M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas si mal, en réalité ! J’applaudis d’une main !
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
M. Bruno Sido. Enfin un soutien pour le Gouvernement ?
Mme Frédérique Espagnac. Vous en doutez, cher collègue ?...
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, en écho aux précédentes interventions, permettez-moi de faire le point sur les raisons qui nous conduisent à débattre des projets de programmes de stabilité et de réforme.
En octobre 2009, après une décennie de gouvernement conservateur, une nouvelle majorité arrive au pouvoir en Grèce. Quand cependant le Premier ministre nouvellement élu annonce que les comptes publics nationaux étaient maquillés, et ce avec l’aide d’établissements bancaires de renommée mondiale, c’est la stupeur.
Loin de moi l’idée d’établir un parallèle avec une autre situation, mais il me semblait bon de procéder à ce rappel. En effet, les gouvernements conservateurs européens ont une fâcheuse tendance, ces derniers temps, à laisser une note extrêmement salée à leurs successeurs, en matière de dette et de déficit publics !
La suite, nous la connaissons tous : l’Union européenne et la zone euro, déjà très fragilisées par la crise des subprimes américains et la crise économique mondiale, se trouvent plongées dans une spirale de défiance, alimentée, notamment, par les taux d’endettement considérables de nombreux États membres, dont la France.
La crise s’aggravant, les égoïsmes nationaux prennent le pas sur le nécessaire effort de solidarité collective, qui est pourtant l’esprit même de la construction européenne.
Des mois de tergiversations, pleinement alimentés par le gouvernement français de l’époque et la rigidité allemande, conduisent ce qui n’était qu’un petit incendie à devenir un embrasement général, obligeant l’Europe à injecter en urgence des centaines de milliards d’euros, le gouvernement grec à prendre des mesures d’austérités sévères, et contribuant à déstabiliser les pays dits « du Sud », qui pâtissent, aujourd’hui encore, d’une certaine défiance.
Mes chers collègues, cette catastrophe restera dans les mémoires comme l’un des exemples les plus patents de l’impuissance des politiques européens à se concerter et à mettre rapidement en œuvre une réponse commune face à un événement qui a embrasé l’ensemble du vieux continent.
En réaction à cela, l’idée d’une solidarité européenne a fait son chemin, d’abord timidement, puis, sous la pression de certains responsables politiques, économiques et financiers, de façon plus appuyée.
Cette solidarité, quand bien même elle serait imparfaite, s’accompagne aussi de contreparties. C’est ce que l’on appelle la « coordination budgétaire ». Elle consiste, notamment, à ce que chaque pays membre soumette à ses pairs européens, via la Commission européenne, un plan budgétaire national à moyen terme contenant des indications sur la manière dont les réformes et les mesures prévues sont censées contribuer à la satisfaction des objectifs et des engagements nationaux, fixés dans le cadre de la stratégie de l’Union pour la croissance et l’emploi.
Loin d’introniser un voyeurisme d’un nouveau genre, cela a notamment pour objectif de faire disparaître le double sentiment d’irresponsabilité : irresponsabilité, d’une part, des gouvernements qui, par leur laxisme budgétaire, feraient courir un risque à l’ensemble de la zone euro et de l’Union européenne ; irresponsabilité, d’autre part, des pays qui, si un autre État membre venait à se trouver menacé, considéreraient que ce n’est pas leur problème et détourneraient le regard en faisant comme si de rien n’était.
Or, avec la nouvelle procédure, c’en est fini de la logique du : « on ne savait pas » ! Aujourd’hui, chacun, citoyen, personnalité politique ou acteur économique, sera témoin de l’effort que nos pays font collectivement pour sortir de la spirale du déficit public chronique.
Ne l’oublions pas non plus, ce programme de stabilité des finances publiques, garant du sérieux de l’action de notre pays en la matière, ne peut qu’affirmer le rôle de la France dans les décisions européennes. À l’inverse de ce que pu être le cas précédemment, nous donnons ainsi du poids à notre volonté de réorienter les politiques ultralibérales, qui ont eu cours trop longtemps en Europe.
Cela commence d’ailleurs à porter ses fruits. Hier, le président de la Commission européenne a rejoint la position défendue par le Président de la République et le gouvernement français, en reconnaissant qu’il fallait « combiner l’indispensable correction budgétaire avec des mesures adaptées pour soutenir la croissance ».
Dès lors, à la lumière de cette prise de position nouvelle, nous sommes amenés à débattre des projets de programmes de stabilité et de réforme mis en œuvre par le Gouvernement et notre majorité.
Au lendemain de l’élection présidentielle, le Président de la République, le Gouvernement et la majorité ont entamé le nécessaire travail de restauration de nos comptes publics tout en permettant une relance de l’économie et, in fine, de l’emploi.
En dix mois, la majorité a mis en place des réformes ambitieuses, afin de renouer avec une croissance forte, équilibrée et solidaire. Grâce notamment au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, nous avons contribué à redonner des marges aux entreprises françaises pour leur permettre d’investir et d’embaucher.
En instaurant une réforme nécessaire du financement de l’économie, via la création de la Banque publique d’investissement, la loi bancaire, le plan de trésorerie, le soutien au financement de l’investissement des collectivités locales et, prochainement, la réforme de la fiscalité de l’épargne, nous avons remis la finance au service de l’investissement, de l’économie réelle, des PME et des entreprises de taille intermédiaire, ou ETI.
Mais tout cela serait insuffisant sans une politique forte en faveur de l’emploi : les 150 00 emplois d’avenir, les contrats de génération, le renforcement des moyens de Pôle emploi et l’accord des partenaires sociaux sur la sécurisation de l’emploi créent les conditions d’une inversion durable de la courbe du chômage.
Preuve, s’il en était besoin, de la justesse de l’effort national entrepris depuis ce début de mandature, des pays connus pour leur dogme libéral nous emboîtent le pas. Que dire ainsi du revirement de politique aux Pays-Bas, qui les amène à considérer la simple rigueur sans mesure d’accompagnement efficace de la croissance comme une vaine illusion ? Et, croyez-moi, ils seront nombreux, les champions d’une politique d’austérité froide et contre-productive, à suivre le sillon d’une politique responsable et juste initiée par la France !
Pièce maîtresse du redressement de notre économie nationale, le redressement de nos comptes publics doit être notre priorité, en se fondant sur les principes de justice sociale et d’efficacité économique.
Dès le mois de mai, le Gouvernement et la majorité ont pris les décisions nécessaires pour tenir nos engagements, gage impérieux de crédibilité et de responsabilité. Ainsi – faut-il le rappeler ? –, si nous n’avions pas agi rapidement, le déficit public aurait atteint 5,5 % du PIB en 2012 !
M. Marc Daunis. Eh oui !
Mme Frédérique Espagnac. Cette année, l’effort structurel sera notamment de 1,8 point de PIB, comme indiqué dans le programme de stabilité. Le déficit sera par la suite ramené à 2,9 % du PIB en 2014, grâce à un effort structurel évalué à 1 point de PIB, pour arriver à l’équilibre structurel en 2016.
Enfin, en 2014, l’effort structurel de 1 % du PIB portera à 70 % sur les dépenses et à 30 % sur les recettes. Après avoir fait porter l’effort majoritairement sur les hausses de recettes en 2012 et 2013, le Gouvernement et la majorité privilégient l’ajustement sur les économies de dépenses publiques.
Une telle stratégie s’appuie sur de nombreuses études. Selon leurs conclusions, à court terme, les hausses de recettes sont moins coûteuses pour l’activité et l’emploi, tandis que, à moyen terme, les ajustements les plus durables et les plus favorables à la croissance sont ceux qui reposent sur une maîtrise de la dépense publique et sur les gains d’efficacité de la gestion publique.
C’est pour cela que le Gouvernement a initié une démarche de modernisation de l’action publique. Cela repose notamment sur une évaluation de l’ensemble de la dépense publique, en concertation avec les acteurs concernés, contrairement à ce qui avait été fait, de manière inefficace, pour la révision générale des politiques publiques, la RGPP. L’objectif est d’améliorer la qualité de service tout en contribuant à la réalisation de la trajectoire de redressement des finances publiques.
Monsieur le ministre, permettez-moi tout de même d’attirer votre attention sur les niches fiscales. Beaucoup d’entre elles ont des effets sur l’économie réelle très discutables. Le plus souvent, elles permettent à des personnes qui en ont les moyens de s’exonérer de l’effort national de redressement des comptes publics. Il serait, me semble-t-il, plus qu’utile d’examiner enfin attentivement cette entorse faite au principe d’égalité de tous devant l’impôt.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est très juste !
Mme Frédérique Espagnac. C’est bien pour cela que je le propose !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Supprimons les niches fiscales et réduisons l’impôt !
Mme Frédérique Espagnac. Nous nous fixons l’objectif de diviser par quatre, d’ici à la fin du quinquennat, le rythme d’évolution de la dépense publique par rapport à ces dix dernières années. Nous voulons aussi réduire de 3 points le poids de la dépense publique dans le PIB – cela représente plus de 60 milliards d’euros –, alors qu’il a augmenté de 4,6 points au cours de la décennie passée.
Vous l’aurez compris, c’est dans un esprit de responsabilité et même avec fierté que le Gouvernement et la majorité permettront à la France de retrouver des finances publiques saines, propices au retour d’une croissance forte et durable.
Où sont les irresponsables et les mauvais gestionnaires, mesdames, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ils sont partout, vous savez…
Mme Frédérique Espagnac. En l’occurrence, je ne vois plus beaucoup de membres de l’opposition dans l’hémicycle. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Où sont ceux qui ont préféré fermer les yeux et laisser notre pays s’enliser dans la dette et le déficit ? Qui a fait le choix de laisser en héritage à nos enfants les fruits des excès de leurs aînés ?
Autant de bonnes questions !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bref, nous sommes passés du vice à la vertu…
Mme Frédérique Espagnac. Les socialistes et la gauche dans son ensemble, convaincus que la puissance publique est le principal moteur de la réduction des inégalités et de la lutte contre la pauvreté, ne pouvaient se résoudre à laisser la France à la dérive.
Mes chers collègues, rejoignez-nous dans cette œuvre collective ! Débarrassez-vous de vos considérations purement politiciennes ! En cette période difficile pour de si nombreux Français, faites œuvre de responsabilité. Faites le choix de la réussite de la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes invités à débattre du projet de programme de stabilité de la France avant sa transmission à la Commission européenne et, plus largement, de la situation des pays européens.
La dégradation de l’économie mondiale depuis la crise financière de 2008, qui a connu, tel un séisme, plusieurs répliques depuis, a conduit à la situation de marasme économique que nous constatons aujourd’hui, en particulier en Europe. Cette réalité n’échappe à aucun de nos concitoyens. Elle contribue à la perte de confiance et de vision positive quant à l’avenir.
À cela se sont ajoutées les aggravations consécutives aux effets des politiques nationales au sein de la zone euro : insincérité des finances publiques de la Grèce, qui aurait conduit ce pays au bord de la faillite n’eût été la solidarité européenne ; choix économiques hasardeux dans plusieurs pays, telle l’Espagne, qui a artificiellement fondé sa croissance sur la seule activité du bâtiment ; dérives anciennes des finances publiques de nombreux pays, y compris la France.
L’Europe sert de bouc émissaire commode, trop commode. Dans les exemples que j’ai évoqués, les pertes de souveraineté sont dues non pas à l’Europe, mais bien à des responsabilités nationales.
Cela a été dit et mérite d’être rappelé, depuis près de quarante ans, et la responsabilité en est collective, aucun budget national n’a été adopté en équilibre en France. À cet égard, le candidat François Hollande a été on ne peut plus clair pendant sa campagne électorale, en affirmant sa volonté de redresser les finances publiques. Il s’agit là d’un objectif stratégique, et même crucial pour l’avenir du pays.
Deux chiffres incitent à aller en ce sens : en dépit des efforts déployés depuis le début du quinquennat, la dette publique atteint 1 800 milliards d’euros ; en conséquence, nous payons chaque année environ 47 milliards d’euros d’intérêts, malgré les bonnes conditions de refinancement qui ont été rappelées. Sans doute est-ce ce second chiffre qui doit nous alerter le plus.
On ne saurait en responsabilité poursuivre dans une fuite en avant aux dépens des futures générations.
Et mieux vaut ne pas songer à ne pas rembourser la dette, idée qu’un certain candidat à la précédente élection présidentielle avait suggérée un peu hâtivement. Dans les grandes masses, les titres de dette sont détenus pour plus de la moitié par des États avec lesquels nous entretenons des relations commerciales – on parle alors de fonds souverains –, pour un faible quart par des banques, dont les nôtres, où nos déposants ont placé leur argent, et pour un autre quart par des acteurs du shadow banking, en particulier les compagnies d’assurances, auprès desquelles nombre de Français ont déposé leur épargne.
Nous avons bien entendu Mme Pécresse déclarer sur le sujet ces derniers jours que la dette pourrait bien ne pas diminuer pendant la durée du quinquennat. On peut lui rétorquer en comparant avec le bilan du gouvernement précédent. Entre 2007 et 2012, notre dette est passée de 1 200 milliards d’euros à plus de 1 700 milliards d’euros ! Voilà qui devrait inciter à plus de modestie dans la critique...
En corrélation avec la dégradation de nos finances publiques, le ralentissement de l’économie mondiale et européenne s’est de surcroît imposé à nous. La montée des pays émergents, la forte concurrence dans des secteurs où nous positionnions traditionnellement nos exportations sur le marché mondial ont accru nos difficultés et le déficit de notre balance commerciale.
Tout cela rend urgente une réaction forte et concertée au sein de l’Union européenne, hors laquelle nous serions voués à l’impuissance et à l’échec. La prise de conscience fait son chemin. Je constate que la France contribue à faire bouger les positions.
Le contexte du début de la mandature présidentielle est donc celui d’une situation économique complexe et difficile, qui contraint à une grande vigilance. Pour rappel – il n’est jamais inutile de rafraîchir les mémoires –, la présidence précédente avait débuté par 16 milliards d’euros de cadeaux fiscaux divers et variés, se prolongeant en queue de comète les années suivantes. Dire que cet héritage rend plus difficile encore aujourd’hui le rétablissement des finances publiques, c’est énoncer une réalité qu’il me semble difficile de contester. Oui, il y a un héritage ! Il faut le rappeler avant d’aborder le programme de stabilité présenté par le Gouvernement.
Le Président de la République a fixé le cap et a réaffirmé les priorités qui étaient les siennes : réduire le déficit public à 3 % du PIB dès 2013. Mais aucun gouvernement ne peut désormais préjuger de l’évolution des contextes économique, monétaire et financier à moyen terme, voire parfois à court terme. Ce qui importe donc est la trajectoire qui a été fixée, plus que le strict respect d’un objectif chiffré à atteindre en temps contraint.
L’atonie de l’économie et le risque de récession sont des éléments dont on ne peut pas s’abstraire ; ils ne dépendent pas que de nous. Il est bien différent de fonder des projections budgétaires sur une croissance attendue supérieure à 1,5 % et de devoir composer ensuite avec un taux effectif de 0,1 %, chaque dixième de point de PIB perdu représentant 2 milliards d’euros de richesse nationale en moins ! La remise en cause des 0,1 % de croissance – c’est le chiffre retenu par le Gouvernement dans ses projections – installe le débat dans l’épaisseur du trait.
Beaucoup le pensent, et le disent désormais, l’objectif de faire descendre le déficit public en dessous de 3 % doit résolument être conservé, quitte cependant à desserrer le carcan et à ne l’atteindre qu’en 2014.
Par conséquent, le groupe socialiste est particulièrement sensible aux arguments du Gouvernement et souligne la cohérence de son action, ainsi que son approche pragmatique.
Il faut le dire et le répéter sans cesse, durant les dix mois écoulés, des mesures cohérentes et complémentaires qui relevaient d’engagements électoraux ont été adoptées. Le Gouvernement a travaillé. Le moment venu, c’est-à-dire quand la reprise sera là, ces dispositions produiront pleinement leurs effets.
Avec la Banque publique d’investissement, la finance est mise au service de l’investissement, de l’économie réelle, des ETI et des PME, qui irriguent largement l’économie de nos territoires.
La recherche du retour à la compétitivité de nos entreprises est d’évidence déterminante. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est un moyen d’y parvenir. M. le rapporteur général de la commission des finances a rappelé que ce crédit atteindrait 20 milliards d’euros en 2016.
Les mesures en faveur de l’emploi dans le cadre des 150 000 emplois d’avenir et des contrats de génération, mais aussi les recrutements massifs dans l’éducation nationale viennent atténuer pour une part le chômage des jeunes, notamment des jeunes diplômés.
La modernisation indispensable du dialogue social, alors que l’on constate les blocages propres à la France en ce domaine, s’est traduite par un accord entre des organisations syndicales majoritaires à l’issue de la négociation et les représentants du patronat. La loi sur la sécurisation de l’emploi, bientôt adoptée, est venue concrétiser cette démarche.
À cet égard, la prévision de croissance de 1,2 % en 2014, taux retenu par le Gouvernement, est également admise par la Commission européenne. Cela sera de nature à inverser enfin la courbe du chômage, qui préoccupe tant nos compatriotes.
La stratégie qui est suivie est donc la bonne : refuser, comme le fait le Gouvernement, l’austérité, qui conduirait à la récession, ce qu’admet aujourd’hui le président de la Commission européenne lui-même ; remettre de l’ordre dans les finances publiques ; assurer les moyens qui contribueront à la reprise économique ; refuser de céder à la facilité, car c’est l’avenir qui est en cause.
Monsieur le ministre, comme le groupe socialiste, je souhaite donner acte au Gouvernement du travail déjà accompli depuis dix mois, même s’il reste beaucoup à faire.
Sans doute faudrait-il rappeler davantage les engagements devenus réalité, dans des conditions pourtant difficiles, et ce dans le souci constant d’un effort partagé et équitable.
C’est dans la difficulté que l’on voit la valeur du capitaine comme la solidité de l’équipage.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !
M. Yannick Botrel. Je souhaite donc vous réaffirmer, monsieur le ministre, notre ferme soutien, convaincu que le Gouvernement – pour répondre à notre collègue Mme Des Esgaulx – a un cap et une boussole ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Et il avance !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette fin de débat, une grande partie de nos collègues ont quitté l’hémicycle. Et cela se comprend, puisque ce débat n’est suivi d’aucun vote ; il suscite donc, monsieur le ministre, le désintérêt des parlementaires.
Je souhaiterais formuler quelques remarques.
En premier lieu, je m’attacherai au rôle de ce débat. En deuxième lieu, j’évoquerai l’utile contribution de ce nouvel intervenant qu’est le Haut Conseil des finances publiques. En troisième lieu, je m’efforcerai de vous montrer en quoi la stratégie du Gouvernement est risquée pour la crédibilité de la France. Enfin, en quatrième lieu, j’insisterai sur le fait que la programmation que vous nous proposez est, à mon sens, marquée par un grand décalage entre les ambitions que vous affirmez et les conditions concrètes de la mise en œuvre d’un tel programme.
Mes chers collègues, j’ai plaisir à rappeler devant Jean Arthuis que le principe d’un débat sur le projet de programme de stabilité avant sa transmission à Bruxelles est issu, du moins au Sénat, d’une proposition que j’avais formulée au nom de la commission des finances en mars 2010, de retour d’un déplacement au Portugal. Il m’avait en effet semblé qu’au Portugal, dans une situation particulièrement difficile, et qui l’est toujours, l’association du Parlement aux efforts et aux chemins de convergence était mieux assurée que ce n’était le cas dans notre pays.
M. Jean Arthuis. C’est vrai !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le Sénat avait en conséquence inséré un article 14 dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 pour poser le principe de ce débat, dont nous voulions faire un moment incontournable de notre cycle budgétaire.
Ensuite, la loi de programmation 2012-2017 qui a été présentée par le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre – vous n’y exerciez pas alors les mêmes fonctions – avait maintenu la procédure prévue à l’article 14, qui dispose, de manière explicite, que le Parlement, dans chacune des assemblées, débat de ce projet et se prononce par un vote.
Bien entendu, afin que l’indication du vote soit juridiquement plus contraignante, il aurait fallu qu’elle figure dans une loi organique, voire dans la Constitution. Néanmoins, le fait que deux lois de programmation successives aient prévu le principe du vote devrait, me semble-t-il, être considéré sur le plan politique comme une réalité. Je suis donc quelque peu désolé de constater que, cette réalité, le Gouvernement s’assoit allègrement dessus !
J’en viens maintenant à l’utile contribution du Haut Conseil des finances publiques.
Ses débuts sont prometteurs, mais il reste encore à tirer toutes les conséquences de nos nouvelles règles de gouvernance des finances publiques, issues en particulier de la transposition du droit communautaire par la loi organique du 17 décembre 2012, loi qui avait été – c’est l’une des rares exceptions de ce début de législature – adoptée de manière largement consensuelle.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Parce que, nous, nous jouons le jeu !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous, nous jouons le jeu, en effet, mais nous ne sommes que rarement payés de retour ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Le Haut Conseil des finances publiques a rendu son premier avis. À sa lecture, on peut rendre hommage à la compétence et à l’indépendance de ses membres et de l’ensemble du collège, compétence et indépendance qui étaient bien les deux critères pour leur désignation.
Une question peut se poser, mes chers collègues : que penser d’un programme de stabilité qui tient si peu compte des remarques formulées par le Haut Conseil ? Le Gouvernement, en droit interne, n’est pas tenu de suivre les avis,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il ne fallait pas le créer !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … même lorsqu’ils semblent relever du bon sens, par exemple en révisant ses prévisions de croissance afin d’en limiter le biais optimiste ou bien en fondant sa trajectoire sur un scénario délibérément prudent.
Lorsque, en commission, notre collègue Albéric de Montgolfier avait posé cette question à votre prédécesseur, Jérôme Cahuzac, le ministre du budget d’alors avait été très clair et très affirmatif, et cette affirmation-là, nous étions fondés à la croire. Il nous disait en substance qu’il s’agissait d’un avis non contraignant mais publié et politiquement important que le Gouvernement serait bien inspiré de suivre. On peut se reporter au bulletin des commissions pour retrouver les mots exacts qu’il avait employés.
Au niveau européen, quelles seront les réactions de la Commission européenne ? On peut s’interroger, même si, bien entendu, passer sous les fourches caudines de Bruxelles peut faire mal et je partage, à cet égard, on le sait, la sensibilité d’un Éric Bocquet.
La Commission considérera-t-elle que le conseil budgétaire indépendant a « avalisé » nos prévisions économiques ? Considérera-t-elle notre trajectoire comme crédible ? Partagera-t-elle les doutes du Haut Conseil sur notre capacité à enregistrer un taux de croissance du PIB supérieur à notre potentiel dès 2015 ?
Au niveau national, au demeurant, on sait que les avis du Haut Conseil seront, en quelque sorte, l’aune à laquelle se référera le Conseil constitutionnel pour se prononcer sur la sincérité d’une loi de finances. La sincérité budgétaire devra être étayée par des raisonnements et non plus simplement par l’argument d’autorité de l’exécutif, et ce sera précisément le rôle du Haut Conseil.
Dès lors, quel pourrait être un jour l’appréciation par le Conseil constitutionnel d’une loi de finances qui serait construite sur des hypothèses macroéconomiques ayant reçu une appréciation aussi mitigée du Haut Conseil des finances publiques ?
En cette première année de mise en œuvre, il faut se souvenir que notre dispositif sera de nouveau éprouvé très prochainement, puisque le Haut Conseil appréciera le respect en 2012 de la trajectoire de solde structurel dans son avis qui sera joint au projet de loi de règlement. C’est donc pour très bientôt et c’est le prochain travail de notre excellent rapporteur général que de rapporter la loi de règlement, ce qui, là aussi, se fait, malheureusement, devant un hémicycle insuffisamment garni…
Le Haut Conseil s’appuiera sur le PIB potentiel retenu dans la loi de programmation des finances publiques. Mais que se passerait-il si la Commission européenne, se fondant sur sa propre estimation du PIB potentiel, obtenait un résultat différent ? Le Haut Conseil a annoncé, dans son avis du 15 mars, son intention de revenir sur les conséquences des appréciations divergentes du PIB potentiel. Nous serons très attentifs à l’évolution des choses.
Nous avons évoqué, monsieur le ministre, lors de plusieurs réunions de commission, le caractère « intrusif » de la nouvelle gouvernance budgétaire européenne, et la lecture du programme national de réforme illustre cet aspect. Mais, pour que l’Europe ne soit pas intrusive, ne faut-il pas mettre de l’ordre dans nos propres affaires et ne pas donner de prétexte aux technocrates bruxellois pour le faire à notre place, réduisant sans cesse nos marges de manœuvre et notre liberté de choix ?
En tout état de cause, l’application du Gouvernement à « cocher les cases » des programmes nationaux de réforme, établis au demeurant sous l’influence d’un Conseil composé en majorité de gouvernements conservateurs, montre que la pression de nos pairs est désormais très forte. Donc, nous observerons avec intérêt les résultats du Conseil européen du 27 juin.
À présent, sur le fond des choses, il me semble que la stratégie du Gouvernement est particulièrement risquée pour la crédibilité de la France.
Le Gouvernement minimise le report du retour du déficit public sous le seuil de 3 % et il ne se concentre plus aujourd'hui que sur la trajectoire de solde structurel, notion bien entendu plus « intelligente ». Il se mobilise aussi sur les effets récessifs qui découleraient de mesures supplémentaires visant à tenir l’objectif de solde effectif.
Il est tout de même avéré que seul le solde effectif conduit à définir le volume des emprunts.