PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Questions d'actualité au Gouvernement
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question ainsi que la ou le ministre, pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente
politique de rigueur économique
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué, chargé du budget.
Le monde du travail est soumis à la violence des fermetures de sites, comme ceux de Florange ou de Petroplus, mais aussi à celle d’actionnaires comme ceux de Peugeot, qui vont être gratifiés de 370 millions d’euros de bonus alors que 11 000 emplois seront supprimés.
Aussi, le passage en force du Gouvernement pour faire voter le texte relatif à la « sécurisation de l’emploi », puis son opposition soudaine à l’amnistie des salariés en lutte,…
M. André Reichardt. Opposition justifiée !
Mme Marie-France Beaufils. … pourtant votée par notre assemblée, sont des signes particulièrement négatifs en direction de tous ceux qui n’ont que leur capacité de travail pour vivre.
Les chiffres du chômage et l’étude de l’INSEE sur le pouvoir d’achat confirment que, dans notre pays, le mal-être des salariés, retraités et demandeurs d’emploi n’est pas seulement un ressenti momentané.
Le pouvoir d’achat des ménages est en baisse pour la première fois depuis trente ans, et cela frappe particulièrement les plus pauvres. C’est la première fois, insiste l’INSEE, que nous assistons à une telle accentuation des inégalités.
Ce sont ces populations qui ont le plus besoin des politiques publiques et des services publics. Or vous avez décidé de poursuivre une politique inscrite dans le pacte de stabilité européen, celui-là même que de plus en plus de pays considèrent comme un carcan contre-productif pour sortir de la crise. N’est-il pas temps, au contraire, monsieur le ministre, de changer de cap ?
Les forces politiques et populaires qui ont chassé Nicolas Sarkozy du pouvoir le 6 mai 2012 ne se retrouvent pas dans la politique menée aujourd’hui. Il est donc urgent d’envoyer des signes forts, sur les libertés syndicales, sur l’emploi, sur le pouvoir d’achat et, ainsi, de redonner le goût de la victoire à celles et ceux qui l’ont voulue !
Monsieur le ministre, quand allez-vous agir, au nom de la France, en Europe, pour définir une autre politique économique, budgétaire et publique, qui retrouvera les voies de la croissance et donc de la réduction des déficits par une dépense publique nouvelle et efficace, par une plus grande justice fiscale, mettant un terme aux cadeaux indécents accordés aux plus riches et aux entreprises les plus profitables, par une mobilisation constante des forces du changement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, chargé du budget.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Madame la sénatrice, merci infiniment de votre question, qui soulève un certain nombre de problèmes dans lesquels je vois moi-même autant de motifs de se mobiliser : nécessité d’avoir une politique économique qui rende possible la synthèse entre le rétablissement des comptes publics et le retour de la croissance ; une politique économique et budgétaire qui ne perde pas de vue l’objectif de la justice sociale ; une politique économique qui, par les orientations qu’elle définit, porte une ambition industrielle permettant de lutter efficacement contre le chômage.
Je ferai d’abord observer que, si nous avons aujourd'hui le devoir de rétablir nos comptes publics, ce n’est pas à cause de l’Europe. L’Europe n’est pas responsable de la multiplication par deux de la dette de notre pays au cours des dernières années. L’Europe n’est pas responsable du fait que nos dépenses publiques n’ont pas été maîtrisées, au point que les déficits de notre pays se sont creusés sensiblement, et notamment le déficit structurel, qui a augmenté de deux points entre 2007 et 2012. L’Europe n’est pas responsable de la perte de compétitivité de nos industries et, partant, du déficit de notre commerce extérieur.
Si nous voulons rétablir nos comptes, c’est parce que nous ne voulons pas que les marchés portent atteinte à notre souveraineté. En effet, si nous perdions de vue la nécessité du rétablissement de nos comptes publics, nous subirions alors, sur les marchés financiers, à l'instar d’autres pays d’Europe du sud, des attaques spéculatives qui pourraient avoir des effets récessifs considérables et altérer l’efficacité de notre économie.
Je rappelle à cet égard qu’un point de taux d’intérêt supplémentaire sur les marchés représente 2 milliards d’euros à absorber la première année, plus de 4 milliards la deuxième année, et, en dix ans, près de 10 milliards !
Cette situation représente donc pour nous une vraie difficulté, et il nous faut y faire face en nous efforçant de la maîtriser.
Par ailleurs, ce que nous faisons en matière de rétablissement des comptes n’est pas antinomique de ce que nous souhaitons concernant la croissance et l’investissement. Des 20 milliards d’euros investis dans les projets numériques pour notre territoire en dix ans, à nos projets d’investissements pour le Grand Paris, en par ce que, sous l’impulsion de Cécile Duflot, nous mettons en œuvre pour relancer le logement, notamment à travers l’abaissement de la TVA pour la construction de logements neufs, ce sont autant d’investissements massifs pour demain, qui seront sources de croissance et d’emploi.
Je conclurai en vous disant qu’une ambition de justice sociale anime aussi ce gouvernement, laquelle ambition s’est traduite au cours des derniers mois par de nouvelles dispositions concernant les droits de succession, la remise en œuvre de la progressivité de l’impôt sur la fortune, la création d’une nouvelle tranche à 45 %, l’alignement de la fiscalité du travail sur celle du capital. Ce sont là autant d’éléments qui, vous en conviendrez, témoignent de cette ambition de justice sociale qui est la nôtre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.)
pacte de compétitivité
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. La semaine dernière, monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé que les trente-cinq mesures du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, issues de l’excellent rapport de Louis Gallois, étaient toutes engagées et que deux tiers d’entre elles étaient d’ores et déjà mises en œuvre.
Certaines réformes très importantes, nécessitant l’aval du Parlement, ont déjà été adoptées. Notre groupe les a d’ailleurs toutes soutenues. Je pense à la création de la Banque publique d’investissement, au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ou, plus récemment, à l’accord sur l’emploi, qui, de l’aveu même de Louis Gallois, est étroitement lié au pacte de compétitivité.
Aujourd’hui, l’essentiel est de maintenir le cap, car une mise en œuvre partielle de ces mesures serait inutile, voire contre-productive. Le pacte est un tout cohérent. Aussi est-il indispensable, pour redresser notre économie, de poursuivre la mise en œuvre de l’ensemble des trente-cinq mesures. Cela doit constituer la seule véritable priorité de la majorité présidentielle, car il s’agit avant tout de retrouver croissance et marges de manœuvre. L’essentiel est là !
Votre mobilisation, notre mobilisation, en faveur de la croissance doit être totale et toutes les composantes de la majorité, mais aussi de l’opposition, doivent en avoir conscience. Il s’agit d’une question d’intérêt national !
Monsieur le Premier ministre vous avez déclaré : « Redresser la France ne se fera pas en un jour. […] L’Allemagne a mis dix ans pour se redresser. » Il faudra sûrement du temps ! C’est la raison pour laquelle il ne faut pas dévier de cette trajectoire exigeante mais indispensable.
J’ajoute que la politique volontariste de la France en matière de compétitivité et d’emploi n’a de sens aujourd’hui que si elle est mise en cohérence au niveau européen. Une véritable coordination des politiques économiques et une politique active de la BCE, permettant une baisse de l’euro, sont désormais indispensables pour restaurer la confiance et la croissance.
Persévérance, ténacité et cohérence sont les clefs de l’efficacité et de la réussite des réformes engagées.
Dans ces conditions, monsieur le ministre chargé du budget, pouvez vous informer le Sénat en dressant un état des lieux de la mise en œuvre, à ce jour, des trente-cinq mesures du pacte, mais également en évoquant la suite du calendrier parlementaire ? Pouvez-vous, enfin, réaffirmer devant la représentation nationale la détermination du Gouvernement à poursuivre sur ce chemin exigeant ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, chargé du budget.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Merci beaucoup, madame la sénatrice, de votre question, qui rend bien compte de l’ensemble des problèmes que nous avons à traiter si nous voulons rétablir durablement la compétitivité de l’économie française et organiser le retour de la croissance.
Vous avez raison de souligner qu’une grande partie des questions qui touchent à la compétitivité renvoient à des initiatives qui doivent être poursuivies et approfondies au sein de l’Union européenne. Il faut d’abord que les institutions financières, et notamment bancaires, soient assainies, afin d’être de nouveau en situation de financer les entreprises. Cela signifie que nous devons accélérer le calendrier de mise en œuvre de l’union bancaire.
Nous sommes tombés d’accord sur un mécanisme de supervision des banques, corollaire d’un mécanisme de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts. La Banque centrale européenne, dans l’élan donné par la mise en œuvre de l’union bancaire, a mis en place, par l’intermédiaire de son programme Outright Monetary Transaction, un dispositif d’intervention sur le marché secondaire des dettes souveraines, qui a permis de diminuer les taux d’intérêt. Il nous faut, par conséquent, amplifier la remise en ordre de la finance. La lutte contre la fraude fiscale au sein de l’Union européenne doit ainsi rendre possible l’achèvement de cette remise en ordre à l’échelle européenne comme à l’échelle internationale.
C’est là une première condition de la compétitivité : faire en sorte que la finance soit capable à nouveau de financer l’économie réelle.
Par ailleurs, il faut aller au bout des dispositifs que nous avons mis en place. Vous avez rappelé la déclaration de M. le Premier ministre sur le pacte de compétitivité, avec ses trente-cinq mesures. Nous accélérons la mise en œuvre de ces mesures, et notamment, dans les territoires, du crédit d'impôt compétitivité emploi. Une enveloppe de 400 millions d’euros est aujourd’hui mobilisée et la Banque publique d’investissement a été activée de manière à pouvoir assurer l’avance du crédit d’impôt dès 2013. Les entreprises qui le souhaitent pourront, sous quinze jours, bénéficier d’à peu près 85 % du crédit d’impôt auquel elles auront droit en 2014, ce qui est très important pour des entreprises qui sont confrontées à des difficultés de trésorerie.
Les banques privées pourront intervenir utilement, elles aussi, grâce à la garantie de la BPI à hauteur de 50 % des sommes qu’elles avanceront, pour favoriser la mise en œuvre de ce crédit d’impôt.
Enfin, j’insiste sur le fait que, sous l’impulsion de Fleur Pellerin et d’Arnaud Montebourg, les filières et les entreprises innovantes sont grandement aidées par les dispositifs gouvernementaux. Les assises de l’entreprenariat qui se tiendront lundi seront ainsi l’occasion de témoigner de l’ensemble des mesures que nous prenons en faveur de la dynamisation des entreprises ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.)
syndicat de la magistrature
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Je veux revenir sur les images publiées hier par le site Atlantico, révélant le désormais célèbre « mur des cons ». (M. Jean-Louis Carrère s’esclaffe.)
M. Alain Gournac. Ça vous fait rire ?
M. Antoine Lefèvre. Il s’agit d’un trombinoscope de responsables politiques, de droite, principalement, de syndicalistes policiers, de hauts magistrats, de journalistes.
Retrouver sur ce collage des hommes politiques, de droite comme de gauche, y compris votre collègue de l’intérieur M. Manuel Valls, en dit long, d’ailleurs, sur les rapports entre police et magistrats !
M. Alain Gournac. C’est insupportable !
M. Antoine Lefèvre. Mais, et c’est encore plus consternant, figurent sur ce mur des parents de victimes de récidivistes (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.), l’une violée et tuée par Guy Georges, l’autre tuée de trente-quatre coups de couteau dans un RER. Ces parents, meurtris dans leur chair, ont commis la faute suprême : militer contre la récidive ! Voilà ce qui leur vaut de figurer sur ce « mur de la honte » !
Vous avez répondu hier à mon collègue député Luc Chatel qu’aucune entrave ne serait faite aux procédures que les personnes visées engageraient. C’est encore heureux !
La présidente du syndicat auteur de ce mur scandaleux, parle de défouloir, de blague de potaches. Mais, dans cette affaire, nous ne sommes pas en présence de lycéens ou d’étudiants à l’humeur espiègle, fussent-ils de futurs magistrats ! Nous sommes dans les locaux d’un syndicat professionnel de juges, des juges dont on attend une impartialité exemplaire. (M. André Reichardt acquiesce.)
Une catégorie professionnelle comme celle de la magistrature, censée être la plus neutre de la République, ne peut se permettre de s’enfermer dans une idéologie politique. Car c’est bien de cela que nous parlons ici : elle doit juger de façon équitable.
La dérive de ce syndicat pose problème !
Notre propos n’est pas de stigmatiser la justice en général, mais le comportement de certains, qui semblent oublier l’essence même de leur indépendance, dont ils sont si jaloux, et que vous ne cessez de nous rappeler, madame la garde des sceaux.
Cela ne peut que susciter des interrogations quant à leur impartialité ! N’ouvrent-ils pas ainsi la porte à une légitime suspicion ? La confiance que place en eux la société en est ébranlée !
Cela augure bien mal des propositions du Président de la République de donner plus d’indépendance encore au Conseil de la magistrature.
M. David Assouline. Vous êtes contre, de toute façon !
M. Antoine Lefèvre. Ce que vous avez qualifié d’action malheureuse, madame la garde des sceaux, est en fait une faute grave !
Vous avez déclaré : « Le ministère public peut prendre l’initiative d’une action publique ». Alors, madame la garde des sceaux, je vous dis : faites-le ! Et faites-le de façon très claire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. André Gattolin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Lefèvre, vous devriez me citer complètement, car, vous le savez, j’ai dit à votre collègue de l’opposition à l’Assemblée nationale que je trouvais cet acte inadmissible. (M. François Trucy opine.) Je peux ajouter qu’il est insupportable, qu’il est même à la fois stupide et malsain (Très bien ! sur les travées de l'UMP.), et qu’il est temps que le Syndicat de la magistrature se rende compte que la période stupide et malsaine est passée (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.), qu’il n’a donc pas besoin de risquer l’image de neutralité de la magistrature !
J’ai, comme vous, sans doute, le souci de distinguer le corps de la magistrature, ces magistrats qui exercent au quotidien la noble mission de juger avec dignité, de ceux qui se sont abaissés à se livrer à cet acte.
Cela dit, vous savez bien que, en tant que garde des sceaux, je ne saurais méconnaître la loi. Or celle-ci dispose que l’on ne peut considérer comme faute disciplinaire un acte commis dans un local syndical et révélé par des images volées. (Et alors ? sur les travées de l’UMP.)
J’ai saisi le Conseil supérieur de la magistrature pour lui demander d’apprécier s’il y a eu manquement à la déontologie.
MM. Jean-Jacques Hyest et Antoine Lefèvre. Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce syndicat a fait prendre des risques à l’ensemble du corps de la magistrature, et tout particulièrement aux membres de ce syndicat, si l’on en juge par les menaces de récusation concernant des procédures en cours. Cela est effectivement dommageable pour l’ensemble du corps. J’espère cependant que nous sortirons de cette situation parce que ce qui compte, c’est que notre magistrature retrouve sa noblesse, que nous puissions la débarrasser du soupçon qui pèse sur son impartialité (Très bien ! sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) et que les relations soient éclaircies entre le corps de la magistrature et l’exécutif ! (Applaudissements prolongés sur toutes les travées.)
relance économique et petroplus
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. « Où est l’État ? Où est le Gouvernement ? »
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Il est là !
M. Hervé Marseille. « Où est le Président de la République ? »
Ces questions, c’est le candidat François Hollande qui les posait lors de sa visite à Petroplus, voilà à peine un an. Déjà une éternité !
Ces questions, nous les posons à notre tour aujourd’hui.
Le candidat Hollande se voulait volontariste. Il montait sur les camions de la CGT et déclarait au Bourget, le 22 janvier 2012, que « la réindustrialisation de la France [serait sa] priorité ». Vous aussi, monsieur le ministre du redressement productif, vous avez exprimé une volonté, vous qui avez affirmé à différentes reprises que « l’État peut beaucoup ». Or, aujourd’hui, cette volonté se heurte à l’écueil de la réalité.
Échec sur le dossier Petroplus : le tribunal de commerce a rejeté les deux offres en lice. Il n’y aura donc ni participation de l’État ni repreneur.
Même constat du côté de Florange, où les hauts-fourneaux viennent d’être arrêtés.
Et que dire de PSA, qui accélère ses fermetures à Aulnay-sous-Bois, de Goodyear à Amiens-Nord, d’Alcatel-Lucent, des difficultés de Renault ? Et je pourrais, hélas, citer des dizaines d’autres entreprises : Sanofi, Fralib, Virgin, Samsonite, Faurecia…
M. Roland du Luart. Et Heuliez !
M. Hervé Marseille. Un cimetière des espoirs déçus vient d’être inauguré à Florange, où les salariés ont installé hier une stèle à la mémoire des promesses non tenues du Président de la République, stèle que le maire de la commune a promptement fait démonter.
Face à cela, que fait le Gouvernement ?
M. Gérard Longuet. Rien !
M. Hervé Marseille. Il prend acte des fermetures, des licenciements, de son impuissance et du désarroi des ouvriers.
Mme Éliane Assassi. Vous y êtes tout de même pour quelque chose !
M. Jean-Louis Carrère. Ce sont vos cadeaux !
M. Hervé Marseille. Ma question est donc très simple, monsieur le ministre : puisqu’il y a un ministère du redressement productif, quel est son rôle ? À quoi sert-il ? Quelle est la stratégie industrielle du Gouvernement ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur Marseille, vous évoquez, parmi d’autres, un dossier qui avait suscité une déclaration dont, de mémoire, le contenu était à peu près le suivant : « Petroplus, c’est réglé ! ». Qui avait dit cela ? Nicolas Sarkozy ! (Eh oui ! rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Beaucoup de choses ont été ainsi réglées dont on s’est finalement aperçu qu’elles ne l’étaient pas !
Pour notre part, nous nous sommes bien gardés de dire que ce dossier était réglé, (On le conteste vivement sur les travées de l'UMP.) car nous en connaissions la difficulté. Il fallait trouver un repreneur capable de mettre un demi-milliard d’euros sur la table pour reconstruire cette raffinerie, de se procurer du pétrole en quelque sorte « honorable », c'est-à-dire qui ne soit pas acheté en violant des embargos, donc pas iranien, notamment. Il fallait de surcroît que le repreneur accepte de perdre 50 millions d’euros chaque année en attendant la reconstruction de l’appareil industriel…
Il est vrai que nous n’avons pas réussi à trouver ce repreneur. Nous nous sommes pourtant démenés, en liaison avec les partenaires fiables que sont les organisations syndicales, l’administrateur judiciaire, les magistrats du tribunal de commerce.
Les deux derniers repreneurs restés en lice ne disposant pas de l’argent que nous ne cessions de leur demander de mettre sur la table, ils n’étaient pas crédibles. Or il n’était pas question pour nous de les laisser reprendre une raffinerie obsolète, pour apprendre six mois plus tard que, après avoir englouti la trésorerie restante, ils étaient incapables de financer le plan social. Ce plan social, nous avons d’ailleurs su l’améliorer, en liaison et en négociation avec Shell.
Lorsque Shell, précisément, s’est débarrassé de cet outil industriel, en 2008, il eût été intéressant que vous posiez votre question, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Or, à l’époque, vous n’en avez eu l’idée !
M. Alain Gournac. C’est sûrement la faute de Sarkozy ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Arnaud Montebourg, ministre. Vous me demandez : « À quoi sert le ministère du redressement productif ? » Eh bien, je vais vous répondre !
Il a servi à sauver 1 000 emplois chez General Motors, à Strasbourg, et les Alsaciens le savent ! Il a servi à sauver 520 salariés chez Sealynx, dans l’Eure, et les Normands le savent ! (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Qu’il est mauvais !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Il a servi à sauver 200 salariés chez M-Real, dans l’Eure, et, là encore, les Normands le savent ! Il a servi, grâce à l’intervention de M. le Premier ministre (Mêmes mouvements.), à éviter la chute des chantiers navals STX, dans laquelle auraient été entraînés ses 4 000 salariés, et les Nantais, les Saint-Nazairiens le savent ! Il a servi à sauver l’entreprise Clestra, soit 293 emplois, ainsi que l’entreprise Mc Bride, soit 93 salariés.
M. Alain Gournac. Mauvais !
M. Arnaud Montebourg, ministre. En Auvergne, mesdames, messieurs les sénateurs auvergnats, vous étiez présents le jour où je suis venu annoncer que l’avenir des 350 salariés d’ACC, spécialiste de la maintenance ferroviaire, était assuré grâce à la commande publique ! Alors, ne feignez pas de ne pas le savoir !
M. Roland du Luart. On n’est pas au théâtre !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Permettez-moi également de vous parler, parmi beaucoup d’autres entreprises, de SAMRO et de ses 210 emplois, …
M. Éric Doligé. Arrêtez, ce n’est pas sérieux !
M. Arnaud Montebourg, ministre. … de Lohr et de ses 720 emplois, d’Altia et de ses 101 salariés, de MMO en Bretagne et de ses 123 salariés… C’est cela le redressement productif ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. C’est mauvais !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Ce ne sont évidemment pas les dossiers dont choisit de parler Le Figaro, qui préfère stigmatiser l’action du ministère du redressement productif, action difficile qui demande courage, constance et persévérance. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur la plupart des travées du RDSE. – Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
morale laïque
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
À la suite de la remise du rapport de la mission sur l’enseignement de la morale laïque, vous souhaitez, monsieur le ministre, introduire une nouvelle discipline dans les établissements scolaires à la rentrée 2015, du cours préparatoire à la terminale, afin de « faire partager les valeurs de la République ». Il s’agit de la morale laïque.
Depuis la mise en place de l’instruction morale et civique par Jules Ferry en même temps que l’école primaire laïque et obligatoire, diverses dénominations ont été données à cet enseignement, mais le but est toujours le même : l’apprentissage des règles collectives pour agir et bien vivre ensemble, selon un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité, la construction du libre arbitre de chacun, le respect de toutes les convictions et de toutes les croyances, bref, la formation du futur citoyen.
L’instauration de cours de morale laïque répond à une demande forte de la communauté éducative, des parents d’élèves en particulier.
Notre société est fortement attachée à la liberté individuelle de pensée et ressent un fort malaise face aux replis identitaires et communautaires qui se développent sur fond de crise économique et sociale.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, nous saluons votre initiative, qui relie ainsi l’individu au collectif.
Cette nouvelle discipline viendra compléter la palette des moyens mis en œuvre par le Gouvernement – le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, la lutte contre le décrochage scolaire, l’embauche de 60 000 enseignants supplémentaires en cinq ans – afin d’enrayer le déclin éducatif de notre pays,…
M. Alain Gournac. Ben voyons !
M. Jacques-Bernard Magner. … relevé par les enquêtes internationales ces dix dernières années.
Le contenu de cet enseignement sera défini par un organisme indépendant, le futur Conseil national des programmes.
Pour donner à cette nouvelle matière toute l’importance qu’elle mérite, vous souhaitez que son enseignement fasse l’objet d’une évaluation.
Monsieur le ministre, en quoi la morale laïque se différenciera-t-elle de l’instruction civique déjà dispensée par nos enseignants ?
M. Alain Gournac. Vive la morale !
M. Jacques-Bernard Magner. Comment les professeurs qui enseigneront cette matière seront-ils eux-mêmes formés ?
Enfin, quelle forme prendra l’évaluation de ce nouvel enseignement, que vous jugez, à juste titre, indispensable ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, l’école d’aujourd'hui, c’est la France de demain.
M. Philippe Dallier. Ça, c’est une trouvaille ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)