M. François Marc. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous avez également voulu valoriser les atouts de la coopération entre collectivités, retenir des critères qualitatifs pour définir de grands ensembles urbains, donner aux chambres régionales des comptes des fonctions d’évaluation. Rien, dans vos propositions, ne heurte notre projet.
Vous abordez également la question cruciale de la fonction publique territoriale. Celle-ci constitue le levier majeur de toute politique locale. J’espère que les garanties que nous apporterons aux agents seront de nature à les rassurer sur la stabilité de leur situation et sur la préservation de leurs acquis. À cet égard, je me suis engagée, il y a quelque temps, sur l’autorisation du Premier ministre, à déposer un texte sur la fonction publique le 13 juillet prochain. En effet, il est temps, grand temps que nous rappelions à l’ensemble des citoyens qui l’auraient oublié que ce sont les fonctionnaires qui portent les valeurs républicaines et que les fonctionnaires territoriaux, en particulier, ont un rôle essentiel à jouer aux côtés des élus.
Ces fonctionnaires m’ont beaucoup interrogée sur les conditions des transferts. Quelques-uns des derniers articles du projet de loi devraient rassurer ceux qui ont besoin de l’être et, surtout, assurer la perpétuation de leur dynamisme, aux côtés de celui des élus. (M. Jean-Claude Gaudin s’exclame.)
Enfin, vous aviez demandé à reprendre l’initiative législative pour les textes à thème unique, au nom d’une bonne efficacité des travaux parlementaires ; je salue votre clairvoyance.
À cet égard, j’ai l’honneur de vous confirmer publiquement que les deux propositions de loi issues des états généraux de la démocratie territoriale, portant respectivement sur l’évaluation des normes et sur l’exercice des mandats locaux, seront inscrites à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale des 4 et 18 juillet prochain. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bonne nouvelle !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le président de la commission des lois, vous nous l’aviez demandé, et nous l’avons fait ! Vous le voyez, nous tenons nos engagements.
J’avais déjà communiqué la nouvelle à M. le président du Sénat, qui l’a accueillie avec satisfaction, et, à la demande du Premier ministre, je vous la confirme ce matin, monsieur le président de la commission des lois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est normal que vous ayez réservé à M. le président du Sénat la primeur de la nouvelle !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’en viens maintenant au contenu de la réforme, que, du reste, vous connaissez déjà par cœur.
Comme j’ai pu le constater à chacune de mes auditions ou en discutant avec les uns et les autres, l’unité de notre République est au cœur de vos préoccupations. Je vous le confirme, l’unité n’est pas mise à mal par ce projet. Cela étant, l’unité n’est pas l’uniformité, et ce projet de loi a pour objectif de reconnaître la diversité et la capacité des territoires à s’organiser en tenant compte de leurs spécificités. Que l’on ne s’y trompe pas, c’est un élément de simplification, et non de complexité supplémentaire. Il s’agit de prévoir une organisation adaptée, au plus près des réalités locales.
En fait, nous sommes tous animés par la même conviction, celle que nos territoires sont des lieux de démocratie, d’énergie, de vitalité, d’innovation et de croissance. Au moment où il faut redresser la France, c’est dans nos régions, nos départements et nos communes que nous trouverons les gisements pour l’investissement, pour la formation et pour l’innovation que nous devons chercher.
Le premier pilier de la présente réforme consiste précisément à reconnaître le dynamisme farouche des élus locaux à trouver des solutions aux défis à relever, quelles que soient les caractéristiques de leur territoire.
C’est pourquoi nous avons voulu réaffirmer les chefs de file. Ainsi, notre texte confirme le rôle essentiel des régions de France en matière de développement économique, de formation professionnelle et de transports, en leur transférant encore un peu plus de compétences dans ces domaines.
M. François Patriat. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Alors que la Cour des comptes vient de publier un rapport faisant état des difficultés que rencontre le service public de l’éducation, nous avons un challenge extraordinaire à relever pour assurer l’avenir de chaque jeune, quel que soit l’endroit où il vit. Il y va des enfants de France !
Certes, notre école est de grande qualité. L’école de la République restera sans doute, pour beaucoup, un grand modèle. Cependant, les présidents de région ont souvent attiré notre attention sur le fait que l’orientation d’un enfant, en particulier lorsque les moyens de sa famille ne sont pas très importants, est souvent fonction de la géographie, et non de son projet personnel.
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Je le confirme !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. En effet, pour certains jeunes, l’éloignement de tel ou tel centre de formation signifie l’impossibilité d’y accéder.
Nous devons relever ce défi majeur, pour nos quartiers comme pour nos grandes zones rurales. Par conséquent, je souhaite que nous repensions l’éducation, avec les présidents des régions de France et l’ensemble des élus intéressés, de manière à la mettre en accord avec la carte des formations initiales, avec celle de la formation professionnelle, comme avec les besoins des entreprises. Chaque jeune de France doit avoir droit à son projet personnel ; ne l’oublions jamais !
Le projet de loi confirme le rôle de chefs de file des départements en matière de cohésion sociale, fonction essentielle. Nous voulons que leur action en la matière complète la solidarité existant entre les territoires. En effet, comme je le disais au début de mon propos, aujourd'hui, en France, certaines communes et communautés rurales se sentent, à l’instar de nos quartiers, éloignées, voire oubliées. Pour satisfaire à leurs demandes de services publics, à leur attachement à la présence de la République sur leur territoire, il faudra sans doute conjuguer les efforts des départements et ceux des autres collectivités.
Je ne crois pas que la région puisse assumer seule la responsabilité, très lourde, du schéma d’aménagement et de développement durable du territoire, lequel concerne le développement économique, l’enseignement supérieur et la recherche, l’énergie ainsi qu’une partie de la préservation de la biodiversité. Elle ne pourra assurer seule l’aménagement de chaque petite commune de France.
Le sentiment d’abandon que nous constatons étant sans doute le plus dangereux que nous puissions aujourd'hui rencontrer sur les territoires de France, il faudra que les départements se saisissent de cette question, conjointement avec les régions. Je leur fais confiance pour le faire !
Les chefs de filat réécrits, les maires confortés dans leur rôle – celui de signataire des permis de construire comme celui d’interlocuteur pour le citoyen –, comment ne pas aborder avec enthousiasme ce que nous avions appelé la « conférence territoriale de l’action publique » ?
On ne peut pas agir ou réagir de la même façon dans une région où il y a de grandes villes et dans une région où il n’y en a pas, dans une région périphérique, une région maritime ou une région montagnarde. Si les défis qui s’y posent sont les mêmes – en bref, l’accès aux droits pour chaque citoyen –, nos moyens sont fonction de la géographie ou de l’histoire du territoire.
Contrairement à ce que certains ont affirmé, l’objectif de la conférence territoriale de l’action publique que nous avions prévue dans ce texte – et dont votre commission des lois a proposé une nouvelle rédaction – n’est pas d’imposer une sorte d’organisation des services publics à la carte ni un recul de la République en termes d’égalité de l’accès à ces services : il s’agit de prendre en compte cette diversité. Du reste, si nous encadrons strictement chacune des compétences, si nous ne laissons pas les collectivités s’organiser librement, il nous faudra revenir devant vous pour un nouveau projet de loi de décentralisation, à chaque grand changement, technologique ou autre, à chaque crise ou, à l’inverse, à chaque amélioration de la situation.
Notre objectif est donc d’essayer de disposer d’un texte qui permette, d’une part, aux élus locaux de France en charge des services publics territoriaux de pouvoir s’organiser entre eux pour que les grandes compétences soient exercées de manière partagée, simple et efficace et, d’autre part, à chaque citoyen de savoir qui fait quoi en termes de développement économique, de formation professionnelle, de services publics ou d’aménagement du territoire.
Notre idée est simple – c’est aussi celle de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que préside Mme Gourault – : permettre aux élus locaux de déterminer ensemble quelle compétence doit s’appliquer sur tel ou tel territoire.
Par exemple, les régions doivent-elles, au-delà des grandes stratégies de filière, de la gestion des pôles de compétitivité et des grands échanges européens sur les pôles mondiaux, s’occuper également de l’immobilier d’entreprise ? Sans doute pas ! Cependant, comment les départements ou les collectivités territoriales organisées en intercommunalités pourraient-ils assumer cette compétence, sinon par un accord passé entre les exécutifs ?
Pour ma part, je crois en les élus de France, et je leur fais confiance pour trouver des accords. On me dit parfois que ce sera long et difficile. Néanmoins, la réalité est là et, aujourd'hui, dans certaines régions de France, de tels accords existent d'ores et déjà.
Quelle que soit la dénomination qui sera, au final, retenue pour cette conférence des exécutifs – pacte de confiance, pacte de gouvernance… –, Anne-Marie Escoffier et moi-même souhaitons que les échanges que nous aurons permettent de discuter de sa mise en place.
J’en viens au deuxième pilier de la réforme : la reconnaissance du fait urbain, à laquelle le Président de la République et le Premier ministre s’étaient engagés, et à laquelle le texte accorde beaucoup de place.
Nous avons en France de grandes villes – sans doute beaucoup moins forte que d’autres grandes villes européennes –, qui doivent être reconnues comme telles.
Cela étant, pour rassurer les auteurs des rappels au règlement qui ont été effectués en début de séance, il est hors de question que nous vous disions tout à coup que la croissance, la compétitivité de la France, la création de valeur ajoutée, l’augmentation de notre PIB ne dépendront, au fond, que des métropoles.
Chaque territoire de France est une source importante de création de valeur.
M. François Marc. En effet !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Dans chaque territoire de France, le citoyen doit se sentir épaulé par la République, via les services publics locaux ou nationaux.
Chaque territoire de France participera, pour sa part, au redressement de la France. Si nous oubliions un seul instant qu’en 2030 ou en 2050 le niveau de dépendance alimentaire, agro-alimentaire et la place de la France en Europe et dans le monde dépendront de la compétitivité de son agriculture, nous commettrions une faute majeure ! Nous devons donc être aux côtés de chaque territoire de France.
Cependant, consacrer le système métropolitain, c’est reconnaître une réalité.
Au travers de nos lectures, il nous est d'abord apparu que la métropole-monde qu’est l’Île-de-France a un rôle extrêmement important à jouer, bien évidemment en Europe, mais aussi, comme me l’a rappelé il y a peu M. le sénateur Karoutchi, dans le monde entier. Dans ces conditions, le Grand Paris a besoin de se structurer davantage. Paris Métropole – association d’élus de toutes tendances politiques, où l’État n’était pas représenté – a travaillé pendant des mois sur ce sujet.
M. Philippe Dallier. Pour quoi faire ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je rends d'ailleurs hommage au responsable actuel de ce dossier, M. Laurent, maire de Sceaux.
M. Gérard Larcher. Nous ne sommes pas sur la même longueur d’ondes !
M. Philippe Dallier. En effet, nous ne sommes pas d’accord !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si le statut proposé par ces élus souffre d’une rédaction quelque peu complexe, nous avons partagé leurs constats. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Roger Karoutchi. Ah ! les constats !…
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je sens que ce sujet va être animé ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
Pourquoi la première couronne n’est-elle pas parvenue, avec les autorités de l’État – elle aurait aussi pu le faire seule –, à une meilleure écriture de son schéma départemental de coopération intercommunale ? Aujourd'hui, il importe que nous nous attaquions à ce chantier, les départements de la zone dense autour de Paris étant les seuls de France à n’avoir pas été réunis pour réécrire leur schéma départemental. Je pense que cela doit être réparé.
Ce chantier est bien évidemment intéressant pour les citoyens et, en premier lieu, pour les élus. Nous vous proposerons de travailler à ce sujet ensemble. En tout état de cause, ce qui nous est apparu le plus important est le rôle que doit jouer la région d’Île-de-France par rapport à Grand Paris Métropole.
Une inquiétude a souvent été exprimée, que l’on peut résumer ainsi : la dévolution de compétences importantes à Grand Paris Métropole, c'est-à-dire Paris et une couronne, en matière par exemple de logement, ne représenterait-elle pas un danger pour la troisième ou pour la quatrième couronne, lesquelles risqueraient alors de n’être protégées ni des promoteurs…
M. Gérard Larcher. On s’en occupe ! Rambouillet est protégé…
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … ni d’une certaine inorganisation, qui créerait des difficultés pour les populations ?
Sur la base des contrats de développement territorial, qui résultent, eux aussi, d’initiatives transpartisanes, on peut se dire que, si la région doit conserver un important schéma de l’habitat,…
M. Roger Karoutchi. De logement !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … il pourrait être opportun d’avoir recours, dans la zone dense, à une autorité opérationnelle chargée de conduire un certain nombre d’opérations de construction de logements, de manière à éviter que ne surgissent les problèmes redoutés par certains.
Le travail de très bonne facture qui a été réalisé sur le transport et sur la question encore aiguë du logement doit nous permettre de régler un certain nombre de problèmes posés à la population et aux visiteurs de l’Île-de-France.
Je n’ai pas eu l’impression, en écoutant les uns et les autres,…
M. Gérard Larcher. Attendez…
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … que l’idée de créer une autorité opérationnelle du logement conduisait à une remise en cause du rôle de la région. Je n’entre pas davantage dans les détails, car nous aborderons cette question de façon plus approfondie dans la discussion des articles ; je pressens d’ailleurs qu’elle motivera un engagement fort sur toutes les travées de cette assemblée.
Parallèlement, nous nous engagerons à ce que le Grand Paris Express soit réalisé ; c’est une condition, comme le Premier ministre l’a réaffirmé.
En matière de construction et de rénovation de logements, ainsi que d’équilibre des logements sociaux, nous proposons que la région élabore un schéma régional d’habitat et d’hébergement, qui fixe les objectifs globaux et la déclinaison territoriale, et que la métropole du Grand Paris élabore un plan ; je ne pense pas que quiconque puisse être mis en difficulté.
Le deuxième grand chantier est celui du Grand Lyon, ou de la métropole lyonnaise. À cet égard, je salue l’accord qui a été conclu entre les élus de Lyon et du département du Rhône pour trouver une solution permettant l’équilibre du Grand Lyon.
Quelques petites questions restent à régler dans la discussion des articles, en ce qui concerne notamment les transferts financiers. Quoi qu’il en soit, le projet soutenu par les deux exécutifs locaux – le département du Rhône et le Grand Lyon –, qui s’appuie, d’une part, sur la territorialisation réussie des services du département dans l’agglomération lyonnaise et, d’autre part, sur des conférences locales des maires concluantes au sein du Grand Lyon, a permis à l’agglomération lyonnaise de retrouver une dynamique.
Le Gouvernement a évalué ce projet, s’assurant notamment des garanties d’égalité et de constitutionnalité ; nous essayerons de trouver un accord sur les quelques questions qui nous séparent encore.
En ce qui concerne les métropoles de France, la question la plus complexe est sans doute celle d’Aix-Marseille-Provence. Aix-Marseille-Provence, c’est d’abord un territoire extraordinaire ! (M. le rapporteur acquiesce.) Grande porte méditerranéenne dans l’histoire, il a peut-être un peu de mal à être aujourd’hui la grande porte méditerranéenne dont ont besoin la République, l’État français et l’Europe.
Ce territoire est aussi un grand lieu d’investissement pour l’État : je pense en particulier au port, Fos-sur-Mer, à l’aéroport, au projet ITER et à Gardanne. Ces grands chantiers, l’État les a conduits avec enthousiasme, mais ils ont aussi créé un certain nombre de difficultés. En effet, plusieurs établissements publics intercommunaux s’occupent du transport et du logement. C’est ainsi que, matin et soir, la circulation est difficile dans cette grande agglomération ; ce problème pourrait être assez facilement résolu.
Comme je l’ai fait observer aux élus en souriant, Aix-Marseille-Provence est un véritable bijou, de l’or en barre ! M. le sénateur-maire Jean-Claude Gaudin se souvient certainement que, lorsque nous avons réuni à Marseille les quarante-deux présidents des parlements du bassin méditerranéen, leur enthousiasme pour cette grande porte méditerranéenne était évident.
Aujourd’hui, il nous semble que nous sommes d’accord avec tous les maires sur le diagnostic : une coordination des actions est nécessaire en matière de développement économique, de transport, de logement, d’environnement, d’enseignement supérieur et de recherche.
L’université d’Aix-Marseille, véritablement très grande et qui va devenir sans doute l’une des plus grandes, a récemment reçu le soutien du Gouvernement. Si nous avons besoin d’elle, c’est aussi parce qu’elle accueillera de nombreux étudiants d’autres pays, permettant ainsi à la France d’être plus forte en Europe et dans le monde, notamment dans le bassin méditerranéen.
Responsables tous convaincus, nous devons examiner toutes ces grandes questions à propos desquelles nous sommes d’accord sur le plan du diagnostic. Comment procéder ? Deux solutions s’opposent ; nous en débattrons dans quelques jours.
Pour sa part, le Gouvernement estime que les grandes compétences que je viens d’énumérer peuvent être gérées par un seul établissement public intercommunal : la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Nous avons envie de voir cette grande région se développer ! Or le Gouvernement considère que le souci de simplification plaide en faveur de cette solution.
Par un décret signé du Premier ministre, l’État a mis à la disposition de ce grand ensemble une mission de préfiguration qui permettra, d’une part, d’identifier les priorités et, d’autre part, d’élaborer des propositions de projets avec les élus volontaires et avec la société civile.
Il faudra prendre une décision. Elle est certes difficile et je comprends les maires : il est toujours compliqué d’abandonner un établissement public de coopération intercommunale dans lequel on se sent bien et d’envisager, de façon abstraite, la façon dont on travaillera dans l’avenir.
À tous les maires de cette grande aire, je veux simplement faire remarquer que la création des conseils de territoire, également prévue pour le Grand Lyon, nous permettra de retrouver, sur le périmètre de chaque ancienne intercommunalité, la plupart des compétences des actuels établissements publics de coopération intercommunale. Non seulement les maires auront droit à la parole et pourront faire des propositions, mais ils participeront à la gestion des compétences de proximité auxquelles ils tiennent tant.
Naturellement, il est difficile d’imaginer ce que seront ces conseils, puisque le droit actuel ne prévoit leur existence sur aucun territoire. En tout cas, notre proposition permettrait aux maires de gérer l’avenir de leur territoire et d’être maîtres de leur espace.
Pardonnez-moi d’entrer dans les détails, mais il s’agit du dossier le plus compliqué. L’idée que le plan local d’urbanisme, le PLU, pourrait être élaboré au niveau de la grande aire métropolitaine a pu faire peur, en tout cas poser question. Nous considérons aujourd’hui que, pour régler ce point complexe, il suffit de prévoir que, sur le périmètre de chaque ancienne intercommunalité, le conseil de territoire concevra son PLU, après quoi on additionnera les plans pour constituer un grand schéma d’aménagement de la métropole d’Aix-Marseille-Provence.
Avec cette organisation, je pense que non seulement les maires ne perdront pas leur place, mais que cette place sera même enrichie. En effet, les maires continueront de gérer les compétences de proximité qu’ils exercent parfaitement aujourd’hui, mais ils devront aussi s’inscrire dans un grand projet d’avenir. Ce projet, les populations de cette grande aire urbaine en ont besoin ! Elles rencontrent des problèmes de déplacement et souffrent de la crise économique un peu plus durement que les autres.
C’est pourquoi nous souhaitons que la métropole d’Aix-Marseille-Provence voie le jour aussi vite que possible – je sais que la commission des lois a proposé des dates. Une fois qu’elle sera mise en place, l’État s’engagera pour que les grands équipements dont je viens de parler soient non seulement confortés, mais encore davantage soutenus. Il sera présent pour aider financièrement Aix-Marseille-Provence à devenir la grande métropole méditerranéenne dont nous avons besoin.
M. René Vandierendonck, rapporteur. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je sais que le conseil général des Bouches-du-Rhône, par exemple, est viscéralement attaché à ce que cette grande aire métropolitaine soit un peu, dans l’avenir, le flambeau du bassin méditerranéen.
Deux hypothèses sont possibles, comme le savent le maire du Grand Lyon et le président du conseil général du Rhône, qui viennent de conclure un accord.
M. Jean-Claude Gaudin. À Lyon, ils sont riches !
M. Jean-Noël Guérini. Eh oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Soit on n’avance pas et le bassin méditerranéen s’organisera autour de Francfort, Lyon, Montpellier, Sète, Barcelone et Valence. Soit on avance, et Barcelone et Valence auront leur place, mais la grande porte méditerranéenne de la France sera Aix-Marseille-Provence.
L’Europe elle-même a besoin de cette grande porte méditerranéenne, comme l’a souligné le président du Parlement européen lors du sommet des présidents des parlements de l’Union pour la Méditerranée.
J’espère que les débats nous permettront d’avancer vers la mise en place de cette grande métropole méditerranéenne. Comme je l’ai dit récemment aux maires de cette région, c’est difficile, mais cela vaut le coup !
Cette grande métropole, les populations l’attendent et la France en a besoin. Quand la République fait un constat, elle doit faire des propositions ; avec ce projet de loi, le Gouvernement avance les siennes. Le projet d’Aix-Marseille-Provence, c’est sans doute un moment difficile, mais un moment d’enthousiasme, un moment extraordinaire porteur d’avenir !
J’attire votre attention sur le fait, signalé récemment par le président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, que nous avons peut-être peu de temps. C’est pourquoi nous devons prendre aussi vite que possible nos responsabilités.
Le projet de loi vise aussi à améliorer l’intégration intercommunale. Dans un monde où l’action publique se complexifie, où les compétences se chevauchent et où les financements se croisent, une coopération préalable entre les différents niveaux de collectivités territoriales est le seul moyen de réunir les conditions d’une clarification de notre paysage institutionnel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à revenir sur les articles de presse qui sont parus et sur les reportages radiophoniques et télévisés qui ont été diffusés, pour vous dire à quel point je les ai trouvés choquants. À ceux qui suggèrent que les associations d’élus ne penseraient qu’à leur propre existence, nous devons rappeler que l’action publique est assurée à plus de 60 % par les élus de tous les territoires.
M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est vrai !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous devons leur répondre en expliquant à chacun que nous ne supportons plus d’entendre que les intercommunalités de France, en créant moult emplois supplémentaires, auraient été à l’origine d’une gabegie. C’est faux : les intercommunalités ont répondu aux besoins des habitants de ce pays !
On oublie toujours de préciser que, si des emplois ont été créés ici ou là, c’est parce que de nouveaux services sont fournis aux populations. Je pense à la petite enfance, dont j’ai parlé tout à l’heure, mais aussi à l’environnement et à la gestion des déchets, toutes activités qui n’existaient pas il y a quelques années. Lorsque les intercommunalités ont pris en charge ces responsabilités, elles ont eu besoin, en effet, de recruter des fonctionnaires. Du reste, j’estime que les passages en régie, en concession ou en affermage ne sont pas forcément des sources d’économie.
Je le répète, je suis fermement persuadée qu’il n’y a aucune gabegie, et j’ai été choquée d’entendre qu’on le prétendait.
Je pense que nos élus ont envie d’entendre que plus de 400 000 d’entre eux sont bénévoles et qu’ils sont tous les jours sur les territoires pour accompagner des populations dans des situations difficiles. Je veux souligner aussi qu’ils sont prêts à relever tous les défis de l’avenir : les défis de la compétitivité hors coût et de la réindustrialisation du pays, à laquelle les régions et les métropoles participeront, mais aussi le défi de l’écologie. Au cours de ce débat, nous aurons peut-être à aborder un certain nombre de sujets qui ne l’ont pas encore été, ce qui permettra d’enrichir encore le projet de loi.
Reste enfin le défi de la démocratie locale. Certains craignent que, avec la métropolisation, la démocratie ne s’éloigne des citoyens. À cet égard, je tiens à souligner que la métropolisation telle que nous la vivons n’est pas celle de la stratégie de Lisbonne. Il n’est pas question, pour nous, de provoquer la création de quelques métropoles très fortes qui concentreraient les compétences et le dynamisme, les autres territoires étant abandonnés. Le système métropolitain doit respecter les espaces interstitiels que sont les communautés de communes rurales. De ce point de vue, je pense que la France fonctionne bien grâce à son polycentrisme.
En revanche, sur le plan de la démocratie, il est vrai que les compétences transférées aux intercommunalités sont importantes. Il faudra examiner toutes les questions qui se posent ; personnellement, avec l’appui du Premier ministre, je suis prête à y répondre au cours des débats.
Pour conclure ce propos trop long, je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir passé des heures et des heures à écouter les élus locaux de France et à rechercher des compromis dans un souci de clarification et de simplification.
Au fond, ce projet de loi est celui de l’action publique au XXIe siècle. Il ne servirait à rien que l’État s’engage dans une modernisation profonde de l’action publique et que la fonction publique soit porteuse de valeurs républicaines pour des services d’État repensés afin de correspondre aux impératifs du XXIe siècle si nous n’avions pas souligné, tout au long des heures que nous avons passé à travailler ensemble, que l’action publique, au fond, est une : mise en œuvre par les maires, par les présidents des intercommunalités, par les présidents des régions et par les présidents des départements, elle est toujours celle de la République !
Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, au cours du débat qui s’ouvre, c’est tout simplement de la République et des citoyens que nous allons parler, ainsi que de ceux qui ont décidé de consacrer une partie de leur vie à l’action publique locale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.)