M. Ronan Dantec. Madame la ministre, nous partageons votre souci de transposer les textes européens dans les temps – il est vrai que la France paie des millions d’euros de pénalités pour ses retards de transposition, notamment de directives en matière environnementale –, néanmoins l’examen d’un texte comme celui-ci, très technique et très dense pour des délais si serrés, est frustrant pour les législateurs que nous sommes, Odette Herviaux l’a souligné avant moi.
Je reviendrai sur quelques points éclairant les amendements déposés par le groupe écologiste.
Il nous a semblé très important de saisir l’opportunité de la transposition de la directive Seveso III pour proposer des mesures allant dans le sens d’un renforcement des dispositifs d’information du public et de prévention des risques. Je proposerai ainsi de renforcer le principe de réduction des risques à la source dans les plans de prévention des risques technologiques, ou PPRT, trop peu présent dans nos textes, qui s’attachent davantage aux mesures d’atténuation des effets des accidents. Cette logique préventive permettrait pourtant de faire des économies : en diminuant les risques à la source, on diminue mécaniquement les coûts liés à la prise en compte des risques.
J’ai également essayé d’apporter des réponses à des problèmes que nous rencontrons sur le terrain, notamment en Loire-Atlantique, département très concerné par les PPRT. Aujourd’hui, en plus de vivre dans une zone à risques, les propriétaires, souvent de condition modeste, se trouvent obligés de procéder à un certain nombre de travaux. Un accord a été trouvé entre les communes et les exploitants sur une prise en charge à hauteur de 50 % de ces travaux, divisée en deux parts égales. Avec le crédit d’impôts à 40 %, 10 % restent à la charge des propriétaires.
D’expérience, nous nous apercevons que beaucoup de petits propriétaires ont de grandes difficultés à prendre en charge ces travaux, d’où notre proposition de faire passer de 50 % à 60 % le financement des travaux obligatoires dans le cadre des PPRT par les collectivités territoriales et les exploitants. Frappé en plein vol par l’impitoyable article 40, cet amendement ne sera pas discuté aujourd’hui. Je souhaite néanmoins, madame la ministre, que nous trouvions un nouveau dispositif législatif, ou en tout cas une solution financière et technique, pour répondre à cette situation. C’est, je le répète, une vraie difficulté que nous rencontrons sur le terrain.
Concernant les dispositions portant sur la police administrative et la police judiciaire du code de l’environnement, nous nous félicitons de l’adoption par la commission du développement durable de notre amendement sur le champ de compétences des agents commissionnés et assermentés des réserves naturelles que les associations appelaient de leurs vœux, et qui se justifiait par la présence de plusieurs imprécisions dans l’ordonnance. Ces modifications représentent une avancée réelle pour les réserves naturelles et pour les défenseurs de la biodiversité de notre pays. Je tiens à remercier Mme le rapporteur Odette Herviaux pour son soutien sur ce point.
Je proposerai également de créer une sanction de la criminalité organisée du trafic d’espèces protégées, mesure considérée comme une urgence absolue par les écologistes. Il me semble, madame la ministre, que vous partagez notre préoccupation de lutter résolument contre ce fléau.
J’aurais également de nombreux points à relever sur le volet « énergie » du projet de loi, dont certains seront détaillés lors de la discussion des amendements. J’insiste en particulier sur notre proposition de ne pas ratifier l’ordonnance de codification du code de l’énergie. Cette ratification intervient en effet ou trop tôt ou trop tard. Le débat national sur la transition énergétique est en cours. Il devrait déboucher sur une loi avant la fin de l’année 2013, loi qui aura forcément pour conséquence de modifier le code de l’énergie. Aussi, dans une logique d’efficacité et de clarté de la loi, proposons-nous d’attendre la loi qui conclura le débat sur la transition énergétique pour codifier le code de l’énergie, qui s’en trouvera très probablement modifié.
Les écologistes s’étaient réjouis de l’article créé à l’Assemblée nationale visant à remplacer le terme « biocarburants » par celui de « agrocarburants » dans tous nos textes de loi. Cet article ayant malheureusement été supprimé en commission au Sénat, nous avons tenu à déposer un amendement visant à le rétablir – en espérant que la nuit porte conseil… Nous en débattrons un peu plus tard, en revenant brièvement sur l’étymologie de ces termes, car cette question sémantique ne tient pas que du symbole.
On ne doit plus laisser penser que ces technologies, qui sont responsables de la destruction de forêts et de l’habitat de nombreuses espèces, ainsi que de la mise en danger de la sécurité alimentaire - dans leur version de première génération, nous en sommes d’accord - ont quoi que ce soit de «bio » ! Peut-être retrouverons-nous demain un vocable « biocarburants », mais il devra être réservé à des carburants vraiment respectueux du climat et de la biodiversité. L’Assemblée nationale avait éclairci le débat en changeant de dénomination.
Enfin, j’ajoute une remarque sur l’ordonnance relative au système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre sur la période 2013-2020. Une très mauvaise nouvelle pour la politique climatique de l’Union a suivi nos débats de mars dernier, avec ce vote du Parlement européen contre les propositions de la commissaire Connie Hedegaard. Le chemin qui reste à parcourir pour parvenir à une véritable communauté européenne de l’énergie souhaitée par le Président de la République s’annonce encore long ; le climat en fait partie.
Cependant, la France, particulièrement dans la perspective des négociations climatiques de 2015, peut et doit mener la marche pour une planification européenne sur le climat et l’énergie. Écologistes et grands patrons se rejoignent sur ce point, fait suffisamment rare pour être souligné.
Ce projet de loi porte tout de même des avancées, et son adoption est nécessaire, comme l’a dit Mme le rapporteur. C’est le sens du vote unanime de la commission en faveur de ce texte. Nous voterons pour ce texte, que nous espérons encore améliorer, dans la soirée voire dans la nuit, sur plusieurs points. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qu’il nous est proposé de discuter aujourd’hui est d’un abord complexe. Il comporte en effet de multiples entrées : transposition de six directives européennes, ratification de douze ordonnances transposant elles-mêmes chacune plusieurs directives européennes et adaptation du droit national à une série de règlements... Les seuls points communs à ces textes sont d’émaner de l’échelon européen et de concerner l’environnement.
Ce texte de trente et un articles aborde aussi bien les conditions de travail des gens de mer que les transports routiers et aériens, les risques industriels ou encore les réseaux d’énergie. Comme cela a déjà été dit, nous avons affaire à un texte touffu et dense, puisqu’il prévoit la transposition en droit français de six directives et de plusieurs règlements ou directives déjà transposés et la ratification de douze ordonnances. Les sujets abordés sont extrêmement disparates, et le projet de loi n’en est que plus complexe.
La France, qui se veut l’un des moteurs de l’Europe, rencontre de sérieuses difficultés à transposer en temps et en heure les directives adoptées à Bruxelles. Notre pays a longtemps figuré, même si sa position s’est récemment améliorée, en queue du classement des États membres dans cet exercice. C’est malheureusement la triste réalité.
Le retard à transposer les directives entraîne plusieurs conséquences dommageables comme l’insécurité juridique, la fragilisation de la position de la France à l’égard de la Commission européenne et de nos partenaires, mais aussi la multiplication des procédures contentieuses et le risque, à terme, d’être condamné au versement d’amendes ou d’astreintes.
Le bilan annuel de gouvernance pour l’année 2011 publié par le commissaire européen chargé du marché intérieur et des services, notre ancien collègue Michel Barnier, montre une amélioration réelle. Toutefois, la position de notre pays reste finalement assez médiocre. Ainsi, la France atteint tout juste l’objectif de moins de 1 % de déficit de transposition, ce qui classe notre pays au quatorzième rang sur vingt-sept États membres, ex-æquo avec l’Espagne. La France se situe aussi au quatorzième rang pour les délais de transposition. Nous aurions intérêt à nous inspirer de l’attitude des pays anglo-saxons, qui transposent a minima – nous y reviendrons au sujet de la traduction du mot « biofuel » –, mais font preuve d’une forte implication très en amont de l’édification d’une directive, dans l’élaboration d’un Livre vert ou d’un Livre blanc. Si l’on veut faire du lobbying afin d’écrire un texte comme on le souhaite, il faut s’y prendre dix ans avant son élaboration et non pas après coup pour y ajouter des modifications.
Mais il ne suffit pas de transposer dans les délais : encore faut-il transposer correctement. À cet égard, la France présente un « déficit de compatibilité » de son droit national de 1,3 %, qui la classe dans les tout derniers États membres, seuls le Portugal et l’Italie faisant moins bien.
Par ailleurs, vous me permettrez de regretter, mes chers collègues, les mauvaises conditions de l’examen de ce texte, qui ont été soulignées notamment par les rapporteurs. Ce projet de loi a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 6 mars dernier. La procédure accélérée a alors été demandée par le Gouvernement. Le texte a été examiné en commission le 10 avril, pour être discuté en séance publique les 15 et 17 mai. Il a été examiné au Sénat le 22 mai, pour en débattre en séance publique ce soir !
Cela ne nous paraît guère satisfaisant pour un texte comportant, dans sa version initiale, pas moins de trente et un articles, auxquels l’Assemblée nationale a ajouté onze articles supplémentaires, abordant autant de sujets différents, dont certains sont particulièrement longs et complexes. Or il n’y aura qu’une seule lecture dans chaque chambre !
Je crains que le souci du Gouvernement d’aller vite pour tenir les délais de transposition fixés à Bruxelles ne l’ait poussé à négliger quelque peu – encore une fois ! – les droits du Parlement, et particulièrement ceux du Sénat, ce que nous ne pouvons pas tolérer. Le Sénat offre toujours, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, une valeur ajoutée sur le plan législatif, étant plus précis et plus affiné que l’autre chambre dans sa lecture.
Enfin, ce qui nous frappe avec ce texte, c’est le déficit d’information. L’étude d’impact est vide, ou presque : cela devient une habitude, qu’il faut, à mon sens, rapidement corriger ! Pour comprendre un tel projet de loi, l’on aurait besoin de disposer également du texte de la directive concernée. Cela permettrait de vérifier que l’on ne va pas au-delà de la transposition, comme c’est souvent le cas en France, où il arrive fréquemment que l’on profite de la transposition pour insérer, sans publicité, des dispositions qui ne figurent pas dans la directive censée être transposée !
C’est sur ce genre de texte qu’il faudrait concentrer notre attention pour agir en amont contre les réglementations qui asphyxient notre pays, ce dont nous prenons tout doucement conscience. Nous ne le faisons malheureusement pas assez. Au fil du temps, car cela ne date pas d’aujourd’hui, nous accumulons les excès de ces transpositions, sous la pression sociétale, pour ne pas dire d’un certain nombre d’ONG, sans écouter le monde de l’entreprise.
Or cette surcharge de normes et de règles, ces procédures administratives longues et complexes finissent par entraîner des distorsions de concurrence. Voilà pourquoi aujourd’hui les deux principales économies de l’Union européenne, celles de l’Allemagne et de la France, divergent fondamentalement. Certes, ce manque de convergence n’est pas dû qu’à cela ; bien évidemment, d’autres raisons concourent à un tel résultat, mais ce phénomène y participe. C’est la raison pour laquelle je pense que la convergence économique entre la France et l’Allemagne devient de plus en plus urgente. Le Président de la République lui-même l’a reconnu. J’espère que ses déclarations seront suivies d’effets.
Parmi cette multitude de dispositions, je limiterai mon propos à quelques-unes d’entre elles.
En ce qui concerne le droit maritime et l’application des normes sociales françaises aux équipages embarqués sur les navires effectuant une prestation dans les eaux territoriales ou intérieures françaises, l’objectif est louable, ainsi que Mme le rapporteur l’a souligné. En effet, il s’agit de réduire le déficit de compétitivité entre armements français et étrangers qui opèrent sur les lignes de cabotage maritimes ou qui effectuent des prestations de services à l’intérieur des eaux françaises.
Cependant, l’activité de maintenance et de réparation des câbles sous-marins est effectuée aujourd’hui uniquement par deux opérateurs français. Ces opérateurs sont mis en péril par les dispositions du projet de loi : le coût de stationnement de ces navires en France ainsi que les activités portuaires sont renchéris de manière très importante – environ 2 millions d’euros par an et par navire.
Nous pensons qu’il est nécessaire de permettre à ces navires câbliers de conserver leur stationnement en France tout en en limitant le coût. Pour cela, il me semble important de restreindre le champ d’application défini par l’article L. 5561-1 du code des transports pour les navires de service à ceux qui effectuent leurs prestations exclusivement dans les eaux territoriales ou intérieures françaises.
J’évoquerai également la transposition de la directive Seveso III relative aux activités économiques impliquant l’emploi de substances dangereuses. Celle-ci remplace la directive Seveso II. Plus complète, elle vise notamment à permettre la mise en place au niveau mondial d’un système harmonisé de classification des substances dangereuses. Cet aspect de la directive concerne surtout les industriels. Cependant, il nous faut veiller à ce que ces classifications et réglementations n’entament pas – j’insiste encore une fois sur ce point – la compétitivité des entreprises européennes opérant dans ce domaine.
Seveso III s’attache, à l’instar de Seveso II, à la situation des citoyens concernés par ces activités et par les risques qu’elles comportent. Les citoyens sont de plus en plus nombreux à vouloir être mieux informés. Ils veulent aussi pouvoir donner leur avis, voire s’opposer à des projets d’implantation ou de développement d’activités potentiellement dangereuses. Les normes imposées aujourd’hui en Europe seront probablement aussi, à l’avenir, exigées ailleurs.
Si le besoin d’information de nos concitoyens est légitime, il est indispensable d’y répondre de manière adéquate si l’on veut permettre à ces industries de se développer. La directive que nous transcrivons vise à mieux répondre à ces aspirations du public, sur des sujets qui restent malgré tout complexes.
Je note, pour reprendre vos propos, madame la ministre, que le Gouvernement est revenu sur la suppression de la rubrique 2255 de la nomenclature ICPE, installations classées pour la protection de l’environnement, encadrant le stockage des alcools de bouche de plus de 40 degrés. Ce point avait fait l’objet d’un certain atermoiement de la part de nos collègues des territoires concernés. Je me réjouis de ce changement de cap. C’est une preuve de bon sens ! On en manque quelquefois en la matière…
Classer des produits qui font le nom et le renom de nos territoires parmi les produits toxiques ou les produits industriels inflammables aurait été une formidable erreur à la veille de l’ouverture de négociations sur un contrat de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis, contrat qui donnera toute sa lisibilité aux indicateurs géographiques de provenance. Il aurait été véritablement dommage de tirer un trait sur les caves de vieillissement des alcools de bouche comme la chartreuse, le calvados, le cognac ou l’armagnac,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Surtout l’armagnac ! (Sourires.)
M. Jean Bizet. … en raison de l’assimilation de ces spiritueux à des produits inflammables ou toxiques !
En conclusion, nous pouvons difficilement nous satisfaire du travail qui a été mené sur ce texte. Cela a été souligné, même par les rapporteurs. Malgré toute la bonne volonté et l’honnêteté des rapporteurs, dont je salue l’engagement, le travail nous paraît insuffisant pour que nous puissions nous prononcer en totale connaissance de cause.
Cependant, dans un esprit de responsabilité, s’agissant d’une transposition d’une directive de nature essentiellement technique et visant à corriger certains points issus de la première lecture à l’Assemblée nationale, je pense notamment à la définition du terme biofuel, je voterai à titre personnel ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable constitue un exercice parlementaire que nous n’apprécions guère. Il nous laisse l’impression de ne pas vraiment maîtriser notre sujet, en raison du nombre, de la diversité et de la complexité des dossiers à examiner en un temps réduit, et nous donne le sentiment frustrant que la décision nous échappe.
Je voudrais, ici, féliciter notre collègue Odette Herviaux et les administrateurs d’avoir eu le courage d’oser aborder un texte aussi abscons et aussi peu gratifiant. Si je m’en tiens au titre Ier, il comprend dix articles et rassemble une série de dispositions relatives à l’environnement, à la santé et au travail. Il vise à transposer la directive Seveso III, puis à procéder aux adaptations du droit français concernant la mise sur le marché des produits biocides. J’ajoute les produits et équipements à risque, la profession vétérinaire, les émissions industrielles, la prévention des pollutions et des risques, la protection des animaux, etc. Chaque sujet de cet « inventaire à la Prévert » mériterait un débat, ce qui malheureusement est loin d’être le cas, chacun l’a souligné.
D’une part, le Parlement est dépossédé de son pouvoir législatif en raison de la procédure. D’autre part, les quatorze procédures pendantes dues à une mauvaise prise en compte des nécessaires transpositions, alors même que nous devrions y attacher de l’importance chaque année, et la menace de 9 milliards d’euros d’amende sont, sans aucun doute, des arguments sérieux pour justifier l’urgence déclarée sur ce texte. Nous regrettons fortement le manque d’anticipation, car un peu de prévoyance aurait permis un débat sérieux sur le fond. Je suppose que notre retard ne date pas de 2012.
M. Ronan Dantec. Tout à fait !
Mme Évelyne Didier. Les responsabilités sont partagées, car les retards s’accumulent depuis maintenant un certain temps. J’ai en mémoire, au moment de l’examen du budget, les propos de Fabienne Keller, laquelle n’a jamais manqué de nous rappeler combien le nombre des directives non transposées était élevé.
Transposer six directives dans des domaines aussi techniques que variés, adapter notre droit au droit européen nécessite un temps d’expertise et d’analyse sur chaque dossier. Ce temps, nous ne l’avons pas : aujourd’hui, notre rôle se cantonne à dire « oui » ou « non » à des politiques qui échappent de plus en plus aux parlementaires nationaux.
C’est pourquoi, tout en présentant un certain nombre de remarques, j’ai souhaité placer mon intervention dans la perspective de l’adoption du septième Programme d’action pour l’environnement, PAE, en cours d’élaboration à Bruxelles. Il me semble pertinent de tenir compte des grandes orientations qui s’en dégagent au regard des sujets abordés par le projet de loi.
Le titre Ier, que j’ai évoqué précédemment, fait déjà l’objet d’un bilan puisque la protection de la santé humaine a constitué l’un des objectifs principaux de la politique environnementale établie dans le cadre du sixième PAE.
En ce qui concerne la réglementation relative à la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides, et au regard des objectifs qui se dessinent dans le cadre du septième PAE, des politiques plus ambitieuses doivent être mises en œuvre. Le bureau européen de l’environnement a d’ailleurs proposé une application accélérée de REACH afin d’assurer la restriction des produits chimiques les plus dangereux.
Le rapport d’information du Sénat sur les pesticides dénonce également un certain nombre de défaillances. Il préconise, notamment, d’améliorer la procédure d’autorisation de mise sur le marché, dite AMM, des pesticides et le suivi post-AMM. Dans ce contexte, la création d’une autorisation de mise sur le marché qui serait délivrée au niveau européen avec dispense d’autorisation nationale nous semble peu satisfaisante.
De plus, les moyens accordés aux contrôles sanitaires doivent être renforcés et ceux-ci doivent être mieux coordonnés. Le rapport d’information sur le septième PAE Bien vivre dans les limites de notre planète du député Arnaud Leroy fait le constat qu’au-delà des contraintes techniques, l’une des difficultés qui explique la mauvaise application des réglementations européennes environnementales « réside dans le manque de ressources dont disposent les États membres pour assurer un suivi satisfaisant de la mise en œuvre des directives et des règlements communautaires ».
À ce titre, je voudrais attirer votre attention, madame la ministre, sur les dangers avérés des procédures d’autocertification et d’autocontrôle. Ces procédés, conçus pour alléger les contrôles officiels, ont tendance à les supplanter. L’enjeu est d’exclure les conflits d’intérêts sans risquer d’amoindrir le niveau d’excellence des experts recrutés. Nous pensons que cela passe par le maintien ou le renforcement des compétences des services de l’État dans les domaines concernés.
J’en viens à l’article 9, qui vise à permettre aux personnes morales exerçant légalement leurs activités de vétérinaire dans un État autre que la France d’exercer en « libre prestation de services ». Je ne reviendrai pas ici sur les dangers de la financiarisation de l’exercice d’une profession au centre de la protection de la santé publique. Malgré les garde-fous évoqués par notre collègue Courteau, le risque est réel de fragiliser l’indépendance des contrôles.
En ce qui concerne la directive dite « Eurovignette », nous prenons acte de l’effort de rééquilibrage. Cet effort sera-t-il suffisant ? Nous verrons… Dans le septième PAE, il est prévu que d’ici à 2020, en matière de santé et de bien-être, l’Union européenne s’assigne pour objectif d’améliorer sensiblement la qualité de l’air sur son territoire et de diminuer significativement la pollution sonore. On peut regretter, ici, l’absence d’ambition en ce qui concerne le report modal, qui constitue un outil efficace dans ces domaines.
L’article 30 bis de ratification de l’ordonnance du 28 juin 2012 relative au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, outre la méthode, appelle les remarques que nous avions faites il y a à peine deux mois. L’instauration d’un marché carbone n’a pas su répondre aux objectifs qui lui étaient assignés. Après la décision du Parlement européen, qui a rejeté la proposition de la Commission de réduire temporairement la quantité de quotas mis sur le marché carbone, nos doutes sur ce mécanisme sont malheureusement confortés. Nous devons impérativement réfléchir à d’autres outils.
En ce qui concerne la transposition du troisième paquet énergie, vous connaissez notre position. Je n’y reviens pas.
Enfin, je souhaiterais, vous ne m’en tiendrez pas rigueur, je l’espère, clore cette intervention par quelques remarques sur le chapitre Ier et les dispositions relatives à la prévention des risques.
Le principe qui doit guider notre conduite est celui qui consiste à réduire le danger de l’activité dès le départ, comme l’a souligné notre collègue Dantec. Or, aujourd’hui, l’entreprise choisit l’expert chargé de la prévention des risques. Les élus et les habitants ne sont pas associés à la démarche et ne disposent généralement pas des éléments de connaissance qui sont nécessaires à l’appréciation de la qualité des propositions faites. Voilà pourquoi il serait souhaitable de donner aux élus la possibilité de financer une expertise indépendante. Avec les populations, ils doivent être associés au processus d’estimation et à l’élaboration des préconisations.
Il n’est pas normal que les communes financent les travaux ou les coûts d’expropriation si elles n’ont pas accordé elles-mêmes de permis de construire. Je rappelle que jusqu’en 1983 la procédure d’examen des demandes de permis de construire dépendait essentiellement des services de l’État.
Quant aux habitants, puisqu’on les a autorisés à construire, pourquoi devraient-ils payer les travaux ? La proposition d’un plafond de 20 000 euros de travaux représenterait plus de 10 % de la valeur vénale de certains biens : on sait bien que certaines familles ne pourraient pas le payer. Si les industriels ont des difficultés de financement, ne pourraient-ils pas mutualiser leurs difficultés, créer un fonds de solidarité ou bien encore s’assurer ? Il y a bien d’autres solutions que de faire payer les habitants et les communes.
Mes chers collègues, au regard des quelques remarques que je viens de formuler et de mon intervention sur l’article 1er, sur lequel j’ai demandé la parole, les sénateurs du groupe CRC devraient a priori s’abstenir sur ce projet de loi, malgré les avancées qu’il comporte, sauf si le débat nous conduisait à modifier notre position.
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Monsieur le président, madame la ministre, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, nous sommes conviés ce soir par le Gouvernement à un exercice de rattrapage et de mise à jour avec l’examen de ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation, dans lequel on trouve des mesures aussi bien sociales que techniques. Du droit des gens de mer, pour lequel nous avons fait entièrement confiance à Mme le rapporteur, en passant par la transposition de la directive « Seveso III », le statut des vétérinaires ou l’efficacité énergétique, il est bien difficile de trouver des axes de travail cohérents. De plus, la technicité des dispositions de ce texte est telle que nous n’avons pas les moyens juridiques et temporels d’en mesurer toutes les conséquences. D’autres intervenants l’ont dit avant moi, c'est très frustrant !
Par ailleurs, les conditions d’examen de ce type de textes dévalorisent l’image que nous avons des institutions européennes. Transposer à la va-vite des directives aussi importantes n’incite pas les parlementaires français, même les plus europhiles comme les centristes, à améliorer le travail communautaire.
Enfin, et les amendements déposés le prouvent, ce type de texte entraîne un lobbying des entreprises et autres cabinets, qui compensent par l’intervention de leurs directions juridiques l’absence d’une véritable analyse de l’impact des dispositions.
Au final, je crois que nous pouvons regretter, et ce malgré le fait que nous sommes tous plus ou moins responsables, d’avoir à examiner en quelques heures six transpositions de directives, douze ordonnances et autant de cas de conformité de notre droit au droit européen.
J’en viens maintenant, après ces réserves, aux quelques amendements que nous avons déposés et aux remarques que m’inspire ce projet de loi.
Il convient tout d’abord de rappeler que la France n’est pas le meilleur élève en matière de délai et de qualité de transposition des textes communautaires. Nous avons tendance à tarder à mettre en œuvre les textes européens dans notre droit national, ce qui nous est reproché par la Commission européenne. Nous devons nous améliorer sur ce point pour accroître la sécurité juridique et témoigner de notre confiance en l’Europe.
Autre défaut, qui est peut-être une conséquence du premier, dans une sorte de repentir, nous allons souvent trop loin dans la transposition, comme si nous cherchions à rattraper notre carence et à améliorer notre image. C’est le cas avec l’article 28. C’est pourquoi j’ai déposé quelques amendements allant dans le sens d’une transposition plus fidèle et de moindre incidence sur nos entreprises.
Cette volonté de mieux faire, quand elle concerne des entreprises, crée parfois une distorsion de concurrence avec les entreprises des autres États membres. Je présenterai lors du débat les quatre amendements que j’ai déposés sur cet article afin d’éviter à nos cadres spécialisés des contraintes qui pourraient les diriger vers nos concurrents.
Ensuite, je me réjouis que notre commission du développement durable – j’en profite pour saluer le travail de Mme le rapporteur – ait supprimé l’article 27 A introduit par l’Assemblée nationale, qui tendait à remplacer le terme de biocarburant par celui d’agrocarburant dans toute notre législation, contre l’avis du Gouvernement. Notre groupe votera contre l’amendement du groupe écologiste visant à le rétablir, conformément à la position qu’il a toujours défendue concernant les biocarburants en tant que source d’énergie importante pour notre pays.
Le terme de biocarburant est issu d’une directive européenne. Il correspond à la traduction du mot biofuel, que les directives 2009/28/CE et 2009/30/CE relatives aux énergies renouvelables définissent comme un « combustible liquide ou gazeux produit à partir de biomasse ». Il est aussi clairement défini par le Journal officiel du 22 juillet 2007.
Sur le fond, un changement de vocable ne répond pas aux attentes des auteurs de l’article. De plus, cette modification déstabilisera une filière économique en créant une suspicion qui n’a pas lieu d’être. Enfin, il existe des biocarburants qui ne sont pas des agrocarburants. Cette substitution implique donc une instabilité juridique pour ces carburants – je pense notamment à ceux qui sont produits à partir de lignite de bois.
Pour finir, j’aimerais insister sur la question de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement et tout particulièrement sur les préoccupations des acteurs concernés par l’éventuelle suppression de la rubrique 2255 relative au stockage des alcools de bouche de plus de 40 %. Les propos que vous avez tenus, madame la ministre, tant devant l'Assemblée nationale qu’en introduction de nos débats nous ont rassurés puisque vous avez confirmé le maintien des dispositions spécifiques. J’ai toutefois déposé une question écrite sur ce sujet afin de suivre au mieux l’avancée de ce dossier sensible pour ma région, qui est productrice d’armagnac.
En conclusion, malgré les réserves que j’ai exprimées au début de mon propos, qui traduisent notre souhait de mieux travailler à l’avenir, le groupe UDI-UC votera ce projet de loi. J’espère néanmoins que nous serons entendus sur les quelques amendements que j’aurai le plaisir de défendre tout à l’heure. Pour notre part, nous accueillerons positivement les dix derniers amendements du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars.