Article 12
I. – Le titre II du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Maintien et sauvegarde de l’emploi » ;
2° Il est ajouté un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Accords de maintien de l’emploi
« Art. L. 5125-1. – I. – En cas de graves difficultés économiques conjoncturelles dans l’entreprise dont le diagnostic est analysé avec les organisations syndicales de salariés représentatives, un accord d’entreprise peut, en contrepartie de l’engagement de la part de l’employeur de maintenir les emplois pendant la durée de validité de l’accord, aménager, pour les salariés occupant ces emplois, la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ainsi que la rémunération au sens de l’article L. 3221-3 dans le respect du premier alinéa de l’article L. 2253-3 et des articles L. 3121-10 à L. 3121-36, L. 3122-34 et L. 3122-35, L. 3131-1 à L. 3132-2, L. 3133-4, L. 3141-1 à L. 3141-3 et L. 3231-2.
« Un expert-comptable peut être mandaté par le comité d’entreprise pour accompagner les organisations syndicales dans l’analyse du diagnostic et dans la négociation, dans les conditions prévues à l’article L. 2325-35.
« II. – L’application des stipulations de l’accord ne peut avoir pour effet ni de diminuer la rémunération, horaire ou mensuelle, des salariés lorsque le taux horaire de celle-ci, à la date de conclusion de cet accord, est égal ou inférieur au taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré de 20 %, ni de ramener la rémunération des autres salariés en dessous de ce seuil.
« L’accord prévoit les conditions dans lesquelles fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux autres salariés :
« 1° Les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l’accord ;
« 2° Les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d’administration et de surveillance.
« L’accord prévoit les modalités de l’organisation du suivi de l’évolution de la situation économique de l’entreprise et de la mise en œuvre de l’accord, notamment auprès des organisations syndicales de salariés représentatives signataires et des institutions représentatives du personnel.
« III. – La durée de l’accord ne peut excéder deux ans. Pendant sa durée, l’employeur ne peut procéder à aucune rupture du contrat de travail pour motif économique des salariés auxquels l’accord s’applique.
« L’accord prévoit les conséquences d’une amélioration de la situation économique de l’entreprise sur la situation des salariés, à l’issue de sa période d’application ou dans l’hypothèse d’une suspension de l’accord pendant son application, pour ce motif, dans les conditions fixées à l’article L. 5125-5.
« IV. – L’accord détermine le délai et les modalités de l’acceptation ou du refus par le salarié de l’application des stipulations de l’accord à son contrat de travail. À défaut, l’article L. 1222-6 s’applique.
« Art. L. 5125-2. – Pour les salariés qui l’acceptent, les stipulations de l’accord mentionné à l’article L. 5125-1 sont applicables au contrat de travail. Les clauses du contrat de travail contraires à l’accord sont suspendues pendant la durée d’application de celui-ci.
« Lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent l’application de l’accord à leur contrat de travail, leur licenciement repose sur un motif économique, est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique et ouvre droit aux mesures d’accompagnement que prévoit l’accord.
« L’accord contient une clause pénale au sens de l’article 1226 du code civil. Celle-ci s’applique lorsque l’employeur n’a pas respecté ses engagements, notamment ceux de maintien de l’emploi mentionnés à l’article L. 5125-1. Elle donne lieu au versement de dommages-intérêts aux salariés lésés, dont le montant et les modalités d’exécution sont fixés dans l’accord.
« L’accord prévoit les modalités d’information des salariés quant à son application et son suivi pendant toute sa durée.
« Art. L. 5125-3. – Les organes d’administration et de surveillance de l’entreprise sont informés du contenu de l’accord mentionné à l’article L. 5125-1 lors de leur première réunion suivant sa conclusion.
« Art. L. 5125-4. – I. – Par dérogation à l’article L. 2232-12, la validité de l’accord mentionné à l’article L. 5125-1 est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.
« II. – Lorsque l’entreprise est dépourvue de délégué syndical, l’accord peut être conclu par un ou plusieurs représentants élus du personnel expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans la branche dont relève l’entreprise ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel.
« À défaut de représentants élus du personnel, l’accord peut être conclu avec un ou plusieurs salariés expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans la branche dont relève l’entreprise ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, dans le respect de l’article L. 2232-26.
« L’accord signé par un représentant élu du personnel mandaté ou par un salarié mandaté est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, dans les conditions déterminées par cet accord et dans le respect des principes généraux du droit électoral.
« III. – Le temps passé aux négociations de l’accord mentionné au premier alinéa du II n’est pas imputable sur les heures de délégation prévues aux articles L. 2315-1 et L. 2325-6.
« Chaque représentant élu du personnel mandaté et chaque salarié mandaté dispose du temps nécessaire à l’exercice de ses fonctions, dans les conditions prévues à l’article L. 2232-25.
« IV. – Le représentant élu du personnel mandaté ou le salarié mandaté bénéficie de la protection contre le licenciement prévue au chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail pour les salariés mandatés dans les conditions fixées à l’article L. 2232-24.
« Art. L. 5125-5. – L’accord peut être suspendu par décision du président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, à la demande de l’un de ses signataires, lorsque le juge estime que les engagements souscrits, notamment en matière de maintien de l’emploi, ne sont pas appliqués de manière loyale et sérieuse ou que la situation économique de l’entreprise a évolué de manière significative.
« Lorsque le juge décide cette suspension, il en fixe le délai. À l’issue de ce délai, à la demande de l’une des parties et au vu des éléments transmis relatifs à l’application loyale et sérieuse de l’accord ou à l’évolution de la situation économique de l’entreprise, il autorise, selon la même procédure, la poursuite de l’accord ou le résilie.
« Art. L. 5125-6. – En cas de rupture du contrat de travail, consécutive notamment à la décision du juge de suspendre les effets de l’accord mentionné à l’article L. 5125-1, le calcul des indemnités légales de préavis et de licenciement ainsi que de l’allocation d’assurance mentionnée à l’article L. 5422-1, dans les conditions prévues par les accords mentionnés à l’article L. 5422-20, se fait sur la base de la rémunération du salarié au moment de la rupture ou, si elle est supérieure, sur la base de la rémunération antérieure à la conclusion de l’accord.
« Art. L. 5125-7. – L’allocation mentionnée à l’article L. 5122-1 est cumulable avec les dispositions prévues au présent chapitre. »
II. – Chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant évaluation des accords de maintien de l’emploi.
Mme la présidente. L'amendement n° 619, présenté par MM. Desessard et Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 12, et vous savez donc ce que nous pensons de celui-ci. S’il n’y avait pas eu un vote unique, mes collègues socialistes se seraient sans doute abstenus. Je ne sais quel aurait été alors le sort de cet article…
Les accords de maintien dans l’emploi portent un grave préjudice aux salariés qui y sont soumis.
D’une part, ils renversent la hiérarchie des normes, en permettant qu’un accord d’entreprise modifie en profondeur le contrat de travail.
D’autre part, le fait d’appliquer une procédure de licenciement individuel pour motif économique pour plusieurs salariés est contraire à la directive européenne 98/59/CE du 20 juillet 1998, qui prévoit une procédure de licenciements collectifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’article 12 constituant l’un des socles de l’accord, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 602, présenté par MM. Placé et Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
analysé avec
par les mots :
partagé par
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le diagnostic de « graves difficultés économiques conjoncturelles » est la condition sine qua non à l’instauration d’un accord de maintien dans l’emploi. On en comprend aisément la raison : les sacrifices demandés aux salariés tels que la modification de la durée du travail ou de la rémunération ne saurait être consentie si l’entreprise n’était pas en grande difficulté économique.
Pourtant, les auteurs de ce texte ont considéré que les représentants des salariés n’avaient pas leur mot à dire sur la réalité du diagnostic. Seul l’employeur serait habilité à certifier l’existence de difficultés économiques. Drôle de conception de la démocratie sociale,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On peut le dire !
M. Jean Desessard. … pourtant si souvent invoquée.
Le texte affirme, en effet, que le diagnostic des difficultés économiques doit être « analysé » avec les syndicats des salariés. Or, une simple analyse ne signifie pas un accord. Le diagnostic doit, en effet, être partagé par les syndicats pour qu’un réel consensus puisse s’établir, qu’un réel dialogue s’instaure et que l’accord ne soit pas le résultat d’une volonté unilatérale de l’employeur.
L’existence de graves difficultés économiques conjoncturelles de l’entreprise est un élément essentiel sur lequel tous les débats doivent être concentrés. L’employeur ne doit pas pouvoir invoquer ce motif à la légère et s’en servir comme d’un prétexte pour modifier en profondeur les conditions de travail des salariés, voire pour les licencier.
Les conditions économiques mettant en difficulté l’entreprise doivent être également constatées et admises par les organisations syndicales représentant les salariés, afin de donner une véritable légitimité aux accords de maintien dans l’emploi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Il s’agit d’un débat sémantique : la conjoncture doit-elle être « analysée » ou « partagée » ? Ce qui compte, conformément à l’esprit de l’accord, c’est que l’analyse de la conjoncture fasse l’objet d’un consensus entre les partenaires sociaux et le chef d’entreprise.
C'est la raison pour laquelle le terme choisi par les partenaires sociaux, à savoir « analysé », me convient. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
La question a d'ailleurs donné lieu à un débat juridique devant le Conseil d’État, qui nous a suggéré de retenir le terme « analysé ». Le terme « partagé » contient une sorte d’identité absolue de vues entre les représentants des salariés et de l’employeur qui me paraît excessif. Nous ne sommes pas non plus au pays des Bisounours ! Une analyse peut donc faire apparaître des points de vue différents, mais qui sont susceptibles d’être pris en compte dans leur diversité.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 603, présenté par MM. Desessard et Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il appartient à l’employeur de produire les éléments nécessaires pour établir le diagnostic des graves difficultés économiques conjoncturelles. L’absence de transmission d’informations connues par l’employeur au moment du diagnostic entraîne la nullité de l’accord.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Afin de respecter l’impératif de démocratie sociale dans lequel s’inscrit ce projet de loi, je propose, au nom du groupe écologiste, un amendement visant à améliorer l’information dont disposent les organisations syndicales dans le cadre des accords de maintien dans l’emploi, pour qu’un dialogue social constructif et égalitaire puisse être mené.
Les accords de maintien dans l’emploi sont conditionnés par l’existence de graves difficultés économiques conjoncturelles dans l’entreprise. Il est alors important que l’ensemble des informations permettant d’en établir le diagnostic soient transmises par l’employeur aux syndicats.
Ces derniers, qui seront les signataires de l’accord, doivent disposer d’éléments suffisants pour juger de la pertinence non seulement de l’accord, mais aussi des modalités de sa mise en œuvre. Il est légitimement impensable, pour les organisations syndicales, de signer un accord dont ils ne connaîtraient même pas le leitmotiv.
Il convient dès lors que l’absence de transmission par l’employeur des informations permettant d’établir le diagnostic des difficultés économiques rende l’accord caduc. C’est une exigence de transparence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’amendement de notre collègue vise à annuler l’accord de maintien dans l’emploi si, d’aventure, l’employeur ne transmet pas toutes les informations nécessaires.
Le caractère automatique de cette nullité me paraît vraiment disproportionné et d’une trop grande sévérité. Le moindre oubli aurait ainsi des conséquences énormes.
Par ailleurs, et afin de rassurer notre collègue, je rappelle que les accords de maintien dans l’emploi devront comporter une clause pénale, par nature protectrice des droits des salariés.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 507 est présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 548 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collombat, Mme Laborde et MM. Tropeano, Alfonsi, Collin, Fortassin, Mazars, Plancade, Requier, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Pour accompagner les organisations syndicales dans l’analyse du diagnostic, le comité d’entreprise peut mandater un expert-comptable dans les conditions prévues par l’article L. 2325-35. Un avocat et un expert-comptable peuvent être mandatés par le comité d’entreprise pour accompagner les organisations syndicales dans la négociation. Les honoraires des professionnels ainsi mandatés sont à la charge de l’entreprise.
La parole est à Mme Nathalie Goulet pour présenter l’amendement n° 507.
Mme Nathalie Goulet. Dans le cadre de la mise en œuvre des accords de maintien de l’emploi, le projet de loi prévoit que le comité d’entreprise peut mandater un expert-comptable pour accompagner les organisations syndicales dans l’analyse du diagnostic et la négociation dans les conditions prévues par l’article L. 2325-35 du code du travail.
Cet amendement vise à permettre au comité d’entreprise de mandater non seulement un expert-comptable mais aussi un avocat pour assister les organisations syndicales dans la phase de négociation des accords de maintien de l’emploi.
En effet, l’élaboration d’actes juridiques tels que les accords collectifs suppose la mise en œuvre de compétences propres aux avocats, c'est-à-dire aux professionnels du droit, et non pas seulement aux gens du chiffre.
C’est la raison pour laquelle nous proposons que le comité d’entreprise puisse mandater un avocat, en sus d’un expert-comptable, ces deux professionnels étant parfaitement complémentaires.
Les honoraires des professionnels ainsi mandatés seraient à la charge de l’entreprise.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 548 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Notre amendement étant identique à celui que vient de présenter notre collègue Nathalie Goulet, j’estime qu’il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. On peut comprendre l’intérêt de cette proposition qui vise à mobiliser les compétences d’un avocat pour assister les organisations syndicales. J’ai d’ailleurs reçu, dans le cadre des travaux de la commission, les représentants de cette profession, qui nous ont rappelé que les avocats étaient susceptibles d’apporter leurs services aux partenaires sociaux.
Du reste, rien n’interdit à un comité d’entreprise de recourir aux services d’un avocat qu’il rémunère sur son propre budget. Par ailleurs, les organisations syndicales bénéficient aujourd’hui de services juridiques dans leurs unions locales.
Je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement sur ce point avant de me prononcer.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Il ne m’avait pas échappé que les avocats s’intéressaient à ce sujet, et je me souviens d’ailleurs de quelques articles parus dans les journaux à ce propos… Je voudrais vous rassurer et les rassurer, eux aussi.
Aux termes de l’ANI, et donc du projet de loi, l’expert sera rémunéré par l’employeur.
Si les organisations syndicales ont évidemment la possibilité d’être accompagnées par un avocat – je ne vois d’ailleurs pas comment on pourrait le leur interdire ! –, l’accord n’a pas prévu, dans ce cas précis, la rémunération par l’employeur.
Cela fait peut-être aussi partie de l’équilibre global : les partenaires sociaux ont prévu la rémunération de l’expert-comptable par l’employeur mais pas celle de l’avocat. Les organisations syndicales auront donc à prendre en charge sa rémunération.
Selon certains des articles de presse que j’évoquais, on aurait pu croire que les avocats allaient être interdits dans l’entreprise. C’est évidemment faux !
Leur place est dans l’entreprise, que ce soit aux côtés des salariés ou de la direction, pour apporter leurs connaissances et leur savoir-faire.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 624, présenté par MM. Placé et Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer les mots :
dans le respect des compétences des organes d’administration et de surveillance
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Dans le texte, il est dit qu’un effort proportionné à celui des salariés sera demandé aux mandataires sociaux et aux actionnaires.
Si l’atmosphère de ce débat n’était pas si morose, je m’esclafferais : « Ha, ha, ha, ha ! » Un effort « proportionné » à celui des salariés sera demandé aux mandataires sociaux et aux actionnaires ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi en effet !
M. Jean Desessard. Encore une fois : « Ha, ha, ha, ha ! » Qu’est-ce donc qu’un effort « proportionné » pour un patron ? S’agit-il d’un petit pourcentage ou de la valeur absolue du manque à gagner ? Quoi peut-il donc compter autant pout un actionnaire que l’éducation, les vacances ou l’amélioration de son quotidien pour un salarié ? Nous attendons avec impatience de le savoir !
En tout cas, l’objet de notre amendement est de s’assurer que les actionnaires et les mandataires sociaux ne se dérobent pas à leurs obligations en invoquant le respect des compétences des organes dans lesquels ils siègent ou sont représentés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Je voudrais être sûr d’avoir bien compris le sens de cet amendement que j’ai du mal à appréhender.
Monsieur Desessard, vous proposez de supprimer, dans l’alinéa 11, les mots « dans le respect des compétences des organes d’administration et de surveillance ».
La disposition selon laquelle les mandataires sociaux et les actionnaires doivent fournir des efforts proportionnés à ceux qui sont demandés aux salariés – Dieu sait si, au cours des auditions, les organisations syndicales ont insisté sur ce point – « dans le respect des compétences des organes d’administration et de surveillance » me semble être un simple rappel des règles de procédure du droit des entreprises.
Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 524, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tant que l’accord est en vigueur, l’entreprise ne peut procéder à un quelconque amortissement de son capital. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 620, présenté par MM. Placé et Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À l’issue de la période d’application de l’accord, les salariés ne peuvent être licenciés pendant une durée au moins égale à celle de l’accord.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Que mon ami Watrin revienne ! J’en fais trop : je vais être obligé de partir moi aussi ! (Sourires.)
M. François Rebsamen. Surtout pas ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à renforcer la sécurité des travailleurs : une fois l’accord de maintien dans l’emploi arrivé à son terme, je propose, au nom du groupe écologiste, que les salariés ne puissent être licenciés pendant une période au moins équivalente à celle de l’accord.
En l’état, l’accord de maintien dans l’emploi permet d’éviter les licenciements uniquement pendant sa durée de validité et au prix, je vous le rappelle, d’un grand nombre de sacrifices de la part des salariés.
Mais qu’en est-il une fois l’accord arrivé à son terme ? La réponse est simple : les salariés pourront être licenciés. Ils auront donc consenti des baisses de salaire, une modification de leur temps de travail – pendant une durée potentielle de deux ans – pour finalement se retrouver au chômage.
Cet amendement correspond à la philosophie même des défenseurs de cette loi, puisqu’il vise à instaurer une réelle « flexi-sécurité ». Et j’insiste sur le mot « sécurité ».
En effet, si l’employeur peut baisser les salaires et modifier l’organisation du travail pendant la période donnée, si les salariés sont donc « flexibles », il est tout à fait normal, pour ne pas dire absolument indispensable, que les emplois de ces derniers soient réellement sécurisés.
Nous souhaitons redonner un sens aux mots : les accords de maintien dans l’emploi doivent effectivement servir à maintenir les emplois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’avis de la commission, hélas ! sera d’une simplicité biblique : défavorable, puisqu’il est proposé de doubler tous les systèmes de protection.
Je crois qu’il s’agit d’un accord équilibré ; tenons-nous en à cet accord !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 517 rectifié, présenté par MM. Cardoux et Milon, Mmes Bouchart, Bruguière, Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Savary, J.C. Leroy, Lenoir, Sido et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail résultant de l’application de l’accord à leur contrat de travail, leur licenciement est un licenciement qui ne repose pas sur un motif économique. Il est soumis aux dispositions relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel et ouvre droit aux mesures d’accompagnement que prévoit l’accord.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Le projet de loi prévoit le cas où le salarié refuserait l’application à son contrat de travail des stipulations de l’accord de maintien dans l’emploi : ce refus entraînerait un licenciement que le projet de loi qualifie d’ « économique » et d’ « individuel ».
Pourtant, l’article L. 1222-8 du code du travail issu de la loi Aubry II prévoit qu’en cas de refus d’un salarié d’une modification de son contrat de travail résultant de l’application d’un accord, en l’occurrence d’un accord de réduction de la durée de travail, son licenciement « est un licenciement qui ne repose pas sur un motif économique ».
La qualification de licenciement économique individuel retenue par le projet de loi pose un problème en cas de refus d’au moins dix salariés : il s’agit normalement d’un licenciement collectif, alors que le projet de loi prévoit d’en faire une addition de licenciements individuels, ce que n’acceptera certainement pas la chambre sociale de la Cour de cassation.
Or, si le juge estime qu’il y a licenciement collectif, celui-ci entraînera un plan de sauvegarde de l’emploi et des obligations très contraignantes pour l’entreprise. Le projet de loi manquerait ainsi totalement ses objectifs de simplification et de flexibilité.
Le présent amendement vise donc à rétablir la qualification de licenciement pour motif personnel.
Mme la présidente. L'amendement n° 604, présenté par MM. Placé et Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Supprimer le mot :
individuel
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement concerne le caractère individuel du licenciement pour motif économique introduit à l’article 12.
Lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent l’application de l’accord de maintien dans l’emploi à leur contrat de travail, le projet de loi prévoit que leur licenciement sera prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique.
Or cette disposition contrevient non seulement au droit du travail en vigueur dans notre pays, mais aussi au droit européen, qui précisent l’un et l’autre qu’un licenciement pour motif économique concernant plus de dix salarié est un licenciement collectif.
C’est le sens de l’article L. 1233-25 du code du travail, qui prévoit que, en cas de refus de la part d’au moins dix salariés d’une modification d’un élément essentiel de leur contrat de travail, leur licenciement est soumis aux dispositions d’un licenciement collectif pour motif économique.
C’est également le sens de la directive européenne 98/59/CE du 20 juillet 1998.
La procédure de licenciement collectif est davantage protectrice pour les salariés, puisqu’elle prévoit notamment que l’employeur réunit et consulte les membres du comité d’entreprise ou les délégués du personnel.
En plus de constituer une atteinte aux droits sociaux des travailleurs, cette disposition n’est pas juridiquement acceptable. C’est pourquoi je demande la suppression du terme « individuel » figurant à l’alinéa 17 du présent article.
Mme la présidente. L'amendement n° 518 rectifié, présenté par MM. Cardoux et Milon, Mmes Bouchart, Bruguière, Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Savary, J.C. Leroy, Lenoir, Sido et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Supprimer les mots :
et ouvre droit aux mesures d’accompagnement que prévoit l’accord
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Le projet de loi prévoit le cas où le salarié refuserait l’application à son contrat de travail de l’accord de maintien dans l’emploi. Ce refus entraînerait un licenciement qui serait, selon le texte, économique.
Un précédent amendement avait pour objet de revenir sur la qualification du licenciement pour qu’elle soit conforme à l’article L. 1222-8 du code du travail et à la jurisprudence.
Le présent amendement, qui est un amendement de repli, vise à supprimer les obligations d’accompagnement, formalités trop lourdes et onéreuses, selon nous, pour l’entreprise comme pour la société, et susceptibles de créer une discrimination vis-à-vis des salariés ayant accepté les clauses de l’accord, notamment l’allocation spécifique de reclassement permettant aux personnes concernées de bénéficier de 80 % de leur salaire pendant douze mois, puis du régime de l’UNEDIC pendant vingt-quatre mois et, enfin, des minima sociaux.
Mme la présidente. L'amendement n° 667, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer le mot :
prévoit
par les mots :
doit prévoir
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement vise à substituer les termes « doit prévoir » au mot « prévoir » afin de lever toute ambiguïté sur le caractère obligatoire des mesures d’accompagnement et de reclassement.
Mme la présidente. L’amendement n° 270, présenté par MM. Vanlerenberghe, Marseille et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
qui adapte le champ et les modalités de mise en œuvre du reclassement prévu aux articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L’objet de cet amendement est de préciser que les modalités de reclassement en cas de rupture du contrat de travail pour refus d’un accord de maintien de l’emploi sont les mêmes que celles qui sont applicables en cas de rupture du contrat de travail pour refus de mobilité interne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Vous observerez, mes chers collègues, que l’on retrouve la même problématique et les mêmes interrogations dans l’accord de maintien dans l’emploi et dans l’accord de mobilité interne.
Avec l’amendement n° 517 rectifié, vous proposez, madame Bruguière, que l’on qualifie de motif personnel et non plus de motif économique le licenciement, réalisé dans le cadre du plan de maintien dans l’emploi, d’une personne qui aurait refusé l’accord.
Je vous renvoie à ce qu’à dit M. le ministre à propos de l’avis du Conseil d’État, qui a effectivement recommandé, pour éviter tout risque de judiciarisation, la qualification de licenciement individuel à caractère économique, et à ce que j’ai pu dire moi-même à propos de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail.
L’inquiétude d’ordre juridique qui a motivé le dépôt de votre amendement n’a, vous le voyez, pas de raison d’être et l’avis de la commission est donc défavorable.
L’amendement n° 604 vise à rendre obligatoire la mise en place un plan de sauvegarde de l’emploi si plus de dix salariés refusent l’accord et sont licenciés sur une période de trente jours.
Nous avons longuement débattu de cette question, monsieur Desessard, et il va de soi qu’une telle disposition serait contraire à l’esprit même de l’accord de maintien dans l’emploi et contraire à la définition que nous souhaitons donner du licenciement à caractère individuel.
Même si, d’aventure, plus de dix salariés devaient être licenciés, aucun argument ne devrait conduire à mettre en place un PSE. Nous ne sommes pas du tout dans le cadre d’un licenciement collectif pour motif économique : c’est d’une autre nature.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 604.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 518 rectifié, qui tend à supprimer les mesures d’accompagnement que doit prévoir l’accord.
À partir du moment où le licenciement des salariés qui refusent l’accord est qualifié d’économique, mais que les règles du PSE sont écartées, il paraît logique, et c’est en cela que je trouve l’accord équilibré, de prévoir des mesures de reclassement afin de ne pas laisser les salariés concernés sur le bord du chemin.
L’amendement n° 667, déposé par le Gouvernement, vise à rendre plus impérative l’obligation de prévoir des mesures d’accompagnement et de reclassement. Je ne m’y opposerai bien entendu pas.
L’amendement n° 270, présenté par M. Vanlerenberghe, vise à aligner les mesures de reclassement d’un salarié licencié après avoir refusé l’application d’un accord de maintien de l’emploi sur les règles prévues en cas de refus d’un accord de mobilité interne à l’article 10.
La tentation est grande, en effet, d’aligner les règles pour ces deux dispositifs, qui répondent toutefois à des logiques différentes.
L’adaptation des règles de reclassement dans le cadre de l’accord de mobilité s’explique par la nécessité d’éviter les situations ubuesques, en obligeant, par exemple, l’employeur à proposer à un salarié qui a refusé une mobilité à 100 kilomètres de chez lui un poste de reclassement à 250 kilomètres.
Il convient, selon moi, de nous en tenir à la rédaction actuelle, qui a le mérite d’être équilibrée et de prévoir les bonnes mesures d’accompagnement au bon niveau.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 270.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cette série d’amendements, d’ailleurs de nature différente : ils visent au fond à tirer d’un côté ou de l’autre…
M. Christian Cambon. C’est cela, la démocratie !