été conduites. Pourquoi n’avons-nous prévu aucune audition sur le deuxième texte ? Comme beaucoup de sénateurs dans cet hémicycle, j’ai rencontré les élus de mon département – lundi soir, pour ne rien vous cacher – et je leur ai parlé d’un texte dont ils ne savaient absolument rien. Ils ne connaissaient que le texte du Gouvernement, avant sa réécriture par la commission des lois du Sénat. C’est un problème démocratique !
L’idée très intéressante d’un aller-retour entre les élus, les citoyens et les associations d’élus, défendue par le président du Sénat, et que nous soutenions, a donc été abandonnée. La réalité fut tout autre. C’est une commission des lois réduite à sa portion congrue, en pleine nuit, qui a finalement débattu pour l’essentiel des propositions du rapporteur, aussi bonnes soient-elles, lequel a réécrit le texte.
Ce qui s’est produit va radicalement à l’encontre de l’esprit des États généraux des collectivités territoriales, qui furent le projet du président du Sénat et qui connurent une belle réussite démocratique à laquelle nous avons contribué, au Sénat comme dans nos départements. Notre assemblée n’a pas pu se saisir sérieusement de ce texte malgré sa mission de représentant des collectivités territoriales.
Mesdames les ministres, mes chers collègues, la démocratie est au cœur de la réflexion qui m’anime ce soir. Mon intention n’est pas de polémiquer. Ce projet fait débat ; sa profonde réécriture accentue encore un sentiment de précipitation et d’incertitude ressenti sur de nombreuses travées. Le nombre d’intervenants inscrits dans la discussion générale est, à cet égard, révélateur. Aussi, nous pensons qu’il faut prendre le temps de l’échange pour remettre cette réforme à l’endroit, en s’appuyant sur l’exigence démocratique qui croît considérablement dans notre pays.
Nous pensons que le Sénat n’est pas prêt à examiner ce projet de loi dans de bonnes conditions. Des expériences récentes en matière d’ordre du jour ont montré qu’il ne fallait pas confondre vitesse et précipitation. Rappelez-vous l’inscription à l’ordre du jour, dès le 5 septembre dernier, du projet de loi sur le logement, qui s’est soldé par une censure du Conseil Constitutionnel.
Cette motion tendant au renvoi en commission ne vise pas à reporter l’examen d’un texte, mais vise à créer de bonnes conditions pour l’examen d’un nouveau texte. Les éléments-clés de ce texte, qu’il s’agisse de la mise en place des conférences territoriales et de la création des métropoles, ont été profondément remaniés.
Alors que le rôle du Gouvernement est, à notre sens, de proposer une perspective d’organisation harmonieuse du territoire, nous assistons de manière détestable – j’ose le terme – à l’émergence d’un débat qui préfigure une France morcelée, éclatée entre quelques immenses collectivités drainant compétences, moyens financiers et capacités de développement au détriment de grandes zones en proie à la désertification.
Vu l’ampleur de l’enjeu pour l’avenir de notre pays et de nos concitoyens, cette réforme mériterait une tout autre réflexion qu’une simple réunion – ce qualificatif n’est pas péjoratif – de la commission des lois, dont je suis membre. Dans ces conditions, nous prenons le risque que chacun – cela s’est vu encore cet après-midi – défende son territoire, sa collectivité, son EPCI, sa métropole, centré sur sa conception, soucieux, en fait, de la pérennisation de véritables « baronnies », oublieux d’un développement harmonieux du territoire. Tout cela pourrait aboutir à accentuer la mise en concurrence de ces mêmes territoires. De ce point de vue, nos débats de cet après-midi étaient assez caricaturaux.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ils étaient intéressants !
Mme Éliane Assassi. L’un n’exclut pas l’autre, monsieur le président de la commission !
Ainsi, l’objet de la mise en place de ces nouvelles grandes métropoles échappe à un nombre croissant de personnes, y compris sur nos travées. Si nous faisions une interrogation écrite, je ne suis pas sûre que mes collègues donneraient les bonnes réponses... En revanche, ce qui est compris par un nombre croissant d’élus, c’est le déficit démocratique que créera l’instauration d’une nouvelle strate territoriale singulièrement éloignée des citoyens. La complexité du concept de métropole, son absence de cohérence justifient pleinement la remise en chantier du projet de loi, d’autant que l’opposition monte considérablement parmi les élus locaux, et fort heureusement pas seulement à Marseille, mademoiselle Joissains.
L’autre point fort de notre demande de renvoi en commission est l’incohérence du découpage en trois textes du projet de loi initial du Gouvernement. Pour résumer, nous avons pris les choses à l’envers : je crois que M. le rapporteur partage ce constat.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. Quoi qu’il en soit, à l’heure où je vous parle, nous ne savons strictement rien des modifications qui pourraient intervenir sur les deux autres textes : c’est incroyable ! Bref, nous avons perdu toute visibilité de l’ensemble de la réforme, au-delà même du calendrier surréaliste qui nous est proposé. Monsieur le rapporteur, il apparaît indispensable d’éclairer la commission sur votre vision globale de la réforme. À ce titre, j’aurais plusieurs questions à vous poser.
Quels outils donnerez-vous aux communes, par exemple, pour se protéger de l’influence écrasante des futures métropoles, tant pour celles qui en seront membres que pour toutes les autres, qui subiront leur mise en place ? Pouvez-vous, sans avoir cette vision globale, démentir solennellement aujourd’hui l’idée que les métropoles seront des outils de réduction des dépenses par la mutualisation des moyens, mais aussi par voie de conséquence des outils de réduction de l’offre de service public ? Les départements et les communes ne seront-ils pas cantonnés à un rôle de proximité, sans pouvoir décisionnel réel ?
Un autre élément important qui fonde notre demande de renvoi en commission est l’absence de visibilité sur les contrats de plan que le Premier ministre doit, selon ses propres dires, présenter d’ici à l’été.
Mme la présidente. Veuillez conclure, chère collègue !
Mme Éliane Assassi. En effet, une dépêche nous apprenait, mardi, que M. Ayrault avait déclaré, devant le groupe socialiste : « j’ai […] annoncé aux sénateurs socialistes que le Gouvernement travaillait à relancer les contrats de plan État, régions, grandes collectivités ». L’annonce est ainsi faite que l’État va dorénavant contracter non plus seulement avec les régions, mais aussi avec de « grandes collectivités », sans savoir lesquelles, ni dans quels domaines !
Autre question, est-il concevable de débattre aujourd’hui de la création d’une nouvelle strate institutionnelle, les métropoles, sans connaître leur place dans le dispositif annoncé ?
De même, nous avons appris le lancement, pour le mois de juin prochain – donc dans quelques semaines –, d’un « pacte de confiance » déterminant en particulier la répartition des dotations de l’État et un cadre rénové pour garantir l’autonomie financière et fiscale des collectivités, sans que les départements soient réellement assurés de la compensation totale du transfert des versements des allocations de solidarité nationale auquel ils doivent faire face.
Mme Éliane Assassi. Puisque vous semblez disposer de la réponse, le bon sens n’aurait-il pas voulu que le Sénat ait connaissance de ces perspectives financières avant de se lancer dans la réorganisation de l’architecture institutionnelle des territoires ?
Cette question de l’avenir des finances locales est au cœur d’une réforme décentralisatrice audacieuse, porteuse de progrès et de développement du service public. Or à notre sens, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, notre commission n’a pas éclairé le Sénat sur le réalisme de la réforme proposée dans le cadre de l’exigence de réduction des dépenses publiques souhaitée, voulue et, dirai-je, imposée par Bruxelles.
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la sénatrice.
Mme Éliane Assassi. Je conclus, madame la présidente, mais certains de mes collègues ont usé de beaucoup plus de temps.
Je voudrais tout de même vous lire une des recommandations de M. Barroso.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Quel rapport ?
Mme Éliane Assassi. Il y est question de l’acte III de la décentralisation et, pardonnez-moi, monsieur le président, c’est un peu ce qui nous occupe depuis ce matin. Que dit M. Barroso ? « À cet égard, l’examen en cours des dépenses publiques (modernisation de l’action publique) qui concerne non seulement l’administration centrale, mais aussi les administrations des collectivités locales et de la sécurité sociale devrait indiquer comment améliorer encore l’efficacité des dépenses publiques. Il est également possible de rationaliser davantage les différents niveaux et compétences administratifs afin d’accroître encore les synergies, les gains d’efficacité et les économies. La nouvelle loi de décentralisation prévue – c’est bien ce dont nous parlons – devrait traiter de cette question ».
Cet extrait est tiré d’une lettre de M. Barroso ; je ne l’ai pas inventé. Il serait donc intéressant que nous puissions aussi discuter de ces différents points à l’occasion du débat qui va nous occuper dans les prochains jours. Compte tenu de tous ces éléments, la commission, nous semble-t-il, doit réexaminer le texte et ses propres propositions, à l’aune des injonctions de la Commission européenne.
J’aurais encore beaucoup à dire, madame la présidente, mais j’ai bien conscience d’abuser de mon temps de parole. J’en termine donc pour laisser la parole à M. le président de la commission des lois qui, j’en suis certaine, va se faire un plaisir de nous répondre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, contre la motion.
M. Jean-Pierre Sueur. Mon groupe m’a demandé de m’exprimer sur cette motion, ce que je fais volontiers, et M. le rapporteur donnera l’avis de la commission.
J’ai bien écouté votre propos, madame Assassi, et permettez-moi de vous dire en toute sincérité que je vous ai parfois, même souvent, trouvée plus convaincante. En effet, quel est le sujet ? Nous sommes saisis par le Gouvernement de trois projets de loi, en l’espèce d’un projet de loi qui a été inscrit à l’ordre du jour, conformément à la Constitution, par la conférence des présidents.
Vous avez déclaré que nous n’avions pas parlé des gens dans le débat. C’est votre appréciation. Pour ma part, j’ai été très intéressé par notre discussion de cet après-midi, ainsi que par les échanges en commission. J’ai senti battre le cœur de la démocratie, des collectivités locales, et j’ai remarqué que, quelles que fussent les positions, les collègues se sont exprimés avec beaucoup de sincérité et de conviction. Le débat a été riche. Nous avons notamment évoqué la solidarité ; j’ai parlé de l’emploi et de l’économie, s’agissant des régions, parce que j’y crois beaucoup.
J’en viens maintenant à la manière dont nous avons travaillé, car nous avons déjà abordé le débat de fond et nous aurons l’occasion de le poursuivre pendant tout le temps réservé à l’examen de ce projet de loi. Je précise en outre que le Gouvernement n’a pas engagé la procédure accélérée – encore heureux sur un tel texte ! – et qu’il y aura donc un débat à l’Assemblée nationale, suivi d’un nouveau débat au Sénat. Ce processus prendra quelques mois, et c’est bien ainsi. Pendant ce temps, nous aurons le loisir de nous exprimer, de suivre l’actualité et de poursuivre notre dialogue avec les élus.
Dès que le texte nous est parvenu, nous avons désigné le rapporteur en commission et celui-ci s’est mis au travail. Au mois d’avril, nous avons procédé à l’audition publique télévisée de cinquante élus du pays, ce qui d’ailleurs a eu un certain écho. Puis, nous avons poursuivi le travail et notre rapporteur a rencontré encore une cinquantaine d’élus dans une série d’auditions ouvertes à tous les membres de la commission des lois.
À ce stade, je remercie les administrateurs de la commission parce que nous avons absolument tenu à respecter une règle qui, trop souvent, ne l’est pas au Sénat. Nous avons laissé un intervalle de quinze jours entre la séance au cours de laquelle nous avons établi le texte de la commission et la séance consacrée à l’examen des amendements dits extérieurs. Ainsi, le texte de la commission élaboré lors de la réunion du 15 mai a été, grâce à l’effort de tous, mis en ligne le 16 mai. Il y eut tout de même un temps suffisant pour produire des amendements, ce que confirme, me semble-t-il, le nombre élevé de ceux-ci.
Mme Éliane Assassi. Nous commençons à débattre du projet de loi alors que les amendements n’ont pas tous été examinés en commission !
M. Jean-Pierre Sueur. Je vais y venir, madame Assassi…
Je ne veux pas compliquer ni allonger les débats à mon tour, mais je signale que la commission, lors de la séance d’établissement du texte, a adopté 188 amendements et, lors de la séance consacrée à l’examen des amendements extérieurs, en a retenu 104, portant à 292 le nombre d’amendements sur lesquels elle s’est prononcée favorablement.
Mme Éliane Assassi. Et alors ?
M. Jean-Pierre Sueur. Vous nous expliquez que le nombre d’amendements retenus et le fait que la commission propose un texte différent – sur certains points assez profondément – de celui du Gouvernement sont autant de signes de l’existence d’un problème, justifiant un retour en commission. Je ne suis pas du tout d’accord avec cette interprétation, je vous le dis avec sincérité ! Selon moi, le Sénat fait simplement son travail.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. L’élaboration de la loi procède, en vertu de nos institutions, du Gouvernement et du Parlement. Lorsque nous décidons, parce que tel est notre travail, de faire évoluer assez profondément certains aspects d’un projet de loi, tout en maintenant le dialogue tout à fait nécessaire et fructueux avec le Gouvernement, nous remplissons notre mission.
Le fait que nous ayons affirmé fortement notre position et que nous ayons changé le texte ne justifie pas un renvoi en commission. Si tel était le cas, il faudrait renvoyer en commission chaque texte sur lequel nous faisons notre travail avec une certaine énergie et une certaine conviction ! Ce n’est pas normal. Peut-être faudrait-il plutôt l’envisager quand les sénateurs adoptent un texte pratiquement conforme, ce qui pourrait laisser supposer que quelques amendements ont échappé à leur sagacité...
Mme Éliane Assassi. Franchement, quelle mauvaise foi !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas de la mauvaise foi, madame Assassi, je vous dis les choses telles que je les vis ! Je pense vraiment que nous avons eu, en commission, un vrai débat. D’ailleurs, mes collègues peuvent témoigner qu’en commission des lois je demande toujours aux auteurs des amendements présents en réunion de les défendre. D’aucuns m’en font même le reproche, car cela fait durer les débats. Puis, nous entendons la parole du rapporteur et chacun peut s’exprimer. Vous savez très bien que nous avons eu des débats très approfondis.
Permettez-moi de citer encore un chiffre ou deux…
Mme Éliane Assassi. Je vous ai connu plus convaincant, monsieur le président.
M. Jean-Pierre Sueur. Je fais ce que je peux, madame Assassi.
La commission a donc siégé pendant douze heures trente pour établir le texte et, cette semaine, elle s’est également réunie pendant douze heures trente, ce qui fait un total de vingt-cinq heures, durant lesquelles nous avons été très heureux de travailler ensemble.
Je conclurai mon propos, madame Assassi, en signalant qu’en définitive votre vœu est exaucé. Comme vous l’avez justement fait remarquer, il nous reste encore quelques amendements à examiner. J’ai donc l’honneur de vous annoncer publiquement que la commission des lois sera conviée à poursuivre ses travaux lundi prochain, de quatorze heures à seize heures, et éventuellement mardi prochain, de neuf heures à dix heures.
Donc, quoi qu’il en soit, nous reviendrons en commission pour poursuivre notre intéressant travail sur ce projet de loi. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cette demande de renvoi en commission ne m’apparaît pas justifiée.
Mme Éliane Assassi. Vous êtes sur la défensive !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René Vandierendonck, rapporteur. Nous vous donnons acte, madame Assassi, de votre assiduité et du caractère constructif de votre participation, et essayons de positiver. Nous voulons, comme vous, avoir un vrai débat, un débat organisé à partir du Sénat sans que le Gouvernement vienne, avec son inspiration maastrichtienne…
Mme Éliane Assassi. Je n’ai pas dit cela ! Barrosienne, en ce cas !
M. René Vandierendonck, rapporteur. Vous voulez instaurer un vrai droit de participation, ce que vous appelleriez une coopérative d’élus et, si possible, le faire d’une manière non hémiplégique, avec la participation de toutes les sensibilités politiques ? C’est ce que nous vous proposons ! C’est ce que Mmes les ministres ont accepté !
Donc, n’insultons pas l’avenir : nous avons dix jours à passer ensemble ! Quelle joie ! Un vrai débat participatif ! Alors, madame Assassi, laissez-moi ma chance ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je suppose donc, monsieur le rapporteur, que votre avis est défavorable.
M. René Vandierendonck, rapporteur. Tout à fait, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne m’aventurerai pas à essayer d’imiter votre rapporteur ! (Sourires.)
Madame Assassi, le Gouvernement a choisi une démarche simple, que je souhaite rappeler. Nous aurions pu déposer un projet de loi en juillet dernier – lequel aurait d’ailleurs été assez court –, puisque nous avions déjà travaillé sur cette question pendant des mois, je le dis à l’attention de M. Mézard, comme cela avait été le cas avant 1981.
Cependant, le Président de la République et le Premier ministre ont choisi, et je crois qu'ils ont eu raison, d'attendre la fin des États généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat, lesquels se sont achevés le 5 octobre dernier. Pour préparer le projet de loi, nous nous sommes inspirés à la fois du résultat des États généraux et des 150 auditions que nous avons menées pour entendre toutes les associations d'élus, comme s’y étaient engagés le Président de la République et le Premier ministre.
Le texte que nous avions préparé a été jugé trop lourd par un certain nombre de sénateurs, aussi le président du Sénat a-t-il demandé au Gouvernement de scinder son projet en trois textes. Au fond, c'est la réponse à votre question, madame Assassi. Nous allons débattre d’abord d’un premier chapitre, puis d’un deuxième à l'automne si tout va bien, et enfin du troisième quand vous le voudrez. Nous aurons donc largement le temps de discuter de l'ensemble du projet.
Le reproche que vous adressez sur le temps accordé à la réflexion est complexe. Je sais bien que le Gouvernement n'a pas à commenter les travaux du Sénat, mais imaginez que le texte de la commission, qui n'est pas celui du Gouvernement - l'article 42 de la Constitution est parfaitement respecté – soit, comme vous le souhaitez, renvoyé à la commission des lois. Je fais de la politique-fiction, mais il se pourrait que la commission des lois, après réflexion, décide d’adopter un nouveau texte dans trois semaines. Il faudrait alors attendre encore avant de pouvoir rediscuter de ce texte, qui pourrait même ne jamais arriver en séance publique.
Je l'ai dit au président de la commission de la loi, au rapporteur et à tous ceux qui ont bien voulu travailler en amont sur ce projet de loi : Anne-Marie Escoffier et moi-même sommes prêtes à passer le temps qu'il faudra pour la discussion de ce premier chapitre et, bien entendu, à revenir pour le deuxième. Nous sommes à la disposition de tous les groupes politiques pour débattre des points très techniques et complexes.
Je terminerai mon propos en soulignant à quel point nous devons être attentifs à ce débat, car il porte non pas uniquement sur les institutions, mais sur les conditions de vie et de travail, sur les espoirs et l’avenir de nos concitoyens. Le Gouvernement ne peut donc être favorable à cette motion. (Applaudissements sur le banc des commissions.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 58, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.